Chapitre 17
Quelqu'un le secouait tellement fort qu'il avait envie de hurler. Sa boite crânienne allait exploser, c'est sûr. Il fallait que ça s'arrête. Et pourquoi avait-il l'impression d'avoir les cheveux poisseux ? Il grogna franchement au moment où la personne recommença à le secouer comme s'il était un arbre fruitier. Quand elle se rendit compte qu'il était conscient, il reçut une belle claque sur la joue droite. Sa tête se renversa brusquement sur le sol froid et lisse de la tour.
Il était dans la tour ?!
Il ouvrit les yeux d'un seul coup.
Jared.
C'était bien le seul qui se serrait permis de le frapper comme ça. Lui et Daerôn.
Ingwé se releva lentement, un peu étourdie. Il agrippa la veste en cuir de son collègue.
- C'est la dernière fois que je t'autorise à me frapper, Jared !
Pourquoi était-il de si mauvais humeur ? Il ne se souvenait de rien.
- Reste tranquille ! S'exclama son acolyte. Et puis tu étais où pendant tout ce temps ?! La Tour Ouest a appelé. Ils étaient prêts à te dénoncer pour avoir déserté.
Génial... Il manquait plus que cela.
- Ecoute-moi Jared ! J'étais en mission. J'ai revu l'ombre. Et elle m'a parlé.
- Tu deviens complètement barge, mon gars ! C'était juste un Valkos. C'est toi qui me l'as dit.
Jared l'aida finalement à se lever. Ingwé observa le ciel, il était déjà rouge. Il devait partir pour la prison royale, sans quoi, il serait en retard.
- Je n'ai pas beaucoup de temps. Mais il faut que tu saches que je t'ai menti. Ce n'était pas un animal, mais une personne. Et avant que tu me demandes, je n'ai pas le droit de te dire qui c'est. Mais, crois-moi, cette personne en sait beaucoup plus que nous. Sur nous, sur Kalisto et sur tout le reste.
- Je ne comprends rien ! Et pourquoi tu saignes de la tête ?
Voilà pourquoi ses cheveux étaient poisseux ! Une question en moins à régler.
Il se mit à faire les cent pas dans le petit espace de surveillance. Il devait parler à quelqu'un. Quelqu'un qui le comprenait. Pas un héritier ou une prisonnière. Mais un soldat entraîné dans la même galère que lui. Et Jared était le parfait candidat.
- Ils nous surveillent, Jared. Les Cendractiens. Ils ont des vaisseaux. Voilà pourquoi Aegnor est au courant de tous nos faits et gestes ! Ils ne veulent pas qu'on s'échappe. Ils nous gardent à l'intérieur de la barrière de Feu. On n'a aucun moyen de sortir.
Ingwé commençait vaguement à perdre patience et à s'énerver. Des flammes s'échappaient déjà de ses avants-bras. Jared ne disait plus rien. Il devait déjà le prendre pour un fou.
- Je les ai déjà vu ces vaisseaux. Mais je pensais que c'était des patrouilles aériennes.
- Tu me fais confiance ? Tu ne vas pas me dénoncer pour démence, hein ?
Jared lui lança un regard entendu et commença à rire de nervosité.
- Toi et moi, on sait déjà que notre loyauté est inexistante. Et qu'on travaille pour le Roi uniquement pour notre survie et celle de nos familles.
- Ne dis à personne ce que je viens de te dire.
Il se frappa la poitrine pour sceller leur secret. Ingwé l'imita. Maintenant, qu'il avait un allié, il allait pouvoir interroger l'héritier...
*
Lorsqu'il arriva dans la cellule, Hélisha dormait et il ne voulait pas la réveiller inutilement. Il attendait Daerôn de pied ferme. Il était hors de question qu'il parle à Hélisha avant qu'Ingwé n'aie de réponses à ses questions. Il tournait en rond, en silence, en essayant de démêler toutes ses informations dans sa tête.
