28.
Ce tintement effroyable résonne dans ma tête sans passer par mes oreilles. C'est une sensation absolument affreuse, mais très reconnaissable. Ma protégée est en danger.
Ma chambre est toujours plongée dans le noir. Un coup d'œil à mon réveil m'indique qu'il est deux heures du matin. Je me précipite pour m'habiller tandis que j'appelle mon amie. La tonalité laisse place au répondeur et je n'ai toujours pas de nouvelles.
Terrifiée, je prends mes clés et m'échappe de chez moi avec une vitesse surnaturelle. Je prends ma voiture et démarre en trombe, tandis que je continue d'appeler Véia.
J'arrive sur le campus et me gare. À peine sortie de la voiture, je me précipite vers l'entrée du bâtiment.
Une sensation étrange me parcourt lorsque je croise Sam qui en sort. Je le regarde, soupçonneuse. A-t-il un lien avec la détresse de Vé ?
Son regard est plein de culpabilité. Je crains le pire.
— Désolé, Den. Je n'avais pas le choix.
Quoi ? Je n'ai pas la force de prononcer ces mots et j'accélère pour me planter devant la chambre de Vé.
Je tape à la porte et entre après quelques secondes sans réponse.
Véia est assise par terre près de son lit. Elle est entourée par la pénombre. Les lumières extérieures permettent de voir un scintillement sur ses joues. Elle pleure et ne semble pas prête à s'arrêter.
Je m'approche d'elle doucement, et terriblement inquiète. Lorsque je la touche presque, elle recule brutalement.
Je ne comprends pas du tout ce qu'il se passe.
Toujours larmoyante, elle me hurle au visage :
— Je croyais que j'étais ton amie ! Je ne suis qu'une mission pour toi, c'est ça ?!
Quoi ? Pour la deuxième fois en quelques minutes, la situation m'échappe.
— Vé... Je ne comprends pas...
— Te fatigue pas à me mentir encore, Den ! Sam m'a tout dit ! Les anges, les démons, l'indécise, je sais tout maintenant !
Le sol se dérobe sous mes pieds. Il lui a tout dit... TOUT. Les pensées fusent dans ma tête. Je ne sais plus quoi dire ni penser.
— Pourquoi tu ne me l'as pas dit ?! continue-t-elle de crier.
— Je... je... bafouillé-je.
Tentant de reprendre mes esprits, j'articule une nouvelle réponse :
— On m'a dit que c'était dangereux de prévenir un humain de tout ce qui est mystique...
— ARRÊTE ! Je ne veux plus entendre d'excuse !
— Vé calme-toi, je t'en prie, je voulais te proté...
— Va-t'en.
Je suis désemparée, je ne peux pas la perdre aussi, je ne suis pas assez forte pour ça...
— S'il te plaît, écoute-moi, Vé...
— Non, c'est trop tard pour ça. J'avais confiance en toi, et tu m'as caché un truc énorme. Encore pire, je suis ta mission, et non ton amie. Je ne veux plus te voir.
Ses mots me percutent de plein fouet. J'encaisse cette dernière phrase comme je le ferais si je me faisais renverser par un 38 tonnes. Elle se relève, la mine sombre et me pousse vers la sortie.
Je reste tétanisée devant sa porte, incapable de bouger ou de faire quoi que ce soit d'autre que pleurer. Ma vision se brouille et je bascule en mode aura. La silhouette de mon amie se dessine de l'autre côté de la porte, mais je n'y vois plus le vert éclatant qui m'a tant éblouie la première fois. Non, cette fois, je vois une forme d'une couleur à mi-chemin entre le vert olive et le kaki. Je suis désemparée... Pourvu qu'elle me pardonne...
Je reste plusieurs minutes devant sa chambre à pleurer en silence avant de comprendre qu'elle ne s'ouvrirait pas à nouveau. Je finis par accepter de rentrer chez moi, seule. Entièrement et irrémédiablement seule.
***
Je suis allongée dans mon lit. Mes pieds et mes mains sont entravés aux quatre coins de mon sommier. Une légère brise fait frissonner mon corps, que je découvre, totalement nu.
