CHAPITRE 21
« Deux ans plus tôt...
— Dylan, c'est notre cinquième séance et tu n'as toujours rien dit. Il reste dix minutes... peut-être voudrais-tu dire quelque chose ?
J'ai secoué la tête. Je ne voyais pas de quelle manière elle pourrait m'aider. J'avais juré de vivre sur la tête du "bébé", je n'avais pas besoin d'un psy. J'avais compris la valeur d'une vie.
Mais papa avait insisté et vu comme il avait été parfait avec moi, je n'avais pas voulu le rendre plus triste encore.
Elle m'emmerdait. Royalement.
Elle ne savait rien de moi ni de ce que j'avais vécu.
Moi je savais.
— Je peux t'aider Dylan, c'est pour ça que je suis là. Tu peux me dire n'importe quoi, ça restera entre nous.
J'ai attendu que l'aiguille se place à la limite de l'heure ronde et j'ai sorti la phrase la plus ridicule que j'avais en stock.
— J'aime beaucoup votre chemisier.
Faux ! Il était gris, ample avec un grand col blanc. Il était immonde.
Elle griffonna dans son carnet, j'ai espéré pour elle qu'elle n'avait pas noté ça, car waouh, ça serait vachement enrichissant. J'ai levé les yeux en l'air certaine que du coup, elle allait me parler de shopping.
— Tu aimes le shopping ? C'était quand la dernière fois que tu es sorti pour t'acheter des vêtements ?
J'ai gloussé intérieurement. Quand le bip très intime de sa cloche a sonné pour indiquer la fin du rendez-vous, elle s'est levée. J'en ai fait autant. Je lui ai dit au revoir et elle m'a donné un autre rendez-vous.
Papa m'attendait dehors.
— Alors cette séance ?
Il avait un enthousiasme saisissant. J'ai souri.
— Aussi barbante que le film Mélancolia.
Il gloussa.
— T'es méchante. Surtout que tu n'aides pas à rester silencieuse, Dylan.
— Elle ne donne pas envie. Mets-moi Robin Williams comme psy dans Will Hunting ou alors la psy de Charlie Harper dans Mon oncle Charlie et là...
Il a souri puis gloussé.
Ça allait mieux, je faisais tout pour.
On avait convenu de certaines choses ensemble.
****
Ma famille ne m'a pas lâché. Elle ne l'avait jamais fait. Et encore maintenant, ils me prouvaient que nous étions soudés.
Ils étaient tous là. Et c'en était presque étouffant parfois, mais je l'avais bien mérité quelque part. Je gardais la face pour les rendre fiers, mais ce n'était pas tellement évident quand même.
Je repensais souvent à cette nuit-là et à l'accouchement. J'avais l'impression d'être insensible ce qui pourtant n'était pas le cas.
— Tu ne veux toujours pas parler, Dylan ? Tu penses que ça t'aide de rester dans ton silence ? De garder tes pensées pour toi ?
J'ai haussé les épaules.
— Tu as été victime d'un viol, tu as essayé de t'ôter la vie en ingurgitant de l'alcool et des médicaments et en te réveillant, tu as dû subir un accouchement et la perte d'un enfant. Ce sont des choses violentes, tu ne peux pas les garder en toi.
— Et pourquoi pas ?
— Ce n'est pas bon.
— Qui a décidé de ça ? Vous ?
Elle a ouvert la bouche, mais n'a rien dit. J'ai souri. Puis l'heure a tourné...
****
— Ça va, ma chérie ?
J'ai tourné la tête vers papa. Il m'a tendu une tasse de chocolat avec des chamallows et s'est assis à côté de moi sur le lit.
— Tu veux qu'on sorte ce soir ? Qu'on fasse quelque chose de particulier ?
— Je ne sais pas, j'étais en train de regarder les universités... on pourrait regarder à deux ?
Il a acquiescé. Il ne me brusquait pas.
— C'est une supposition, une simple idée, mais je me suis dit que je pourrais partir chez voir Granny et maman et m'inscrire à l'université à FriendShip.
Il a souri.
— Je pense que c'est une très bonne idée.
— Tu crois ?
