30.

Mon corps entier est pris de tremblements. l'excitation prend possession de moi pendant qu'il s'allonge, me surplombant de toute sa splendeur. Il fait chaud et ses mouvements ne font qu'accentuer l'ardeur qui monte en moi. Mes ongles s'enfoncent dans ses épaules larges et puissantes lorsqu'il s'insère en moi sans aucune douceur. Ses coups de reins se font de plus en plus brusques, de plus en plus violents. On est à des milliers de kilomètres de la tendresse. Il dirige un assaut et la cible semble être le centre de mon corps. Ça n'a rien de sensuel, ça ressemble à de la vengeance, à de la rancune. Peut-être me punit-il de l'avoir écarté de ma vie ? Ses yeux m'hypnotisent et je n'arrive pas à retenir mes cris. Le plaisir se heurte à la douleur.

— Aime-moi, Princesse.

Haletante, je me réveille en sursaut. Une fois n'est pas coutume, j'ai rêvé de Jason... Depuis que je l'ai revu chez Sam, je pense à lui à chaque seconde de ma vie. A ses yeux, à ses mains sur mon corps... Et ça, ce n'est que la partie charnelle... Mais il y a plus, avec Jason, il y a toujours plus. Cette histoire d'âme sœur a eu le temps de s'insinuer dans mon esprit et de créer une sacrée pagaille.

Je regarde mon téléphone : deux heures du matin. Je me lève rapidement et file dans ma salle de bain. J'ai besoin d'une douche froide pour me remettre les idées en place. Quelle idée d'être aussi sexy. Ce mec ne devrait pas exister, bon sang !

L'eau ruisselle sur mon corps et je n'arrive quand même pas à arracher Jason à mon esprit. Dire que ma douche serait bien plus marrante avec lui à l'intérieur. Mais il faut que je tienne bon. Je n'ai toujours pas réussi à me défaire de cette douleur, celle qui m'a montré qu'entre nous, tout n'était qu'une sombre illusion. Pourtant, il m'attire à lui comme un aimant et il hante mes rêves. J'en suis plus qu'affectée, étant donné mon manque de sommeil permanent.

Une sonnerie me ramène à la réalité, et cette fois, ce n'est pas celle que j'ai dans la tête. Je me dépêche de sortir et de me sécher ; je ne reçois pas souvent de messages à cette heure-là.

De : Jason
Message : Alors, Princesse, tu penses à moi ?


Je m'étrangle à moitié. Comment est-ce qu'il peut savoir ça ?! J'ai à peine le temps de réaliser que j'en reçois un deuxième :

De : Jason
Message
: Moi, je pense à toi.

Pendant un instant, il n'y a plus de querelles, plus de non-dits, plus d'animosité... seulement une fille qui est accro à un garçon. Non, Eden, NON. Ne fais surtout pas ç...

De : Eden
Message
: Et tu penses à quoi, au juste ?

Et voilà, évidemment que je ne pouvais pas m'empêcher de lui répondre... Mes résolutions fondent aussi vite qu'une glace en été. Je pose la serviette et revêts mon pyjama. Le contact du tissu si doux sur ma peau me fait frissonner de plaisir. Depuis que je me suis coupée du monde, j'ai beaucoup plus de facilité à profiter des petits bonheurs de la vie. Je grimpe dans mon lit quand je reçois une nouvelle réponse :

De : Jason
Message
: Laisse-moi venir te voir, et je te dirai.

Ben tiens, le contraire m'aurait étonnée. Et même si j'en crève d'envie, et même si je suis malheureuse de penser à lui tout le temps, c'est hors de question. Je ne peux pas flancher. Retomber dans le piège serait si facile... Mais je ne peux pas. Cet homme est une carte postale. Il semble parfait et donne tellement envie d'en savoir plus. Et lorsqu'on s'approche, plein d'attentes... on se rend compte qu'une grosse part du mythe est un mensonge. Je ne peux pas revivre ça. Je le refuse. Pourtant, j'ai envie de jouer un peu de la situation. C'est bon enfant et ça n'engage à rien.

De : Eden
Message
: Désolée, j'ai pas bien entendu, ça coupe, je passe sous un tunnel.

Satisfaite de ma réponse, je clique sur envoyer. Je m'installe plus confortablement et m'emmitoufle dans ma couette.

De : Jason
Message
: Je disais que je pensais à toi.

De : Jason
Message
: Dans ton lit.

De : Jason
Message
: Sans vêtement.

Je fais tout pour le tenir à distance depuis des jours et des jours, pourtant, il y a de l'excitation dans l'interdit. L'air se réchauffe autour de moi, je n'ai presque plus besoin de ma couverture. Je ne peux pas m'empêcher d'attiser les flammes. Je sais que je le regretterai. Pourquoi suis-je une pareille girouette. Je dis non, puis oui, puis de nouveau non... Être une indécise, ça craint !!

