11.
J'entre, exténuée, chez moi, et me pose lourdement sur mon canapé. Je sais que j'ai beaucoup bu ce soir, cependant, je ne pense pas avoir bu au point d'avoir des hallucinations. Si ce que j'ai vu est vrai, Jaz n'est pas humain, il n'est pas non plus un démon, et bien sûr, il n'est pas un ange, mais cette dernière suggestion n'était pas une éventualité. Mon père m'a pourtant dit que j'étais la seule exception et voir encore une chose que je ne comprends pas n'est pas pour me plaire.
Je me dirige vers la salle de bain pour me démaquiller puis je me mets dans mon lit après avoir enfilé mon pyjama cotonneux et attrapé ma chouette. Je m'enveloppe de la couverture que je remonte jusqu'à mon nez. Ce contact, emmitouflant, me procure beaucoup de bien, je sens que j'avais besoin de me sentir protégée. C'est idiot, c'est qu'une couette, mais là, je me sens apaisée et je peux revoir les événements de cette journée défiler dans ma tête.
J'ai passé une bonne soirée, c'était marrant, on a dansé, on s'est amusé, on a rigolé... Ma complicité avec Vé est enviée de tous, je le vois bien. Il y a cependant des points noirs à cette fête. Sam, qui dit que je lui plais physiquement n'est pas préoccupant, mais Jaz s'est comporté comme si j'étais sa petite-amie, il va falloir que je creuse les sentiments que peut avoir Sam à mon égard. Jaz qui est un emmerdeur de nature inconnue... Je m'endors peu à peu en réfléchissant à ce que peut être Jaz.
Le réveil sonne et je me lève d'un coup. La nuit a été courte et agitée. Visiblement, la nature de Jaz me préoccupait davantage que ce que je pensais. J'ai compris que je délirais et que l'heure était grave quand j'ai rêvé que Jaz était une licorne. Allez, Den, il est temps de te reprendre ma fille !
Je me réfugie dans la douche pour laver mes incertitudes de la veille. Je pense que je vais appeler mon père avant d'aller au travail pour en avoir le cœur net.
En sortant de la douche, je me sèche les cheveux et décide de les laisser lâchés. Je me maquille, avec la fatigue de la nuit, le fond de teint est mon allié. J'efface délicatement les cernes sous mes yeux, rehausse un peu la couleur de mes pommettes avec du fard à joue rose. J'en profite pour mettre du mascara et un peu d'eye-liner pour me donner des yeux de chat et je revêts un rouge à lèvres rouge foncé. Je mets un jean slim sombre et un t-shirt près du corps bleu turquoise avec des imprimés géométriques en bleu plus clair.
J'ai un peu de temps avant que ce soit l'heure pour moi de partir et je décide d'en profiter pour appeler mon père et demander des informations complémentaires sur les auras. Je tombe malheureusement sur sa boite vocale et en profite pour lui laisser un message :
— Allo Papa, c'est Eden. Rappelle-moi, s'il te plait, j'ai une question importante à te poser et tu es le seul à pouvoir me répondre. C'est assez important. J'attends ton appel, je t'embrasse.
Je raccroche et essaie de penser à autre chose que cette situation qui me consume.
« Qu'es-tu Eden ? » , et toi Jaz, et toi ...?
Je mets mes ballerines noires, j'enfile mon perfecto, noir aussi, et me dirige vers la porte de mon appartement. Me voilà partie pour 30 minutes de marche, de quoi vous mettre en forme. Il faut vraiment que je m'occupe de retrouver une voiture.
Je ne suis pas surprise de ne pas avoir encore eu de nouvelles de Vé ce matin, elle est tombée comme une mouche hier soir, elle va avoir besoin d'encore quelques heures, je pense. Quand je réalise qu'elle s'est endormie sur le capot de la voiture, elle va en entendre parler pendant longtemps ! Parole de meilleure amie.
Une sonnerie me sort de mes rêveries. Je regarde mon téléphone et vois que mon père me rappelle enfin :
— Allo Papa.
— Allo Eden, c'est moi, me dit mon père, tu avais besoin de me parler ?
— Oui tout à fait...
Je regarde autour de moi pour vérifier que je suis bien seule dans la rue, je n'ai pas besoin qu'on me prenne pour une folle, je doute suffisamment de ma santé mentale pour ne pas impliquer les passants. Par chance, le dimanche matin, les rues peuvent être désertes.