Il arriva pile à l'heure, ce perfectionniste d'héritier. Ingwé vérifia que la princesse dormait toujours et alla le rejoindre de l'autre côté.
- Salut Ingwé, quoi de neuf ? Demanda-t-il joyeusement.
Ingwé en avait presque la nausée. Comment pouvait-il paraître si détendu alors qu'il savait que tous les soldats étaient surveillés. Ingwé était persuadé que c'était pour renforcer cette surveillance qu'il avait été promu Responsable Surveillance. Il était comme son père, en réalité.
- Tu ne peux pas rentrer. Déclara Ingwé en croisant les bras et en se mettant devant la porte.
- Qu'est-ce qui se passe, Ingwé ? Demanda-t-il en chuchutant.
- Elle dort.
- Eh bien, réveille-là ! C'est d'une importance capitale ! Dit-il en fronçant ses sourcils épais.
- Bien sûr. Et le fait que les Cendractiens nous surveille, c'est aussi une question majeure dont on devrait s'occuper au plus vite. S'exclama Ingwé en souriant plein d'ironie.
- De quoi est-ce que tu parles ? Répondit Daerôn en jouant la carte de la surprise.
- Ecoutez-moi bien, Héritier, je ne vous laisse qu'une chance pour me dire ce que vous savez.
Ingwé faisait exprès d'utiliser un ton formel pour le déstabiliser. Le Prince n'allait plus lui mentir aussi longtemps.
- Je ne comprends rien, Ingwé ! Commença-t-il à s'énerver.
- Mauvaise réponse. Déclara Ingwé finalement en lui assainnant un coup de poing en pleine face.
Daerôn s'écroula au sol sur le coup de l'incrédulité. Ingwé ne l'avait pas loupé, il commença même déjà à percevoir un il au beurre noir sur son petit visage angélique. Ça lui avait fait un bien fou de se défouler de la sorte !
- Tu allais nous le cacher encore combien de temps, petit héritier ?! Combien de temps avant que tu n'ailles rapporter tous nos faits et gestes à papa, hein ?!
Il était une boule de colère prête à exploser.
« Ingwé, c'est toi ? »
C'était la voix d'Hélisha derrière la porte en pierre. Pas si hermétique que cela, finalement. A moins qu'elle n'est hurlé. Il ne fallait pas que le prince rentre dans cette pièce. Sous aucun prétexte. Ingwé n'avais aucune envie qu'Hélisha assiste encore à l'un de ses accès de colère. Daerôn se releva rapidement et lui envoya une boule de feu qu'Ingwé évita à la dernière minute. Mais, c'était trop tard. Il était déjà entré dans la cellule. Le soldat en colère, le rattrapa avant qu'il ne coince la porte pour qu'elle se ferme définitivement.
Il le frappa à nouveau sans trop regarder où il visait. Sa lèvre commença à se fendre et du sang rougeâtre en sortie. Ingwé se sentait oppressé. Il n'avait plus aucun échappatoire. Il deviendrait cet assassin colérique qu'Aegnor espérait qu'il devienne.
- Arrête, Ingwé ! Cria Hélisha à peine réveillée. Qu'est-ce qui se passe ?
- Est-ce que tu vas nous mentir encore longtemps ? Hurla-t-il face à Daerôn qui s'essuyait la bouche d'un revers de main.
- Ecoute, Ingwé ! Je peux t'expliquer !
Ingwé ne pouvait plus rien entendre. Il savait que si cette bagarre arrivait aux oreilles du Roi, il serait tué le lendemain. Il s'approcha de la cage dans laquelle Hélisha était enfermée. Celle-ci en profita pour lui prendre la main. Son contact le calma aussitôt. Reprenant ses esprits, il chuchota :
- Daerôn, part, s'il te plait.
Il le regarda une dernière fois, l'air complètement perdu et déçu. Mais Ingwé s'en moquait. Il demeurait lui-même complètement désorienté par ces nouvelles révélations. Il se sentait comme un animal en cage à qui ont avait refusé la liberté, dès sa naissance.