— Je dirais oui à tout ce que tu voudras entreprendre dans la vie, Dylan. Absolument tout. J'aimerais comme mon fils l'homme qui te rendra heureuse, je serais fier du métier que tu choisiras, j'approuverais chaque chose à partir du moment où ça te rend heureuse. Mais je combattrais les méchants, j'enterrerais chaque personne qui t'empêchera de t'éveiller, je te tiendrais la main pour t'aider à avancer comme la première fois que tu t'es redressé de toi-même pour marcher, je t'empêcherais d'essayer de me quitter à nouveau.
J'ai gonflé mes joues d'air, il a appuyé dessus et j'ai pleuré un peu parce que j'avais le meilleur papa du monde. Un papa que tout le monde devrait avoir.
— C'est idiot, mais je me dis que j'ai besoin d'une année test.
— C'est-à-dire ?
— Je crois qu'il me faut une année loin d'ici. Je voudrais apprendre à refaire confiance aux gens, à rencontrer des personnes que je n'ai jamais vues, redevenir celle que j'étais.
Ça me semblait être un bon programme pour réapprendre à faire confiance pour prouver à la petite fille sans vie dont j'avais accouché que j'allais m'accrocher à la vie et saisir la chance qu'elle n'a pas eue.
— Je suis de tout cœur avec toi, ma chérie.
****
Si parler n'était pas d'un grand secours, apprendre à me défendre et à me battre l'était bien plus.
Il paraît que j'avais quelque chose. Une haine, une hargne, un punch que très peu de débutants ont... Le club de papa ne suffisait plus alors nous avons convenu tous les deux de m'inscrire ailleurs. Dans un club ou les sourires que je faisais pour paraître ont de suite étaient compris.
Les séances n'étaient pas drôles, on ne plaisantait pas, elles étaient musclées, dures, mais elles avaient un effet bénéfique sur mon cerveau, elles le faisaient taire et ça, c'était un avantage certain.
J'apprenais vite, bien.
J'avais soi-disant un truc.
— Qu'est-ce qui t'est arrivé à toi ?
C'était une jeune fille. De mon âge. Aujourd'hui, je devais faire équipe avec elle.
Cheveux noir, taille fine, piercing, elle était jolie.
— Moi c'était mon beau-père.
— Un mec avec qui je sortais, dans une fête avec ses copains.
— Je suis bien placé pour savoir que c'est chiant et que tu le mondes te le demande, mais si tu as besoin de parler, tu peux. Je sais ce que c'est !
J'ai acquiescé sachant pertinemment que je n'en ferais rien. Je n'avais pas envie d'étaler ma vie ni parler de ça.
****
— Tu n'es toujours pas enclin à me parler de toi, Dylan ? J'aimerais vraiment connaître ton ressenti.
Enclin ? Ce mot ne me plaisait pas. Il sonnait mal.
Prête, oui. Décidée, à la rigueur. Enclin, non...
Quant à mon ressenti, foutaise.
Parler n'aidait vraiment pas, c'était une perte de temps que d'essayer de vouloir démêler une chose qui ne pouvait pas l'être. J'avais subi, j'avais mal moralement et physiquement. J'avais besoin de temps pas qu'une connasse vienne me faire chier !
Je me suis levé d'un bon.
— Vous voulez que je parle ? Je vais parler.
— Tu parles si...
— Oui, je sais, je parle si j'ai envie pourtant vous insistez pour que je le fasse... j'ai été violé par le garçon avec qui je sortais. Il était cool, gentil, charmeur. Je n'étais pas amoureuse, mais j'étais sous le charme et je ne me suis pas méfié. Ce n'était pas mon premier petit copain alors je n'avais pas peur, j'avais confiance. Je savais pertinemment ce que nous allions faire quand nous sommes montés dans la chambre, j'avais déjà couché... il aurait pu avoir ce qu'il voulait puisque je le voulais aussi sauf que trois de ses copains sont venus, m'ont bâillonnée et il s'est servi. Alors, vous aller me dire, mais si tu voulais ce n'est pas un viol. Si c'en est un, je lui ai demandé pourquoi il y avait du monde, j'ai dit à tout le monde de sortir, je l'ai supplié de ne pas faire ça, il l'a fait.
