Kiny

Je ne supporte toujours pas le fait qu'Anna soit avec Sandra, et pour l’instant je n'y peux rien. C'est vrai que mon comportement bizarre envers elle a dû la blesser. Mais après tout, elles se connaissent depuis longtemps, je ne peux pas interférer dans leurs relations. D'ailleurs, chaque fois que j'ai essayé de lui parler, cette Sandra s’est interposée.

La première nuit a été longue, elles n'ont pas cessé de papoter. Sandra a eu la merveilleuse idée de coller son lit à celui d'Anna, ce qui a laissé un peu plus d'espace pour qu'elles puissent danser. Mirna, qui d'ordinaire ne laisse jamais passé l'occasion de rabaisser quelqu'un, n'a pas du tout branché. Elle a mis ses écouteurs et elle a passé le reste de la soirée dans son coin.

Cela fait déjà deux jours que nous sommes à Dearmstrong et, hormis le camp des réfugiés, je n'ai pas vraiment mis pied hors du site de notre colonie. Ce matin, nous avons eu un atelier de sculpture et j’ai réussi à former une pipe avec un rondin de bois. Avec Jules, on a aussi participé à un atelier de poterie et malheureusement, mon partenaire est vraiment nul. Il a fait un vase difforme qui n'a pas tenu long feu car il est vraiment maladroit. Les dosages d'eau et d'argile étaient trop faibles pour constituer un vase qui tient la route.

Ça fait déjà trente minutes que je suis revenue dans notre cabane et je m'ennuies. Pour discuter avec ma cousine, je dois attendre ce soir et mon amie ne me reparle toujours pas. Mirna est avec ses deux amies et Jules est à l'infirmerie pour tenir compagnie à Milo. J'ai donc décidé de créer des bracelets brésiliens, c’est un truc sur lequel je suis tombée l’été dernier et ça m'a rapporté beaucoup d'argent. Je tresses des fils de couleurs, j'y ajoute quelques breloques et le tour est joué.

Mais cette activité ne m’occupe pas assez pour m’empêcher de penser. Voilà le genre de moment que je déteste vivre. Ce petit instant ou tu te sens nulle, sans importance, seule au monde. Tu as l’impression que la terre continue de tourner sans toi, que tout le monde t'a tourné le dos, que tu n'es…

Je me fais malheureusement interrompre par une voix masculine qui me demande de sortir. Quand j'arrive à l’extérieur, je suis plus que surprise de voir Alexis ainsi qu’un autre de ses potes devant ma cabane. Ses yeux verts souriants et sa peau naturellement bronzée forment un beau contraste avec ses cheveux noirs de jais. Ce type m'a toujours fasciné et son t-shirt blanc dessine parfaitement sa musculature.

— Je passais par là, et je me suis souvenue que c'est ici que tu séjournais.

Je me sens vraiment flattée qu’il se soit souvenu d'un truc aussi anodin. Même moi je ne sais pas où se trouve sa cabane.

— Eh bien, merci d’avoir pensé à moi. Je n'ai rien à faire en ce moment comme tu peux le constater dis-je en lui montrant mes bracelets brésiliens en pleine création.

— Je suis désolé pour toi. Mais tu peux venir avec nous si tu le souhaites, il y a une salle de projection et la directrice nous a autorisé l’accès. Tu ne devineras jamais ce qu'on y a trouvé tout à l’heure.

Je ne savais même pas qu'il y avait ça ici. Je réfléchis un instant sur ce qu’ils ont bien pu trouver mais rien. Mon silence le pousse à me donner la réponse.

— On est tombé sur l’intégrale d'Harry Potter. Je sais que tu apprécies cette saga, t’en dis quoi, tu nous rejoins ?

Je ne le réponds pas et je file dans la cabane pour me changer. Rien que le titre m'a convaincu. J'enfile une robe verte à pois et des sandales. Il fait assez chaud ici, comparé à Minhtown. Quand je ressors, ils étaient sur le point de s'en aller.

— Je suis partante, dis-je surexcitée. C'est Harry Potter et je ne vais pas rater ça.

Je les rejoins tandis qu'Alexis explique à son pote brun, nommé Joan, à quel point je suis fan de cette saga. Nous rions sur le chemin en parlant de certains passages du film quand j’aperçois au loin Anna et Sandra entrain de participer à un concours de dance improvisé. Ça me fend le cœur car ce sont les délires qu’on avait l’habitude de faire quand j’étais au plus mal.