Je suis offerte sur mon lit. Le désir se mêle à la frayeur que je ressens en voyant mes attaches. Seule la lumière de la ville éclaire ma chambre. Mon intimité devient humide peu à peu, tandis que je commence à me battre contre mes liens. Comment suis-je arrivée ici ?
Le sourire carnassier de mon âme-sœur surgit de l'obscurité. Un sentiment de confiance et de terreur s'empare de moi. Il est si beau... Si séduisant, tandis que je suis perdue et bloquée. Il s'approche de moi, torse-nu. Son corps me fait l'effet d'un électrochoc, mais mon réflexe reste d'essayer de me dégager, en vain. Seuls ses muscles se distinguent dans la pénombre. Ses muscles saillants et l'encre qui les recouvre. L'excitation s'empare de moi et se répercute dans tout mon corps qui devient brulant de désir.
Il se rapproche dangereusement en tenant un objet que je ne reconnais pas dans sa main. Sans un mot, il grimpe sur le lit et approche l'objet noir de mon entre-jambe. J'essaie une nouvelle foi de bouger sans y parvenir. La sensation du plastique froid sur mon intimité me fait frissonner. Ce n'est que lorsque l'objet se met à vibrer que je comprends de quoi il s'agit.
Je ne comprends rien à ce qu'il se passe, mais je ressens tout. Je ressens sa main chaude sur ma peau, et les vibrations qui s'insinuent vers mon clitoris.
Aucun mot ne sort de ma bouche, et je n'arrive pas à décider si je veux être dans cette posture ou si je veux m'enfuir. Des soubresauts de plaisir s'emparent de moi, et je tremble de plus en plus fort tandis que le plaisir enfle dans mon bas-ventre. La chaleur se répand dans mon corps, de plus en plus fiévreux pendant que je me bats contre moi-même pour savoir si je dois m'abandonner à mon amant ou continuer à lutter. Le plaisir stagne dans mon intimité. Il croît de manière lente et me pousse à bout de patience. Je n'en peux plus, j'en veux bien plus. Ma vue se brouille tandis que je lui jette des regards suppliant afin qu'il arrête cette torture et qu'il me donne ce que mon corps réclame. Je suis à deux doigts d'avoir un orgasme terriblement puissant, lorsque Jason éteint la machine.
Frustrée et perdue, je cherche mon amant des yeux, mais il semble avoir disparu. Je me retrouve une nouvelle fois seule dans l'obscurité. Apeurée et pleine de doute. Je me débats et cherche à me libérer lorsqu'une voix comme un flottement me parvient :
— Tu n'as pas le choix, princesse. Tu sais bien que je suis comme les autres : je joue avec toi.
Je réussis à sortir de mon rêve, trempée et haletante. Une force surhumaine me permet de me dresser sur mes jambes, mais j'ai encore du mal à encaisser ce rêve. Ce n'est pas la première fois que je rêve de Jaz, et pourtant, c'est toujours aussi fort.
Je passe la main sur mon front pour chasser la sueur qui perle au-dessus de mes sourcils. J'approche lentement de ma fenêtre pour l'ouvrir, luttant contre mes jambes tremblantes qui préféreraient que je me recouche. Il fait froid à cette période de l'année, mais j'ai besoin de me rafraîchir. Je sens que c'est nécessaire.
La brise qui m'effleure me fait frissonner. Mon rêve m'a ébranlé plus qu'aucun rêve ne l'a jamais fait. Il ne me faut que quelques secondes pour comprendre pourquoi mes yeux sont boursouflés. Ma dispute avec Vé me revient dans la tête comme un boomerang. Comment vais-je pouvoir arranger les choses ? Je n'en sais rien...
Je n'ai pas le temps d'y penser très longtemps puisque je sens la présence de Jaz qui se rapproche. Je panique ! Je ne suis pas prête pour cette conversation.
Je m'habille à la hâte, sans avoir de plan pour m'échapper, mais je me précipite pour enfiler mes vêtements. Un jogging noir et un pull noir plus loin, je sens sa présence très proche... trop proche. En me concentrant, je constate qu'il est en train d'entrer dans mon immeuble.
Je ne sais pas si je suis folle ou si c'est uniquement la panique, mais je me précipite vers la fenêtre. Je me concentre quelques secondes, mon cœur battant la chamade, et je réussis à éteindre les ampoules du quartier. Plongée dans la pénombre, je profite de cette obscurité pour déployer mes ailes et déguerpir en vitesse de chez moi.
