Et cetera


      Les jours, semaines puis mois se succédèrent. Le gourou avait prévu de longue date sa succession, aussi sa décapitation se révéla inutile. Emilie Pancake resta cuisiner pour les hommes de l'Occultiste. D'autres attaques de chthoniens de sable furent lancées. D'autres espions la prirent pour une prisonnière à ramener à leur campement, elle prit l'habitude de ramener à chaque fois quelques trophées. Les Gardiens étaient tous des sous-hommes, des porcs, marquant des records en ce qui concernait la haine des femmes. Et la haine de ceux n'agissant pas comme eux. En fait, personne ne pouvait sentir cet ordre. Et les Gardiens massacraient tout le monde. 

      Les Forces Justicières offraient plus de diversité. Certains gradés parvenaient à imposer le respect général à leurs hommes. Et Emilie voyait leurs camps se multiplier, et se rapprocher dangereusement de la forteresse. Les locaux se tenaient tranquille, selon les rumeurs, ils attendaient patiemment que les étrangers s'entre-tuent, histoire de venir seulement achever le ou les vainqueurs. Et puis, personne n'osait les courroucer. Ils possédaient une parfaite connaissance du terrain.

      En plus des trois groupes armés et des locaux, un nouveau camp se forma, et s'invita dans le fortin des Gardiens d'où Emilie avait rapporté son plus beau trophée. Uniquement composé de femmes, qui s'appelaient les Brisées. L'Occultiste parvint à faire de ces femmes ayant subi viols, tortures et bien d'autres sévices des alliées. Des alliées instables, mais efficaces. Surtout quand l'Occultiste leur confia ses prisonniers les plus retords, et qu'elles lui obtinrent de nombreuses informations. 

      Emilie gardait ses distances avec tout ceci. Cette guerre n'était et ne serait jamais la sienne. Chaque personne avec laquelle elle discutait pouvait mourir à tout instant. Les mages avec lesquels elle conversait parfois lui confirmaient toujours l'impossibilité d'accéder à sa demande de rentrer chez elle. Aussi, après un an dans la forteresse, elle abandonna l'idée. 

      Sa décision prise, elle ne s'intéressa pas pour autant plus à ce monde. La guerre ? Au départ, les Forces Justicières voulaient empêcher l'Occultiste d'exterminer les chthoniens. Personne -à part l'Occultiste et quelques proches serviteurs- ne savait pourquoi ni comment ces créatures s'animèrent. Mais, dépourvues de volonté propre, et dotées d'une force prodigieuse, n'importe quel mage pouvait les utiliser à sa guise. Et ça avait plongé tout le "monde connu" dans un chaos inédit. 

      Les Gardiens avaient vu cette agitation de pierre comme une volonté divine, et décrété qu'il serait blasphématoire de les utiliser. Résultat, ils faisaient la guerre à tout le monde... et utilisaient eux-même des chthoniens. 

      Presque n'importe qui pouvant donner des ordres aux chthoniens, les autorités d'avant l'arrivée de ces créatures avaient été massacrées. Et l'Occultiste cherchait comment refaire des chthoniens de simples tas de pierres. Il savait abattre les plus affaiblis. Il avait monté une armée afin de se concentrer pleinement sur sa mission.

      Et maintenant, les Brisées, à leur tour, tapaient sur tout le monde. Les hommes, similaires à ceux qui les avaient humiliées. Et les femmes qui, en ne faisant pas partie de leurs rangs, soutenaient leurs tourmenteurs. Elles toléraient seulement l'Occultiste et ses hommes. Les "locaux" ? Des tribus disparates, se souciant des chthoniens comme de guignes. Parfois ces rochers vivants se déplaçaient jusqu'à leurs villages, renversaient quelques maisons. Et tout s'arrêtait là. 

      Après trois ans depuis sa chute en pyjama, Emilie avait changé. Elle se sentait fière de ses cinquante-huit trophées, bien que les morts hantent régulièrement ses cauchemars. En plus de se nommer Emilie Pancake, elle se faisait surnommer "La Trembleuse", sa conscience ne la lâchant jamais vraiment. Elle continuait d'apprendre le maniement des armes, principalement son couteau, l'arbalète et le combat à mains nues. L'équitation, aussi, étant donné qu'il s'agissait du seul moyen de transport possible. 

      Son bide avait fondu et jamais ne revint. Son langage s'était étoffé. Ses bras, autrefois sans force, transportaient désormais sans peine de gros sacs de farine, des litres et des litres de lait. 

      Plusieurs hommes la demandèrent en mariage, ou lui proposèrent simplement une nuit avec de la compagnie. Mais elle aimait toujours Clément. Bien qu'elle lui souhaite d'avoir refait sa vie, depuis le temps, et de vivre heureux, elle ne se sentait pas de le tromper. L'idée seule lui serrait le cœur. De temps à autres, elle se demandait ce qui se passerait si, par miracle, elle rentrait chez elle. Elle imaginait la réaction de ses parents, de ses potes, de...Clément. 

      Au cours de sa troisième année dans la forteresse, elle sentit, comme bien d'autres, la fin approcher.

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