Chapitre 2

Jules

Ce matin, je me suis levé avec un léger mal de tête. J'ai toujours détesté le fait de changer d’école. On a emménagé il y a deux semaines et je n'ai fait que retarder le jour où je reviendrai en classe, en prétextant plusieurs fois des maux de têtes. Curieusement, ce matin j'ai vraiment mal, mais je ne peux pas me défiler à cause de mes parents.

Après m’être préparé, je descends prendre le petit-déjeuner. Mes parents m’attendent déjà.

— Bonjour, dis-je en m’asseyant à table.

Ma mère dépose une bise sur mon crâne et mon père me répond en me faisant une accolade. Ils sont souvent tactiles, et parfois ça me dérange.

— J’espère que tu es prêt pour ta nouvelle rentrée, me dit ma mère d’un ton enjoué, elle s'appelle Émilie Celvhino, elle a de magnifique yeux bleus, elle s’est faite couper les cheveux avant de venir, sa coupe lui va très bien.

— Maman, dis-je agacé, arrête de me parler comme à un gamin. Tu sais très bien que je n'ai pas envie d'aller dans cette école.

Elle me regarde avec un sourire contrit. Je viens de lui faire de la peine et ça me fait mal, mais elle doit comprendre que mon avis n'a pas été pris alors que je suis le premier concerné de l’histoire.

Mon père qui s’était déplacé, revient dans la salle à manger avec un petit carton noir, il me le tend et je le regarde un instant, ne comprenant pas ce qui se passe.

— Ouvre le, me dit maman.

Je m’exécute et je suis ravie de voir des contacts dans la boîte. Je les embrasse tous les deux, alors que je n'aime pas ça, et je me précipite à l’extérieur pour tomber sur une magnifique moto jaune qui m’attend dans la cour.

Pour se faire pardonner, ce sont les meilleurs, même si je sais que je viens de me faire acheter. Je récupère mes affaires, je les embrasse et je file en cours. Pendant ces deux semaines, je suis sorti en douce et j'ai répertorié la ville. Je ne suis pas trop loin de l’école, ni du centre commercial.

Avec la vitesse de la moto, en à peine dix minutes je suis devant l’école. Il n'y a pas grand monde dans la cour et je file au bureau du directeur. Après tous les tracas du premier jour, il me conduit jusqu’à ma salle de classe, j'ai français à la première heure, génial !

Quand on le demande de me présenter, je fais en sorte de montrer mon agacement et le professeur à la barbe de bouc m’arrête pile au moment où je commençais à m’amuser. Je vais m’asseoir au fond, à côté d'une blonde qui n'a pas cessé de me regarder quand je suis entré. Son regard ne m'a pas laissé indifférent et j'ai du faire de mon mieux pour ne pas m'y attarder.

Pendant tour le cours, elle est distraite en regardant par la fenêtre. Et à la fin, elle se fait réprimander par le prof, sauf qu’à un moment, on m'insère dans la conversation.

— Je ne veux pas être un fardeau pour quelqu’un. Je sais me débrouiller seul.

Ils retournent tous les deux et la blonde tente encore d’échapper à la punition, mais peine perdu. Le professeur nous oblige tous deux à respecter sa décision. Je ne peux rien dire, je ne veux pas me faire remarquer.

Elle fulmine en sortant de la classe, et je la suis à bonne distance. Quand on arrive dans le réfectoire, je repère un coin de table vide. Je m’y assois pour manger.

J’ai l’impression que tout le monde la déteste car ils ne cessent de lui lancer des piques. L'un d’entre eux se fait correctement humilié car il tombe sur le sol froid en renversant son plateau sur lui. Tout le monde se moque de lui, et je souris en voyant la tête satisfaite de la victime, qui est en réalité une vraie prédatrice.

Après les cours, je décide de l’approcher. J'aurai dû le renseigner avant…

Kiny

Je me retourne mais, il n'y a personne, pourtant j'ai vraiment cru entendre quelqu'un m'appeler.

—  Euh... qui m'appelle ?

