CHAPITRE 7

Une fois le ménage fait, je me glissai sous la douche afin d'essayer de faire partir les vilaines courbatures que m'avait causées le sport avec Nate. Pas certaine que ça marche. Se confronter à lui avait plusieurs effets. Ça fatiguait, ça faisait mal et ça libérait l'esprit aussi. Hier, Nate m'avait fait du bien. Énormément de bien. Grâce à lui, j'avais passé une nuit reposante et calme. La fatigue et la douleur dans mes muscles avaient anesthésié mes pensées sombres. Ceci dit, ce matin mes pensées étaient à demi teintes. Elles étaient perdues dans le chaos entre mes rêves qui ne faisaient que ressasser de vilains souvenirs trop douloureux et Nate tout aussi troublant et sexy qui ne faisait qu'accroître mes pulsions charnelles et un désir brûlant. Un désir que je m'étais promis d'éclipser au profil d'une vie plus saine.

Je secouai la tête tout en augmentant la pression du jet d'eau. J'inclinai le pommeau de douche vers mon visage, j'aurais aimé que ça me lave le cerveau, mais ça n'en fit rien du tout. Une fois sortie de la douche, je me postai devant le miroir. J'avais perdu un peu de poids. Encore. Pourtant je mangeais correctement. En fait, en y réfléchissant non... le dernier repas correct que j'avais eu c'était avec Nate et Kyle ; quand j'avais mangé des lasagnes chez eux avec le délicieux gâteau de Granny.

À l'époque j'avais perdu plus de dix kilos et pour retrouver une silhouette normale, il m'avait fallu batailler. Je n'avais pas envie d'être de nouveau comme ça, mais il fallait croire que mon corps était habitué. Je fermai les yeux et attrapai ma brosse. Je coiffai mes cheveux puis je passai de la crème hydratante sur le corps avant de sortir dans le couloir pour atteindre la chambre afin de m'habiller. Sur mon bureau, ma culotte dino m'appelait. Je l'enfilai sans me rendre compte que je souriais comme une gamine. Quand je vis mon reflet dans la glace, je grommelai tout haut. Domino passa entre mes jambes et s'installa sur ma couverture. L'œil hagard, il surveillait mes gestes. J'attrapai dans l'armoire un chemisier. Ce soir, je mangeais chez Rynne. Ça faisait quelques jours que l'on ne s'était pas vues. J'enfilai un soutif quand mon téléphone sonna dans le salon, je sortis pour répondre Domino à mes trousses.

— Allô ?

— Bonjour mon lapin en sucre.

— Salut, m'man ! Comment vas-tu ?

— Bien. Je viens aux nouvelles puisqu'elles sont plutôt rares.

— Je suis désolée, j'ai pas mal de choses à faire...

Je me dirigeai vers la porte d'entrée que j'avais ouverte pour créer un courant d'air afin que le sol sèche plus vite, mais Domino eu la même idée que moi et se faufila entre mes jambes.

— Merde !

— Pardon ? demanda maman au téléphone.

— Rien m'man, c'est juste mon chat qui vient de se faire la malle.

Je calai mon téléphone contre mon oreille et sortis dehors.

— Un chat ? s'étonna maman.

— Oui, répondis-je en fixant l'intéressé. Je l'ai trouvé en faisant de la lessive, je ne pouvais pas le laisser seul.

Elle acquiesça.

— Alors, c'est ton nouvel ami qui te prend tout ce temps où tu as un petit copain ?

— Je n'ai pas de petit copain, maman. Et je ne suis pas venu ici pour en trouver un.

— Tu devrais. Tu as besoin d'amour et de faire confiance. (Ma gorge se noua. Mais je me rembrunis pour ne pas craquer.) Il faut que tu te trouves un gentil garçon. Avec de bonnes manières et qui prendra soin de toi.

Comme maman était un peu fragile émotionnellement depuis son cancer et ce qui m'était arrivé, je n'avais pas envie de la brusquer ni m'embrouiller avec elle. Je n'avais pas envie de discuter des heures sur le sujet. Pour faire court, elle aimait les gens, la vie et pour elle, l'amour était la chose la plus importante au monde. Elle s'insurgeait des guerres... bref, ma mère était une « peace and love » qui pensait que l'amour me guérirait.

