CHAPITRE 8

D'une certaine manière, je me sentais comme Bella Swan après sa rupture avec Edward Cullen et que celui-ci en plus de la quitter, l'ait abandonnée. Vide, perdue, seule... je ressentais la même oppression, la même souffrance. Pour des choses différentes, mais, je comprenais quand elle parlait de ce trou béant dans la poitrine. Dans la mythologie grecque, Chaos était désigné comme l'élément primordial de la théogonie hésiodique. Plus globalement, il désignait une profondeur béante. Comme celle de Bella. J'avais la même dans la poitrine et ce sentiment très pesant, comme celui de ne pas pouvoir respirer comme il le fallait devenait de plus en plus oppressant.

Ce soir, plus que jamais le chaos dans mon corps et dans ma tête, était vivace.

— Le monde est vraiment petit quand même.

Je souris. Les avant-bras de Nate étaient nus puisqu'il avait remonté les manches de sa chemise. On voyait ses tatouages. J'étais toujours attiré par la fresque sur son bras.

— Ouais, répondis-je finalement en trainant mon regard sur la jetée. Si on compte toute la baie de San Francisco, il n'y a pas moins de 7 millions d'habitants, alors qu'elles étaient les chances pour qu'après notre première rencontre, on se rencontre encore et encore...

Et encore et encore et encore... c'était le destin... non, c'était irrationnel que chaque chose que j'entreprenais dans cette nouvelle vie me menait toujours droit vers eux.

— La probabilité statistique d'une autre rencontre après une rencontre fortuite ? Je ne sais pas, mais je suis sûr qu'on pourrait en faire une thèse et découvrir des choses intéressantes. Ceci dit, sur 7 millions d'habitants, compte tenu de nombres d'habitations, du nombre d'activités sportives ou culturelles, les probabilités devraient être minces et pourtant, elles ne le sont pas.

Je ne répondis rien. Le silence ne me dérangeait pas. Le bruit de la ville me suffisait amplement. La soirée s'était très bien passée, très vite aussi. Rynne m'avait aussi demandé des comptes. Elle voulait tout savoir de Nate et de ce que j'avais fait avec lui. De la laverie, en passant par le fait qu'il faisait de la boxe avec moi et qu'il était mon voisin de palier... sans oublier Kyle qui avait expliqué à tout le monde que j'avais pris le petit-déjeuner avec eux en culotte... bref !

Quand j'avais annoncé que je partais, Nate avait dit qu'il rentrait avec moi. Kyle qui dormait depuis un moment dans le fauteuil s'était réveillé à la seconde ou son père avait tenté de lui mettre son manteau pour ne pas qu'il attrape froid et à présent, il était drôlement en forme. Il courait devant nous, tandis que nous marchions sur l'esplanade. J'aurais dû dire non, j'aurais dû rentrer à la maison. Je n'avais pas osé dire non quand il m'avait proposé de faire un tour avant de rentrer. À vrai dire, le oui était sorti de ma bouche très naturellement. Comme une envie profonde dont j'aurais pris connaissance à l'instant où il avait émis sa demande.

— C'est bientôt la rentrée, alors.

— Ça fait de moi un mauvais père si je te dis que je suis soulagé que ça arrive, pour que je puisse respirer un peu.

— Très mauvais oui, dis-je en souriant. Horrible même. Tu devrais être puni.

— J'assume parfaitement. Chacun son tour, il terrorisera ses gosses plus tard.

Je souris tout en fixant ledit bonhomme qui marchait devant nous en jouant avec ses petits dinosaures.

— Il entre en quelle classe ?

— En dernière année de maternelle.

— La maternelle, une épopée, c'est après que les emmerdes commencent. On sait ou pas dès le CP si on va tourner mal ou pas.

Nate gloussa et je souris.

— Enfin, je dis ça, mais je reprends les cours, moi aussi.

Je relevai la tête d'un coup. Intriguée et intéressée.

— Ah oui ?

