Chapitre 12
Ingwé était à la fois nerveux et heureux de la revoir. Bien sûr, il ne s'attendait pas à un comité d'accueil enjoué à son arrivée. Mais il avait l'impression que les mots qu'il avait échangé avec la Princesse et son attitude envers lui pouvait changer quelque chose dans leur rapport l'un à l'autre. Peut-être pouvaient-ils être amis ? Autant que possible malgré leur situation.
Pourtant, lorsqu'il arriva dans le couloir qui lui était réservée, il eut un mouvement de recul. Calywen l'attendait avec un grand sourire. C'était louche.
Sans dire un mot, son frère quitta la prison. Ingwé le suivit du regard en fronçant les sourcils. Que lui avait-il fait ?
Soudain, une pensée effrayante passa dans son esprit. Il connaissait cette expression que son jumeau arborait toujours après avoir satisfait un désir de vengeance.
Ingwé se précipita vers la cellule. Il glissa presque sur la pierre. Il se rattrapa d'une main et reprit sa course. Elle était recroquevillée sur elle-même.
Il attrapa d'un geste rageur les barreaux de sa cellule, angoissé à l'idée de ce que son frère avait pu lui faire subir. Elle se releva difficilement et tourna son visage vers son geôlier. Elle était décoiffée, sa robe de bal déchirée. Une de ses menottes avait été attaché à un barreau pour l'immobiliser. Son poignet était en sang. Ses cheveux glissèrent derrière son épaule alors qu'elle cherchait mon regard et révélèrent l'étendue des dégâts... Il ne voulait pas voir ça. Pas sur elle.
Son œil droit avait gonflé et devenait de plus en plus sombre, sa lèvre supérieure avait saigné. Des bleus lui recouvraient les bras et le haut de son buste. Mais ce qui le mit dans une colère noire fut le suçon quelle avait dans le cou. Ingwé poussa un soupir furieux, et cherchait la clé. Une fois trouvée, il poussa la porte le plus doucement possible. Elle se recula instinctivement à sa venue. Il s'accroupit près delle.
- Ne me touche pas ! Dit-elle d'une voix forte.
- Je ne veux pas te faire de mal. Dit-il tendrement à la vue d'autres blessures.
- Tout ça, c'est de ta faute ! Cria –t-elle.
Il en resta bouche bée. Comment cela aurait-il pu être de sa faute ? Elle reprit, presque à bout de souffle :
- Tu m'as abandonnée. Tu as dit que tu resterais. Tu as menti.
Ses paroles eurent l'effet d'un coup de poignard. Les yeux d'Hélisha trahissaient sa colère. Elle semblait épuisée. Cest là qu'il vit ce qu'il cherchait. Ses yeux prirent de nouveau leur teinte si particulière, sauf que cette fois-ci, elle ne les ferma pas. Ce n'était pas elle la prisonnière, c'était lui. Il était captif de ses yeux. Impossible de s'en détourner.
- Laisse-moi tranquille ! Ordonna–t-elle.
Un frisson le parcourut. Sa voix ne quittait plus sa tête. Il devait sortir de la cellule. Il devait s'éloigner d'elle. Son corps sembla bouger tout seul, indépendant de sa propre volonté. Il quitta la cellule en la refermant rapidement puis Ingwé prit place sur son rocher de surveillance. Il sentait le regard vide d'Hélisha le scruter. Il ne pouvait même plus cligner des yeux. Mais derrière sa vision floue, il aperçut les larmes couler sur les joues de sa prisonnière.
*
Ça avait duré plusieurs heures. Et finalement, la sensation de retrouver son esprit et son corps revint lorsquelle s'endormit. Ingwé secoua la tête de toutes ses forces comme pour jeter cette sensation loin de lui. Elle l'avait fait.
Elle l'avait manipulé.
Il n'arrivait pas à le croire. Son don, était-il réellement déréglé ? Où s'était-elle retenue jusque-là ? Ingwé avait l'intime conviction que c'était bien plus que cela. Il y avait quelque chose qu'il ne comprenait pas. Mais il n'avait pas le temps de réfléchir. Il appela le soldat posté à la porte et lui demanda d'aller chercher Lyrax le plus vite possible, sans lui fournir d'explications. A la vue du regard sombre qu'Ingwé lui lança, il ne posa aucune question.
Lyrax arriva après une éternité. Ingwé avait eu le temps de traverser la pièce de long en large au moins dix fois. L'infirmière entrouvrit la porte et attendit qu'Ingwé fasse le reste. Elle étouffa un cri de surprise à la vue de la princesse et se précipita vers elle.
- Comment s'est arrivé. Demanda-t-elle.
- Calywen. Répondit Ingwé d'un ton amer.
- Quand ?
- Je n'en sais rien. S'exclama-t-il brusquement.
Lyrax arriva à calmer sa fureur par des gestes doux lorsqu'elle s'occupa de la princesse. Sa prisonnière. Ingwé eut un mouvement de recul à cette pensée. Il comprit soudain pourquoi Calywen avait fait cela. Il voulait lui montrer qu'elle était SA prisonnière, à lui. Il l'avait marqué. Comme tout Kalis qui voulait revendiquer sa possession. Comme le faisaient les hommes avec leur femme pour montrer qu'elles leur appartenaient. Ingwé n'avait jamais approuvé cette pratique. Et maintenant elle le révulsait. Hélisha n'était pas à Calywen. Il fallait qu'il le comprenne et rapidement parce que sinon il allait lui en coller une. Et son frère s'en souviendrait toute sa vie.
Elle était la propriété d'Aegnor. Et même si ça l'agaçait aussi, Calywen n'avait aucun droit sur elle. Tout comme lui.
