Chapitre 12 Partie 14

Sur le pont avant du navire, les otages capturés dans la pagode étaient alignés, entourés par les Anakana armés, les fixant avec dégoût et amertume. En sa qualité de chef, Aran se tenait devant les otages, fermement liés par des cordes, et la vue voilée par des tissus, le regard sombre et les poings serrés.

Tout comme les autres Anakana, malgré toute la haine qu'il éprouvait vis-à-vis des voyageurs, il savait qu'il n'avait en face de lui que des apprentis. Bien que ces individus sous ses yeux soient les graines d'un mal bien trop grand pour être épargné, ils n'en restaient pas moins que des graines.

Il y avait hommes, femmes et même enfants, comme parmi leurs rangs. Aux yeux du chef, c'était un acte lourd de sens que lui et les siens allaient commettre.

Cependant, ils étaient arrivés à un point de non retour. Certains d'entre eux sont morts durant ce qui n'était alors qu'un début, le prologue d'une guerre à bien plus grande échelle. Cette bataille sur le Ballistia n'était qu'une première confrontation, et tous voulaient s'y préparer, en prévision de leur prochaine rencontre.

Aran se donnait du courage en repensant à son titre, et aux responsabilités qui incombaient à un homme de son rang. Une fois ses idées remises en place, il croisa les bras derrière son dos et prit une grande inspiration.

– Ôtez-leur les bandeaux !

Sans discuter, les soldats enlevèrent les tissus voilant les yeux des otages, laissant aux apprentis le soin de contempler la situation dans laquelle ils étaient. Dès qu'ils furent capables de voir, deux petits, les plus jeunes ici présent, se mirent à crier.

Marie et Arthur, les deux cadets de la famille Third dormaient encore quand on est venu les cueillir dans la chambre. Béatrice, quoiqu'encore mal en point avait fait des pieds et des mains pour éviter qu'on les capture avec trop de brutalité.

Les jeunes enfants avaient alors finis aveuglés par les bandeaux, ne sachant ce qui arrivait. Seuls les pas des soldats, ceux des autres apprentis et la voix se voulant rassurante de Béatrice avait conduit leur transport jusqu'au pont.

Seulement voilà, ils étaient désormais au fait de ce qui se passait ici, et bien qu'ils n'aient eu vent de toutes les morts ayant ôtées des membres de la famille, ils ne pouvaient échapper à la colère de ces gens voyant en eux un danger mortel.

Trop petits pour garder une once de calme alors qu'ils étaient attachés, les genoux au sol entourés par des gens armés, les deux se mirent à sangloter.

– Qu'est-ce qui se passe ! gémit Arthur. Où sont grand frère et grande sœur ?!

– J'ai peur !! Je peux pas bouger les mains ! hurla Marie.

Galvanisée par la détresse de ses protégés, et les ordres d'Andros, Béatrice réagit au quart de tour :

– Je vous en prie ! Quoique vous vouliez, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour vous l'offrir ! Même mon corps si nécessaire ! Mais épargnez ces enfants je vous en supplie !

Elle plaqua son visage contre le sol pour appuyer ses arguments. Les deux petits qui virent alors leur mère s'humilier de la sorte sentirent le désespoir les gagner encore plus.

– Qu'est-ce qui nous arrive maman ?! Pourquoi on nous fait ça ? cria Marie.

Le visage de Béatrice déjà mortifié par son combat face à Asgard et sa rencontre avec Andros, fut prit d'un élan renouvelé de terreur. Elle se redressa les yeux clos pour s'adresser de nouveau à Aran.

– S'il vous plaît…! Je vous en prie !

Elle frappa son visage au sol avec plus de vigueur, laissant entendre le claquement sourd du bois. Ses lèvres sanglantes gardaient la trace de ses dents les ayant perforées, signe de son insondable détresse.

Autour d'elle, les autres apprentis restaient dans le silence, Kayle ne savait pas quoi faire, ni même dire, il était aussi perdu que la matriarche de la famille. Zoé elle non plus ne disait rien du tout, son esprit vagabondait autre part. Elle savait que même si ils mourraient ici ce n'était pas la vraie fin. En fait, la petite se demandait même ce qui la retenait ici.

Alfred et Étienne étaient trop terrifiés pour dire quoique ce soit, Stéphanie encore secouée par sa rupture avec Vanessa, et cette dernière complètement vidée depuis les dernières paroles que lui avait adressée Stéphanie.

Miiko ne savait que faire dans une situation pareille, tant de paramètres jouant en sa défaveur. On s'était saisit d'elle alors qu'elle s'était assoupie, et elle se trouvait actuellement attachée et encerclée. Même avec une arme, elle n'avait pas la moindre idée de comment se sortir de là.

Alizéa était dans la même situation, se sachant bien trop faible pour faire face à autant de monde. Elle se doutait que n'importe quel danger pouvait venir se saisir d'elle dans la pagode, mais elle n'avait pas imaginé qu'un véritable assaut serait mené là bas.