Daerôn comprit qu'il fallait qu'il quitte cette pièce au plus vite et partit vers la porte extérieure, à l'abri des regards.
Ingwé ferma les yeux doucement afin de reprendre une respiration normale. Hélisha lui tenait toujours la main. Elle caressait même le dos de celle-ci d'un mouvement lent du pouce. Sa douceur et sa patience apaisèrent Ingwé. Après quelques minutes, elle prit la parole.
- Qu'est-ce qui se passe, Ingwé ?
Il se tourna vers elle. Son visage était inquiet. Il n'avait pas envie qu'elle soit anxieuse pour lui ou pour une autre raison, d'ailleurs. Mais soudain, il prit conscience que, peut-être, elle avait peur de lui. Après tout, il ne savait pas maîtriser sa colère. Il avait le sang chaud. Dès qu'une situation le dépassait, il l'extériorisait avec ses poings.
- Ne m'approche pas ! Je ne suis pas quelqu'un de bien Hélisha. Je pourrai te faire mal.
Il dégagea sa main de la sienne. Et se releva brusquement. Il devait s'éloigner d'elle pour sa sécurité.
- Tu ne le feras pas. J'ai confiance en toi, Ingwé.
- Tu ne devrais pas.
- Je sais que tu ne te mets pas en colère sans raison. Qu'est-ce qui se passe ?
Ingwé se prit la tête entre ses mains et ferma les yeux. Il n'avait aucune envie de parler de ses problèmes avant d'avoir trouvé une solution efficace. Mais sa langue en décida autrement.
- J'ai toujours cru que la barrière extérieure était un moyen de nous protéger des menaces, mais aujourd'hui, j'ai réalisé que c'était un moyen de nous enfermer. Il y a des Cendractiens à l'extérieur qui surveille nos moindres faits et gestes. Aegnor est tout le temps sur notre dos pour savoir si on obéit vraiment à ses ordres. Et si on ne fait pas notre travail correctement, il punit notre famille et nous accuse de désobéissance ou de rébellion. C'est un cauchemar. Je suis sûr que Daerôn est au courant depuis le début, et il ne m'a rien dit !
Voila... Il l'avait dit. Mais il ignorait si cela l'avait aidé. Il se sentait trahi.
- Il devait avoir une bonne raison.
- Une bonne raison de nous enfermer ?! Ça m'étonnerai. Souffla-t-il, moqueur.
- Il n'y a aucune bonne raison d'enfermer quelqu'un, chuchota t-elle.
Ingwé se rendit compte que c'était elle qui était dans une cellule, pas lui. Il se sentit minable à la seconde où ses magnifiques yeux ambrés rencontrèrent les siens.
- Excuse-moi, c'est toi qui es enfermée et moi, je me plains.
Elle sourit. C'était la première fois, qu'elle avait ce sourire là. Un sourire bienveillant et doux.
- Ça ne fait que trois mois que je suis enfermée. Toi, ça fait plus de 20 ans, Ingwé. Je suis convaincue que Daerôn à une bonne raison d'agir ainsi. Et après tout, peut être qu'il dit vrai et qu'il ne sait rien. Ce ne serait pas la première fois qu'Aegnor cache quelque chose à son fils. D'ailleurs, le connaissant, ce serait même tout à fait logique qu'il garde cette information pour lui.
Elle avait peut-être raison. Même si ça lui coûtait de l'admettre. Il avait, peut être, agi trop passionnément, comme à son habitude. Sans prendre le temps de réfléchir. Comme Aegnor l'apprenait à ses soldats.
- Tu sais, je ne suis pas toujours comme ça. Dit-il en faisant allusion aux coups et à son accès de colère.
- Je sais. Répondit-elle au creux de son oreille.
Sa voix était devenue presque sensuelle. Comme une caresse réconfortante. Ingwé en avait des frissons. Il devait s'éloigner d'elle. Mais cette fois, ce n'était pas pour sa sécurité à elle, mais pour la sienne.
