22-Clyde

«La vie est un conte de fée qui perd ses pouvoirs magiques lorsque nous grandissons.»

-Robert Lalonde.  


Il faut arrêter de croire que cela finira bien.

J'ai lu énormément de livres, au cour de ma vie, regardé assez de films ou de séries télévisées pour savoir que, bien souvent, le mot fin est posé trop vite. Les princesses et les héros de conte de fée souffrent, et meurent aussi, personne n'échappe à la règle. L'univers est ainsi fait, rien n'est permanent, rien n'est éternel.

Je ne sais plus à quel âge avoir pris conscience de cette dure réalité, je me souviens, cependant, l'avoir découvert trop tôt, je n'étais qu'un gosse, j'étais trop jeune. C'est malheureux, jamais les enfants ne devraient être confronté à toute cette souffrance; le monde monstrueux que nous avons créé finit par tout leur arracher, même leur innocence.

Au moins une fois dans sa vie, un homme se demandera pourquoi continuer. Pourquoi s'obstiner si vivre rime avec mourir, si derrière la joie se cache une profonde détresse, si dans cette population incessante, on ne trouve que la solitude. Je me suis posé cette question moi aussi, longtemps, je me suis demandé si cela valait vraiment le coup de prolonger la vie, en sachant qu'elle se terminerait un jour. A quoi servait-il, donc, de commencer à construire quelque chose que je n'aurais jamais la chance d'achever?

Mais j'ai fini par réaliser, bien-sûr que cela en vaut la peine, parce que parfois, ça peut-être bien. Car malgré la douleur, malgré les pleurs, la dépravation de notre terre ou le sang qui coule à chaque seconde, il y a aussi des instants qui nous font comprendre pourquoi on continue de se battre, pourquoi on continue d'avancer. Ce genre d'occasions qui rendent tellement heureux, qui suspendent le temps et nous font nous sentir vivant, même si cela semble tellement dérisoire dans un monde aussi monstrueux.

C'est pour ces moments-là qu'on vit.

-Pourquoi avoir dis que le meurtre de ses parents la concernait directement, Richard? soufflai-je, le téléphone coincé entre l'oreille et l'épaule, alors que je déambulais, à travers les rayons, en poussant un caddie.

-Que veux-tu que je te dise, Coal? me répondit le chef des Red Storms alors que je soupirais dans le combiné.

Je m'emparais d'une boîte de céréale au passage, et la jetait, énervé, dans le chariot.

-Je ne sais pas, la vérité peut-être, déclarai-je froidement.

J'esquivai une vielle dame qui semblait hésiter devant les rayons des croquettes pour chat et contournais les surgelés.

-Si je savais des choses avec assurance, je te les dirais. Mais ce ne sont que des suppositions, rien ne m'assure que ce que je crains soit vrai. J'ai peur de ne pas pouvoir t'être d'une grande aide. Mais dis-moi, quelle est la raison de ton appel, Coal?

Je m'appuyais contre un frigo en me passant la main sur le visage, fatigué.

-Tu as été le premier à me dire que ces meurtres la concernait, je devais comprendre pourquoi, car elle refuse de m'expliquer, de son coté. Je crois qu'elle me ment, je crois qu'elle a découvert quelque chose dont elle refuse de me parler. L'autre soir, elle a débarqué dont la cuisine en disant qu'elle était liée au meurtre de ses parents, quand je lui ai demandé pourquoi, elle m'a répondu une intuition.

-Ah les femmes, rigola Richard.

-Tu l'as dit! J'aimerai qu'on puisse se faire confiance, mais je ne suis pas sûre que ce soit possible, si on se cache des choses.

-Et pourtant, elle n'est pas au courant, non plus, de la conversation que nous entretenons en ce moment, souligna-t-il.

-Personne n'est parfait, soufflai-je.

Un silence me répondit, avant qu'il ne reprenne la parole.

-Je suis désolé de ne pas pourvoir t'aider, Coal.

-Ce n'est rien, Richard, merci quand même, déclarai-je en raccrochant alors que je voyais Eleanor courir vers moi.

-J'ai oublié le lait, tu peux me prendre du shampoing, cria-t-elle, sans cesser sa course, en se dirigeant vers les frigos.

-Pourquoi faire?

-Me laver les cheveux, s'exclama-t-elle en se retournant, haussant un sourcil devant l'absurdité de ma question.