— Tu...
— Laissez-moi parler ! soufflai-je. J'ai cru que les gens seraient compatissants, qu'ils m'aideraient. Ma famille l'a fait, au lycée, ils m'ont bafouée. J'ai reçu des menaces de mort, des insultes par SMS et par mails. Je n'ai pas compris pourquoi et je ne comprends toujours pas, mais je m'en fiche, en fait. Ce n'est pas moi qui est un problème, ce n'était pas de ma faute, ce sont eux qui sont bizarres à me dire que c'est bien fait. Quand j'ai voulu me foutre en l'air, je l'ai fait parce que je venais de me faire passer à tabac par des filles hargneuses qui m'ont tabassé à six contre une. J'ai accouché d'un mort-né en me réveillant et aujourd'hui j'en suis là.
— Tu as vécu des choses éprouvantes.
Une perspicacité hors du commun. Elle avait dû avoir son diplôme dans une pochette surprise.
J'ai applaudi par sarcasme.
— Tu as pensé au pardon ?
La colère est montée d'un coup, comme un coup de sang. J'ai fulminé.
— Si j'ai pensé au pardon ? Vous me parlez vraiment de pardon à moi ? Vous me demandez de pardonner à celui qui m'a violé et à ceux qui l'ont assisté ? Je ne vous souhaite pas de vivre ce que j'ai vécu, je ne le souhaite à personne, mais vous, vous pardonneriez à un homme qui vous viol, vous filme, vous fou en cloque ?
— Tu dis ça parce que tu as la tête encore trop pleine de souvenirs, c'est encore trop frais dans ta tête. Tu dois de te séparer de tout ça. De cet événement traumatisant. Tu dois rompre le lien de haine ou de ressentiment. Mais tu ne peux pas le faire n'importe quand. Il faut d'abord vivre, en prendre conscience, mais aussi en profiter, en jouir. Car quand on a été violenté par la vie, on a en général besoin d'abord d'être reconnu comme victime, ce qui est souvent le seul dédommagement...
Je n'aimais pas les psys. J'ai écouté puis elle m'a libéré.
— Dylan ? Est-ce que tout va bien ?
— Elle m'a demandé si j'avais pensé au pardon...
Papa n'a pas compris de suite.
— Quel pardon ?
— Si je voulais pardonner à ceux qui m'ont fait ça...
Je lui ai expliqué le pardon, les étapes que ça comprenait. Il a écouté. Je ne voulais pas pardonner, je ne m'en sentais pas capable.
Après ça, j'ai arrêté d'aller voir la psy et j'ai appris à me défendre. »
Novembre était là et le froid aussi. La neige était même tombée en avance, mais elle n'avait pas accroché et pour l'instant nous devions supporter des températures négatives et du gel. Thanksgiving approchait, les fêtes de fin d'années aussi. Entre aujourd'hui et la soirée au club avec Nate... j'étais tombé malade comme un chien, une grippe avec tout ce qu'elle amenait de plus sexy et de plus agréable. Granny m'avait bien sûr envoyé tout un tas de bonnes choses ; des remèdes maison, des petits plats, du thé, même un nouveau plaid, un poncho indien et des grosses chaussettes qu'elle avait tricotées. Ça en plus de mes deux adorables voisins qui avaient pris soin de moi en venant me faire à manger, en m'apportant des fleurs et même mes cours, je ne m'étais pas senti si mal que ça tout compte fait.