C'est parfois blessant de voir qu'elle fait certaines choses juste pour m’atteindre. C'est même assez puérile en fait. Mais bon, je connais très bien Anna, mieux que cette pie verte de Sandra, avec ses quelques mèches qu'elle a teinté en vert bouteille. Allez savoir ce qui lui a pris… Bref, je suis fautive, mais Anna ne m'a plus vraiment laissé l’occasion de me faire pardonner. Tout ce que j'ai à faire c'est espérer qu'elle change d'avis.

On arrive devant un bâtiment, le seul qui n'est pas en bois hormis les douches, l’infirmerie et le bureau de la directrice. L’extérieur est fade et sans intérêt, mais quand on arrive à l’intérieur, je suis subjuguée. Il n'y a pas de chaises, juste quelques fauteuils dans le fond. Sinon il y a plein de coussins colorés sur le tapis et j'ai l’impression de me retrouver dans la cour royale d’un vizir. La salle est décorée comme telle. Il y a un grand mur blanc en face du projecteur. Cette salle peut accueillir tout le camp, tellement elle est grande.

Avec tous ces coussins, on aura sûrement de la place pour les visiteurs. On est a peu près une vingtaine dans la salle à être assis sur le tapis avec nos coussins et je suis heureuse de voir qu'il y a des machines de popcorn et tous ces petits trucs sucrés qu’on trouve au cinéma. Le régisseur dans la salle de projection éteignit les lumières et fit commencer le film.

***

N'ayant rien d’autres à faire de la journée, on a regardé la saga jusqu’au cinquième épisode, Harry Potter et l’Ordre du Phénix. En sortant, on n'a pas arrêté de se moquer des réactions de l'oncle Vernon face aux menaces bien explicites de Maugrey. Ma journée qui se présentait d’une morosité consternante s'est finalement métamorphosée et je suis heureuse qu’il ait pensé à m'inviter.

— Alors jolie Kiny, t’as passé un bon moment j’espère ? me demande t-il alors que nous nous dirigeons vers le réfectoire.

— Ah bien, tu ne peux pas savoir à quel point ce moment a été agréable pour moi. J’avais bien envie de me détendre. Merci Alex.

Il m’offre son sourire magnifique, creusant ses joues avec des fossettes adorables.

— Ravi d'avoir remis un sourire sur tes lèvres. Tu m’as l'air bien triste depuis notre arrivée.

Joan a rejoint sa copine dès la fin du film, me laissant seule en compagnie d’Alexis. Et jamais je n’aurai imaginé que ce type soit aussi intéressé par ma vie. Personne hormis Jules, ne s'est inquiété de mon état et maintenant, un mec de terminale est au courant de cette histoire.

— Désolé si je suis indiscret, je t’ai vu en pleine dispute avec ton amie. Connaissant votre relation si forte, je me suis dit que ça serait vite réglée mais rien que de te voir triste me confirme que ça ne s'est pas arrangé.

Je tombe littéralement de haut. C’est vraiment insolite toute cette histoire. Il connait ma relation avec Anna ? Vraiment insolite…

— Eh bien, en effet rien ne s'est arrangé. Je suis juste surprise que tu sois si informé. Je n'ai pas beaucoup d'amis et donc il ne m’en reste qu'un seul. Alors, savoir que tu t’inquiètes me fait chaud au cœur.

Il me sourit à nouveau quand nous sommes devant la porte.

— Alors, j’espère vraiment que ça va arranger, si tu veux, on peut être amis aussi.

Sa proposition me fait sourire. Alexis Zakia, le mec le plus cool du lycée — à part Jules bien sûr —, me demande de d’être son amie. Wonderful…

— D’accord. Merci beaucoup pour cette séance. D’ailleurs leur popcorn au caramel est vraiment bon.

— Je t’en prie, merci à toi d’avoir égayé ma journée avec tes réflexions sur ce sale chien de Malfoy, ou sur cet idiot bouffe tout de Ron. Je sais que tu aimerais bien voir Hermione et Drago ensemble, mais l’auteur en a décidé autrement. Il faudrait qu'on termine cette saga, ajoute t-il en me faisant la bise. A plus Roland.

Il entre dans la salle et rejoint ses amis dans le fond. Moi je reste là, encore étonnée de ce qui s'est passé. Il m'a embrassé sur la joue, alors qu’il y a quelques heures, il ne faisait même pas parti de mes proches. Alors là…

— Voyez-vous ça, la petite judoka s’est faite un nouvel ami. Et qui plus est, le célèbre joueur de foot de l’école, Alexis Zakia.

