Chapitre 11 - Café ou Camomille ?

*Modifié le 26.04.22*


Son téléphone choisi cet instant précis pour sonner, la faisant sursauter. Sortant l'appareil de sa poche arrière, elle décrocha, se détournant pour que l'on ne puisse pas suivre sa conversation. Tout comme mes camarades je tendis l'oreille, espérant percevoir des bribes d'information, mais hormis un brouhaha indistinct, rien ne nous parvenait malgré le silence monacal de la pièce. La communication se termina très rapidement sans qu'elle n'ait dit d'autres mots que « oui », « d'accord » et « je m'en occupe tout de suite ».

— Je suis désolée, un incident imprévu dont je dois m'occuper mais cela ne devrait pas être long, nous annonça-t-elle sans surprise. Profitez des boissons chaudes et des gâteaux, je reviens tout de suite, ajouta-t-elle avant de sortir de la pièce beaucoup plus rapidement que nous n'y étions entrés.

Des regards s'échangèrent dès la porte refermée mais hormis le bruit des respirations et du cuir qui crissait, le silence s'éternisait. Adossé contre le mur, Jayden observait la pièce, regard perçant et visage fermé.

— Bon, puisque personne ne se décide ! Ce café sent trop bon pour le laisser refroidir bêtement, dit la jeune femme brune qui était déjà intervenue plusieurs fois depuis le début de ce cirque. Personne n'en veut ?

Lentement et avec hésitations, quelques mains se tendirent et saisirent une tasse que Sara, me remémorai-je soudain, remplit sans sourciller avant de reposer le thermos au centre de la table basse et d'attraper un cupcake au passage.

— Tu n'en veux pas ? demanda-t-elle à Ichi en venant nous rejoindre sur notre trio de poufs.

Jayden la regarda brièvement s'approprier le siège restant avant de reporter son attention sur le reste du groupe.

— Toi non plus ? continua-t-elle en se tournant vers moi.

— Non merci, je suis déjà assez stressée comme ça, pas besoin de caféine en plus, répondis-je plus pour briser la glace qu'autre chose. Ce silence attentif et crispé commençant à me taper sur les nerfs.

— Tu sais, traîner avec nous n'est peut-être pas une bonne idée pour ton image, intervint Jayden d'une voix sourde depuis son coin de mur, en indiquant une caméra au plafond d'un simple signe de tête.

— C'est toi surtout qu'ils ont dans le collimateur, lui répondit-elle du tac-au tac avant de croquer à pleine dent le glaçage rose de sa pâtisserie.

Un rictus étira brièvement les lèvres de Jayden, avant qu'il ne se décolle du mur d'un coup de rein et aille se poster de l'autre côté de la pièce.

— Il n'est pas très sociable votre copain !

— Pas plus que tous les autres, intervint Ichi en lançant un regard au trois groupes distincts qui chuchotaient, en lorgnant sur leurs voisins. Lui, au moins, il reste lui-même.

— Tu n'as pas tort, répondit Sara dans un soupir las. Je ne sais même pas pourquoi je mange ça, je n'ai même pas faim, ajouta-t-elle dans une grimace en déposant le reste du muffin dans une soucoupe.

— Vous croyez que l'on peut sortir de la pièce ? demanda Ichi quelques poignées de secondes plus tard. Pour... pour aller aux toilettes ?

Sa question, posée dans un murmure discret tomba pile au milieu d'un silence général de l'assemblée, si bien que tout le monde se tourna vers nous dans un bel ensemble. La pauvre devint aussitôt rouge écarlate surtout lorsque Lucia, toujours elle, éclata de rire.

— Laisse-moi deviner ? Tu as peur d'y aller toute seule ? Tu veux peut-être que je t'accompagne ?! railla Lucia en se levant.

Si elle avait cru déclencher l'hilarité générale, elle en fut pour ses frais et son sourire se terni un peu sur les bords. D'autant plus lorsque Ichi, rassurée par l'absence de réaction des autres, se leva à son tour, un air résolu sur le visage.

— Je te remercie, ça ira mais c'est gentil de proposer, lui balança-t-elle avec son plus beau sourire en se dirigeant vers la porte.

— Moi je t'accompagne, je me retiens depuis tout à l'heure, mentis-je en la rejoignant à l'instant où sa main se posait sur la poignée. Bien joué, lui murmurai-je à l'oreille alors que nous sortions enfin dans le couloir.

— Tu n'étais pas obligée, tu sais... de venir avec moi.

— Cette ambiance de messe-basse et de faux-jetons commençait à me peser et puis... je me méfie de Lucia, cette fille est une vipère.

Ichi me sourit tandis que nous nous dirigions vers l'extrémité du couloir.

— Eh bien, c'est minimaliste ! commenta Ichi en poussa la porte agrémenté du panneau « Dame ». Un seul toilette, ici !

— Ici aussi, répondis-je en jetant un œil au côté homme.