— Voilà, tu m'as dit hier les différentes couleurs des auras...
— Oui ?
— Je me suis entrainée et j'arrive à les voir.
— Félicitations ma fille, je savais que tu y arriverais !
— Ce n'est pas tout, j'ai vu une aura, que tu ne m'avais pas décrite...
Mon père reste un instant en silence.
— C'est-à-dire ?
— Un homme que j'ai rencontré à la fac me faisait une impression étrange, une drôle de sensation et j'ai regardé son aura...
Je m'interromps quelques secondes avant de reprendre :
— Son aura ressemblait à des flammes, mais des flammes bleu et jaune.
— Je n'ai jamais vu ça, j'en parlerai aux archanges et je te tiens au courant, me dit-il précipitamment.
La tonalité m'indique que mon père a immédiatement raccroché. C'est rassurant quelque part, de voir que tout n'est pas disposé à changer, je retrouve mon père, froid et distant.
Je continue à avancer vers mon travail et arrive pile à l'heure pour commencer ma journée. Ma journée débute comme toutes les autres, je m'installe à la caisse et vois les clients passer. A priori mon manager demande à me voir puisqu'une de mes collègues prend ma place en caisse. Je n'ai pas fait d'erreur ou de bêtise pourtant.
J'arrive dans le bureau du manager un peu hésitante. Il me demande de m'asseoir et je m'exécute. Après quelques minutes de discussions, il m'explique que je fais du bon boulot, et qu'il est content de moi. Il continue en me disant qu'il me propose un changement de poste, passer de caissière à vendeuse, avec une augmentation en prime. Je n'ai toujours pas de retour de mon assurance pour ma voiture, alors j'accepte sans hésiter, je vais en avoir besoin. Nous signerons les contrats dans l'après-midi.
Je profite de cette coupure pour prendre une petite pause de quelques minutes pour regarder mon téléphone. J'ai deux appels manqués, un d'un numéro inconnu et un de Vé. Avant de retourner à mon poste, je lui envoie un texto :
« Peux pas répondre. Boulot. Pause dej à 13h. T'attends »
Je retourne à la caisse et continue ma matinée le plus normalement possible. On m'explique que je serai formée à la vente mardi soir et que je reste en caisse aujourd'hui.
J'attends 13h avec impatience. Je ne sais plus quoi penser de ma vie. Je suis mi-ange, mi-démon. Je suis grise dans un monde en noir et blanc. Et je suis là à me préoccuper de mon changement de poste alors que l'avenir de la planète sera perturbé dans moins de 100 jours. Dans 86 exactement.
L'heure de ma pause arrive enfin. Je pose mon badge dans mon vestiaire et sort du magasin. Vé est en train de m'attendre devant la porte avec une ombre noir sur le visage. Je m'approche d'elle en explosant de rire :
— C'est quoi le plus dur Vé ? T'endormir sans jamais te réveiller sur le capot de ta caisse ou la tête que tu te paies avec la gueule de bois ? lui dis-je en me moquant d'elle.
Elle me répond en me tirant la langue et nous allons dans le snack où nous avons l'habitude de manger quand je travaille.
— Tu as une heure de pause ?
— Ouaip.
— Bien, ça va te laisser le temps de me raconter le bordel qui s'est passé hier soir.
Elle me dit ça avec un air tellement sérieux que je vois qu'elle a du mal à cacher sa malice, ce qui me fait rire de plus belle.
Nous nous asseyons à notre table et commandons un burger pour éponger les dégâts de la veille. Puis Vé reprend :
— Alors ? Comment je suis rentrée chez moi ?!
— Si je te le dis tu vas avoir du mal à me croire...
— J'ai déjà eu du mal à le croire quand je me suis réveillé dans mon lit, alors raconte moi tout, et plus vite que ça !
— Eh bien, tu t'es endormie sur le capot de ta voiture quand Jaz est arrivé à notre rencontre. Quand il a fini par arrêter d'être un sale con, il m'a aidé à t'allonger à l'arrière de la voiture, voyant que j'avais du mal à te porter seule. Il m'a ordonné (j'accentue sur ce mot) d'entrer dans la voiture moi aussi.