Quand je pense que je survole la ville. Je frissonne. L'air est frais, mais l'adrénaline coule dans mes veines et pour la première fois depuis quelques heures, je me sens vivante. Je vole pendant de longues minutes sans me rendre compte de ma destination. Ce n'est qu'en foulant l'herbe avec mes pieds que je réalise que je n'ai pas mis de chaussures. Les bruits d'eau sont familiers. Je ne suis pas surprise que mes ailes m'aient conduite à ma clairière.
Je me délecte de la tranquillité de cet endroit. La brise remue les feuilles et le bruit de la rivière est toujours si apaisant. Je décide de m'asseoir face à l'eau, dans cet endroit si calme et si paisible... peut-être pourrais-je retrouver un semblant de sérénité.
— C'est pas possible... marmonné-je dans ma barbe, au moment où la chaleur emplit mon corps.
Une présence plus que caractéristique se fait remarquer. Je pourrais aller au bout du monde, je crois qu'il réussira toujours à me retrouver.
— Salut princesse, alors tu m'évites ? me dit Jason avec un sourire en coin.
Habillé une nouvelle fois de couleur sombre, il se fond parfaitement avec le paysage. Ses cheveux sont un peu ébouriffés et je constate que lui aussi est venu en volant. Il rentre ses magnifiques et majestueuses ailes.
Son sourire se fane aussi vite qu'il est arrivé. Peut-être qu'on peut lire "femme bouleversée, attention !" sur mon visage ? Pendant une seconde, j'envisage d'acheter un T-shirt avec écrit "Avis de tempête ! Barricadez-vous et jeter des carrés de chocolat pour survivre". Peut-être en tatouage ?
— Qu'est-ce qui se passe, Eden ?
Wouah ! Pas de princesse cette fois ? Je vais peut-être l'avoir mon chocolat en fin de compte.
Il s'assoit à côté de moi, mais je ne parviens toujours pas à lui répondre. Je n'arrive pas non plus à croiser son regard. Je fais basculer mon dos en arrière et me retrouve allongée, face à l'immensité du ciel encerclé par les arbres. C'est magnifique. À cet endroit où les lumières de la ville ne polluent pas le spectacle, des milliers d'étoiles me contemplent.
Je me sens seule, c'est vrai, pourtant cette vision me rassure et me réconforte. Je suppose qu'on est tous un peu seul quand on regarde en l'air. Dans un espace si immense, c'est rare de croiser quelqu'un. Et, si d'aventure, je fais le mauvais choix, ces étoiles ne disparaîtront pas. Elles seront toujours là, scintillantes. Ancrées dans le ciel sombre. Tenant compagnie à la lune si brillante.
Je sens le regard de Jason toujours sur moi tandis qu'il s'installe tout près, pour regarder le ciel également. Côte à côte dans l'obscurité, seule sa chaleur m'empêche de ne pas geler.
— Tu ne veux pas me parler ? essaie-t-il.
— Pas vraiment.
Je n'ai pas besoin de le voir pour comprendre que ma réponse froide et incisive lui a coupé le souffle. Mais cet étonnement n'est que passager et la colère reprend le dessus. Je peux la sentir, elle est palpable. Elle se répand autour de nous autour de nous comme le ferait un essaim d'abeilles. Je la sens s'insinuer partout. Je la sens gâcher la sérénité qui règne dans cette si belle clairière.
— Qu'ai-je fait, cette fois ?
C'est à son tour d'être froid et sec avec moi. Mais sa colère ne fait qu'attiser la mienne.
-— Oh, tu veux vraiment le savoir ?
Ma colère se répand également, prête à recouvrir la sienne. L'air est chargé d'électricité et ça me donne le tournis. Mais je ne lâche pas prise ! Je perds trop souvent face à lui. Quand il y a des abdos dans l'équation, j'ai tendance à perdre le sens des priorités. Mais même s'il est beau à se damner, cette fois ce n'est pas suffisant.
Dans un seul souffle, je lui dis :
— J'ai vu Sam, et si tu veux vraiment parler, je crois que t'as un certain nombre de choses à me dire.
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