Rien, personne ne répond ! Finalement je crois que je deviens parano, je reprend la direction de la sortie quand je me heurte à quelqu'un d'une tête de plus que moi. Mon sac et mon manteau tombent. Alors, impulsive comme je suis, je mets à crier.

— Hey ! Regarde où tu mets tes putains de pieds com...

Je m'arrête aussitôt de gueuler en remarquant que celui que j'ai cogné n'est autre que ...roulement de tambour... bah Jules alias le mec pas sympa dont je dois m'occuper. Pincez moi je rêve ! Ce foutu Jules est là sur mon chemin et, à en croire sa tranche, il s'en réjouit de m'avoir cogné.

— Tu trouves ça drôle de cogner les gens ? Hein !

— Et toi, ça te plait de ne pas faire attention avec tes pattes qui te servent de pieds ? Tes parents doivent être si mauvais que ça, pour ne pas t'avoir appris les bonnes manières ? Me dit-il.

Non, non, il n'a pas osé?

Oh que Si ! Il a osé !

Tais toi foutue conscience !

Là je vois rouge, tellement rouge que je ne me rends pas compte du moment où je lui fait un croche-pied  et qu'il tombe, ensuite je le coince le bras au milieu des omoplates et il hurle de douleur.

Bien fait pour lui ! Bravo Kiny. Tu vois que tes cours n'ont pas été inutiles !

Oui je sais !

Bon, j'avoue parfois je discute avec ma conscience. Oui, et alors ! Qui ne l'a jamais fait ?

— Roland, putain ! Ça fait un mal de chien ! Lâche moi, dit-il.

— Ne. T'avise. Plus. Jamais. De. Parler. De. Mes. Parents. Com-pris ? lui chuchotais-je d’une voix doucereuse en me rapprochant de ses oreilles.

Je détache mes mots et j'insiste bien sur le compris pour que le message passe. Et il acquiesce.

Une chose de fait ! Maintenant retourne toi et va t- en !

Quand je le relâche, je réalise le nombre d'élèves qui nous entourent. Je parie qu'ils sont là depuis un bon moment car dans cette école, on ne rate jamais une occasion d’assister à la bagarre. Je récupère mon sac et mon manteau pour m'en aller. Et j'écoute au loin des phrases du genre:

« — Mec, tu t'es frotté à la mauvaise personne, cette fille est tarée.

— La petite judoka a repris des forces à ce que je vois !

— PUTAIN! Cette fille c'est le diable incarné ! ».

Des phrases qui me sont si familières. La terreur du lycée, alias Kiny Roland, alias moi, fait son come back. Oui je suis bagarreuse ! Vous ne le saviez pas?

— Elle ne sait pas encore à qui elle a à faire, rétorque la voix grave de tout à l'heure.

Je me fige quelques instants, me rendant compte qu'il intervient. Ensuite, je mets mon casque et je marche fièrement jusqu'au parc non loin de l'école. Mon endroit préféré pour réfléchir ou pour réviser.

Ce que je préfère le plus à Saint-Marc, c'est que les profs envoie par e-mail les devoirs et les cours aux élèves. Avec mes rêveries en classe, je dois vraiment réviser pour réussir à avoir de bonnes notes. Depuis toute petite, j'ai appris le sens des responsabilités, et je veux surtout que mes parents soient fiers de moi.

Me voilà entrain de regarder des jeunes faire du roller, d'autres du skate, et non loin de moi un couple entrain de se bécoter, mon casque toujours sur mes oreilles, j'écoute Ada chanter I testify. Cette chanson me fait réfléchir. Sur la vie que j'ai tous les jours, alors que mes parents ont perdu la leur. J'ai arrêté de me morfondre sur mon sort, car je sais que celui qui me donne la vie ne veut pas me voir la gâcher.

Quand je regarde sur mon téléphone, il est presque seize heures, j'ai rêvassé pendant longtemps, et je dois rentrer. J'arrive rapidement à l'orphelinat, et je tombe sur le Père Roger et la Sœur Miller en pleine discussion. Quand ils m'aperçoivent, ils s'approchent de moi.