— Oui, je sais...

Elle me posa d'autres questions sur mon boulot, le sport et d'éventuels garçons qui me plaisait... au même moment le courant faire provenant de mes fenêtres grandes ouvertes et de la porte d'en bas qui s'ouvrit fit claquer d'un coup sec ma porte et... oh, mon Dieu. La poignée de l'autre côté tomba. Domino vint à mon chevet alors que ma mère me demandait ce qui se passait et que moi j'étais dans le couloir en petite culotte dino et que...

— Dylaaan !!

— Qu'est-ce qui se passe, ma chérie ? demanda maman qui n'avait pas pu rater le cri de Kyle.

Mes joues étaient écarlates. Impossible. Pas eux... Pas comme ça... Pas en culotte... Surtout celle-là.

— Rien, je... je dois te laisser.

— Pourquoi ? Qui t'a...

— Je te rappelle plus tard, dis-je en raccrochant. Je t'aime, embrasse Granny.

Lorsqu'il arriva à la hauteur de son fils, il emplit la pièce de sa carrure et quand ses yeux croisèrent les miens, mon sang ne fit qu'un tour.

— Rentre à la maison, champion, lança Nate.

— Mais...

— Fais ce que je te dis et prends Domino si tu veux...

— Je peux ? demanda-t-il en me regardant.

J'acquiesçai en silence, Kyle fila sans discuter davantage et monta les escaliers qui donnaient sur son palier.

— Salut, dis-je les joues en feu.

J'étais en petite culotte. Et pas n'importe laquelle... c'était la culotte dino. Il se passait un truc entre « Lui & MiniLui » et ce bout de tissu. Ça faisait trop de coïncidences. J'allais bientôt demander à Rynne d'écrire les péripéties de la petite culotte à têtes de dinosaures... Je levai la tête, histoire de paraître naturelle. Difficile à dire encore plus à faire quand on était presque à poil sur son palier et enfermée dehors. Nate me fixait... intensément. Pour changer. Ça me fit perdre la tête. Pour changer aussi...

— Salut, répondit Nate tandis que ses incroyables yeux verts se posèrent sur LA culotte.

— Il fait chaud aujourd'hui, tu ne trouves pas ! déclarai-je en tentant de paraître naturelle.

— Très chaud, ouais, approuva-t-il. Un problème ?

— Non pas du tout, je prenais l'air... c'est bien de s'oxygéner de temps en temps.

— Il faut dire que sans la clim, il fait lourd dans les apparts...

— Ouais... tout à fait.

— Si tout le monde s'oxygénait comme toi, le monde s'en porterait mieux. (Tout en ricanant, il ôta sa chemise et il s'avança vers moi. Oh, là, là, il voulait s'oxygéner lui aussi ? Je déglutis pour au final frissonner comme une biche quand il posa sa chemise sur mes épaules pour me couvrir.) Ceci dit, pas certain que la dino culotte aille à tout le monde.

— Comment ça ?

— Mieux qu'à toi, je veux dire, rectifia-t-il en souriant.

— Et comment tu sais que ça me va ?

— J'ai de bons d'yeux et j'ai une vue périphérique. Tu sais ce n'est pas de ma faute si Dieu nous a dotés de la vision périphérique, qui nous permet de voir sans que l'on veuille voir.

— Encore une excuse qui pourrait figurer dans les livres des pervers qui ne s'assument pas.

— Pervers ? Ce n'est pas moi qui accueille ma voisine à poil sur le palier.

Je plissai les yeux puis je souris tout en refermant les boutons de sa chemise, me rappelant que de ma faute, il était torse nu, mon regard tomba sur son torse.

— Je ne suis pas à poil, dis-je en haussant les épaules.

— Mmh, c'est vrai. (Son regard couleur menthe dansa sur moi et me troubla autant qu'il m'intimida.) D'ailleurs, ce n'est pas juste. Tu rentres chez toi et tu me voies comme ça, tu appelles les flics et ils me coffrent pour atteinte à la pudeur. Admettons, tu es gentille et tu me prêtes ta chemise comme je viens de le faire, ça fera... (Il grimaça en secouant la tête.) C'est quand même plus facile pour vous les filles.

