CHAPITRE 24
NATE
Deux jours plus tard...
Je me réveillai en sursaut et je me rendis compte que c'était mon fils qui me tirait du sommeil en tirant sur mes bras pour me faire un câlin. Je me redressai à la hâte en me rendant compte du déchet humain que j'étais. J'étais encore habillé, sale. J'avais picolé et je n'avais même pas été capable de me lever pour emmener Kyle à l'école. J'étais pitoyable, je m'étais endormi comme une merde dans mon fauteuil et les canettes de bière trainaient encore sur la table basse.
Quel bel exemple !
Je ressemblais à mon père.
Oh, putain... merde !
— Ça va, mon lapin ? demandai-je d'une voix rauque.
Il grimaça.
— Ça sent mauvais dans ta bouche, papa.
Un rictus m'échappa. Si j'avais dit ça un jour à mon père, il m'aurait défoncé la tronche à coup de pied.
— Excuse-moi, mon lapin.
Il se lova dans mes bras. Il était tout chaud, encore à moitié endormi. Je le serrai contre moi, respirant l'odeur de camomille de son gel douche. Il me faisait du bien, même s'il me rappelait à l'ordre, me forçant à affronter la réalité. Sa présence était la seule chose qui m'empêchait de devenir cinglé. Je l'attirai plus près, l'amenant contre mon torse.
— Je vais te faire un petit-déjeuner et j'irais me laver en même temps. Aujourd'hui tu n'iras pas à l'école, tu resteras avec papa, d'accord ?
Il acquiesça :
— Je peux avoir un câlin, encore un peu ?
Celui du matin était le plus important.
Je répondis oui. Il me faisait du bien, il rendait ma réalité moins dure quand il était là, car je me sentais moins seul. Pour le moment, il allait bien, mais j'avais peur qu'à force, il se rende compte de son absence. C'était la nuit quand il dormait et que je me retrouvais seul avec mes pensées que je déraillais. Hier j'avais bu, car à trop penser à elle j'en étais devenu fou. Je voulais oublier ce sentiment désastreux d'abandon, de solitude. J'avais l'impression de tomber... j'étais tombé amoureux de Dylan la première fois que je l'avais rencontré.
Son regard, ses joues rouges, le trouble qui l'avait envahi, j'avais remarqué qu'elle aussi avait ressenti cette alchimie entre nous. J'étais tombé instantanément amoureux de cette inconnue dont après son départ il ne me restait plus qu'une culotte à têtes de dinosaure. C'était une de ces rencontres qui n'arrivaient que très peu de fois dans une vie... puis le destin s'était acharné à nous mettre sur la même route malgré son envie de fuir. Nous nous étions finalement rapprochés, grâce à Kyle et à la persévérance de l'autre là-haut et j'avais cru pouvoir la guérir de ce qu'elle fuyait en prenant ce qu'elle acceptait de me donner, mais...
— Papa c'est quand qu'elle revient, Dylan ?
Je me crispai. Il releva la tête pour chercher et obtenir une réponse.
— Je ne sais pas.
****
Une semaine plus tard...
Dans la liste du pire, j'avais déjà pas mal de petits astérisques, comme mon enfance joyeuse, les poings percutants et agréables de mon père. Mais récemment, la liste avait changée et le numéro un depuis des années était détrôné par... jusqu'à aujourd'hui, j'ignorais qu'il y avait pire douleur qu'avoir son putain de cœur piétiné, brisé et vidé du moindre sentiment heureux. À présent, je savais que le pire du pire c'était de voir que celui de mon fils était dans un état aussi triste et lamentable que le mien.
Il avait mis le temps, mais aujourd'hui le manque lui faisait mal. Dylan lui manquait atrocement. Il la réclamait.
— Mange, Kyle !
— Je n'ai pas faim.
J'ignorais pourquoi je l'emmerdai avec ça parce que c'était dégueulasse et que moi non plus je n'avais pas faim, mais pour le principe je ne voulais pas que mon fils devienne dépressif, jusqu'à refuser de se nourrir. Il me perturbait, c'était la première fois qu'il était comme ça.
— Kyle ! le grondai-je. Tu manges ton assiette ou tu files dans ta chambre pour aller dormir. Ton cinéma commence à me fatiguer.
— Alors, va te coucher si t'es fatigué !
— Je ne suis pas ton copain, garçon.
Il se rembrunit pourtant il n'en menait pas large. Quand je haussai la voix, il me craignait toujours.
— Alors, je vais dans mon lit, cria-t-il finalement. C'est pas bon, on dirait de la boue et du caca mélangés.