Vé me regarde, totalement médusée. Je reprends :
— évidemment tu me connais, je ne l'ai pas écouté et je pense que j'aurai pu m'allonger à poil sur le toit de ta voiture juste pour l'emmerder. Quoi qu'il en soit, il est revenu avec ses affaires, m'a demandé les clés et nous a ramené au campus. Il t'a aussi porté jusqu'à ton lit.
Je vois la panique dans son visage et mets quelques secondes à comprendre son origine.
— T'inquiète, je l'ai fait sortir de ta chambre avant de te déshabiller !
— Ouf ! J'ai eu peur, c'est déjà suffisamment humiliant d'avoir été portée par un inconnu. Bref, ensuite ? Tu es juste rentrée à pied chez toi ? Dans mes souvenirs, tu étais aussi pas mal éméchée ! Avoue, ce n'était pas une idée en l'air de se mettre à poil sur la caisse ? me dit-elle en rigolant.
Je lui raconte qu'il a insisté pour me suivre et que j'ai abdiqué, faute de moyen de pression pour le faire rentrer chez lui.
— Attends ! Il t'aurait raccompagnée uniquement pour faire plaisir à Sam alors qu'il n'y a rien du tout entre vous deux ?
— Ah ben ça me rassure ! Je ne suis pas la seule à trouver ça bizarre !
— Non mais carrément ! Deux possibilités seulement.
— Je suis toute ouïe.
Je la vois réfléchir sans doute à la façon de dire ça.
— Alors soit, il a menti et t'as suivie pour une autre raison, et je n'ai aucune idée de ce que ça peut être, soit...
— Soit Sam a plus qu'un petit faible pour moi, fini-je. Il ne manquerait plus que ça Vé...
Ma meilleure amie me lance un sourire compatissant. Parler des garçons on sait le faire, mais s'il y a des sentiments en jeu, nous sommes toutes les deux dénuées de qualités, d'autant plus qu'il y a quelque chose de louche dans cette histoire, c'est évident.
— Franchement, je l'aime bien, il est drôle et mignon... vraiment mignon en fait. Mais on a enfin rencontré des gens qui nous donne envie de ne plus être « Vé et Den contre le monde entier », je n'ai pas envie de gâcher la chance de trouver des personnes avec qui on peut lier une amitié parce que je suis trop paumée pour accepter qu'un mec m'aime bien.
— Écoute ma belle, n'y pense pas pour l'instant. Autant Jaz a menti et ce n'est pas pour lui qu'il a fait tout ça. Il ne t'a rien dit qui pourrait induire autre chose ? Il ne t'a rien demandé ou n'a rien essayé de faire ?
Je repense à ces derniers mots « Qu'es-tu Eden ? ». Peut-être qu'il m'a suivie pour me demander ça, peut-être que je l'intrigue comme lui m'intrigue. Je chasse cette pensée tout de suite. Il n'a rien d'intrigant, il est insupportable et grossier et j'ai sans doute halluciné en voyant son aura étrange. Elle était peut-être juste verte et je l'ai décomposé en jaune + bleu à cause de l'alcool. Je finis par répondre à Vé :
— Non, il ne m'a pas donné l'impression de vouloir quoi que ce soit de moi. Il m'a même dit que j'étais têtue et que si quelque chose m'arrivait, ça serait de ma faute parce que je suis une idiote.
Vé part dans un rire, un rire si propre à elle-même.
— Eh bien, il t'a cerné le garçon !
Je fais semblant de m'offusquer et fait la moue pendant quelques minutes.
— Bref, avec un peu de chance, Jaz est juste un psychopathe et Sam n'est pas amoureux de toi !
— Tu parles d'une chance, le présumé psychopathe sait où je vis maintenant !
Elle me regarde en rigolant une fois de plus. Je me rends compte que je ne l'ai pas prévenu de ma promotion.
— Au fait, j'ai vu mon manager ce matin, je prends du grade de toute évidence, je passe vendeuse à partir de mardi.
— Ah félicitations ! Tu fais avancer ta carrière !
— Ouais vendeuse, tu parles d'un boulot clé... grommelé-je
— T'as qu'à vendre des serrures !
Elle explose de rire avant que j'ai le temps de comprendre, puis je me mets à rire avec elle. Son insouciance est ce qu'il me manque. Je n'arrive pas à penser à autre chose que cette date buttoir qui se rapproche et à ces flammes qui dansent autour de Jaz. Quand je le reverrai, je retesterai son aura, et je le ferai en étant sobre cette fois.
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