De : Eden
Message
: Et tu penses à quoi d'autre ?

De : Jason
Message
: Laisse-moi venir.

De : Eden
Message
: Non.

De : Jason
Message
: Alors devine... Bonne nuit, Eden.

Totalement frustrée, je repose mon téléphone et ferme les yeux. J'envisage de reprendre une douche froide, mais l'heure tourne et il faut que je dorme. Les images de mon rêve passent sous mes paupières et je m'endors avec la sensation que cet homme magnifique et irréel est près de moi.


***


Je compte les jours qui me séparent du nouvel an. Nous sommes fin novembre à présent, et la situation n'a pas avancé d'un pouce. Enfin, c'est ce que je pensais. C'est un violent mal de crâne qui m'a remis les idées en place. D'une violence inouïe.

Pendant des jours et des jours j'ai senti de manière constante cette douleur. Mais là c'est différent, c'est une douleur aigüe, vive.

Ma vision se trouble et je tiens à peine debout. Je plaque mes mains sur mes oreilles par réflexe mais rien ne change. Ce son strident m'empêche de penser, m'empêche d'entendre quoi que ce soit. J'avance doucement et ouvre la porte de mon appartement mais la douleur s'intensifie sans cesse. Comme un marteau-piqueur qui s'installe dans ma tête, plus rien ne semble stable autour de moi. Paniquée, je fais la seule chose possible avant de tomber dans les pommes : j'ouvre la conversation avec Jason.

De : Eden
Message : Vé en danger. urgent.

Et je clique sur Envoyer, avant de me laisser envahir par les ténèbres.

***


Je me réveille après quelques minutes. Je suis engourdie, je ne sens plus rien. Plus aucune douleur. Mon dieu, que ça fait du bien de ne plus souffrir de cette migraine. Pourtant, je sais que quelque chose m'échappe. Je reprends peu à peu mes esprits et me redresse tranquillement. Jusqu'à ce que je comprenne le problème. Véia.

Le bonheur de ne plus souffrir entre rapidement en contradiction avec l'inquiétude de ne plus sentir ma protégée. Je crains le pire, je ne peux pas la perdre. Pas encore. Pas maintenant.

Sans attendre, je me précipite pour sortir de chez moi quand j'entre en collision avec une masse puissante. Jason me rattrape avant que je ne tombe.

— Eden, qu'est-ce qu'il se passe ?

Confuse, je prends une seconde pour me remettre sur mes pieds. Je n'ai pas le temps de m'arrêter pour observer sa carrure élancée et solide, ni pour me blottir dans ses bras musclés qui m'ont tant manqué. Je n'ai pas le temps de reperdre mes esprits. Je m'éloigne avant d'attraper sa main et de m'élancer dans les escaliers.

— Je ne sais pas, c'est Vé !

Je continue à courir et j'arrive dans la rue. Une voiture est garée en plein milieu de la route, devant chez moi. Je comprends que c'est celle de Jason au moment où il la déverrouille et me pousse à m'engouffrer dedans.

Nous sommes sur le campus en moins de deux minutes. Je saute de la voiture avant qu'elle soit totalement arrêtée et me précipite vers l'entrée du bâtiment. Si je pouvais me téléporter, je l'aurais fait. Jason me rejoint en moins de deux.

J'ai le souffle coupé au moment où nous croisons Sam dans le couloir. La colère m'aveugle. Je me jette sur lui et hurle :

— Qu'est-ce que t'as fait ?!

Je le pousse contre le mur et me plaque contre lui avec animosité. Je suis totalement contrôlée par ma rage. Les ampoules au-dessus de nos têtes explosent tandis que je le regarde toujours avec fureur.

Sam semblait d'abord amusé, mais son air nonchalant a vacillé lorsque les lumières se sont cassées. Je sens toujours Jason derrière moi, mais heureusement pour lui, il ne s'interpose pas. Je suis une personne relativement impulsive, mais d'ordinaire, je ne me laisse pas totalement guidée par mes émotions. Pourtant, ce soir, c'est en train d'arriver.

Sam revêt son masque habituel, d'homme souriant et décontracté.

— Bonsoir, Den.

Non, mais il est sérieux, lui ?! C'est le moment des politesses, là ?!

— Qu'est-ce que t'as fait ?! Réponds-moi, bordel !

