Forces Justicières
Après plusieurs questions sur son état de santé en général, Emilie accepta une légère saignée pour les analyses du "médecin". Il versa son prélèvement dans un éluant, et soumit le tout à un test chromatographique. Il réfléchit longuement à son résultat, avant de décréter que jamais il n'avait vu une absence totale de magie dans le sang.
Il prit quelques mesures, le poids, la taille et bien d'autres choses. Le check-up complet terminé, il voulut savoir si Emilie était enceinte. Aucune chance. Il refusa de la croire, et insista lourdement pour vérifier lui-même. Très vite las de discuter, le type tendit une main vers Emilie, et cette dernière devint incapable de bouger le moindre muscle. Elle pouvait seulement respirer. L'autre en profita pour la dénuder intégralement, se rincer l'œil et passer ses mains absolument partout. Pour une obscure raison Emilie pensa très fort à un couteau à pain, à lui planter dans la face. Oh, elle aurait donné n'importe quoi, pour un couteau à pain.
Quand le porc s'estima satisfait, il la jeta sur son épaule. Au-dehors, un soleil découvrant un ciel aux teintes vertes et jaunes se levait. Emilie était toujours nue et incapable de bouger. Elle délaissa l'idée du couteau à pain, au profit de celle d'une tronçonneuse. De nombreux soldats se rincèrent l'œil. Quelques uns la pelotèrent au passage et lancèrent quelques réflexions de beaufs et de dalleux. Décidément, elle avait fait une belle connerie, en quittant la forteresse de l'Occultiste.
Le sous-homme la laissa tomber dans une tente dont elle ne vit rien. Juste le sol de terre rouge. Comment passait-on son permis de char-d'assaut ? Ça laissait des traînées de tripes, quand on passait sur un sous-homme avec ce type de machinerie ? Le sous-homme se fit engueuler par l'intendant auquel il avait amené sa prise. Emilie ne serait pas acceptée comme catin, en quelque sorte sauvée par sa couleur de peau. Le moins-que-rien décida au final de planter l'intendant et la jeune femme là, décrétant que le premier était un imbécile de ne pas employer l'une des rares donzelles en bonne santé qu'ils trouvaient.
Toujours face contre terre, Emilie attendit. Il fallut une éternité avant que l'intendant ne se décide à partir quérir des vêtements "convenables". La jeune femme retrouva sa mobilité habituelle, et s'habilla en vitesse. De nouveau, la question de ce qu'elle pourrait faire se posa. Il fut hors de question qu'elle approche des cuisines, ou d'un mage. Après une longue conversation, elle échoua aux écuries.
Un palefrenier avait cinq jours pour la former, afin qu'elle le remplace, et qu'il apprenne par la suite le maniement des armes. Ses tâches étaient simples. Ramasser le crottin, la paille sale, mettre de la propre, transporter les saletés jusqu'au tas de fumier, nourrir abreuver et panser les zèbres. De temps à autres, selon son bon vouloir, leur graisser les sabots et participer à entretenir le matériel. En une demi-journée ils avaient fait le tour.
Emilie avait été en contact avec des chevaux ou des ânes cinq fois dans sa vie, et la dernière fois remontait à plus de six ans. Elle se retroussa les manches, et, passée la première demi-journée de présentation, ainsi que le repas frugal et silencieux, elle travailla seule, dans son coin. Il y avait deux écuries avec deux types de zèbres, contenant chacune une soixantaine d'animaux. D'un côté, des zèbres "normaux", diurnes, noirs et blancs. De l'autres, des "nocturnes", gris avec des rayures brunes, les yeux jaunes. Et les sabots semblables à de l'obsidienne. Les bâtisses servant d'écuries n'étaient composées que de quatre murs en bois, dont l'un n'était qu'une succession de portes avec des abreuvoirs suspendus.
Elle apprécia l'obtention d'une fourche. Dès le premier jour cela lui permit de décourager deux pervers. Elle dormit avec. Puis en trois jours se forgea une routine, et la ferme intention de retourner chez l'Occultiste. Les seules femmes du campement des Forces Justicières étaient des catins, et aucun résident ne comprenait qu'elle se refuse à soulager les soldats et travailleurs de leurs tensions.
Le cinquième jour, après que cinq types aient tenu un long conciliabule en la surveillant, l'un d'entre eux, braguette ouverte en l'approchant, voulut la forcer contre une porte d'écurie. D'un geste, il lui arracha sa fourche. Ses potes partirent. Il la saisit à la gorge, elle le saisit par la pomme d'Adam avec deux doigts. Et elle serra. Ne sentant toujours pas un quelconque contrôle de la situation, elle lui enfonça les doigts de sa main libre dans les yeux. Ceci lui permit de récupérer sa fourche, et elle dégagea l'odieux personnage avec. Aveuglé, il partait en direction du tas de fumier, ce qui inspira la jeune femme.
Avec le manche, elle frappa plusieurs fois sur le crâne du sous-homme, jusqu'à ce qu'il s'effondre et ne bouge plus. Personne n'approchait le fumier, à part les palefreniers. Il fallait reconnaître que la puanteur dissuadait d'approcher. Emilie traîna le type au pied du tas, et revint bien vite avec une brouette à demi pleine. Et elle enchaîna les allez-retours, recouvrant totalement le sous-homme sous la matière lui ressemblant le plus.
Quelques jours plus tard, en écoutant une conversation entre cavaliers nocturnes, elle apprit qu'il avait été retrouvé, mort étouffé. Personne ne la soupçonnait. Les Forces Justicières l'appelaient la "Bougresse", et quand ils la repérèrent, ils la sommèrent de filer se rendre utile, en apportant le matériel de monte.
Depuis l'incident du sous-homme mort dans le fumier, elle cherchait activement un moyen de partir. Déjà, elle connaissait le trajet du retour. Au moins la direction générale. Les tours de gardes autour des écuries, espacés de plusieurs heures. L'indifférence des trois autres palefreniers, dont une femme plus catin qu'autre chose. Parfois, l'un des palefreniers devait amener un zèbre hors du camp. La raison en or pour s'éloigner du campement avec un zèbre.
Malheureusement, elle découvrit bien vite qu'il fallait un laisser-passer, pour sortir. Elle abandonna l'idée. S'éloigner des écuries était aisé. La suite devenait rapidement impossible. Trop de soldats montés, d'archers. Le massacre de déserteurs animait une soirée sur deux.
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