— Deux toilettes pour douze ! J'espère qu'on ne choppera pas la gastro !

Durant une seconde je ne réagis pas, puis lorsque nos regards se croisèrent, j'éclatai de rire, vite imitée par Ichi qui se rua aussitôt dans la cabine, une main sur sa vessie. Comme nous étions seules, j'hésitai puis voyant qu'Ichi prenait son temps, poussais la porte de l'autre cabine. Des toilettes restaient des toilettes. Surtout que l'unique différence, ici, était les plaques sur les portes et la pissotière en plus, côté garçon. L'endroit était d'une propreté impeccable, imprégné de forte odeur d'eau de javel et de citron. Je ne remarquai la fenêtre qu'au moment de me laver les mains. Comment pouvait-il y avoir une fenêtre, nous étions sous terre ? Poussée par la curiosité, je grimpai sur la cuvette puis me hissai sur le bloc de la chasse d'eau. En équilibre précaire sur la porcelaine glissante, je plaquai mes deux mains sur le mur pour me stabiliser, avant de risquer un coup d'œil par l'ouverture.

Je ne savais pas ce que j'espérai trouver mais mon cœur battait fort lorsque mes yeux se mirent à scruter avidement à travers le vieux grillage fatigué qui remplaçait la vitre. Mon excitation retomba bien vite lorsque mon regard ne rencontra que des toiles d'araignées, de la poussière et un enchevêtrement de gaines et de tuyaux ressemblant à des intestins de monstres. Déçue, je m'apprêtais à redescendre de mon perchoir improvisé lorsque j'aperçu quelque chose du coin de l'œil. Dans le coin inférieur gauche, quelque chose se détachait du fond poussiéreux.

— Cléo, tu es toujours là ?

La voix d'Ichi me fit sursauter et mon pied droit glissa. Dans un petit cri je m'appuyai sur le mur adjacent qui heureusement n'était pas très loin et évitai la chute de justesse.

— Un problème ? J'ai cru t'entendre crier ?

— Non, ne t'inquiète pas, ça va, lui répondis-je dans un souffle. Je me suis cognée, c'est tout, j'arrive.

Nerveuse et le souffle court, j'essayai de glisser mes doigts entre les mailles lâches mais serrées du grillage et dû m'y reprendre à plusieurs fois. Finalement il s'agissait d'un morceaux de papier déchiré que je parvins à saisir et à récupérer sans l'abîmer davantage au prix de longues secondes de patience. Lorsque je redescendis, j'étais haletante et trempée de sueur mais au lieu de me précipiter vers le lavabo, j'ouvris les doigts et dépliai ma trouvaille d'un geste fébrile.

« Le programme vous ment. Prenez garde à J... »

Je retournai le papier mais la fin du message avait disparu avec le reste de la feuille ayant servit à l'écrire. Frustrée et inquiète, je glissai le papier chiffonné dans ma poche puis me lavai les mains avant de me passer rapidement de l'eau sur le visage et le cou pour donner le change.

— Tu es sûre que ça va ? me demanda Ichi lorsque je sortis enfin des toilettes. Tu as une mine à faire peur !

J'hésitai, mal à l'aise. Devais-je lui parler du message ? Elle avait l'air douce et gentille mais, après tout, je ne la connaissais pas vraiment. J'ouvrais la bouche pour parler, encore indécise sue ce que j'allais lui dire lorsque la porte s'ouvrit brusquement.

— Qu'est-ce que vous faites ? ça fait au moins un quart d'heure que vous êtes parties, il y a un problème ? demanda Jayden en nous interrogeant du regard.

Étrangement rassurée de le voir, je m'apprêtais à lui expliquer de quoi il retournait, lorsque le message me revint brusquement en mémoire, « Prenez garde à J... ». Cette note pouvait-elle faire référence à Jayden ? Non, c'était ridicule et puis nous venions d'arriver et personne n'était sensé connaître nos identités.

— Rien de grave, mais je ne me sentais pas très bien, mentis-je pourtant instinctivement. J'ai cru que j'allais vomir, mais finalement ça va.

Le jeune homme me fixa de son regard pénétrant durant plusieurs seconde avant de se détourner et de ressortir sans un mot.

— Il a raison, on ferait mieux de se dépêcher, je ne pensais pas que l'on avait mis si longtemps, s'inquiéta Ichi en le suivant dans le couloir.

Nous venions juste de rejoindre nos poufs sous le regard interrogateur de Sara, lorsque Kate revint dans la pièce.

— Vraiment désolée pour ce contretemps, une fuite d'eau dans les cuisines.

Je ne sais comment, mais je sus qu'elle mentait à la seconde où les mots quittèrent ses lèvres.

— Si vous nous expliquiez enfin pourquoi nous sommes là, plutôt que de nous sortir des salades ?! intervint Sara, pas plus dupe que moi, apparemment.

