Chapitre 12 Partie 22

Enri resta consterné un court instant puis répliqua :

– C'est pas possible !! Je n'ai aucun pouvoir, ni même une force quelconque ! Je ne suis pas un voyageur !

– En tant qu'êtres devenus naturellement voyageurs… il y a un temps d'adaptation au pouvoir qui va lentement naître en nous. Personnellement, ça m'a prit quelques années… bien que je n'ai pas cherché à m'exercer particulièrement.

– C'est mon corps enfoiré ! Si y avait un quelconque don parasite comme le tiens qui y dormait je le saurais !

Martin ne répondit rien, et retourna alors auprès de son bureau. Il posa sa main sur le livre laissé ouvert sur ce dernier.

– Je crains d'être à court d'arguments, bien que je sais détenir la vérité… je n'ajouterai donc que ceci : l'Aura contenu dans votre corps est en pleine germination, et bien que la capacité de vous soigner purement et simplement ne lui soit pas encore possible, il va profiter de vos moments de passivité pour restaurer autant que possible votre corps et votre esprit… notamment durant votre sommeil.

Sans en dire davantage, Martin s'assit et récupéra son livre. De son côté, Enri était en état de choc, où plutôt ne pouvait plus rester dans le déni. À son réveil, il s'était levé le corps plus frais que jamais. L'esprit apaisé et le cœur en paix. Il avait laissé derrière lui, une soirée durant laquelle sa relation familiale avait été réduite en cendres.

Le jeune homme pouvait se voiler la face autant qu'il le souhaitait, Enri savait pertinemment que le doute n'était plus envisageable. En réalité même, depuis le départ, connaissant la franchise naturelle de Martin, il savait que l'homme ne parlait pas en vain, ni ne mentait. En insistant, Enri espérait apprendre que tout ceci n'était qu'une plaisanterie, mais il n'en était rien.

Il n'était plus seulement le jeune Enri, il était en train de devenir de le même genre d'être que ceux ayant détruit son monde. Tout ce qu'il avait connus avait été saccagé par les voyageurs, et il devenait comme eux. Rien que d'y penser, cela lui faisait éprouver un profond dégoût.

– Je vais reprendre ma lecture, lança soudain Martin, vous pouvez rester si tu le souhaites… entendre ces histoires tout en étant soit même amené à devenir voyageur procure un sentiment d'une ampleur nouvelle.

La petite sœur d'Enri le lâcha enfin, et avec les autres, elle s'assit devant le bureau de Martin. Enri lui, était resté allongé au sol, l'air vide. L'écrivain qui allait continuer de narrer son histoire fit une pause, et s'adressa de nouveau à Enri.

– La mort de tous ces gens vous passera monsieur Enri… ils n'étaient que des pions destinés à nous encadrer le temps de notre émergence.

– … pourquoi ne pas les laisser vivre et juste partir…? demanda Enri d'une voix à peine audible.

– … je présume que le professeur n'avait pas jugé nécessaire de les laisser en vie… et puis, je me sens chez moi ici… et je suis incapable de changer de mondes à l'heure actuelle… alors partir ne ferait que m'exposer aux bêtes laissées par le Chasseur. Bien qu'étant de simples création d'aura, des gens comme vous et moi se feraient tuer très vite par elles.

– … je vois…

Enri se leva alors lentement, tel un cadavre revenu à la vie. Il marcha d'un pas déséquilibré jusqu'à la sortie de la pièce, quand au même moment, la voix de sa petite sœur l'appela.
Il faillit ne pas se retourner, mais sachant déjà ce qu'il projettait de faire, il décida de répondre pour cette fois au moins, à l'appel de cette étrangère.

– Qu'est-ce que tu me veux…?

La petite était déjà derrière lui, et son large sourire ne lui inspirait pas confiance.