Je bouillonne, prête à exploser. Je dirige toute ma colère contre lui et dans un mouvement théâtral je le vois s'élever du sol, toujours plaqué contre le mur par une force invisible. Il ne semble plus trouver la situation si risible. Je n'ai rien fait pour que mes pouvoirs s'emballent, je ne les maitrise plus. A présent, ce sont eux qui me gouvernent. Je me contiens et me calme pour le faire redescendre. Sans connaitre l'étendue de mes pouvoirs, je dois vraiment me brider pour être certaine de ne pas déclencher de catastrophe. Je m'appuie contre lui et le secoue pour qu'il réponde.

— Je n'avais pas le choix, Den, je t'avais donné d'autres options. T'as choisi Jaz, j'ai choisi Vé.

Ma vision se trouble tandis que j'agrippe toujours Sam. Nous sommes devant la chambre de Véia, mais je n'ose pas aller la voir, je suis tétanisée. Je bascule en mode aura, mais je suis effrayée à l'idée d'ouvrir les yeux.

Je sens la chaleur s'insinuer en moi, Jason a posé sa main sur mon épaule pour m'aider. Je me laisse aller et accepte de relever mes paupières. Je vois des nuances de rouge s'échapper de Sam, puis en me décalant un peu vers la droite, je me rends compte que des couleurs orangées s'envolent de l'autre côté du mur.

Ces couleurs ne peuvent venir que d'une personne... Véia. Je m'écroule totalement quand je comprends ça. Mes jambes ne me portent plus et je bascule vers le sol. Je tombe sur mes genoux et reste dans cette position. Véia est une perdue à présent...

— P...Pourquoi ?

Je tente de me tourner vers Sam, mais je suis incapable de dévier mon regard de l'endroit où j'ai vu l'aura de mon amie. Je ne suis plus que l'ombre de moi-même. Mon amie, ma moitié, la seule qui a toujours été là, s'est perdue... La colère disparait, aussitôt  remplacé par le chagrin. Tout est de ma faute. J'ai fait confiance à Jason, j'ai fait confiance à Sam. J'ai cru que pour une fois, je sortirais du lot, que pour une fois, les gens pouvaient m'aimer, moi, pour ce que je suis. J'ai cru que des années à ne pas trouver ma place allaient être remplacées par du bonheur, de nouveaux amis, de nouveaux amants.

Avant d'arriver à la fac, j'allais bien, mais ma vie était monotone. J'avais besoin de retrouver Vé. Et quand on a connu ces nouvelles personnes, c'était comme de voir le soleil dans la nuit. Comme si j'avais découvert ce qui me manquait depuis tant d'années. Et puis, Jason... La plus brillante des étoiles. Pourtant tout s'est de nouveau assombri. Jason et Sam jouent un double jeu, je ne suis pas aussi proche des autres, quant à Vé... qui saurait dire ce qui va se passer maintenant ?

Toujours agenouillée, je tente un regard vers Sam. J'essaie de cacher mon désarroi et de paraitre forte. Lorsque mes yeux se posent sur lui, je vois que Jason l'a empoigné assez violemment. De nouveau plaqué contre le mur, un sombre rictus s'affiche sur son visage.

— Pourquoi, hein ? Vraiment, Den, tu ne comprends toujours pas ?

J'essuie les larmes qui perlent lamentablement sous mes yeux et me redresse. Je m'approche de Sam pour mieux voir son regard. L'obscurité du couloir, avec les ampoules explosées, ne me permet pas de deviner ses émotions avec exactitude.

— Maintenant, Den, tu es obligée de choisir les démons, me dit-il d'un air assuré bien qu'il soit toujours fermement maintenu contre le mur par mon ancien amant.

 — Tu as ruiné sa vie. Tu as ruiné sa vie juste pour ça ?!

Je tente de me maintenir en place, nos cris commencent à attirer les étudiants résidents. Mais encore une fois, je vois rouge !

— "Juste" ça ? Vraiment, Den ? Tu crois que ce n'est rien ? Tout va changer, et maintenant, ça sera dans notre intérêt, à Vé... et à moi.

Son regard glacial change du tout au tout. Il me parait à des kilomètres de celui qui était autrefois mon ami. Je fais tous les efforts de monde pour me contrôler, mais pendant un instant, un tout petit instant, je me dis que peut-être, j'arriverai à faire exploser son crâne comme on explose une ampoule.

Sans réfléchir, j'entre dans la chambre de Vé. Elle est assise dans l'obscurité et me fixe tandis que je m'approche d'elle.

— Tu es incandescente, Den, tu brilles tellement.

Je la vois plisser les yeux, sans doute gênée par mon aura blanche.

— Tu t'y habitueras, Vé. Je sais que tu m'en veux, mais au moins maintenant tu comprends de quoi je voulais te protéger. Je ne t'imposerai pas ma présence, mais si tu veux parler, tu sais où me trouver.