Elle serrait les dents à la vue de tous ces ennemis, inquiète du sort qu'ils lui réservaient. Elle qui avait su éviter les combats jusqu'ici s'était retrouvée dans une situation à l'opposé total de ses actions. Tel un combattant ayant mené bataille, elle se tenait là au même titre que d'autres qui avaient sûrement fais pire qu'elle.

Alizéa maudis dans son cœur sa situation, préférant garder le silence de peur que les choses n'empirent.

À l'exception de Béatrice qui suppliait pour la vie des petits, personne ne plaidait pour sa survie. Chacun était plongé dans ses pensées, à la fois concerné et détaché de la situation actuelle.

De son côté, Aran était resté dans le silence face aux paroles incessantes de Béatrice. Il n'avait pas un coeur de pierre, et la vision d'une mère désirant plus que sa survie où son intégrité même, la sûreté de ses petits lui écrasait le cœur.

Cependant, portait les espoirs du village sur ses épaules, alors ses considérations personnelles n'avaient pas à rentrer en ligne de compte. Il se mordait les lèvres face au visage plaqué contre terre de Béatrice, et s'apprêtait à parler quand Enri s'approcha de la femme.

Ses pas ne produisaient pas le moindre son, et c'est tel un fantôme qu'il se présenta à Béatrice, le visage couvert par sa capuche.

Aran allait s'adresser à lui, cherchant à comprendre la raison de son geste quand un claquement sonore retentit. Le regard de tous les otages était dirigé vers Enri qui tenait Béatrice par les cheveux, alors qu'il lui avait administré un soufflet puissant.

Une marque visible au gré des lumières environnantes avait été créé sur la joue de la femme qui resta estomaquée. Elle ne s'imaginait pas se faire rabrouer de cette façon. Quand Marie et Arthur virent leur mère se faire frapper, ils s'agitèrent davantage.

– Maman !!

– Pourquoi il t'a fait ça ! Laisse là tranquille !

Les deux enfants s'étouffaient à crier vers Béatrice et son assaillant quand de sa voix, il les fit taire :

– Taisez-vous !!

Un souffle vint ébouriffer les cheveux de tous ceux à proximité d'Enri et aux alentours. Marie tomba même sur Arthur qui s'étala au sol, incapable de supporter la chute de sa sœur.

Tout en donnant cet ordre, Enri avait découvert sa tête, dévoilant une figure juvénile, tout juste plus âgée que Zoé. Ses cheveux en bataille couleur blé décoraient un joli minois prit d'amertume.

Le regard d'Enri atterrit sur les jumeaux restés tous deux à terre, tremblants de la tête aux pieds devant ce garçon à l'expression impitoyable.

Enri se releva après avoir lâché les cheveux de Béatrice puis s'éloigna de quelques mètres, restant toujours entre elle et Aran. Le chef voulait intervenir, mais c'était comme si Enri s'opposait à lui.

– Enri…! Pourquoi tu-

– Mon père est mort deux ans après ma naissance ! hurla soudain le jeune garçon.

Le chef s'arrêta, alors que l'aura d'Enri semblait vouloir l'empêcher de s'approcher davantage. L'air était épais, comme un sac gonflable transparent. Aran pouvait presque y planter un couteau.

– Enri ! Qu'est-ce que tu fais ?! s'écria Aran.

– Alors qu'il allait aux champs…! Mon père, Bert, s'est fait dévorer par des plantes laissées là par un voyageur en herbe ! Il voulait tester ses pouvoirs, alors il a dispersé des graines dans nos plantations… causant la mort de dizaines d'hommes et de femmes ! Une famine à failli éclater dans le village à cause des pertes !

Jusqu'ici incapable d'avancer davantage, Aran fut bientôt repoussé par l'aura d'Enri. Comme si un mur invisible le poussait lentement, il s'éloignait du jeune garçon qui perdait vraisemblablement le contrôle de ses émotions.

Sa voix était emplie d'une haine profonde. Enri était en colère et refusait de se calmer. Aran ne voulait pas brutaliser le garçon, encore inexpérimenté dans le contrôle de son aura, mais il sentait que la situation pouvait déraper à tout moment.

– Enri !

– Tais toi !!

Le corps d'Aran s'alourdit brusquement, le mettant à genoux au sol un bref instant. Ses yeux écarquillés contemplaient l'aura grandissant du garçon. Il avait atteint un point d'ascension, un état d'éveil qui amenait son pouvoir à un niveau bien plus élevé qu'auparavant.

– Ma sœur à perdue une main à cause d'eux ! Notre maison misérable et tout ce qu'on avait a été détruit à cause d'eux ! Tellement de gens ont finis handicapés à cause de leur bêtises ! Tout ça parce qu'ils ne prennent pas leur responsabilité !

Enri se dirigea de nouveau vers Béatrice, puis jeta un œil en direction des autres. Son regard atterrit alors sur les deux enfants, Marie et Arthur, horrifiés par lui. Ils tremblaient de peur, enfouissant à moitié leur tête dans le corps de l'autre.

