Chapitre 16- Avertissement


— Fuite de gaz, mon cul !

Le commentaire acerbe et très poétique de Lucia fusa, aussitôt le battant refermé. Le teint blafard et les cheveux en bataille, elle était assise sur l'une des chaises moulées en plastique noir, disposées le long des murs.

— Tu crois vraiment à leurs conneries ? demanda-t-elle à Jayden lorsque nous passâmes devant elle pour aider Ichi à aller s'assoir de l'autre côté de la salle.

Le jeune homme ne lui répondit pas, se contentant de l'ignorer tandis que nous nous installions sur des sièges libres. Lucia souffla en nous jetant un regard noir mais n'insista pas. Le silence tomba et s'installa tandis que les minutes s'égrenaient, lentes et interminables. Nous avions tous mauvaise mine mais la plus mal en point était Ichi, dont le teint commençait à virer au gris. Qu'attendaient-ils, bon sang ?! La patience n'étant clairement pas, pas plus que l'amabilité, le fort de Lucia, elle fut la première à se lever.

— Heureusement que nous ne sommes pas à l'article de la mort ! Moi je me casse !

Fulminante, elle se dirigea vers la porte, mais lorsqu'elle actionna la poignée, rien ne se passa.

— Non mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Ils nous ont enfermé ?! Hé oh ! ouvrez-nous ! cria-t-elle en tambourinant sur la porte.

— Tu te fatigues pour rien, commenta Jayden une poignée de secondes plus tard.

— Ils nous mentes, ils nous enferment et toi ça ne te fait rien ?

— Parce que tu crois que taper sur le porte en beuglant, ça va changer quelques choses ?

Lucia fit volte-face et vint se planter devant nous d'un pas rageur, les mains sur les hanches.

— Et tu suggères quoi ?

— D'attendre...

— Attendre ! Pendant que ta copine se vide lentement sur le carrelage et que nous avons peut-être tous une commotion cérébrale ?!

— Il a raison, nous agiter ne servira à rien, soufflai-je...

— Toi, mère Thérèsa, je t'ai pas sonné...

Jayden fut debout avant même que je n'ai le temps de le voir bouger. Il ne fit aucune menace ni aucun geste agressif, pourtant Lucia recula d'un pas. Sur son visage, la surprise le disputait à la colère mais ce fut Ichi qui brisa le silence.

— C'est grâce à elle que nous sommes toujours en vie, n'oubli pas ça.

— Je ne lui dois rien...

La porte choisit cet instant précis pour s'ouvrir tandis qu'une blouse blanche passait sa tête dans l'embrasure.

— Numéro 7, appela-t-elle d'un ton pressé et peu aimable.

Un demi-sourire étira les lèvres de Lucia tandis qu'elle se dirigeait vers l'infirmière.

— Il faut croire que ça marche d'ouvrir sa bouche, finalement !

Agacée, j'étais sur le point de me lever pour leur faire comprendre qu'Ichi était forcément prioritaire quand Jayden m'arrêta d'un discret signe de tête. Surprise, je le questionnai du regard.

— On ne se sépare pas, nous murmura-t-il en se rasseyant une fois la porte refermée. Ce sera peut-être difficile pour moi, mais essaye de garder toujours un œil sur Ichi.

— Pourquoi ? demanda cette dernière dans un souffle pour ne pas risquer d'être entendu des éventuels mouchards dissimulés dans la pièce.

— Ce n'était pas une fuite de gaz, c'était un attentat, nous apprit-il en sortant le morceaux de ferraille tordu de sa poche, en le dissimulant dans les ombres du mieux qu'il pouvait.

— Mais qui aurait intérêt à faire ça ?

— La L.L.T : la Ligue de Libération de la Terre, nous expliqua-t-il en nous indiquant les trois lettres grossièrement gravées. À moins que ce soit ce que l'on veut nous faire croire.

— Qui aurait intérêt à faire ça ?

— Pour l'instant, je ne sais pas. Je connais un peu la L.LT et les bombes, cela n'a jamais été leur genre.

— Il y a un début à tout, commenta sombrement Ichi en contemplant fixement le morceau de métal.

Jayden ne répondit pas et je compris à sa mine fermé et soucieuse que quelque chose le chiffonnait.

— Prend-le, m'intima-t-il brusquement alors que dans notre dos, la porte s'ouvrait de nouveau.

— Numéro 3, appela la même voix de robot.