S'il m'avait accueilli comme ça, je n'aurais rien dit du tout. Au contraire...

— Merci pour la chemise. Domino a filé entre mes jambes pendant que j'étais au téléphone et avec les courants la porte s'est fermée d'un seul coup.

— Alors c'est en partie de ma faute.

— Tout à fait, pouffai-je comme une gosse.

— Tu veux attendre à la maison le temps qu'un serrurier vienne ? C'est quand même mieux que rester dehors comme ça.

Je serrai mes doigts contre sa chemise. Je n'avais pas tellement envie de ça, mais je n'avais pas vraiment le choix.

— Un serrurier le dimanche ?

— Je connais quelqu'un, je vais l'appeler.

— Vraiment ? (Il acquiesça.) Super ! J'ai un rendez-vous ce soir, j'espère que ça va aller. Qu'il pourra être là à temps. En tout cas, merci, Nate.

— Pas de quoi, répondit-il. Tu viens ?

Je le suivis silencieusement jusqu'à chez lui. Il me fit entrer et lorsque je me rendis compte que j'étais en petite culotte et que sa chemise bien que trop grande ne couvrait pas grand-chose, je rougis en me retournant vivement. Le sourire taquin et pervers qui s'anima sur son visage me donna envie de le cogner. Je pénétrai dans l'appartement. Kyle était dans le fauteuil. Il jouait avec Domino et ses figurines de dinosaures.

— Je vivais dans ton appart l'année dernière et quand l'ancienne locataire du haut est partie, je l'ai pris. Il est plus grand et avec l'escalier qui mène à la terrasse du toit, Kyle peut jouer dehors parfois. Du coup, la serrure était capricieuse aussi à l'époque. Je vais appeler mon pote et te donner un truc à te mettre.

J'allais répondre quand il quitta le salon, le téléphone à l'oreille. Kyle releva la tête.

— Pourquoi tu étais en culotte dans le couloir ? demanda-t-il avec sa petite voix.

— Une longue histoire.

Il hocha la tête comme s'il comprenait.

— Papa il t'a donné sa chemise parce que tu avais froid ?

— Peut-être bien.

Nate refit surface au bout de quelques secondes. Les yeux grands ouverts, je le vis remonter la fermeture d'un gilet à l'effigie des Giants de San Francisco. Waouh, je n'avais pas les mots pour décrire ce sentiment bizarre qui me tordait le ventre de le voir ainsi. Une intense excitation et une envie plus qu'irrationnelle. Arrivé à ma hauteur, il me tendit un jean, appartenant à une fille. Je l'acceptais sans broncher pourtant le fait qu'il ait ça chez lui et qu'il ait pensé à me le donner me faisais tout drôle. Il me sourit et derrière ce sourire incroyable, je vis un regard incroyablement intense.

— Merci... enfin, tu remercieras ton amie pour ça.

— Ce jean appartient à l'ancienne locataire, elle n'a pas repris toutes ses affaires en partant et... et j'imagine qu'elle ne va pas débarquer aujourd'hui pour les récupérer. Du coup, je la remercierais en temps voulu. (Même si je n'aurais pas dû, apprendre que ce jean n'appartenait pas à une de ces conquêtes me rendit joyeuse.) Pas certain que ça soit vraiment ta taille, mais c'est sans doute mieux qu'un jean de mec. Jerry viendra vers treize heures, j'espère que ça te va, que tu ne rateras pas ton rendez-vous ?

Ses yeux couleur menthe à l'eau me sondèrent. Ça allait parfaitement, j'avais rendez-vous dans l'aprèm avec Rynne puis ce soir, je mangeais chez elle et Zack.

— C'est super ! Merci infiniment, Nate. Sans toi, je...

Et j'étais sincère. Sans lui, je serai encore sur mon palier en train de tourner bourrique pour savoir quoi faire et comment me sortir de cette merde.

— Tu serais en petite culotte sur le palier ?

Je rougis un peu plus et serrai entre mes doigts le jean que j'aurais déjà dû enfiler.

— Un truc du genre...