Il se rassit sur le rocher de surveillance. Et la toisa du regard comme pour la punir de l'avoir rassuré de cette façon si douce. Elle fronça les sourcils. Il se demanda s'il n'était pas fou, finalement. Adopter deux attitudes différentes en si peu de temps... Il devait juste s'éloigner d'elle quelques instants. Elle souffla de frustration.
- Tu devrais dormir. Moi, je vais réfléchir à tout ça. Déclara-t-il
Elle le fixa pendant quelques secondes comme pour déchiffrer ses paroles, puis elle hocha la tête et s'allongea au sol. Quelques instants plus tard, il pouvait déjà entendre le son lent et régulier de sa respiration.
A l'aube, trois coups frappés à la porte, le sortir de sa somnolence. Il devait s'agir de quelqu'un d'assez déterminé pour frapper avec une telle force. Ingwé se précipita à la porte. Pourquoi le portier n'avait-il pas pris le message ! C'était peut-être Calywen qui venait prendre la relève ? Mais c'était étonnant qu'il prenne autant de précautions pour ne pas réveiller la princesse.
Quand le geôlier ouvrit la porte, Daerôn se tenait devant, la tête bien haute et les épaules bien droites. Il avait son il droit gonflé et une croûte s'était déjà formé sur sa lèvre inférieure. Il n'avait pas dû aller chez Lyrax pour se faire soigner. Ingwé soupira. Il devait certainement s'excuser, mais il était un peu trop fier pour ça.
- Tu es venu pour m'arrêter, je suppose. Lança-t-il d'un ton las.
- Je ne suis pas comme mon père ! Répliqua Daerôn amèrement. Je te laisse le bénéfice du doute.
- Alors qu'est-ce que tu veux. Demanda Ingwé en fronçant les sourcils.
- Je suis venu pour te prévenir. J'ai entendu Calywen et ses collègues tout à l'heure. Ils prévoient un « Tournoi de sang » dans trois jours.
Ingwé leva les yeux au ciel. Il détestait ce jeu. Les « Tournoi de sang » étaient une sorte de compétition dont les soldats adoraient participer. Il s'agissait d'un combat mené à plusieurs sur une victime pour voir combien de sang, elle pouvait verser sous les coups avant de s'évanouir.
- Aegnor vient de donner son accord pour qu'Hélisha soit la victime. Ajouta Daerôn
Ingwé le regarda fixement pour être certain qu'il ne lui jouait pas un mauvais tour pour se venger de ce qu'Ingwé lui avait fait. Mais Daerôn ne blaguait jamais sur un sujet aussi important.
- Pourquoi tu me dis ça ? Demanda Ingwé dans un souffle.
- Parce qu'Aegnor s'attend à ce que tu débarques pour sauver Hélisha en pleine partie. Il commence à douter sérieusement de ta loyauté. Apparemment, on l'a déjà averti que tu aurais déserté ta mission aujourd'hui. Il veut te tester.
Ingwé déglutit péniblement. Il n'avait qu'une seule chose en tête : le visage paisible et endormi d'Hélisha.
- Je sais que tu peux trouver un moyen de l'aider et de la protéger. Je sais que tu tiens à elle. Alors fais ton travail. Dit-il fermement en s'éloignant.
Dans un souffle, Ingwé prononça les seules paroles capables de sortir de sa bouche :
- Daerôn, merci.
Le Prince se retourna vivement et le toisa du regard.
- Tu me dois une conversation avec elle. Est-ce clair ?
Il hocha la tête et ferma la porte. Il avait quand même plus urgent à faire que de discuter avec l'héritier d'une chose qu'il ne comprenait pas lui-même.
Il fallait qu'il la sauve.
Il le fallait.
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Bonne lecture et bonnes vacances !
Le tome 3 est en bonne préparation. ;)
Patience...
Holly :)
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