Jayden se leva lentement, me laissant le temps de dissimuler l'objet compromettant, puis se dirigea vers la porte derrière laquelle il disparut. Ichi me fit un petit sourire las et notre attente continua. Heureusement pas longtemps car la porte s'ouvrit de nouveau à peine cinq minutes plus tard. A notre grande surprise on nous appela en même temps. C'est donc ensemble que nous pénétrâmes dans l'infirmerie proprement dite, qui ressemblait plus à une petite clinique. Plusieurs salles d'examens, une nouvelle salle d'attente et un bureau où plusieurs infirmières discutaient en nous tournant le dos.

On nous conduisit chacune à une salle différente où une femme en blouse blanche me rejoignit quelques secondes plus tard. Brune, la trentaine, elle commença à m'examiner rapidement sans dire un mot, avant de commencer à désinfecter mes plaies. Ses gestes étaient brusques et il se dégageait d'elle une étrange fébrilité.

— Aïe ! ne pus-je m'empêcher de crier lorsqu'elle ouvrit ma main blessée sans la moindre douceur. Vous êtes certaine d'être médecin ?

Au lieu de répondre, elle aspergea ma plaie d'un liquide brun et mousseux qui me piqua horriblement

— Vous êtes en danger... ne vous fiez à personne, me glissa-t-elle dans un murmure rauque alors que quelqu'un s'arrêtait devant la salle.

La femme fit volte-face à l'instant où la porte s'ouvrit sur un homme, lui aussi en blouse blanche. Elle sortit au pas de course et toujours sans un mot, sous nos deux regards éberlués.

— Un problème ? demanda le vrai médecin, décontenancé.

— Non, répondis-je un peu trop rapidement. Je suis un peu douillette, c'est tout, inventai-je rapidement en indiquant la bouteille de désinfectant et la compresse abandonné sur le plan de travail.

Le médecin fronça les sourcils mais ne fit pas de commentaires supplémentaires. Après quelques questions, il examina mes oreilles, écouta mon cœur et prit ma tension avant sortir une seringue emballée et un flacon d'un tiroir.

— C'est un anesthésiant local, pour votre main, m'expliqua-t-il en dosant le produit. Votre état général est bon. Je vous donnerai du paracétamol pour vos maux de têtes, mais s'ils persistent, ainsi que les acouphènes, il faudra revenir me voir, d'accord ?

Une vingtaine de minutes plus tard, j'étais de retour dans l'oasis, la tête en vrac et une plaquette de médocs entre les mains. Était-ce le produit ou le contrecoup mais je me sentais encore plus mal qu'après l'explosion. Mon cerveau semblait rempli de coton et j'avais du mal à aligner deux pensées cohérente. Courbatue et nauséeuse j'avais du mal à faire deux pas sans trembler et c'est donc à une allure d'escargot que je rejoignis le hall.

— Cléo ça va ? Tu n'as pas l'air dans ton assiette, m'accueillit Ichi dès que j'eu posé un pied sur le dallage. Ils t'ont gardé longtemps, il y a eu un problème ?

Douchée, changée, elle avait l'air d'aller beaucoup mieux, ne lui restant comme séquelles de l'attentat qu'un pansement minimaliste sur le front.

— Non, je ne crois pas, bredouillai-je, me rendant compte que je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était.

— Ils t'ont donné quoi ? me demanda Jayden dont je ne remarquai la présence que maintenant, preuve que j'étais vraiment à la masse.

— Un... un anesthésiant local pour...

— Tu es sûre qu'il n'y avait que ça ? me demanda-t-il avec un demi sourire. Ils ont servi le repas avec un peu d'avance, viens manger quelque chose, me dit-il gentiment en me guidant vers la double porte.

— Attend, dis-je alors que nous allions franchir le seuil et qu'une information importante essayait d'atteindre mon esprit embrumé.

Jayden s'arrêta sans hésiter, se contentant de m'interroger du regard.

— Je... je ne sais plus ce que je voulais te dire...

— Cléo, c'est le contre-coup combiné aux médicaments. Je suis certain que ça te reviendra quand tu auras mangé quelque chose.

— Je devrais peut-être prendre une douche avant de...

— Ça peut attendre. Manger me semble plus important, tu es toute blanche.

Frustrée et épuisée, je fini par le laisser m'entraîner dans la salle où une salve d'applaudissement nous accueillit dès que nous en eûmes franchit les portes. 

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