12-Clyde

«Il existe dans le coeur humain un désir de tout détruire. Détruire c'est affirmer qu'on existe envers et contre tout.»

-Niki de Saint Phalle.


L'homme est un être perfide. Il ressent le besoin de blesser ceux qu'il aime quand ils lui font du mal. C'est n'est pas un jugement, je ne peux pas juger ce que j'ai moi-même fait, ce que je ferais encore demain, c'est une simple constatation.

On ne supporte pas de souffrir dans un monde qui va bien, on déteste apercevoir tout ces gens heureux quand on désespère, on n'accepte plus difficilement la douleur quand nous somme seul à la ressentir. Heureusement, on peut se consoler avec cette dernière, car la douleur est un concept universel.

Vivre c'est souffrir.

Moi aussi j'ai souffert, et bien entendu que j'ai fait souffrir, souvent, trop souvent. J'ai parlé quand il ne fallait pas, j'ai frappé quand ce n'était pas nécessaire, j'ai crié quand il fallait se taire, j'ai supplié quand c'était trop tard.

Le problème avec le mal, c'est que quand il est fait, il n'y a pas de retour en arrière possible. On ne peut pas gommer la dernière phrase, effacer le derniers mot et revenir en arrière. On ne peut pas tout recommencer. On peut juste s'excuser et espérer que les conséquences de nos actes ne soient pas impardonnables, irréversibles.

Je voulais pas la faire souffrir elle. Je ne voulais pas lui faire du mal, je ne voulais pas lui faire peur. Mais j'étais blessé, et une personne blessée est une personne dangereuse.

-Voilà, souffla Mercy en commençant à ranger son matériel médical, Tu as eus une chance insolente Coal. Je crois que tu ne t'en rends même pas compte. Deux centimètres plus bas et la balle aurait touché un organe, m'indiqua-t-elle alors que je restais muet.

Merci se trouvait être la copine de Ed. Cette fille n'avait rien à voir avec nos histoires de gangs. Elle n'était pas comme nous, c'était quelqu'un de bien. Ils s'étaient rencontrés cinq auparavant à l'hôpital. Mercy finissait ses études de médecine, lui était blessé. Leur rencontre avait été un véritable coup de foudre. Mais le rêve n'avait failli pas durer quand elle avait compris ce que Ed faisait de sa vie, elle ne lui avait pas parlé pendant un mois. Je me souviens qu'il était devenu une véritable épave, ne s'alimentant presque plus,  se contentant de passer son temps à se morfondre dans son lit. Et puis elle avait débarquée un jeudi matin en lui déclarant qu'elle l'aimait peu importe qui il était, qu'il lui manquait trop. Maintenant elle était un remarquable médecin et nous soignait occasionnellement mais ne s'impliquait pas dans nos histoires. Elle n'aurait jamais pu, son métier consistait à sauver des gens, pas à leur prendre la vie.

-Qui étais-ce? me demanda-t-elle subitement alors que je relevais la tête  en signe d'incompréhension, La fille qui sortait au moment où je suis rentrée.

-Eleanor, lui répondis-je comme seule explication.

-La fameuse, s'exclama-t-elle, intriguée, Ed m'en a parlé. Sa maladie est extrêmement rare, une ICD, ça ne court pas les rues. Je me demande ce que ça doit faire de vivre ainsi, de vivre sans connaître le douleur. C'est très dangereux, c'est même mortel.

-Comment ça?

-Les gens qui en sont atteint dépassent rarement la trentaine. Les blessures à répétition dont ils n'ont pas conscience finissent par les tuer, et ce malgré des contrôles réguliers à l'hôpital. Elle ne te l'avais pas dit? Elle doit forcément le savoir.

Je laissais aller ma tête contre le mur.

-Bon dieu, non.

-C'est affreux, continua Mercy, Elle a l'air tellement jeune. C'est difficile de penser qu'il ne lui reste qu'une dizaine d'année. 

-Putain, criai-je en me relevant avant de prendre ma tête entre mes mains, Merde. Elle ne m'a rien dit!

La blonde mit une main compatissante sur mon épaule.

-Tu devrais aller la retrouver, me conseilla Mercy, Jared a dit qu'elle était dans sa chambre.

Mon Dieu merci. Elle n'était pas parti. Elle n'avait pas tout quitté. Elle ne m'avait pas abandonné.

Je grimpais les escaliers en courant malgré la douleur qui me tiraillait les côtes et longeait le couloir jusqu'à sa chambre. Je me stoppais devant la porte close, qu'allais-je lui dire? Que pouvais-je faire? 

Je chassais mes pensées et entrais. La pièce était plongée dans l'obscurité mais je discernais malgré cela les meubles. Une forme gigotait dans le lit, je m'avançais prudemment avant de m'agenouiller près d'elle.

Puis un bruit déchira le silence, un sanglot, une plainte meurtrie. Je vérifiais mais rien n'indiquait qu'elle était réveillée alors que des larmes silencieuses continuait d'envahir son visage.

Etais-ce toujours ainsi? Pleurait-elle donc chaque nuit? Laissant s'échapper en rêve ses plus obscures souvenir. Je l'avais toujours considérée comme forte, inaccessible, hors d'atteinte. J'avais fais une erreur, tout le monde est faible devant la douleur.

C'est alors que quelque chose me frappa, comme une révélation, quelque chose que je n'avais jamais réalisé avant, trop absorbé par son histoire: Eleanor était encore une enfant, malgré ce qu'elle avait pu vivre, malgré ce qu'elle avait traversé. Mercy avait raison, elle était trop jeune. Elle avait à peine dix-neuf ans, dix-neuf ans c'est incroyablement jeune quand on y pense. Je l'avais accusée de ne pas vouloir tuer, je l'avais acceptée dans ce gang sans prendre conscience que je lui volais son innocence. J'avais son âge ans la première fois que j'ai tué quelqu'un, c'était un inconnu, c'était durant une guerre et c'était à l'armée. Cela n'en avait été pas moins terrible.

-Clyde, murmura une voix dans la noirceur.

Elle tendit une mains vers moi et je compris qu'elle s'était réveillée.

-J'ai peur, continua-t-elle sans avoir réellement conscience de ses paroles, divaguant entre rêve et réalité.

Alors je me levais et je m'allongeais à ses cotés. Je sentis son corps se coller au mien, j'entendis ses pleurs alors que je la serrais contre mon coeur, je devinai ses larmes alors même que je ne les voyais pas.

Elle pleura longtemps, même après s'être endormie elle pleura encore. Et à mesure que ses larmes mouillaient mon pull, je me demandais si c'était chaque soir la même histoire. Si depuis plus d'un an, elle pleurait ainsi chaque nuit extériorisant tout à travers son sommeil. En avait-elle seulement conscience?

Je la pressai d'avantage contre moi en réalisant à quel point elle était seule. Elle n'avait plus personne. Eleanor avait du vivre des mois enfermées dans cette douleurs immorales, dans ses pleurs sordides, dans cette souffrance indescriptible, sans jamais pouvoir se reposer sur qui que ce soit. Elle avait toujours dû tout accepter, tout assumer. Elle n'avait jamais pu compter sur un autre, épancher ses larmes, soulager une peu sa peine afin d'aller mieux.

Mais les chose avaient changer, tout était différent, j'étais là maintenant.

-Ne m'abandonne pas Clyde, pas toi.

Ce furent ses derniers mots avant qu'elle ne sombre.

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