– Lula m'a beaucoup parlé de toi tu sais… en particulier ce que tu lui disait de toi, à une époque où tu étais encore passionné par les histoires de monsieur Martin… alors je lui ais proposé quelque chose, avant qu'elle ne meure, et elle à accepté…

Enri n'avait plus la force de contester avec quoique ce soit. Il l'écoutait à moitié, ne captant qu'une partie de ses paroles. Le petite s'adressait à lui avec une ferveur qui aurait fait frémir l'ancien Enri, tant elle lui rappellerai Lula. Seulement voilà, l'ancien Enri avait cédé sa place à un voyageur.

Il resta de marbre face aux paroles de l'enfant, jusqu'à ce qu'elle finisse sa phrase, laissant Enri avec ses derniers mots :

– … elle espère que cette renaissance t'accordera un bonheur nouveau, en tant que voyageur !

Les marques sur son corps se mirent à scintiller intensément. Une lumière bleue étrange s'échappait d'eux, hypnotisante, et aussi diffuse qu'un gaz.

Une énergie pure et intense envahi alors le corps d'Enri qui tressaillit, partant en arrière, menaçant de tomber. À court de souffle, il fixa confus la petite qui lui tendit son habituel sourire candide.

– Au revoir grand frère ! Je sais que tu t'en vas… mais j'espère qu'on se reverra un jour… dans un autre monde !

Elle retourna auprès des autres, laissant Enri reprendre sa route après s'être relevé. Une partie de lui était perplexe, alors que les paroles de la petite résonnaient. Elle semblait avoir compris son but, mais alors, pourquoi espérer le revoir ?

Enri n'en savait rien, et cela lui importait peu.

Il marchait d'un pas lent à travers le village désolé, abattu alors qu'il n'avait pas le désir de dire adieu à ce petit monde qui l'avait vu naître et grandir. Ses pas émettaient la seule source de bruit du périmètre, renforçant son sentiment de solitude.