L'odeur de sa chemise était propre et délicate. J'avais envie de laisser trainer mon nez le long du col pour sentir les effluves de son corps.

— Sinon, tu es plutôt thé, café ou chocolat ?

— Pardon ?

— Le petit-déj, tu préfères quoi au petit-déjeuner ? Nous étions partis chercher de quoi nous régaler et bruncher, mais puisque que tu es là, pas question que tu n'y participes pas.

— Ah non, je...

— Il reste encore deux bonnes heures avant que Jerry ne vienne et ici le dimanche, on mange a pas d'heure. Alors ?

— Chocolat...

****

Il était indéniable en voyant Rynne qu'elle n'avait plus rien à voir avec la jeune femme diabétique qui écrivait en cachette et qui était timidement amoureuse du meilleur ami de son frère. Elle était épanouie au possible. Elle respirait la confiance en soi et l'amour. Ça ne m'aurait pas étonné qu'ils fassent un bébé ces deux-là.

— Ça va toujours au pays de l'amour fou ?

— Ha, ha, ha... oui. Tout va très bien. Ce matin, j'en suis encore venu à me demander si c'était bien réel tout ça. J'ai rêvé et voulu Zack tellement de fois et tellement longtemps que tout ça, ça me surpasse presque.

— Tu as pourtant eu le temps de t'y faire, non ? Depuis Noël dernier quand même...

— Ouais, mais on vit ensemble et ça, c'est fou. Il m'a fait cette promesse pour me récupérer, il aurait pu ne pas la tenir et me faire simplement rêver pour embellir le futur.

— C'était la même chose de son côté, je te l'ai dit direct d'entrée qu'il était à fond sur toi. Alors c'était impossible que ce gros bêta te mente sur ce sujet.

Elle rougit et glissa son bras sous le mien tandis que nous remontions à pied les rues commerçantes de la ville.

— Et toi ? Tu t'es faite discrète toute la semaine, il s'est passé quoi de ton côté ?

— Rien d'intéressant.

— Mais encore ?

Il était vrai qu'à part quelques messages, nous ne nous étions pas parlé beaucoup. Rynne ignorait tout de la culotte et de Nate, je m'étais bien gardé de le lui dire. Et par SMS interposés, c'était plus facile que de visu. Elle plissa ses yeux bridés rehaussés par une touche de khôl et me fixa.

— Il faut à tout prix que je vienne te voir bosser en parlant de ça.

— Ha, ha, oui...

Elle sourit et s'arrêta devant un étalage de fruits et légumes.

— Bon et sinon ? demanda-t-elle.

— Tu te souviens, je t'avais dit que j'avais repris la boxe ?

— Oui.

— J'ai rencontré une bande vraiment sympa. Il n'y a qu'une fille, Marlow, mais on s'entend bien, je pense que toi aussi, tu t'entendrais avec. Elle est sympa.

— Pff...

— Quoi ?

— Je ne la connais pas, mais je ne l'aime déjà pas cette Marlow. Tu es à moi.

J'éclatai de rire. Elle tira la langue.

— Tu peux rire, je suis absolument sérieuse.

— Ils sont tous sympa, je me sens bien là-bas...

— Mais ?

Mais ? Nate était-il vraiment un « mais » ? Oui... sans l'ombre d'un doute.

— J'ai oublié de te dire quelque chose.

Rynne déposa dans un plastique l'orange qu'elle était en train de sentir.

— Continue...

— J'ai rencontré un type à la laverie quand ma machine a rendu l'âme.

— Oooh... et ?

— Je ne sais pas, c'est très étrange. C'était une rencontre brève, mais intense. Tu sais, ce genre d'inconnu que tu ne rencontres qu'une seule fois. Tu penses que ça sera la seule et unique fois que tu verras ce mec de ta vie alors tu te dis pourquoi ne pas oublier tout le reste pendant quelques minutes, juste pour un inconnu...

— Mon Dieu, est-ce que tu as ?

Je secouai la tête et je la suivis dans les allées du magasin de fruits et légumes.

— Non, je n'ai pas couché. Je n'ai rien fait. Je ne veux plus faire ça, mais...

— Mais ?

— Mais quand je suis allé m'inscrire à la boxe, il était là. C'est un coach.