J'avouai que l'infirmier Nathaniel Mine était très efficace et très sexy. Il avait pris soin de moi comme... c'était ça le problème, il avait pris soin de moi d'une manière absolument divine. Comme l'aurait fait un homme pour sa femme ou sa copine. Hors tout le problème était là, nous n'étions ni l'un ni l'autre. Je ne voulais rien de ça, je n'en avais pas le droit. Le sexe, rigoler de temps en temps ; oui. Mais tout ça ; le voir prendre soin de moi, les voir lui et Kyle évoluer chez moi ou moi chez eux, c'était trop. Je me sentais bien avec eux deux, avec Nate, mais à chaque fois je culpabilisais et maintenant plus qu'avant. Lorsque Kyle me parlait, je ressentais de drôles de choses, lorsque je couchai avec Nate, j'en ressentais d'autres tout aussi virulentes. Je n'arrivais pas à les faire taire, ces choses s'évaporaient quand je me retrouvais seule et que mes pensées se focalisaient sur mon passé, mais sinon, elles étaient toujours dans ma tête à me triturer les méninges. Mais ce qui me travaillait surtout, c'était ses lèvres et cette manière qu'il avait très silencieuse de me faire comprendre qu'il n'attendait que ça... je détestai ça, je n'aimais pas me sentir perturbée de la sorte. J'ignorais pourquoi ça me rendait si fébrile alors que rien que le fait d'y penser me donnait la nausée et la chair de poule. Je savais pourtant contrôler, je m'étais battue pour et contre ça... mais je savais et je me disais que si j'étais si troublée, c'était en partie à cause de ma mère. Le deuxième jour de la grippe, alors que j'étais vraiment mal en point, Nate était venu pour prendre soin de moi. Il avait répondu au téléphone à ma place. C'était maman... et elle qui n'avait pas arrêté de me harceler depuis qu'elle était repartie en me demandant constamment des nouvelles de Kyle et de Nate et en me demandant ou nous en étions tous les deux, quand elle avait entendu Nate lui répondre elle en était tombée plus amoureuse encore... depuis, c'était lourd, elle n'arrêtait pas.
****
Je ne connaissais pas les soirées spéciales « match de boxe » au bar, ce soir, j'étais de service et c'en était une. Il y avait du monde et du boulot. Tout le monde était là, la bande du club ; Marlow, Asher, Mason, Jayce qui aidait Celia, Nate aussi. Il était même venu avec Kyle qui portait un bonnet noir trop craquant qui laissait filer ses mèches brunes trop longues, une chemise à carreaux et des Converses rouges. Il ressemblait à un petit canadien, il était trop beau. Ce soir, du haut de ses quatre ans, c'était lui le plus craquant. C'était dommage de voir qu'un gamin aussi mignon allait malheureusement devenir un bourreau des cœurs dans quelques années.
— Dylan, je peux avoir un coca ? me demanda-t-il en se penchant sur le bar.
— Tout ce que tu veux, mon trésor.
— Alors je peux avoir une paille et les petits bonbons des boissons pour grand ?
Je souris, un autre que lui je lui aurais dit d'aller se faire foutre ailleurs, mais Kyle, quatre ans, était trop chou pour ça. Nate le gronda tandis qu'Asher fit une remarque, sans perdre son sang-froid « MiniLui » haussa les épaules.
— C'est Dylan la chef, si elle dit oui, c'est que je peux. Ah oui ?
J'esquissai un grand sourire en hochant la tête.
— Ah, tu vois ! s'écria-t-il.
— Je vois bien, mon grand, répondit Asher amusé. Mais elle est trop vieille pour toi.
— Dylan, elle est trop belle pour toi.
Nate gloussa, Kyle absolument heureux de tenir tête au grand gamin qui en défiait un plus petit que lui esquissa un grand sourire. Asher éclata finalement de rire. Il y avait une très bonne ambiance ce soir et beaucoup de boulot aussi. C'était un match de la WBA, de la catégorie poids mi-lourd. La bière était à moitié prix et les clients étaient là en masse. Outre ceux du club, il y avait beaucoup de mecs seuls entre copains et mes commandes s'enchainaient vite. Les seules filles qu'il y avait ici ce soir étaient accompagnées de leurs copains.
Après quelques grosses commandes, de la vaisselle à essuyer, un tour de table pour les nettoyer, j'avais envie de mon lit. Lorsque j'eus un petit moment de répit, je massai mon poignet en scrutant le tatouage qu'Asher avait fait pour moi. Il était magnifique, je l'adorais. Il était discret, sans l'être pour autant, très fin, il masquait un peu ma peau fragile aussi. C'était une manchette de fleur comme je le voulais.
— Tu as mal ? demanda Nate.