Il sauta de sa chaise et quitta la table, mais je me redressai et les poils sur sa nuque se hérissèrent.
— C'est moi qui décide quand tu te lèves. Aux dernières nouvelles, c'est encore moi qui décide ici. Je ne suis pas ton copain, bonhomme et si ma nourriture ne te plaît pas, c'est la même chose.
Il s'arrêta alors, les bras croisés devant lui. Il me tournait le dos.
— Kyle !
— Quoi ? grogna-t-il.
Je n'avais pas envie de le brusquer, mais j'ignorais comment m'y prendre. C'était la première fois que je ressentais ça, que j'avais l'impression de tout haïr, de me consumer à chaque pas, à chaque mot, à chaque seconde. J'étais brisé, je me sentais vide et je devais en plus de ça gérer les peines de cœur de mon fils qui ne comprenait pas pourquoi il avait si mal. Je l'attrapai par le bras. Il avait les yeux rouges, il se retenait de pleurer. Je l'attirai à moi et je frottais ses joues.
— Je voudrais que ce ne soit pas toi, mon papa.
Il y avait peut-être pire au final comme comprendre que mon fils aimait cette femme plus fort encore que je l'avais pensé et qu'il l'avait associé à quelque chose d'aussi essentiel que moi. Elle était la femme de sa vie.
— Dommage pour toi ! Va dans ta chambre, je ne veux plus te voir.
Il partit en retenant ses larmes, mais une fois dans sa chambre il se mit à pleurer. Je l'entendis. Je restai un moment le front posé contre sa porte à me demander comment je devais m'y prendre, à me dire que je n'y arriverais pas. J'ignorais de quelle manière je devais réconforter mon fils et lui faire comprendre que ça irait quand dans mon cœur je n'avais pas le moindre espoir que ça aille.
Elle était partout dans ma tête, je voyais cette idiote partout chez moi, car elle avait envahi tout notre espace comme ces courants d'air que l'on faisait l'été pour respirer un peu mieux. J'avais la rage au ventre. Rien que de penser à elle je m'en tordais les boyaux. Dans mon cœur, dans ma tête, dans mes putains de pensées, dans mon âme et chaque fibre de mon corps c'était la même chose, tout était en vrac, tout était liquide. Elle avait laissé son empreinte sur nos vies, elle avait mis le chaos et c'était fini... et le chaos était différent maintenant. Il avait un goût amer, détestable. Je me sentais incapable. Je l'avais appelé pour la prier de m'expliquer, mais son téléphone demeurait fermé et je n'avais pas la moindre idée d'où elle était.
Je rentrai dans la chambre de Kyle, il était dans le noir, seule sa veilleuse projetait des étoiles sur le mur pour éclairer la pièce.
— Tu t'es calmé ? demandai-je.
— Je suis en colère.
Roulé en boule dans ses couvertures, il me tournait le dos. Je m'assis près de lui et je caressai son dos. Il tenta de se soustraire pour me faire comprendre qu'il était fâché, mais je ne rompais pas ce contact dont j'avais besoin.
— Je sais que tu es en colère, mon chéri. Je suis en colère moi aussi.
— En colère de moi ?
— Non... pas contre toi. Je suis en colère parce que ça fait des bobos dans le ventre.
J'avais toujours tout dit à Kyle, à chaque fois que je faisais quelque chose ; je tentais de lui expliquer le pourquoi du comment avec des mots simples. J'essayais d'élever mon fils du mieux possible et je ne surtout jamais ressembler à mon père. J'avais eu peur au début de lui ressembler et puis non... je le regardais tenter de me cacher ses sanglots. Ce n'était pas une peine d'amour normale, ce n'était pas un chagrin d'amour qu'il avait avec une petite copine de son âge, il mourrait d'amour pour une maman.
Une putain de maman que je n'avais pas été capable de garder, de protéger... mon dieu, ce qu'elle me manquait. Elle était faite pour nous, comment se fourvoyer à ce point ? Je me demandais si elle se souvenait de tout ce qu'elle avait fait pour lui, comme s'ébouillanter, comme le garder, comme lui chanter des berceuses et ne pas être capable de rester loin de lui...
— Pourquoi Dylan elle n'est pas restée ? demanda-t-il alors pour la première fois. Pourquoi tu as crié sur elle ?
Il était peut-être temps de lui expliquer un peu les choses, du moins essayé sans le brusquer.
— On s'est disputé, ça arrive dès fois. Toi aussi tu te disputes avec tes copains à l'école et parfois avec papa.