— Ouais... avec l'arrivée de Kyle, j'ai dû arrêter mes cours pendant sa première année. Je ne pouvais pas gérer le fait qu'il soit un nourrisson et mes cours. J'ai pris un boulot. Mickey m'a recruté pour sa salle et m'a offert un boulot. Du coup, je pouvais le prendre là-bas et m'en occuper entre-temps. Tout le monde s'occupait de lui en fait, les adhérents que tu connais. J'aurais pu continuer d'aller en cours, mais il était hors de question que je le laisse en fait. (Il y avait tellement de douceur dans sa voix que j'en eus la chair de poule.) Je ne voulais pas qu'il soit avec une autre personne que moi. J'ai repris les cours après, quand j'ai pu le mettre à la crèche. Je n'ai pas beaucoup de cours en retard, juste quelques modules à apprendre et à repasser pour avoir mon diplôme. À la fin de l'année si tout se passe bien, ça sera bon.

Waouh... Nate était un type merveilleux et fou de son fils. J'admirais le courage et l'amour qui l'unissait à son fils. Pourquoi était-il célibataire ? N'importe quelle femme rêvant de construire un truc sérieux devait être sous le charme. Impossible que Kyle soit l'élément perturbateur. Quelle femme pouvait dire, non à ce gamin ? Peut-être était-ce lui qui ne cherchait pas de relations, après tout...

— Tu étudies quoi, alors ? demandai-je.

— Le droit, répondit-il. Je fais des études pour être avocat.

Avocat ? Vraiment...

— Le droit ? répétai-je étonné.

— Un problème ?

Je rougis me rendant compte de ses yeux couleur menthe qui m'observaient avec une grande attention. Lui avocat ? Il n'avait pas vraiment la carrure ni même l'allure. Mon ventre se souleva douloureusement quand il se pencha pour me regarder un peu plus.

— Non. Aucun.

— Non, aucun. Mais ?

Il avait un sourire taquin. Le rouge afflua encore dans mes joues.

— C'est juste qu'on ne s'imagine pas du tout que tu sois avocat. Pas aux premiers abords en tout cas.

— Ah, non ? Et, on s'imagine quoi aux premiers abords, alors ?

Je sentis mes tétons se dresser d'un coup, mais je n'étais pas certaine que ça soit à cause du vent qui commençait à monter. Sa carrure, son physique très imposant, ses tatouages, son allure et ses activités sportives... on l'imaginait sportif professionnel, coach... mais pas avocat. Je savais que j'avais l'air idiote avec mes clichés, mais je n'y pouvais rien.

— Pas avocat, disons plutôt prof de sport.

— Ce n'est pas bien de classer les gens dans une catégorie.

— C'est aussi ce que tu es, le rectifiai-je. Tu es coach au club. Ceci dit, tu m'as mise dans une catégorie en trouvant ma culotte ne l'oublie pas et en plus quand tu m'as vue au club tu avais les yeux du type qui se disait, mais qu'est-ce qu'une fille aussi frêle, fait ici...

— Pour le club de sport, je n'ai jamais dit ça, j'avais plutôt le regard étonné du type qui retrouve la fille dont il a trouvé la culotte. Pour la culotte en revanche, c'est...

— T'es vraiment un pervers.

— Tu vois, tu ne peux pas t'empêcher de me foutre dans une catégorie. Tantôt pervers, tantôt crétin avec des muscles.

— Pervers, tu l'es, pour le reste, je n'ai pas dit ça.

— Je sais, je voulais juste que tes joues reflètent ton surnom, Ruby. Et pour mettre les choses aux clairs, je ne suis pas pervers, je suis un homme. La limite est mince, mais tout de même !

Le chaos se dissipa un peu pour laisser place à une douleur plutôt douce dans mon bas-ventre.

— Papa ! appela soudainement Kyle.

— Quoi ?

— On peut prendre une glace s'il te plaît.

— Pourquoi pas.