Je secouai la tête en rivant mon regard au sien. Il avait quelque chose dans le regard, un truc charnel, troublant. Je sentis mes joues devenir rouges, il sembla le remarquer puisqu'il esquissa un petit sourire. Il me semblait qu'il aimait beaucoup, en tout cas c'était l'impression qu'il donnait. Il disait que les fleurs avaient leur place sur ma peau, qu'elles me sublimaient, qu'elles se complétaient sur moi. Ça me donnait envie d'en faire encore, des plus intimes pour qu'il les découvre, des plus petits pour qu'il soit obligé de les regarder avec attention.
— Pas du tout, dis-je finalement. Je suis juste un peu fatiguée.
Il acquiesça avec tout de même un air assez sombre, Kyle réclama les genoux de son père, Nate l'attrapa. Leurs cheveux noirs, la menthe intense de leurs yeux, la forme de leur bouche, ils étaient en tous points similaires, ils étaient trop adorables, l'un avec sa bière, l'autre son coca.
— Il est trop beau ton tatouage, lança Marlow qui se pencha sur le bar. Moi, j'adore.
— C'est quand tu veux, chérie ! Je t'en fais un où tu veux.
— Va te faire voir, Ash. Le jour où tu verras plus que tu ne devrais, je peux te dire qu'il va y avoir un sacré déluge. Tu ne me toucheras pas non plus avec tes accessoires.
— Ce n'est qu'un moment douloureux à passer, ensuite on y prend goût, je t'en donne ma parole.
Deux taches rouges apparurent sur les joues de Marlow, Asher la regarda droit dans les yeux sans la lâcher attendant la prochaine réplique, Nate éclata de rire.
— Tu sais, moi je voulais simplement dire que si un jour tu veux sauter le pas, je peux t'aider. Je sais bien m'y prendre.
Elle rougit de plus belle et je gloussai comme une gourde. Mon regard se perdit dans celui de Nate.
— Il me faudrait cinq bières, me commanda un type.
— En pression ou bouteille ? demandai-je.
— Lequel des deux te prendra le plus de temps pour que l'on fasse connaissance.
Je n'aimais pas ce genre de types, je n'aimais plus. Ils me mettaient mal à l'aise. J'ignorais si Nate l'avait ressenti ou si c'était purement et simplement de l'égo masculin, car nous couchions ensemble, mais il lui lança un regard noir. Personne ne sentit la tension, car la finale entre les deux champions de la catégorie avait commencé. Le client ne calcula pas Nate. Je souris.
— L'un dans l'autre, ma vie est purement ennuyeuse. Pour autant, c'est moins cher en pression.
— Va pour la pression.
J'acquiesçai.
— Tu fais la fermeture ? demanda-t-il.
— Pour l'instant, je fais mon boulot.
— On pourrait...
— N'insiste pas, si elle ne te dit pas quand elle termine en te répondant bien poliment, t'as bien compris qu'elle ne voulait pas sortir avec toi.
Le client tourna la tête vers Nate.
— C'est ta meuf, peut-être ?
— Nate, murmurai-je en allongeant son nom. Ne te prend pas la tête, il y a Kyle aussi.
— Tu l'as entendu Nate, ne te prends pas la tête. Occupe-toi de ton gamin, elle est assez grande pour ne pas être chaperonnée.
J'ouvris la bouche pour répliquer un truc, mais le regard de Nate se suffit à lui-même pour faire comprendre au client qu'un mot de travers et il lui défoncerait le crâne. Kyle qui avait bien compris qu'il y avait de la tension dans l'air se serra contre son père.
— Calme-toi, mec, siffla Asher à côté de nous.
— T'es qui toi ? répliqua l'autre. Son mec ? Vous êtes un couple de grosses tapettes, c'est ça ?
Si Nate me fixait d'un air fou et intense, Asher lui avait le visage crispé, ce ne fut que lorsque Marlow lui pressa le bras en lui parlant qu'il sembla se calmer.
— Ash, ne...
