Face à l'écran
J'arrête mon réveil d'une main peu assurée. À la sonnerie ("wake me up, one last time"), je sais que je n'ai que peu de temps. Je chope des fringues sans trop hésiter, passe à la salle de bain m'habiller face à la glace et me maquiller en vitesse avant de prendre ma sacoche et de sortir de chez moi, sans petit-déjeuner et le cœur battant déjà le rythme de mes pas précipités dans la rue.
Ce matin, la lumière qui passe par les miroirs sans tain d'au-dessus est éclatante. Je dois orienter le mien un peu plus bas pour ne pas être aveuglée et vois donc moins loin devant moi qu'à l'accoutumée. Je jette un coup d'œil sur la façade d'un immeuble de bureaux, tout aussi réfléchissante, pour apprécier ma silhouette, m'étant réveillée un peu trop en retard pour cela. Mon top blanc ouvert me fait un de ces dos ! tandis que mon pantalon haute taille vert allonge agréablement mes jambes. Mon maquillage est un peu tremblotant, mais le liner souligne bien l'intensité de mon regard. Je sors un torque doré de ma sacoche et le passe sur mon bras. Je souris, contente du résultat, et accélère encore un peu ma marche.
Le hall du bureau est organisé autour d'un panoptique central, qui contient l'accueil. Je passe le portique mirroré et lève la main pour saluer Bernard, qui doit s'ennuyer ferme à l'intérieur. Il m'ouvre la barrière immédiatement et je lui souris en regardant dans celui qui lui fait face, donc dos à lui. Je traverse rapidement par la cour intérieure et son jardin aux nombreux bassins pour discuter via le reflet de l'eau. Les haies couvertes de fleurs sont hautes pour offrir un semblant d'intimité face aux miroirs du rez-de-chaussée. Mes pas résonnent dans cet espace clos, et bientôt ce seront les rires et discussions dont les échos s'emmêleront.
Je monte les escaliers en me tenant à la rampe, au cas où. J'ai déjà fait de mauvaises chutes, surtout dans la précipitation, même si mes jambes connaissent par l'habitude le nombre de marches et l'écart entre chacune. Je fonce à travers le couloir, salue mes collègues d'un « hey » un peu coupé par mon essoufflement et m'installe à mon bureau, seulement en retard de quelques minutes. Bien sûr, mon supérieur m'a vue arriver, depuis son propre petit panoptique, lui-même au centre d'un autre dispositif panoptiqué, etc. jusqu'à la cheffe de la division, qui ne répond qu'à la patronne, et seulement lorsqu'elle celle-ci demande à la voir.
Alors la journée passe, à taper sur mon PC des mails et des données. Souvenirs de lorsque j'ai dû apprendre à placer mes mains correctement sur le clavier pour taper efficacement, dès un jeune âge. Le son de pluie des touches m'accompagne depuis, avec une certaine satisfaction lorsqu'il est ininterrompu pendant de longues minutes. Mes doigts enfoncent précisément les bonnes touches au bon moment, sans regarder où je les place. Toujours la mémoire musculaire, notre chance dans ce monde de gentils fantômes.
Réveille-moi une dernière fois
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