Il exulta en s'élançant dans les bras de Nate qui l'attrapa avec une majestueuse aisance. En même temps pour obtenir ce genre de réaction, dire oui était un véritable bonheur. Je regardais les petites mains de Kyle se perdre dans les cheveux de son père tandis qu'il lui parlait à une vitesse folle. J'aurais aimé y glisser la main moi aussi, mais juste pour voir s'ils étaient doux. Nate lui répondait en souriant. Ce lien entre eux était vraiment... beau. En silence, je les suivis jusqu'au glacier. C'était des glaces à l'italienne avec des cornets gaufrés. Mmh...

— Bonsoir, lança la vendeuse. Que puis-je vous servir ?

— Bonsoir, alors on va prendre...

— Un cornet au chocolat, le coupa Kyle. Que du chocolat.

La vendeuse lança un regard tendre à Kyle alors que celui-ci venait de se changer en monstre affamé. Puis elle nous regarda tous les trois. Tous les trois... ces trois petits mots me donnèrent la chair de poule. Je ne faisais absolument pas partie de l'adorable tableau que représentait « Lui & MiniLui », je n'étais qu'une imposture pourtant dans ses yeux on aurait dit qu'elle m'incluait dans la peinture.

— Tu veux quoi ? demanda Nate et rivant ses yeux aux miens.

Je sursautai presque, sortant de ma rêverie.

— Oh... euh...

— Je ne suis pas certaine qu'il y ait ce parfum sur la carte, Ruby.

Génial, je ne savais plus faire de phrase cohérente et il se foutait ouvertement de ma poire. Ruby...

— Fraise. Un cornet fraise.

— Et pour vous ? demanda la dame en focalisant son regard sur Nate.

— Vanille chocolat.

— Très bien.

Me balader sur l'esplanade en mangeant une glace avec Nate et Kyle, c'était légèrement déroutant, autant que de déjeuner avec eux ou de... tout ça en si peu de temps. Ça devenait trop récurrent. Je n'étais pas là pour ça ni pour ce genre de choses. Je ne voulais pas de tout ça.

— Dès que tu as fini ta glace, on va commencer à rentrer, il se fait tard champion.

— Okay...

Je gloussai lorsqu'il releva la tête. Son visage était barbouillé de chocolat. On aurait dit des peintures de guerre.

— Bon sang, mais il y en a plus sur ton visage que sur ta glace, grommela Nate. Tu manges avec ta bouche ou ton visage ?

— Ce n'est pas facile, ça coule, répondit Kyle.

J'éclatais de rire. Nate aussi, mais s'arrêta et s'accroupis face à son fils.

— Tiens ma glace, lui demanda-t-il que je puisse te nettoyer un peu.

Lorsqu'il vit l'état de ses mains, il grimaça et renonça.

— Donne, je vais les tenir.

— Merci.

Il sortit alors de sa poche des lingettes de poche ce qui fit grimacer Kyle. C'était pourtant bien mieux qu'à l'époque. Moi, ma mère crachait dans un mouchoir pour m'essuyer les joues. Une fois son fils plus présentable, il lui tendit le cornet qu'il avait enveloppé dans un mouchoir.

— Essaye de viser la bouche cette fois-ci. Tu verras, c'est meilleur.

Il acquiesça en souriant.

— Au moins, on ne peut pas dire qu'il ne l'apprécie pas...

****

Kyle était endormi dans les bras de son père et il s'accrochait à lui comme un petit singe.

— Ça va, ça n'est pas trop lourd ? demandai-je.

— Ce petit singe ? Non... et puis, on est arrivé de toute manière. L'air de l'océan l'a finalement mis K.O.

Lorsqu'il arriva à mon étage, Nate s'arrêta.

— Qu'elle sera notre prochaine rencontre fortuite a ton avis ? demanda-t-il en souriant.

Aucune, avais-je envie de lui répondre, mais ce mot n'arriva pas à franchir mes lèvres.

— Mystère... laisse le destin en décider puisqu'apparemment, il aime nous mettre sur le même chemin.

— Apparemment...

Il sourit et ses yeux couleur menthe se firent très profonds quand ils se verrouillèrent aux miens. D'accord, même avec son fils dans les bras il était capable d'un tel regard et accessoirement de me rendre toute chose.