— Ma petite Kiny, comment s'est passée ta journée ? me demande le Père Roger.

— Oh mon Père, comme d'habitude, les cours, les cris, la bouffe. Au moins aujourd'hui j'ai eu un A en musique.

— Ce n'est pas une coïncidence que la musique soit ta matière favorite, ajoute t-il en souriant avant de partir.

— Alors si ta journée s'est passée comme d'habitude, pourquoi parais-tu si déprimée Kiny ? me demande la Sœur Miller.

— Il y a un nouveau qui a mal parlé de mes parents, mais ne vous inquiétez pas il ne le refera plus.

Elle fronce les sourcils, se passe la main sous le menton, puis écarquille les yeux.

— Ne me dis pas que tu lui as fait le coup du bras entre les omoplates ?

Ouche elle te connait si bien, ma petite Kiny.

Eh ! Toi foutue conscience, je t'ai dit de la fermer.

OK! OK!

— Ton silence en dit long ma petite Kiny ! Tu m'avais pourtant promis !

Pourquoi tout le monde m'appelle comme ça! !

— Euh... ma Sœur...

— Bon va te préparer Kiny, me coupe t-elle. Les petites ont besoin de toi pour la vente des gâteaux, et elle s'en va.

Oulla ! Sœur Miller n'est pas contente du tout hein !

Orh, ta gueule.

Je suis ta conscience, et je me dois de t'aider quand tu gaffes.

Ah bon ? Tu ne m'aides pas du tout là ! Alors dégage !

Je vais vraiment devenir folle, si je continue à parler avec cette voie dans ma tête qui se fait passer pour ma conscience.

Depuis mon entrée dans cet établissement, ce sont les enfants qui m'ont le plus impacté. Chaque fois que les autres se moquaient de moi, je me réfugiait avec les enfants dans un coin de la cour et je les racontais des histoires sorties tout droit de ma tête. Et depuis j'ai toujours été très heureuse d’accueillir de nouveaux petits, surtout que depuis ma présence ici, nombreux se sont faits adoptés.

En pénétrant dans le dortoir pour me changer, je croise les filles, dont Mirna. Comme d'habitude elles vont m'agacer. Génial !! Mon lit est éloigné de tous les autres et je suis proche du grand miroir, arrangement que j'ai fait à mes 12 ans tellement ces filles ronflent. Je n'ai malheureusement pas eu la possibilité de me procurer une chambre à moi toute seule et donc, je dois donc me débrouiller avec les moyens de bords.

Comme je m'y attendais, Mirna, la brune qui s’est faite passée pour mon amie avant de me tourner le dos, ne perd pas de temps à me lancer des piques.

— Eh Kiny, tu as reçu une lettre, elle prend une feuille avec des gribouillis dessus et fait semblant de lire.

« — Ma chère petite princesse, depuis que nous t’avons délaissé dans cet orphelinat, et que nous avons donné notre vie en échange de liberté, on n'a pas cessé de s'amuser ton père et moi. J’espère que tu te comportes comme la pauvre idiote que tu es ? Bisous, maman ».

Repliant le papier avant de le jeter, elle éclate de rire avec ses copines. Pourquoi il fallait que je sois dans la même pièce qu'elle? Cette fille m'exaspère. Et ses copines n'ont rien d'autres à faire que de rire à ses blagues pourries. Mais comme depuis plus de trois ans, je ne lui donne pas l’occasion de rire d’avantage et je me dessape devant elle. Ce qui a le don de les faire sortir en courant. Elles sont peut-être des vipères, mais elles savent respecter l’intimité.

Je me change donc et cette fois-ci je mets un slim noir, un haut bleu et mes bottes à fourrure noires. Ma doudoune et ma sacoche en main, je sors de la chambre rapidement sans prendre en compte les piques qu'elles me lancent à nouveau dans le couloir. J'ai appris dans un roman que la jalousie pouvait pousser quelqu'un à mal se comporter envers ses rivaux potentiels, peut-être que c'est un complexe d'infériorité, je me dis donc qu'elles se sentent intimidées par moi.