– Vous êtes injustes…! cracha alors Enri dans un élan de dégoût.

Les lattes en bois constituant le pont du navire se mirent à vibrer, alors que des larmes coulaient de ses joues.

– Comment osez-vous êtres humains alors que vous incarnez le mal incarné de ce monde- non…! De tous les mondes !!

Le bois se mit à craquer, sous ses pieds alors qu'il hurlait avec rage. Sa main passa alors en revue tous ceux restés à l'écart, les soldats Anakana.
Il se tourna ensuite vers Aran qui était encore soufflé par sa puissance croissante.

– Tu ne peux pas les faire partir tranquillement chef…! Tu peux pas !!

D'un pas pressé Enri rejoint le chef du village et lui aggripa le col. Dans les yeux du garçon, on lisait une colère infinie, laissant même Aran s'imaginer que le petit le voyait comme un ennemi.
Les autres voulaient réagir, pour éviter qu'un conflit n'éclate entre ces deux là, mais les paroles d'Enri avaient ravivées les souvenirs d'un douloureux passé.

Agitant le corps d'Aran, Enri s'adressa à lui avec férocité :

– Ils ne peuvent pas quitter cet endroit sans savoir…! Sans connaître le genre de cauchemar que leur semblables nous ont fait vivre !! Je refuse qu'ils ferment les yeux sans apprendre ce qu'il est arrivé à grand mère Lada, à oncle Sammy…! À ma mère !!

Enri projetta vers l'arrière Aran qui se réceptionna rapidement avant de retourner vers le garçon. Cependant, à peine les mains du chef s'approchèrent de ses épaules, une impulsion d'aura vint le repousser brutalement.

Le chef restait hébété, alors qu'il sentait que le garçon échappait à tout contrôle.

– Enri !! Je ne suis pas ton ennemi !

– Je ne suis pas un gamin Aran ! Ne me prends pas pour ton enfant sous prétexte que je ressemble à un marmot !

Suite à ces mots lancés avec une dureté rare, Enri se tourna vers les autres Anakana qui détournaient le regard, plongés dans la tourmente à cause de ses paroles.

– Vous tous ! Allez-y ! Libérez-vous bon sang !

Les poings serrés, quelques uns sortirent de la formation serrée pour aller rejoindre Enri devant les otages. Il y avait des vieillards comme des jeunes gens, tous affublés de cette même rancoeur sur le visage.

– Ma fille est morte dans une explosion !! hurla un grand père les larmes aux yeux.

– Mes amis ont été empoisonné par un voyageur ! cria un adolescent. Ils sont partis dans d'atroces souffrances sans jamais que je puisse leur venir en aide !

La foule était galvanisée par le nombre croissant de gens venant hurler les atrocités des voyageurs. En parallèle, Enri continuait de propager sa hargne et de plus en plus d'Anakana pénétraient le cercle.

– Dites le leur à ces monstres ! Racontez leur notre histoire ! Ils doivent finir hantés par les crimes des leurs !

En un rien de temps, la foule se rassembla autour des otages, criant ses quatre vérités aux apprentis assaillis de toutes parts. Au milieu du tumulte, Aran était là, chamboulé de l'intérieur.
Enri s'approcha alors de lui, évitant les Anakana rejoignant le centre.

– Enri… tu n'avais pas à raviver les douleur du passé…! lui lança Aran. Les nôtres ont eut tant de mal à passer le cap !

Le garçon secoua alors la tête, regardant avec une once de mépris le chef.

– Je refuse…! Je refuse de m'arrêter alors même que tout ne fais que commencer chef…!

Il tandis les bras, montrant à Aran tous leur semblables en train d'affluer vers les apprentis.

– Tous ici présent chef ! Nous tous ! Nous sommes venus déclarer la guerre aux voyageurs ! Et cette guerre ne pourra être menée si on laisse simplement nos souffrances derrière nous !

Ils ne s'arrêteront que lorsqu'ils auront obtenus justice...

Comment c'était l'écrit ?

Soyons concis pour une fois : alors tout d'abord, il fallait mettre en place la scène... Oui on approche du dernier Acte, donc il faut poser la base que viendront perturber nos chers protagonistes.

J'en ai profité pour ramener, comme souvent d'ailleurs, les petits oubliés des derniers chapitres, notamment Alizéa qui n'avait pas donné signe de vie depuis un bon moment, et Miiko qu'on avait quitté à la fin du chap 8. Bref, une petite rétrospective sur leur cas et le tour est joué :)

Vers la fin, un développement de personnage d'Enri et sa vision bien plus extrême que celle du chef Aran. En bonus, j'en ai profité pour montrer de quoi était capable l'Aura. Évidemment c'est très dépendant du personnage... Mais imaginez un peu ce que pourront faire les apprentis OwO. Ça à l'air d'une simple force invisible sur le papier... Mais rassurez vous c'est bibi à l'écriture alors ce pouvoir sera biiiien plus qu'un simple "truc invisible qui rend balèze et donne des pouvoirs" X)

Bref ! Merci d'avoir lu !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top