— Ça reste quand même une bonne soirée.

— Oui, répondis-je.

— Je suis désolé pour Kyle. Il ne s'attache pas vraiment aux gens, Marnie doit faire des pieds et des mains parfois pour obtenir son attention et c'est pareil pour d'autres personnes. Il s'est attaché à toi, très facilement. J'ignore ce que tu as fait, mais...

— La culotte...

Les yeux de Nate s'écarquillèrent un peu. Je m'empourprai encore plus que ce matin quand il m'avait trouvé presque nue dans le couloir. J'avais dit ça tout haut...

— Il faudra m'expliquer un de ces quatre cette histoire que je comprenne bien le rapport entre mon fils et tes culottes...

— Je...

Kyle gigota dans les bras de son père, m'offrant une chance d'esquiver la conversation. Nate le serra contre lui tout en lui chuchotant qu'il était arrivé et qu'il allait le mettre au lit.

— Dylan, tu viens me coucher ? demanda Kyle d'une voix fatiguée.

— Kyle, tu...

Je souris avec tendresse, supportant le poids du chaos que me causaient ce gamin et son père dans ma poitrine.

— D'accord, oui, mais juste pour cette fois...

Il se décrocha de Nate pour tendre les bras vers moi. Je l'attrapai et tel un petit singe, il s'accrocha à moi. Je montais les escaliers jusqu'à l'appart de Nate en silence. Il se passait des choses bizarres. Toute cette alchimie qui était née dans la laverie automatique ne s'estompait pas et même en présence de Kyle, je ressentais toujours ce trouble. Peut-être aurait-il fallu qu'il m'embrasse pour me dégoûter de tout... généralement quand un homme essayait de le faire et s'approchait de mes lèvres, ça suffisait à me faire peur et à me révulser assez pour que je coupe court à tout... Nate me fit entrer chez lui sans un mot et me souvenant de l'emplacement de sa chambre j'y emmenais le bambin pour le coucher. À moitié endormi, il se laissa glisser dans son lit.

— Voilà, trésor. On n'est pas bien dans son lit ?

Il sourit. Lorsque je me retournai, Nate n'était pas là. Je lui retirais donc ses chaussures, ses chaussettes, ainsi que son pull et son jean. Une fois en slip et tee-shirt, je l'emmitouflai dans sa couverture. Il peinait à garder ses yeux ouverts, mais j'admirais la persévérance dont il faisait preuve pour passer pour un homme. Je souris et il tendit ses petites mains vers moi. Je me penchai, il posa alors ses toutes petites paumes et ses doigts potelés sur mes joues et son regard d'enfant éveilla une douleur si vive qu'elle me transcenda. Le chaos et le trou béant dans ma poitrine étaient déjà en train de m'oppresser et de me faire suffoquer.

— Ton visage il est tout doux, pas comme papa. Papa il pique des fois, toi tu as la peau d'une maman.

Je caressai ses cheveux et lui sourit tout en m'efforçant de refouler la montée de larmes et de sanglots bloqués dans ma gorge.

— Dors, bonhomme, murmurai-je. Il est tard.

— Toi aussi, tu vas aller dormir ?

— Oui avec Domino, il m'attend sûrement dans mon lit.

— La chance...

— Je te le prêterais peut-être un soir, si tu es sage et que tu dors comme un grand.

Il acquiesça puis il se redressa un peu et enlaça mon cou avant de m'embrasser. J'étais à deux doigts de craquer. Ce gosse, c'était plus que je ne pouvais en supporter. Cette manière qu'il avait eue de... il fallait que je sorte pour respirer un coup.

— Bonne nuit, Dylan.

— Bonne nuit, mon trésor.

Lorsque la lumière s'éteignit et que la chambre s'éclaira de la lueur du couloir, Nate entra et se pencha sur son fils qu'il embrassa sur le front. Je me redressai et reculai sans pouvoir regarder autre chose qu'eux.

— Dors bien, mon grand.