Il la regarda d'un air aussi fou et intense que Nate me regardait. Celia à présent à côté de moi, semblait être un peu mal à l'aise, elle m'avait dit une fois qu'elle n'aimait pas la violence et qu'elle supportait de justesse que Jayce pratique le sport de combat. Tout le monde ne regardait pas par ici, mais il y avait assez d'yeux rivés sur nous. La table d'où venait le type était en train de s'activer.
— Ramène-toi, siffla un de ses potes. Putain mec, on est là pour s'amuser.
Lorsque je remplis la dernière chope de bière, je la posai devant lui en lui indiquant que sa commande était finie. Mais les garçons se regardaient toujours.
— Tes boissons sont prêtes, vas-y mec. Va rejoindre tes potes, ils attendent.
C'était Jayce qui venait d'arriver. Le client le regarda bizarrement, mais ne dit rien. Comme s'il avait deviné en le regardant que Jayce était le genre de type à ne clairement pas emmerder. Les cicatrices qu'il avait sous l'œil droit et sur son menton me faisaient penser que son passé n'avait pas dû être tout rose.
— Soit ça se passe bien, soit c'est dehors. Pour moi, c'est du pareil au même.
Le client me tendit alors un billet. Je l'attrapai et lui rendit sa monnaie, il me remercia avec un clin d'œil et partit s'assoir avec ses copains. Si Ash grommela un gros mot, Nate se concentra sur Kyle qui lui posait des questions.
****
Tout le monde était parti, le bar était sur le point de fermer, mais comme il y avait eu beaucoup de monde ce soir, il y avait beaucoup de boulot. J'avais tout nettoyé me restait plus qu'à sortir les poubelles. Je sortis par la porte de derrière qui amenait dans une petite ruelle.
— Te voilà enfin seule, ma jolie.
Je sursautai et tout mon corps se crispa. C'était l'homme du bar, celui qui s'était pris la tête avec Nate puis avec Asher. Je déglutis.
— Écoutez, je n'ai pas le temps, je suis encore en service et je suis crevée.
— Je te trouve très jolie, mais ça ne doit pas être un scoop, n'est-ce pas ? On pourrait partager, faire connaissance.
Je me déportai vers la droite afin d'atteindre la porte de service et de pouvoir rentrer, mais il me posa son bras contre le mur et me bloqua le passage. Ce type en plus d'être bourré avait un sérieux problème dans la tête.
— Merci pour le compliment et l'intérêt plutôt malsain que vous me portez ce soir, mais c'est franchement inutile d'insister.
— L'autre n'est pas là, tu n'es pas obligé de jouer les farouches.
Je fermai les yeux, s'il approchait d'un millimètre de plus, je le défoncerais...
— Je ne suis pas farouche, je ne suis simplement pas intéressée, c'est tout.
Il ricana et avant que je ne réagisse, il me porta un coup à la tête. La douleur m'assomma un peu. Il s'avança vers moi et je reculai... enfin j'essayai, mais mon corps était figé, il refusait de bouger. Tout à coup, j'avais l'impression d'avoir changé de décor, de ne plus être dans cette petite ruelle, mais plutôt dans cette chambre maudite ou j'avais perdu tant de choses.
— Je veux être sympa avec toi, mais tu m'as obligé...
Bouge ! Bouge ! Bouge ! Bouge !
Mon corps avait perdu toutes ses facultés à réagir. J'avais appris à me battre à me défendre pour éviter ça et je n'étais même pas capable de repousser un type trop ivre.
—... avec un peu de volonté de ta part, les deux parties seront d'accord...
Bouge ! Bouge ! Hurle ! Hurle ! Bouge !
Prie... essaye !
— Dylan, tu...
La réalité sembla se reconnecter lentement. J'aperçus la porte du bar s'ouvrir et une ombre apparut. Ni une ni deux, Nate sauta comme une bête enragée vers mon agresseur et lui enfonça son crochet du droit directement dans la figure. La violence du coup assomma pratiquement l'autre et me scotcha sur place. Il frappa l'homme à terre une nouvelle fois en grognant quelque chose que je ne compris pas.
— Nate, arrête... (Il n'écoutait pas. Alors je repris plus fort, forçant sur ma voix qui semblait avoir disparu.) Nate... arrête ! Ne te mets pas dans de tels états, pense à Kyle.