— Dylan c'est ton amoureuse alors pourquoi tu ne l'as pas forcé ?
— On ne peut pas forcer une personne à rester quelque part si elle n'a pas envie de le faire, bonhomme.
— Pourquoi elle ne voulait pas rester ? J'ai fait des bêtises ?
Mon cœur se serra à l'idée qu'il pense ça. Je secouai la tête.
— Non, tu n'as fait aucune bêtise.
— Alors c'est toi.
— Je ne sais pas, peut-être...
Ma voix se mit à trembler alors il se retourna pour me faire face.
— Je voulais que Dylan c'est ma maman. C'est toi qui ne veux pas ?
Je savais tout ça. Il n'avait pas besoin de me le dire, il était comme moi, il aimait trop. S'il savait combien j'en avais envie, combien j'avais fantasmé des jours durant une vie avec elle, combien j'avais cru pouvoir apaiser le chaos qui régnait dans son esprit. Lorsqu'elle avait posé ses yeux protecteurs sur Kyle, qu'elle l'avait gardé, protégée, j'avais su qu'elle était parfaite pour nous, mais elle avait fui.
— Soit, ma maman, le rectifiai-je finalement sans rien ajouter de plus.
Je le serrai contre moi. Il caressa mes tatouages pour se calmer.
— Je sais que tu l'aimes...
— Non je l'aime pas... je l'aime plus.
Si seulement... je me disais la même chose parfois et puis la réalité revenait.
— Dylan t'aime très fort, mon lapin. Mais elle à des petites choses à régler et papa ne peut pas l'aider, elle doit le faire toute seule. Et peut-être que lorsqu'elle aura fini, elle reviendra.
— Je ne veux pas, elle est méchante. Si elle revient, je vais lui dire.
Je l'embrassai sur le front.
— Tu veux dormir avec papa ce soir ? demandai-je.
— Non, je suis en colère contre toi aussi.
— D'accord. Bonne nuit, bonhomme. Qui t'aime comme un fou ?
— Toi. Et moi, je t'aime aussi.
Au moins même s'il était en colère, il aimait toujours son incapable de père. Je le serrai contre moi avec force. Il se mit à pleurer et je le dorlotais jusqu'à ce que ses sanglots cessent et qu'il s'endorme. Je ne supportais pas quand il s'endormait en pleurant, je me sentais inutile, incapable. Je ne supportais pas qu'il soit dans cet état, j'avais envie de lui ôter ce mal et celui-ci plus que les autres, car je savais combien c'était douloureux. Une fois sa respiration calme, je l'embrassai. J'allais dans ma chambre ou j'avais l'impression qu'elle errait aussi. J'attrapai mon téléphone qui demeurait vide. J'avais essayé de l'appeler, plusieurs fois, mais rien. Je tombais toujours sur son répondeur et je n'avais ni la force de lui laisser un message ni l'envie de la supplier.
Je ne laissais que mon boxer et je me glissai dans mon lit. Quelques minutes plus tard, ma porte s'ouvrit.
— C'est parce que je n'arrive pas à dormir, mais je suis encore en colère.
Il grimpa sur le lit, je baissai le son de la télé. Il se glisse sous la couette et posa sa peluche sur le côté pour venir dans mes bras. Il se lova contre moi, je caressai ses joues avant de me placer plus confortablement pour lui. Comme à son habitude, il dessina le tatouage tribal, qui se terminait sur ma poitrine, pour s'endormir.
— Je sais, mon lapin.
****
Dix jours plus tard...
La semaine qui suivit fut aussi longue que mes trois premiers jours de déprime. Pas facile de trouver le courage quand on avait la motivation d'une larme à moitié crevée sous le soleil. Mais je faisais bonne figure, car j'avais un gamin à qui je devais montrer l'exemple. Pour autant, je me sentais vide. Dès que Kyle dormait, quand il allait à l'école, quand j'allais au cours du soir et que je fixais sa chaise vide, quand je rentrais et qu'il n'y avait aucune trace d'elle... dans ces moments-là, je me faisais peur, j'avais honte de moi.
Les premiers soirs, l'envie d'enfoncer la porte de son appartement pour retrouver un peu d'elle, un peu de son odeur m'avait brutalement traversé l'esprit, mais je m'étais repris en me disant que ce n'était pas comme ça que ça irait mieux. Je savais que toutes ses affaires étaient encore là, alors je me demandais ce qu'elle faisait, où elle était...