Le gamin acquiesça et serra le cou de Nate avec ses petites mains. Lorsque Nate frotta son nez contre celui de Kyle, lui arrachant un éclat de rire adorable, ma main se crispa sur ma poitrine et les insoutenables pensées qui m'assaillirent d'un coup me coupèrent le souffle.

— Je t'aime, mon lapin.

— Je t'aime aussi, papa.

Je sortis de la pièce brusquement avec une furieuse envie de fuir, de m'enfermer chez moi et de cogner mon sac de frappes jusqu'à oublier certaines choses qui refaisaient surface de manière inopinée, brutale.

— Tu commences déjà à faire des promesses, s'amusa Nate en fermant la porte de la chambre derrière lui. Tu as déjà l'étoffe d'une bonne mère.

— Je dois y aller, Nate, j'ai...

Je ne me retournais pas et ma voix se brisa de sanglots.

— Hé...

Il m'attrapa par le bras et me bloqua dans le couloir. Je ravalais mes sanglots et fermais les yeux le plus fort possible pour ne pas pleurer. Lorsque nos regards se rencontrèrent, il plissa les paupières faisant naître de ce fait, de petites ridules sexy aux coins de ses yeux et sur ses tempes.

— Hé, est-ce que tout va bien ? demanda-t-il. C'est pour ce que j'ai dit ?

— Bien sûr, répondis-je avec peps. Je dois y aller, je suis fatigué et...

— Non, ça ne va pas, tu as les yeux...

— Je n'ai rien du tout, mes yeux ne sont rien du tout, Nate.

— Ruby, on peut...

— J'ai mis ton fils au lit, car il est difficile de lui dire non, maintenant, je voudrais aller me coucher.

Il acquiesça, mais ne me lâcha pas pour autant. Ses yeux étaient verrouillés aux miens, comme s'il cherchait à lire à travers eux, à travers moi et mes silences. Puis son regard sembla devenir plus lourd et s'assombrit. Il avança me faisant de ce fait reculer. Lorsque le mur nous arrêta, je déglutis.

J'avais peur. Mais pas pour ce que j'aurais dû, non... j'avais peur de ce qu'il représentait et de ce qu'il me faisait ressentir.

— Bon sang, qu'est-ce qui te prend ? pestai-je en essayant de me dégager.

— Je n'en sais rien. Je n'aime pas les mensonges, tu ne vas pas bien.

— Lâche-moi, Nate. Je ne suis pas d'humeur à plaisanter.

— Ça tombe bien, moi non plus.

— Nate, lâche-moi. Je ne te le répéterais pas une troisième fois.

Il ricana nerveusement. Mes menaces et mon regard noir ne semblèrent pas l'intimider outre mesure.

— Et qu'est-ce que tu vas faire, Ruby ? me menaça-t-il en se serrant un peu plus contre moi.

Une technique de krav-maga plus tard, il desserra sa prise. Je pressai un peu plus mon pouce sur le dos de sa main, plus particulièrement contre une veine et le capitatum même un homme trouvait ça douloureux, mais Nate ne me lâcha pas pour autant.

— Je ne suis pas Asher.

— Je ne suis pas un jouet.

Il sourit et se massa la main en grimaçant.

— Ça fait mal ton truc.

Je soupirai et pour ne pas réveiller le gamin qui dormait, je laissai ma tête partir en arrière. Merde... Nate était plus fort que moi et s'il le voulait, il pouvait... non ! Nate n'était pas comme ce genre d'hommes. Je ne savais pas quel genre d'homme il était vraiment, mais quand même, pas comme ça.

— Lâche-moi, Nate. Je veux rentrer me coucher. Je suis fatigué et...

Il ne m'écoutait pas, il ne me regardait même pas. Ses yeux étaient à présent rivés sur mes lèvres. Il me fixait comme si m'embrasser était devenu son plus ardent désir. Non... Je plaquai ma main sur sa bouche en secouant la tête pour lui cacher mes larmes.

— Arrête... arrête...

— Pourquoi ? demanda-t-il simplement en pressant ses lèvres contre ma paume.