Trente minutes, plus tard, la princesse était soignée. Ses plaies avaient été bandées, Lyrax avait changé ses vêtements pour d'autres propres et plus appropriés. Ingwé soupira de soulagement. Il savait que son corps aurait besoin de réconfort à son réveil, mais il la voyait mal se laisser faire après ce qu'elle avait subi. Elle était une battante. Elle avait dû lutter.
Son corps serait courbaturé. Il était prêt à utiliser son pouvoir pour réchauffer chacun de ses muscles, pour qu'elle se sente mieux. Il sera là, cette fois. Il ne l'abandonnerait plus.
Ingwé avait compris que son Don se réveillait sous la colère. Mais il ne lui en voulait pas. Elle avait tout à fait le droit d'être en colère. Contre Aegnor, contre Calywen, contre ces barreaux infranchissables, contre lui... Il aurait été très en colère s'il était à sa place. On l'avait arraché à sa famille, à ses amis, à sa planète, à ses traditions... Elle avait le droit d'être triste, frustrée, déçue...
Il était même prêt à endurer tous ses états d'âme. Il voulait qu'elle lui parle, qu'elle lui dise comment elle se sentait. Il pourrait peut-être l'aider.
Il s'agenouilla à sa hauteur, dans la cellule. Il l'observa quelques instants. Même avec toutes ses éraflures, il la trouvait belle. Il était idiot.
Il ne devait pas s'engager sur ce chemin. C'était bien trop dangereux. Pourtant, cette pensée n'empêcha pas sa main de venir caresser ses cheveux blonds.
Hélisha se réveilla à cet instant précis. Elle semblait désorientée. Elle le dévisagea en silence. Le reconaissait-elle? Peut-être devrait-il dire quelque chose ? En guise d'excuse et de pardon pour ce que Calywen avait fait. Il prit une décision qui allait tout changer. Il le savait. Pourtant, c'était la meilleure qu'il pouvait prendre.
- Je m'appelle Ingwé. Souffla-t-il
Elle se releva péniblement. Ingwé l'aida en la soulevant pour l'asseoir sur le sol. Elle le regarda dans les yeux, semblant comprendre tout ce qu'impliquait cette simple phrase. Lorsqu'un kalisse vous révèle comment il s'appelle, c'est un gage de confiance.
- Et moi, Helisha. Dit-elle a son tour.
Puis elle se rendormit paisiblement dans la chaleur que son geôlier lui apporta.
*
Ingwé attendit le retour de Calywen en laissant la rage le consumer. Son frère poussa la porte en pierre et rentra dans la pièce. Ingwé le plaqua contre le mur en le maintenant en place. Cet idiot eut l'audace de lui sourire.
- Tu as trouvé mon cadeau ? Demanda-t-il joyeusement.
- Pourquoi tu as fait ça ! Cria-t-il.
Ingwé sentit qu'il n'allait pas tenir très longtemps. Il allait le défigurer.
- Je te trouve très sensible dès que je parle d'elle. Elle n'est qu'une prisonnière.
- Elle n'est pas comme les autres dans les prisons kalisses, Calywen ! C'est la propriété d'Aegnor ! Tu ne peux pas jouer à tes petits jeu avec elle !
- Pourtant, j'ai l'impression que tu aimerais qu'elle soit tienne... Reprit son frère avec un rictus.
- Ce n'est pas la question. On ne doit pas la tuer.
- Mais on peut la torturer.
Ingwé vérifia qu'Hélisha était encore endormi pour lui donner un coup-de-poing dans la mâchoire. Il était soulagé qu'elle n'entende pas cette conversation.
- Ses blessures pourraient s'infecter ! Idiot !
- Il y en a qui ne s'infectent pas. Qui reste, à vie, marquées au fer rouge. Reprit-il sournoisement en se massant la machoire.
- Qu'est-ce que tu lui as fait ?! S'écria Ingwé
- Tu veux que je t'explique en détails ? Répliqua-t-il en haussant un sourcil comme pour le défier.
Il ne voulait pas savoir. Il voulait qu'il arrête de parler.
- Toi aussi, tu as fait des choses pas très joli, Ingwé. Tu veux que je le lui raconte. Tu veux que je lui dise qu'elle n'est pas en sécurité avec toi ?
- Tais-toi !
- Sinon, quoi ?
- Sinon tu auras a faire à moi et à Aegnor.
Pour une fois, il garda le silence. Calywen était peut-être le plus sournois, mais Ingwé était le plus fort. Ingwé le lâcha un quart de seconde avant de le recoller au mur en lui empoignant sa combinaison.
- Tu n'as pas intérêt à recommencer. Lyrax en a sûrement déjà parlé au Roi. Si j'étais toi, je me tiendrais à carreau.
- Aegnor sera de mon côté. Il aime la violence.
Il se trompait. Pourtant, Aegnor avait des méthodes de combat qu'Ingwé n'approuvait pas. Souvent violente, c'est vrai. Mais il y avait bien une chose qui, pour lui, dépassait la violence et les combats.
- Non, il aime l'obéissance.
Calywen arrêta de sourire malicieusement. Il le savait autant que son frère. Et s'il ne se calmait pas, il devrait répondre de ses actes envers la princesse, devant son Roi.
Ingwé le lâcha définitivement, en vérifiant qu'il ne s'approcherait pas de la princesse, et il quitta la pièce, non sans un regret. Il aurait tout fait pour rester auprès d'elle. Mais, Daerôn devait sûrement l'attendre à la tour. La silhouette qu'ils avaient aperçue demandait également toute son attention.
************************************
Hello les lecteurs !
J'espère que ce chapitre vous plaît ! Vous êtes de plus en plus nom reux à lire cette histoire et on veux vraiment vous remercier. 🤗
Merci pour vos commentaires.
À bientôt !
Holly & Lou
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top