Les petites m’attendent sagement dans le réfectoire, avec les cartons de petites pâtisseries que nous avons fait la veille. Il y a Julie, une petite rousse de huit ans, elle est la depuis deux ans et c’est comme si elle venait d'arriver. Ensuite, il y a Martha, elle est blonde et elle adore manger des sucreries. Elle a sept ans et elle semble parfois bien plus mature que toutes ces pestes de vipères réunies. Et il y a la petite Fanta, elle est malienne et ses parents sont morts dans un accident quand elle était bébé. Elle est arrivée il y a sept ans et jusqu’alors, personne ne semble prêt à l'adopter. C’est la plus émotive et la plus touchante de toutes.

Le marché de Noël ne se trouve pas très loin de l’orphelinat, ainsi on s'y rend à pied. Les petites chahutent comme des coquelicots alors que nous je tire les cartons sur un petit charriot. Quand on arrive sur place, le marché est bondé de monde et il y a pleins d’enfants qui s’amusent à jeter des boules de neiges par ci par là.

On rejoint notre stand prêt d’un petit jardin de sapin, là ou se trouve déjà Jimmy, notre coéquipier. C'est un type avec un style basique, des yeux verts et des cheveux blonds mi courts.

— ¡Holà pequiñas chicas! ¿Comió estras?

J'oubliais, il parle toujours avec un espagnol écorché pour amuser les petites. Celles-ci pouffent de rire avant de crier en chœur d’arrêter de parler espagnol. Et, ayant néanmoins compris sa question, elles lui répondent qu'elles vont bien. Jimmy mime une moue boudeuse ce qui les fait à nouveau éclater de rire.

— Comment tu vas Jimmy ? lui demandais- je.

— Je pète la forme, comme tu vois ! Répond t-il. Et toi ?

— Oh ! Je vais bien, merci.

Il m’a ouvertement fait des avances à un moment , je l'ai rembarré assez poliment et depuis, il se comporte normalement. On déballe les cartons pour déposer les cupcakes et les muffins sur la table. Il y a plein de parfums dont au chocolat, aux myrtilles... tout ce dont raffolent les gourmands et les connaisseurs.

A chaque Noël, on vend des gâteaux au marché de Noël afin de récolter des fonds pour l'orphelinat. Je me souviens qu'avec mes parents, on en achetait plein afin d'en distribuer aux plus démunis. Aujourd'hui je le fais, non par pour moi mais pour les petites et pour le souvenir de mes parents. Ça me conforte de savoir que j'ai garde les principes qu’ils mont inculqués et que j’essaye de donner aux petits à ma charge.

Après avoir vendu une vingtaine de cupcakes, les filles décident de faire un tour en compagnie de Jimmy pour admirer les stands et leurs décorations Je reste donc là à regarder ce que font les autres. Au loin, j'aperçois un petit garçon qui fait des caprices pour qu'on lui achète des crêpes. Cela me fait sourire car, moi aussi je faisais ces petites crises quand je voulais de quelque chose. Et des souvenirs heureux de mon enfance avec mes parents me fait sourire. Avant, je pleurai rien qu'en pensant à eux.

Un raclement de gorge me tire de mes pensées.

— Euh... c'est vendu à combien les cupcakes?

Perdu dans mes pensées, je ne me rends pas compte que quelqu’un me parlait. Il réitère et je relève ma tête. Cette voie me disait quelque chose, et quand je vois la personne en face de moi, plusieurs sentiments se bousculent en moi.

De la colère, de la haine, de la tristesse et ensuite de la colère…

Tout ce mélange de sentiments me fait un choc, je n'arrive pas à croire ce que je vois...

Pourquoi moi…

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Alors voilà un autre chapitre révisé. Il est inédit puisque j'ai rajouté le point de vue de Jules ainsi que plusieurs détails qu'il n'y avait pas au départ.

J'espère que ça ne dérange pas la lecture de certains.

Bonne lecture.

Stéphanie♥

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