— Sore wa unmeidesu, lança-t-elle en souriant.

Je comprenais quelques mots de japonais après avoir côtoyé Rynne pendant plus d'un an en colocation, mais je n'étais pas non plus une pro.

— Hein ?

— C'est le destin, répéta-t-elle en souriant.

Je souris timidement. Le destin ? Dans mon cas, le destin était un bel enfoiré qui se foutait de ma gueule. Je n'aurais rien dit du tout s'il s'était contenté de faire de l'inconnu de la laverie mon coach en boxe, mais non, il avait fallu que Nate soit aussi mon voisin et le papa du plus adorable des gamins que je n'avais jamais vus.

— Ce n'est pas tout, dis-je en me penchant pour sentir l'odeur sucrée des fraises. C'est aussi mon voisin de palier. Il habite dans l'appartement juste au-dessus du mien... c'est quand même dingue que dans une ville aussi grande et peuplée que celle-là, on se rencontre autant.

— C'est le destin tout simplement... un destin qui serait hautement plus agréable s'il était à tomber. Il est à tomber, n'est-ce pas ?

— Je... oui, il l'est... (Je rougis quand elle arqua un sourcil intéressé.)... mais, je ne veux pas de tout ça pour le moment.

— Parce que tu veux quelque chose avec lui ? Mon Dieu, il doit être à tomber.

Je secouai la tête. Je me gardais bien de lui dire que j'avais déjà mangé chez lui à cause de son bambin, que j'avais passé la matinée chez lui et que j'avais même déjeuné avec eux le temps qu'arrive son copain.

— Non, je ne veux rien. Rien de concret, rien qui m'inciterait à faire confiance et à me dévoiler. J'en ai marre de baiser à tout va. J'entends par là que j'ai fait une croix sur tout ça, sur les coups d'un soir et les sauteries à tout va et il y a ce type qui... ce n'est pas juste, mais c'est comme ça. Ce n'est pas plus mal.

Je me rendis compte à l'instant que quelque part le fait que Nate soit papa ne me dérangeait pas le moins du monde. Au contraire. C'était moi le problème. Pas lui.

— Je comprends oui. Mais ces choses-là ne se commandent pas. Le chaos est incontrôlable. Que ça soit dans le bon comme dans le mauvais sens du terme.

— Je voudrais que ça soit facile, dis-je en mettant dans le panier de Rynne des fraises, des groseilles puis des framboises.

Elle était chargée de fruits et de légumes. Lorsqu'elle s'arrêta dans le fond de l'allée en tenant son ventre, je m'inquiétai de suite.

— Est-ce que tout va bien ?

— Oui, oui... quelques douleurs dans le ventre, mais tout va bien. J'ai pris mes cachets et mon taux de diabète avant de partir et ça va. Avec tous ces chamboulements dans ma vie, il faut juste que mon organisme se règle un peu. Seulement...

— C'est plus facile à dire qu'à faire.

Elle sourit en acquiesçant. J'attrapais alors son panier pour qu'elle puisse se remettre mieux.

— J'ai oublié de te dire au fait, lança Rynne dans mon dos.

— Quoi ?

— Un pote à Zack vient manger ce soir. Il l'a revu dans son studio, il est venu lui demander de faire des photos et Zack l'a invité à venir manger avec nous. Je sais ce que tu vas dire, que ça fait rendez-vous arrangé et que c'est préparé, mais non... Zack pensait que voir du monde te ferrait du bien et bien sûr comme c'est un pote à lui du temps du lycée, tu te doutes qu'il se dit qu'il est forcément mieux que les autres. Je lui ai promis que si ça t'ennuyait et que tu faisais la tronche, ça serait ceinture.

J'éclatais de rire à défaut de faire du boudin. Rynne faire ceinture et mettre Zack à la diète de sexe, mais bien sûr, et puis quoi encore ?

— Je m'en fou, je veux juste passer une bonne soirée avec toi et rire.

— Alors on va passer une superbe soirée...

****

L'appartement que Zack avait dégoté pour lui et sa femme était magnifique. Ce que j'aimais par-dessus tout en venant chez eux, c'était la vue incroyable sur la ville. Encore plus la nuit. Elle paraissait gigantesque, insomniaque et chaotique. Elle résumait bien ma personnalité.