Je frissonnai.

— Il n'y a pas de pourquoi. Je t'ai déjà dit de ne pas essayer de m'embrasser. Je ne plaisantais pas. Je ne veux pas, je n'en ai pas la moindre envie.

— Merde... Suis-je si repoussant, alors ?

— Ne cherche pas à comprendre, Nate. Je n'en ai pas envie, c'est tout.

— Ouais, mais alors pourquoi j'ai l'impression du contraire ? Tu es en total décalage avec tes mots.

Il pressa doucement son corps contre le mien, relâchant la pression de ses muscles jusqu'à maintenant tendus.

— Parce que tu es un pervers et que tu es stupide.

— Et peut-être que tu te voiles la face et que tu es aussi stupide que moi.

— Si je retire ma main, promets-moi de ne pas essayer de le faire.

Il acquiesça silencieusement, en hochant simplement la tête et il me lança un sourire tellement tendre, qu'il m'arracha un frisson. Après, Nate colla son front trempé contre le mien.

— Peut être oui et après ? demanda-t-il.

— Après, rien du tout. C'est peut-être ridicule, mais la règle est simple et on ne peut plus claire. Ne cherche pas à m'embrasser. Jamais... En plus de ça, tu as un fils, Nate.

— Qu'est-ce que Kyle vient faire dans la conversation ? soupira-t-il.

— Je ne sais pas, je sais juste qu'il est là et que moi je ne devrais pas être là.

Il secoua la tête, m'empêchant de continuer et inclina son visage vers le mien.

— Kyle n'est pas là. Il est dans les bras de Morphée et ce qu'il ne sait pas ne peut pas lui faire de mal.

— Je ne veux pas.

— Je le sais, soupira-t-il. Tu ne veux pas que je t'embrasse... (Son visage était trop près du mien, ses lèvres étaient dangereusement trop près de ma peau et moi certainement trop prête à ne pas fuir.) Mais je me demande si cela s'applique à toute ta peau. Ton cou par exemple, ton corps, tes lèvres, celles qui sont cachées... les règles s'appliquent-elles pour ça aussi ?

Ma réponse fut trop longue et ma léthargie trop assommante, car lorsque j'ouvris la bouche pour parler mes mots restèrent bloqués à cause de ses lèvres sur mon cou. Je frissonnai.

— Qu'est-ce que...

— Où étais-tu parti durant ces longues secondes, Ruby ? demanda-t-il.

Loin d'ici. Était-ce vraiment trop demander d'être loin de lui, de ne plus tomber sur lui à chaque fois, de ne pas être capable de le fuir alors que c'était justement nécessaire pour que je conserve mon acquitté mental ?

— Nate...

Bon sang, j'avais perdu ma capacité à formuler des phrases construites. C'était pourtant l'une des premières choses que l'on apprenait à l'école. Une phrase commence par une majuscule, contient un verbe et se termine par un point... Il pressa ses lèvres chaudes contre ma peau et je sentis son sourire ce qui brutalement, éveilla ma colère.

— C'est bien ce que je pensais, souffla-t-il contre ma peau animant des frissons dont je n'avais pas envie.

La colère enfla encore. Il m'avait eu et moi... moi qui avais toujours un tour d'avance, qui ne laissais jamais un garçon m'atteindre, je venais de le laisser faire avec une facilité écœurante. De rage, je frappai contre sa poitrine.

— J'espère que tu en as bien profité, Nathaniel. Parce que la prochaine fois que tu me toucheras de cette manière, je ne serai absolument pas douce.

Il me lâcha alors en ricanant.

— J'aurais peut-être dû t'embrasser, alors. T'as raison, je suis peut-être stupide finalement.

Je lui lançai un regard noir avant de traverser le couloir sans un mot. Je filai jusqu'à chez moi sans me retourner. Et une fois à la maison, je me roulais en boule dans mon lit, Domino dans mes bras.

Nathaniel Mine, espèce de bel enfoiré...

Si le point était pour lui, le prochain serait mien.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top