-Non mais, je sais, je parlais du lait, ricanai-je.

-C'est pour faire des gaufres, s'écria-t-elle comme si c'était une évidence, en s'éloignant, alors que je laissais échapper un sourire en me dirigeant vers les produits de beauté.

Je fronçais les yeux devant les différents emballages, déstabilisé. Shampoing démêlant, masque pour les cheveux, deux en uns, huile pour les pointes, spécial blonde, senteur cannelle, parfum miel, couleur orange, comment étais-je censé savoir lequel choisir? Je prenais un flacon avant de le reposer, hésitant.

-Ça alors! Si un jour, on m'avait dit que je verrais Clyde Coal acheter du shampoing à la verveine dans une supérette, je ne l'aurais pas cru, plaisanta, dans mon dos, une voix que je connaissais si bien.

-Mauvais choix? Je devrais plutôt prendre vanille, répliquai-je tout en me retournant alors que l'homme s'esclaffait avant de s'approcher pour me faire une accolade.

Je le serrai contre moi, l'étreinte ramenant brusquement une vague de souvenirs, que je reçu violemment en pleine face.

Il m'éloigna de lui pour me couver des yeux.

-Seigneur, je suis surpris que tu sois encore en vie, connaissant ton attrait pour le danger, continua-t-il en me tenant à bout de bras, m'auscultant des pieds à la tête.

-Clyde, tu as trouvé du... commença Eleanor en débarquant avant de se figer subitement, la brique de lait dans les mains, Bonjour.

-Clyde hein, souligna l'homme aux cheveux blancs en m'adressant un regard lourd de sens, avant de se tourner vers elle, Bonjour Mademoiselle, je suis le capitaine Henry Black.

-Enchantée, répondit-elle en lui serrant la main qu'il lui tendait, Eleanor Penn.

-Eleanor, Henry était mon supérieur à l'armée et également l'un des meilleurs amis de mon grand père, expliquai-je en faisant les presentations, Henry, Eleanor est...he bien... mon... ma ... une... Eleanor est Eleanor.

Le vieil homme ne cacha pas son sourire en nous dévisageant tour à tour.

-Mon dieu, Coal, on ne t'as pas vu depuis une éternité. Tu ne nous as jamais rendu visite, me reprocha-t-il finalement.

-Tu sais très bien pourquoi, Henry.

-Il y a le dîner annuel, tu sais bien que tu peux venir, tu y es toujours invité. Cette année est une occasion spécial, il y a une commémoration pour les combattants de la guerre du Vietman. Tu devrais y aller, pour ton grand père.

-Henry...

-Vous savez, Eleanor, que votre fiancé est un héros, reprit-il en se tournant vers elle alors qu'elle haussait un sourcil pendant que ses yeux glissaient de lui à moi.

-Eleanor, ne l'écoute...

-Oui je le sais, me coupa-t-elle sans détourner son regard du miens, Il m'a sauvé, moi aussi. Il viendra, conclu-t-elle en se tournant finalement vers le vieillard.

-Vraiment?! s'exclamâmes Henry et moi, à l'unisson.

L'homme esquiva un sourire avant de regarder sa montre.

-Ah les femmes, elles nous mènent par le bout du nez. Mais qu'est ce qu'on ferait sans elle, rigola-t-il en me faisant un clin d'oeil, Par ailleurs, la mienne m'attend. Coal, Mademoiselle Penn, on se voit donc prochainement, déclara-t-il en nous faisant un signe de tête avant de s'éloigner.

Je me tournais vers elle, agacé.

-Tu n'avais pas à prendre de décision à ma place, Eleanor, m'énervai-je en croisant les bras sur ma poitrine.

Elle haussa les épaules.

-Cet homme tient à toi, Clyde. Ecoute, je ne sais pas ce qui est arrivé à l'armée, où à ta famille, ce qu'on t'a fait subir, tu ne m'as jamais rien dit. Je ne te le demande pas, je ne te l'ai jamais exigé, c'est ton choix, à toi seul, je le comprend mieux que personne. Mais il suffit de vous voir une seconde ensemble, pour savoir que cet homme t'aime réellement, et je suis persuadée que c'est réciproque. Hors, crois-mois, les choses tournent mal quand on met de la distance entre nous et les gens qu'on aime, je parle en terme d'expérience. Alors, tu avais raison, je suis désolée, c'était ta décision. Mais tu devrais y aller.

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