— Vous le savez très bien, vous avez tous été tirés au sort dans le cadre du projet inf...

— Sur quelles bases ? Avant de me faire enlever derrière le resto où je travaillais, j'étais cuisto ! lança le numéro huit en se levant, vite imités par la moitié des autres participants.

— Moi je suis encore au Lycée et mes parents ne savent même pas où je suis...

— Vous ne pouvez pas nous couper du monde comme ça sans explications !

Un brouhaha indistinct se mit à enfler tandis que les questions commençaient à fuser de toute part. Kate, de plus en plus nerveuse et mal à l'aise, reculait vers la porte en bredouillant des réponses incompréhensibles, lorsque cette dernière s'ouvrit une nouvelle fois.

— La raison de votre présence ici n'est pas importante en cet instant. Dans une poignée d'heure vous représenterez le dernier espoir de million de personnes. Vous avez été choisis. Vous avez toutes et tous une qualité unique et indispensable pour cette mission, elle vous apparaîtra en temps utile. Pour le moment, cessez de vous regarder le nombril et prenez cette nomination pour ce qu'elle est vraiment... un honneur.

La voix grave et inconnue qui s'éleva des ombres de la porte, fit taire tout le monde instantanément. Un homme en uniforme bleu, rangers aux pieds et arme à la ceinture, pénétra lentement dans la pièce, suivit de deux autres hommes, tenant chacun une sorte de boitier métallique dans les mains. Les mains dans les poches, il vint se placer aux côtés de Kate, son regard démentant sa posture décontractée.

La tension qui régnait dans la pièce était presque palpable tandis que l'homme nous détaillait les uns après les autres, comme des bœufs à une foire au bestiaux. La sensation de malaise enfla à mesure que les secondes passaient et que le silence s'éternisait.

— Voilà qui est mieux. Je suis le capitaine Jenkins et c'est moi qui serais chargé de votre sécurité... entre autres.

Je surpris la grimace à peine dissimulé de Jayden, tandis que la plupart des autres acquiesçaient mollement ou se contentaient de fixer leurs pieds.

— Les questions se sera pour demain, affirma-t-il d'un ton sans réplique. Pour le moment, nous allons vous conduire à vos chambres. Mais pour circuler librement dans le complexe vous aurez besoin de ceci, ajouta-t-il en désignant les boites que ses hommes étaient en train de déposer sur une des consoles jouxtant la porte principale.

Ils soulevèrent les couvercles avant de s'éloigner de quelques pas et nous vîmes des reflets dorés et argentés étinceler doucement sous la lumière artificielle des lustre.

— Très bien, vous aller avancer un par un, nous ordonna Kate d'un ton polaire, visiblement échauder par notre petite rébellion. Numéro un en premier, ajouta-t-elle en prenant un des objets argenté dans la boite de gauche.

Cela ressemblait à une sorte de règle ultra fine d'approximativement vingt centimètre de long, sans aucune aspérité ni inscription.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda Luc en s'avançant, lorgnant l'objet avec méfiance.

— Vos bracelets d'identification, expliqua Kate succinctement. Vous êtes droitier ou gaucher ?

— Vous ne savez pas ça ?! ne put s'empêcher de sortir le jeune homme. Droitier, finit-il par répondre lorsque Kate et Jenkins le foudroyèrent du regard.

— Très bien, tendez le bras.

Luc s'exécuta avec réticence, remontant légèrement la manche de son blouson à la demande de la jeune femme. Lorsque Kate posa le ruban métallique sur sa peau, celui-ci s'enroula aussitôt autour du poignet du jeune homme, se transformant en un bracelet argenté. Au bout de quelques secondes, la surface se modifia et un chiffre 1 apparut.

— Ces bracelets contiennent toutes vos données personnelles, nous expliqua Jenkins. Ils sont encodés avec vos A.D.N et ne peuvent être ni prêté, ni échangé. Ils vous serviront de passe-partout au sein du complexe. Les portes de tous les espaces communs s'ouvriront à votre approche tant que vous l'aurez sur vous. Pour celles où un passe est nécessaire, il vous suffira de scanner votre bracelet. Si l'accès vous est autorisé cela s'ouvrira. Comme pour vos chambres par exemple, continua-t-il en se rapprochant de Kate qui continuait à distribuer les bracelets dans l'ordre croissant.

Celui des filles était doré et bronze et lorsque le mien s'enroula autour de mon bras, une étrange sensation m'envahit. L'envie de l'arracher et de crier « Enlevez-moi ça » « Enlevez-moi ça » me saisit, presque irrépressible. Ce truc est vivant, ne pus-je m'empêcher de penser alors qu'un horrible frisson me traversait tout le corps.  

____________

Désolée pour cette absence d'une semaine mais vacances obligent :-) Du coup, chapitre de plus de 2000 mots pour me faire pardonner ^.^ J'espère qu'il vous plaira :-) Bonne lecture

Kissssss <3 <3 <3 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top