Je me détourne, prête à partir. Sur le pas de la porte, je lance :

— Et, Vé ? J'espère vraiment que tu me trouveras, tu me manques.

Puis je franchis le seuil, ferme la porte et traverse le couloir en sens inverse. Sans aucun regard, ni pour Sam, ni pour Jason.

Je dois devenir hermétique à tout ça, c'est le seul moyen de ne pas devenir folle, c'est le seul moyen de ne pas faire tout exploser. Je suis tellement chamboulée que mes sens sont amoindris, comme anesthésiés. Je déambule jusqu'à l'extérieur, sans savoir grand-chose pour la suite, mais mon blindage est convaincant. Dans l'état actuel des choses, je ne ressens plus rien.

La morsure du froid me fait revenir à moi, mais je suis toujours absente de mon propre corps, alors je réajuste mes vêtements, et j'avance. J'ai l'air sereine, est-ce que c'est le cas ? Une partie de moi vient de m'être enlevée et je marche sans rien attendre de la vie, je marche sans savoir ce qu'il y aura au bout.

Jason tente de me rattraper, il m'appelle, mais je ne réponds pas. Je crois qu'il m'a attrapé le bras mais quand je me suis retournée vers lui, je n'ai pas eu envie de le suivre. Absente une fois de plus, j'ai vu à travers ce beau garçon que j'aime tant. Je me suis détournée et j'ai repris ma route comme un automate. Les yeux dans le vide et le cœur à l'envers, le trajet jusqu'à chez moi se prolonge.

Je devrais ressentir quelque chose. Qu'est-ce que ressent un homme qu'on a amputé ? Sam m'a amputé, il m'a enlevé la moitié de mon cœur. Si j'ai une âme sœur, ce n'est pas Jason, c'est Véia. Et elle n'est plus dans ma tête, je ne la ressens plus. Elle est perdue, et c'est de ma faute.

Sans avoir conscience de mes mouvements, j'éteins les ampoules aux alentours et je déploie mes ailes. C'est une fois à la clairière que mes sens recommencent doucement à s'éveiller, mais très lentement, trop lentement. Lorsque j'ai atterri dans l'eau, je n'ai quasiment pas senti le froid sur mes pieds, pourtant nous sommes presque en décembre.

Mon "essence" ou mon "âme" (que sais-je ?) réintègre mon corps, le choc est brutal. C'est donc ça, un état de choc ? S'arrêter de réfléchir, s'arrêter de penser, s'arrêter de ressentir ?

Mes larmes s'accumulent et ruissellent sur mes joues. Je hurle comme une âme en peine en retombant une nouvelle fois sur mes genoux. Je laisse sortir toutes les émotions que j'avais enfouies jusqu'alors. Je projette ma frustration, ma colère, ma peine vers mon environnement. Les feuilles des arbres s'animent, les rochers de la rivière s'envolent, l'eau éclabousse la rive. Une chaleur à couper le souffle se fait ressentir autour de moi, je semble surchauffer littéralement. Trop d'émotions, trop de sentiments. J'ai besoin de hurler, j'ai besoin de crier, j'ai besoin d'exploser.

Je me concentre sur les pierres qui s'envolent pour les faire éclater.

CRAC.

— Ça, c'est pour Véia ! hurlé-je.

CRAC.

— Ça, c'est pour Sam ! Puisse-t-il pourrir en enfer !

La satisfaction que j'ai ressenti en imaginant la tête de Sam subir le même sort n'a pas suffit à me calmer. Aussi, je me tourne vers une autre roche.

CRAC.

— Ça, c'est pour Jason, que j'aime autant que je le déteste ! dis-je plus doucement.

CRAC.

— Et ça... ça, c'est pour moi. Ça, c'est pour la fille que je devais être avant que tout bascule. Ça c'est pour les rêves que j'aurais pu avoir. Ça, ce sont mes espoirs qui se brisent comme la vie de ma meilleure amie... finis-je par murmurer.

J'expulse les derniers débris de mon malheur et m'effondre au sol. L'obscurité s'empare de moi et je l'accepte. Vivement le 31 décembre pour que j'arrête enfin de ressentir des choses.


_____________________

Déjà 30 chapitres !!

C'est pas la joie pour Den, mais vous savez ce qu'on dit ? Une fois qu'on est au plus bas, on ne peut plus que remonter !

Je ne m'engage pas à sortir la suite la semaine prochaine, MAIS, d'ici la fin de l'année 2019 je devrais réussir à sortir plusieurs chapitres, du moins, je l'espère.

Comme d'habitude, j'espère que ça vous plait toujours malgré l'attente.

Bisous bisous :)

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