Encore à quelques mètres de moi, Mirna s’approche petit à petit. Elle a redressé ses cheveux en une queue de cheval assez haute et elle porte un short bleu et un t-shirt assortis de la marque Adidas.

— Je n'ai pas la tête à ça, donc s’il te plait, ne m'importune pas.

Elle se trouve à présent en face de moi et m'offre un sourire franc.

— Du calme la rebelle. Je viens en paix.

N’importe quoi... En paix, dit-elle. Je ne suis pas non plus idiote hein !

— Je sais que tu ne me crois pas, et avec ce que je t'ai fait subir, c'est compréhensible. Mais je t’assure que je n'ai aucune mauvaise intention.

Je la regarde toujours aussi suspicieuse. Mirna la vipère reste une vipère. Je la laisse cependant continuer, histoire de voir où ça nous mènera.

— Eh bien, je ne suis pas sainte je le sais, mais je déteste cette Sandra plus que tu ne peux l’imaginer. Et puis d’ailleurs, tu me connais très bien, on a quasiment grandit ensemble et donc j'aimerai te proposer une trêve.

Une trêve… avec Mirna en plus. Vérité ou mensonge ?

— Et que veux-tu en retour ?

Quelque chose dans son regard change. Je ne sais pas ce que c’est.

— Rien. Je ne te demande rien si ce n'est ton pardon. Je dois t'avouer quelque chose. En réalité, je ne te déteste pas. J'étais juste jalouse de toi. Tu as grandi avec tes vrais parents, ils t’ont aimé, gâté, choyé alors que moi depuis ma naissance je suis trimballée dans les familles d’accueil. Personne n'a vraiment pensé à m’adopter. Et Sœur Miller m'a donné une maison jusqu’à ce que tu arrives.

Je suis assez choquée qu’elle me raconte ça. Je repère un banc non loin du réfectoire et je lui fais signe de s'y rendre. On s'assoit toutes les deux et elle continue.

— L'amour qu'elle me donnait n’était rien comparé à celui que t’as reçu d'elle. Et avec mon sale comportement, elle ne me regardait plus. J’aurais du comprendre que j'agissais mal mais je me suis laissée emportée par ce pouvoir factice que j’avais. Toi tu t’es réellement ouverte à moi mais ta vie était meilleure que la mienne. Avec le temps, j’ai appris à te détester en secret jusqu’à ce fameux jour. Sans le savoir, j’ai gâché une amitié qui comptait réellement pour moi. Quand ta cousine est revenue, j’ai compris que je me battais contre la mauvaise personne. Je suis mon propre ennemi et je t'ai fait payé ma souffrance.

A présent, l'air est frais et ses mots me donnent des frissons. Je sais qu'elle n'a jamais connu ses parents, ils l’avaient abandonné à la naissance. Mais elle ne m’a jamais fait part de toutes ces choses et ça me fait mal.

— Je suis désolée de t'avoir méprisé Kiny. J’espère qu’un jour, tu trouveras la force de me pardonner.

Eh bah ça alors… C’est la journée des surprises aujourd’hui.

— Je ne dis pas que ça sera facile à oublier mais je te pardonne. On est humains et on fait tous des erreurs. La jalousie est vraiment mauvaise conseillère et je suis ravie que tu l'ais compris. Je n’accepte pas ta trêve, je te propose plutôt de recommencer notre relation d'avant, sur de bonnes bases cette fois-ci.

Elle me sourit et nous essuyons nos larmes. Je la prend dans mes bras et ça me fait un bien fou. Voilà au moins une partie de ma vie de réglée. Espérons que les autres aussi trouvent une solution. Je ne veux vraiment plus vivre dans le faux, ni même dans la haine.

— On peut se joindre à vous ? demande Ken, suivi de près par Jules et Stan.

On les repousse et c'est en rigolant que nous rejoignons les autres pour manger.

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Salut par ici. Nouveau chapitre corrigé.

Croyez vous qu'Anna et Kiny redeviendront amies comme avant ?

Et la séance de cinéma avec Alexis ? Harry Potter, la base ❤❤❤.

Et les révélations de Mirna, leur réconciliation ?

J'espère que ce chapitre vous plaira 😉😉😉

Bonne lecture 🤗🤗🤗.

Stéphanie 🖤