Il releva la tête et me fixa d'un air furieux. J'avais l'impression de voir dans son regard toutes les mises en garde qu'il avait eue plusieurs fois à mon égard. Je déglutis. Je me faisais minable.
— C'est à toi que je pense à l'instant, pas à mon fils. Il ne mérite pas ta... (Je me mordis la lèvre pour calmer mon menton qui tremblait, mais trop tard, les larmes coulaient le long de mes joues. Son regard s'assombrit d'une nuance plus sombre encore. Il lâcha mon agresseur qui tituba en arrière jusqu'à trébucher.) Dégage d'ici. Mais je te préviens que si je te revois ici, je serais encore moins tendre.
L'homme ne dit rien, tandis qu'il se relevait Nate s'avança vers moi, il attrapa mon visage en coupe et me pressa contre le mur. Il ne regarda même pas dans son dos pour voir si l'autre aller lui mettre un sale coup, non il était concentré sur moi comme s'il savait qu'il n'avait rien à craindre. Il caressa ma joue douloureuse, je pressai mon visage contre sa paume fraîche.
— C'est fini, ma beauté. Ne pleure pas, ne...
Il se tut lorsque j'abattis mes poings contre son torse. Je me sentais si mal, ça brûlait à l'intérieur de moi. Tous mes efforts, tous les sermons pour... au final, rester figée et ne pas être capable de me défendre.
— Chut, calme-toi, Dylan... c'est fini.
Il chuchotait contre ma peau, sa voix était fragile comme mon cœur, son souffle était brûlant comme mon corps, ses yeux étaient perdus dans le chaos comme mon esprit.
— Tu ne comprends pas, c'est...
— Je comprends, dit-il d'une voix basse. Je comprends... Mais je suis là, je sers à ça aussi, je te protégerais toujours... j'aurais dû le défoncer dans le bar pour avoir parlé à ma Dylan comme il l'a fait. Tu es à moi après tout. Mais quand Kyle est là, j'essaye d'être un type bien...
— Et c'est ce que tu es... un type incroyable. Sans toi, je...
— Sans moi, tu l'aurais foutu K.O. La surprise et la peur sont deux choses que l'on ne nous apprend pas en combat ou en self-défense, je sais que tu te serais réveillé...
— Nate... merci !
Il me répondit en souriant. Ses bras se resserrèrent autour de ma taille et il se pressa davantage contre mon corps encore en émoi. Je me rendis compte en serrant son pull entre mes doigts tremblants de combien j'avais envie et besoin de lui. Sa présence me rassurait autant qu'elle me terrifiait, mais à l'instant c'était le côté protecteur qui l'emportait sur tout le reste. Il ressentit mes pensées et cette manière que nous avions toujours de nous comprendre, de capter toutes nos pensées sensuelles me donna chaud. Je relevai la tête... j'étais probablement en train de perdre pied.
— Dylan... arrête !
— Arrêter quoi ? demandai-je sans cesser de fixer ses lèvres.
— De regarder ma bouche comme ça, tu n'as pas idée de combien ça me perturbe.
Il glissa une main derrière ma nuque, ses doigts se déplacèrent lentement dans mes cheveux et il s'inclina. J'avais tant besoin de lui physiquement et à l'instant, après avoir vécu ce court moment de peur et de rage, j'avais irrépressiblement envie de ses lèvres.
— Ça...
— Papa ? Dylan ? Papa, tu fais quoi ?
Je sursautai, la brusque réalité me foudroya, nous foudroya. Nate ricana et grogna en même temps. Il me lâcha et attrapa Kyle quand il arriva à notre hauteur. Il cacha à son fils sa main légèrement ensanglantée.
— Vous faisait quoi ? Un câlin d'amour ?
Je rougis. Il nous fixait tous les deux, sa tête se tournant vers l'un et l'autre.
— On dit : vous faisiez ou vous faites quoi ? Dylan à beaucoup travaillé ce soir elle avait mal aux jambes et à la tête, alors papa l'aide un peu.
Il m'interrogea du regard, j'acquiesçai, mais il ne sembla pas tellement convaincu par les dires de son père...
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