L'après-midi tomba sur la région fantomatique, alors qu'Enri l'avait déjà quittée.

~~~~~~~~~~~~~

La nuit était passée, et la lumière du jour accueillait un jeune homme épuisé, tout simplement étendu par terre, recouvrant peu à peu ses forces. Il était tel un pantin, une marionnette abandonnée de son maître.

Enri avait marché sans s'arrêter pendant des heures, s'éloignant de prime abord de la région des Anakana, puis s'était enfoncé dans la forêt qui entourait le territoire. Il n'avait pas choisi de se reposer, c'était son propre corps qui l'avait lâché au milieu de la jungle. Les arbres le couvraient de leur silhouette, cachaient de leur ombre son expression de mort vivant.

Comme l'avait dit Martin, L'Aura tapis au fond de lui l'aidait à recouvrir ses forces. Ses pieds endoloris dégonflaient lentement mais sûrement, ses muscles brûlant descendaient en température. Et alors que la matinée était déjà bien avancée, Enri pu de remettre en route. Son corps se dressa de lui même, et ses jambes se mirent en mouvement presque inconsciemment.

Il continua de marcher, inlassablement et sans temps mort. Ses pas étaient réguliers, voire mécanique. Sa respiration était à peine audible. Ses yeux semblaient fixer à la fois un but et le néant. Enri était une vision bien triste à contempler, lui qui n'était que l'ombre de lui-même.

En parallèle, son corps se transformait au rythme de son avancée. Ses jambes devenaient de plus en plus courtes. Ses bras perdaient peu à peu en musculature tandis que les traits de son visage allaient en s'affinant. Au fil du temps, l'homme redevenait enfant.

Les jours passaient, et le manque de nourriture commença alors à montrer ses crocs, rognant sa chaire en la faisant rétrécir par manque d'apports caloriques. L'eau non plus, n'avait pas vue son corps asséché depuis bien des jours. Une odeur désagréable commençait à s'échapper de lui, tandis que ses lèvres se craquelaient telles des carreaux de terre ennplein désert.

Le voyage d'Enri continua ainsi pendant encore quelques jours, jusqu'à ce qu'il rencontre la frontière.

Un rayon de lumière matinale frappait le sol tracé en ligne, qui formait une nette démarcation entre la forêt normale, et son homologue bien plus importante.

En face d'Enri, qui s'était immobilisé pour la première fois, de l'autre côté de la courte frontière, se tenait un ours, grand de plusieurs mètres de haut. Son pelage charbon le rendait sombre comme la nuit, et ses respirations faisait bouger à une cadence régulière son corps massif.

C'était la première fois que le jeune garçon voyait un ours, et dans une autre vie, il aurait été curieux où aurait prit peur en face de cette bête impressionnante, mais pas cette fois.
L'animal semblait en état de sommeil, mais il était en réalité simplement passif. Il savait qu'Enri était là, mais l'enfant n'ayant pas franchi la ligne, l'ours restait immobile.

Enri, l'esprit déjà embrumé, mit comme en arrêt au bout de tant de jours d'inactivité, ne mit même pas en marche son instinct de survie. Au contraire, tout son être était prêt à offrir son corps maudit de voyageur en pâture à l'animal.

Encore quelques pas, et tout serait fini. Il pourrait rejoindre les siens, morts inutilement.

Le jeune garçon fit un premier pas, préambule des suivant, quand une main lui saisit le bras. Cependant, son cerveau ne lui dictait plus aucun réflexe, ni ordre quelconque. C'est donc à peine si il réagit à ce premier contact.

Son corps s'apprêtait à partir toujours plus loin, quand il fut ramener par une poigne puissante, mais dépourvue de rudesse.

Sans qu'il comprenne comment, Enri se retrouva alors dans les bras de quelqu'un, qui le serra avec force.

Un doux voile intangible se posa alors sur lui, et pour la première fois depuis longtemps, il se sentit apaisé. Sans même savoir qui le tenait, Enri utilisa ses forces revenant petit à petit, pour serrer les vêtements de l'inconnu.

Sa chair retrouva de la couleur, son esprit devint plus clair, et au fil des minutes qui lui parurent comme des heures, Enri se sentit redevenir comme autrefois.

C'est alors qu'il pleura.

Il éclata en sanglots.

Le silence de la forêt se fit envahir par le chagrin du garçon, avant qu'il ne lâche ses premiers mots à l'inconnu.

– Je-... je veux mourir…!

– Pourquoi…?

– Je suis devenu un voyageur…!! Un monstre comme celui qui a saccagé mon village !

– Tu n'es pas comme ces abominations mon garçon… quel est ton nom ?

– E-Enri…

– Je m'appelle Aran… désormais tu peux m'appeler chef Aran.

Il s'accroupit devant le garçon tout en lui caressant la tête.

– Comme toi mon petit Enri… je suis un Anakana… devenu voyageur malgré lui. Mais maintenant je dirige tout un groupe de survivants… qui ont bien failli perdre la vie à cause de voyageurs… mais je les ais sauvés avant, parce que j'en ai le pouvoir. Alors plutôt que de mourir ici, viens avec moi, afin qu'ensemble on protège, et guide ces gens vers la liberté. Tu veux bien…?

L'étreinte d'Aran était agréable, et Enri désirait que ce moment ne s'arrête jamais. Il serra encore plus fort les vêtements d'Aran, et murmura :

– Oui…

Le chef hocha la tête, puis porta son regard vers l'horizon. Merci de m'avoir guidé jusqu'à cet enfin maître Héliam, j'ai pu sauver une vie d'une inestimable valeur.
L'ours frémi discrètement au même instant, mais aucun des deux ne le remarqua.

– Partons donc Enri… notre place n'est pas ici…

Alors que le garçon refusait de se détacher de lui, Aran parvint à le faire tenir sa main, rassurant ce dernier. Les deux partirent alors ensemble, et c'est ainsi qu'Enri rejoint Aran et sa troupe.

Et c'est ainsi que se termine le flashback d'Enri :3 j'espère que ça n'aura pas été trop long... Je me suis dit que montrer son passé plus que de le raconter de sa bouche serait nécessaire pour bien apprécier le personnage...

Enfin... Cette partie met fin au chapitre 12 ...

On entre donc dans le numéro 13... De retour dans le vif de la l'intrigue !

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