— Ça doit t'inspirer pour tes photos, non ? demandai-je à Zack quand il se plaça à côté de moi.

Il sourit et acquiesça en glissant sa main dans ses cheveux.

— J'avoue que lorsque j'ai visité cet appart, j'avais beau être sans Rynne, je savais que ça lui plairait.

— Il faudrait être difficile pour ne pas aimer.

— J'ai placé la barre très haute, tu sais...

Rynne gloussa. Je secouai la tête.

— Tes chevilles enflent, fait gaffe, ça risque de pomper tout le sang à ton cerveau.

Il rit.

— Il n'y a qu'une seule chose qui enfle chez moi et...

— Je ne suis pas certaine d'avoir vraiment envie d'entendre la fin de ta phrase.

Il me fit un clin d'œil quand on frappa à la porte.

— Ils sont arrivés, mon cœur.

Ils sont ?

Je ne suivis pas Zack des yeux, trop absorbée par la vue.

— Désolé pour le retard, certaines personnes mettent un peu de temps à se décider.

— Tout pile à l'heure. Il parait que les champions arrivent toujours à point nommé, n'est-ce pas champion ? répondit Zack.

Je souris et me tournais. Dans l'ombre du couloir, je vis une silhouette familière, impressionnante. Zack était accroupi face à un petit garçon. Celui-ci releva la tête et...

— Dylaaaaaaan ! hurla une voix enfantine que je connaissais que trop bien.

— Kyle, tu...

Il sauta des bras de Zack pour atterrir dans les miens. J'eus juste le temps de me pencher pour l'attraper. Kyle noua ses bras dans mon cou et embrassa ma joue. Il avait les joues roses, les cheveux en bataille et des étincelles étranges dans les yeux. Je l'embrassais à mon tour avant de lever les yeux vers son père. Il avait le même accoutrement. Les mêmes yeux rieurs et étonnés, la même coiffure en bataille et cet air espiègle qui était de famille.

— Pourquoi t'es là ? demanda Kyle.

Je baissai les yeux vers lui tandis que Rynne me faisait les gros yeux et nous regardait à tour de rôle Nate et moi. Zack ricanait et écoutait Nate expliquer que nous étions voisins, mais aussi dans la même salle de sport. Quand Rynne comprit, elle ouvrit la bouche en grand avant de se pincer les lèvres et de m'adresser un regard bourré de codes et de « on doit causer » que seules les filles et les homos pouvaient comprendre.

— Eh bien, Rynne est ma copine et elle m'a invitée.

— C'est trop cool ! Hein, papa ?

— Bien sûr, mon lapin.

Le gamin lança un sourire radieux à son père tout en serrant mon cou avec ses petites mains tandis que la version adulte de lui avait ses yeux rivés sur moi. Je me sentais bizarre, moite, tiède et toute chamboulée de voir devant moi « Lui & MiniLui ». De sentir le véritable engouement de « mini lui » de ma présence et l'étonnement de Nate.

— Le monde est petit, lança Rynne.

Elle avait raison. Plus que petit même. Ici, quand il s'agissait de Nate Mine, le monde semblait plus petit, plus étroit. Je n'en revenais pas que Nate était ami avec Zack... quelles chances avais-je de tomber sur lui ?

— C'est vrai qu'on aurait voulu le faire exprès, on n'aurait pas mieux réussi... Mais c'est parfait, si tout le monde se connaît déjà. La soirée va être cool !

J'avançais vers la table à manger. Je m'installai à côté de Nate et Kyle ne bougea pas de mes bras. Il s'assit sur mes genoux en souriant et en refusant de bouger pour s'installer à sa place.

— Kyle, laisse Dylan tranquille.

— Je n'ai pas le droit ? me demanda-t-il.

— Autant que tu veux, dis-je en souriant.

— T'as vu ? T'es jaloux, c'est tout !!

Nate ricana en ébouriffant la crinière brune de son fils. Cette vision et les yeux ronds de Rynne me transcendèrent. Alors, le chaos dormant dans ma poitrine s'agita d'un coup. Brutalement.


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