14-Clyde
«Ne permettez pas à vos blessures de vous transformez en quelqu'un que vous n'êtes pas.»
-Paulo Coelho.
Je ne me souviens plus exactement à quel moment est né mon amour du piano, à partir de quand il m'est devenu une nécessité de faire parcourir mes doigts sur les touches noires et blanches ou pourquoi. Ce qui m'a marqué en revanche, c'est cette sensation qui me prenait à chaque fois que je commençais un morceau. Jouer était une évasion, cet instrument m'a sauvé. Le piano a été mon échappatoire, ma délivrance, ma rédemption. Il me donnait l'impression d'être libre, et surtout, j'avais l'impression d'être en vie.
Ma mère disait qu'il existe des passions si profondes qu'elles sont capables de guérir nos blessures. La musique, c'était mon médicament à moi.
Mais je me demande si je ne suis pas en train de changer.
Quand j'ai cessé de jouer, j'ai cru que j'en mourrais, j'ai pensé ne plus jamais pouvoir être heureux. C'est comme si ma vie s'était retrouvée plongée dans la nuit, dans la pénombre et que je m'étais égaré en route. Même sourire était devenu difficile.
Et puis je l'ai rencontré.
Elle était affreusement dangereuse, incroyablement chiante, atrocement inconsciente. C'était une gamine provocatrice qui cachait une âme brisée et un gouffre à la place du coeur. Et pourtant, elle m'a sauvé. Pourtant, avec elle, pour la première fois depuis une éternité, j'ai eu envie d'aller mieux. Elle a rallumée la lumière et elle m'a ramené sur le chemin. Elle m'a soignée.
Quand ma mère disait qu'il existe des passions si profondes qu'elles sont capables de guérir nos blessures, je crois qu'elle a omis de mentionner quelque chose. La passion peut prendre un milliard de formes différentes, et parfois il arrive que ce soit une personne. Et que ce soit elle qui vous libère.
Mes doigts parcourait les touches avec l'aisance que donne l'habitude. J'aimais particulièrement Chopin, plus que bien d'autres. Il y avait quelque chose de particulier dans ses compositions qui me prenait aux tripes.
J'étais seul à la maison, c'était une occasion unique. Les fois où les vingts personnes résidant ici étaient toutes de sortie en même temps se comptait sur les doigts d'une main, cela révélait de l'exploit. Certains étaient en mission, d'autres étaient aller boire un verre. Eleanor, quant à elle, était à l'hôpital avec Mercy et Ed pour son contrôle mensuel afin de vérifier la présence d'éventuelles blessures internes.
J'en avais profité pour me mettre au piano, cela m'arrivait d'en jouer encore, parfois, mais plus comme avant, plus maintenant. C'était seulement quand j'étais seul et persuadé que personne ne serait là pour me voir pleurer.
J'accélérais la cadence, en mouvant plus rapidement mes doigts. C'étais la partie la plus difficile du morceau, ma préférée également. Jouer était grisant, le son des notes résonnants sous mes mains me plongeait dans un état d'euphorie.
C'est seulement la chanson terminée que je rouvrais les yeux et remarquais Jared appuyé contre le mur à me regarder.
-Mon dieu, ça faisait une éternité que je ne t'avais plus entendu. Tu n'a rien perdu de ton talent mon vieux, déclara-t-il en venant s'asseoir à coté de moi sur la banquette.
-Je déteste jouer devant des gens.
Il rigola.
-C'est un tort, Coal. Tu joues divinement bien.
J'esquissai un sourire avant de me tourner vers lui.
-Jared, est-ce que tu penses que j'ai fais une erreur?
-Je vais répondre ce que ma mère te dirais: Tu es un homme mon ange, les hommes font des erreurs, me taquina-t-il en me donnant un coup de coude.
-Merci mon lapin, ris-je.
-Tu t'inquiète pour Eleanor, c'est ça? reprit-il plus sérieusement.
J'acquiesçai silencieusement.
Jared avait cette caractéristique, même si il était plutôt con, même si il était plutôt chiant, même si c'était juste un insupportable drogué coureur de jupon, il avait toujours su lire en les gens comme dans un livre ouvert. Il possédait une surprenant capacité de discernement, il comprenait les mots dans vos silences.
-Elle est si jeune et... Et ce monde est dangereux. Il est destructeur. Il ne lui reste plus beaucoup de temps à vivre, penses-tu que ce soit une bonne chose qu'elle le passe avec nous, avec moi? Je ne suis pas sûre de pouvoir lui apporter ce dont elle a vraiment besoin. Je ne pourrais jamais lui offrir une vie normale.
-Clyde, commença-t-il, et je tiquais car il n'utilisait mon prénom que pour de rares occasions, Eleanor n'a jamais eu une vie normale. Elle est malade, peu importe qu'elle soit quelqu'un de bien ou non, qu'elle vive dans le monde des méchants ou des gentils, sa vie sera toujours un cauchemar. Elle est atteinte d'une maladie incurable, elle ne sera jamais normale, elle n'ira jamais bien. Mais voilà ce que je peux te dire en revanche, Eleanor était seule. Et puis tu es arrivé. J'ai bien vu que cette gamine t'avais changé, mais tu l'as changé toi aussi. Tu lui offerts une maison, une famille, des amis et une personne à qui faire confiance. Tu lui a donné ton amour. Ce n'est pas rien Clyde, pas venant de toi.
Je fronçais les sourcils.
-Ne dis rien si tu veux, reprit-il, Mais je sais ce que tu ressens. Je vois bien que tu es en train de tomber amoureux d'elle.
-Ta gueule Jared, soufflai-je.
-Non je suis sérieux. Et je suis réellement content pour toi Clyde. C'est une bonne chose. Eleanor arrivera peut-être à te guérir, à t'apporter ce que nous ne pouvons pas. Honnêtement Clyde, ta place n'est pas ici, elle ne l'a jamais été. Tu n'es pas fait pour être chef de gang, même si tu es remarquable dans ce rôle -je dois bien l'admettre. Toi tu es quelqu'un de bien, tu as des principes et des valeurs. Je ne peux pas te sauver comme ça, Clyde, pas moi, mais elle si. Elle peut te faire aller mieux, elle peut te sortir de là. La vie est courte mec, ne gâche pas ta chance.
Je regardai mon meilleur ami, je n'avais jamais réalisé à quel point il pouvait être sage, à quel point il pouvait avoir raison. Puis sans attendre, je me levais et quittais la pièce.
-Où vas-tu? m'interpella Jared.
Je me retournais.
-Je vais aller embrasser la fille dont je suis en train de tomber amoureux.
Jared éclata de rire en levant ses deux pouces en l'air quand la sonnerie stridente de mon téléphone nous interrompit. Le nom de Mercy était affiché sur l'écran.
-Allo Mercy? Un problème? questionnais-je en portant l'appareil à mon oreille.
-Coal, cria-t-elle alors que je percevais un brouhaha infernal derrière elle, Coal...
La réception était mauvaise, souvent interrompue par des grésillements.
-Mercy qu'est ce qui se passe!?
-C'est Eleanor... Elle a été enlevée.
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