Mais je n'étais pas idiot, j'avais bien compris qu'il lui était arrivé quelque chose avant qu'elle n'arrive, quelque chose d'assez horrible pour qu'elle soit si perturbée au point de n'accorder sa confiance à personne. Je craignais de savoir, même si j'avais une petite idée. J'étais en colère contre elle, qu'elle n'ait pas compris qu'on l'avait un peu soigné et contre moi de ne pas l'avoir protégé assez, de ne pas l'avoir mise en confiance comme j'aurais dû.
Je l'aimais comme un dingue et je savais que c'était réciproque, enfin, je n'arrivais pas à me persuader du contraire... à chaque fois que je me disais que c'était fini, qu'elle se fichait éperdument de nous, je repensais au soir où elle avait été agressée. Ce qui s'était passé dans la ruelle se passait largement de commentaire, ses regards, son corps... et la nuit qui avait suivie sans parler de ce rapide baiser sur mes lèvres, j'en avais eu la conviction. Ce soir-là, je ne dormais pas, elle le pensait, elle s'était penchée, je m'étais demandé ce qui m'arrivait avant de me rendre compte qu'elle avait posé ses lèvres sur les miennes et qu'elle pleurait.
Demain nous fêtions Thanksgiving avec Mickey, Marlow et toute la petite bande, c'était l'occasion pour moi de penser à autre chose et ensuite de penser à la magie de Noël à travers les yeux de Kyle. Après Thanksgiving, j'irais la chercher... je ne savais pas tellement où aller, mais j'en avais marre d'attendre alors que c'était elle que je voulais. Peut-être qu'elle n'attendait que ça de nous, que l'on vienne à son secours... je lui avais dit de ne plus revenir, de ne... mais quel con !
****
— Demain on ira chercher, le sapin de noël, d'accord ?
— Et on fera la lettre pour la donner à papa Noël ?
— Bien sûr ! On achètera du papier rouge et des gros crayons pour faire décorer l'enveloppe, si tu veux.
— Oui ! s'écria-t-il d'une voix joyeuse. Je pourrais lui faire un petit dessin aussi ?
— Je pense qu'il sera très content.
Je le déshabillai, j'enfilai son pyjama et je le bordais dans sa nouvelle housse de couette tortue ninja. Il allait mieux, je le préférais comme ça. Avoir vu du monde lui avait fait du bien, mais j'avais surtout l'impression qu'il était fort pour moi.
— Qui c'est qui m'aime comme un fou ? dit-il en attirant contre lui sa peluche.
— Moi.
— Et qui c'est qui t'aime comme un fou ?
— Toi !
Je l'embrassai sur le front.
— Bonne nuit, papa. Je t'aime.
Je lui caressai les joues. Parfois, j'avais l'impression qu'il voyait que j'étais mal en point et dans ces moments-là, il me réconfortait. Je le câlinais amoureusement, me délectant de ce que malgré moi j'avais créé de plus beau dans ma vie. Il ignorait qu'il avait fait de moi quelqu'un de bien, qu'il m'avait appris le sens du mot amour, qu'il m'avait appris l'humilité.
— Allez bonne nuit, mon chéri. Il faut dormir, il est très tard. Je t'aime.
Il se lova dans sa couette, contre son cousin et ferma les yeux. Je fermai sa porte et me dirigeai dans le salon. Il était vraiment tard et j'aurais dû aller me coucher, mais impossible, j'avais des insomnies depuis quelques jours, je tournais en rond. Je me posai dans le fauteuil, mais je me redressai à la minute.
Elle me manquait. Ses rires, ses regards, sa passion, son corps, son cœur... et plus encore ce qu'elle n'avait jamais pu m'offrir. J'ignorais où elle était, ce qu'elle faisait, ce contre quoi elle se battait, si elle pensait à moi, à nous, si elle allait bien ou mieux.
J'espérai juste que j'allais bientôt sortir de ce cauchemar.
Je finis par errer dans la cuisine ou une tarte posée sur la table de cuisine attira mon attention. J'écartais le torchon, une tarte à la pomme. J'attrapai un bout de pomme.
Oh mon Dieu...
Une tarte à la pomme...
Dylan...
— Dylan ?
Je fixai plusieurs minutes la tarte sans comprendre. Puis comme un fou, j'allais dans la chambre, la salle de bain, la chambre de Kyle pour vérifier. Rien. Je revins en cuisine, la tarte n'était pas une hallucination. Le toit me vint alors comme une illumination, j'ouvris la fenêtre et je me glissai sur la balustrade. Je montais les quelques marches et...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top