12° PHASE
Ruquaya's minds
Le voir, l'entendre, lui parler ou bien encore l'entendre parler, des plaisirs qui trop longtemps m'ont été privés. Bien que je ne puisse le toucher, je me contente de tous ce qu'il peut m'offrir, car en réalité sa présence me suffit pour que mon âme s'apaise et que mes larmes cessent.
On se regarde sans jamais se lâcher des yeux, on s'aime sans se le dire, on se dit des mots doux par télépathie. Aucune réaction, aucunes mimiques faciales ne traversent son visage et pourtant je me sens comblée, je me sens en sécurité.
Plusieurs auraient pu être dégoûtée, apeurée, ou encore surprise par ce visage, mais l'amour est bien plus fort que le physique. Même avec ces cicatrices, ces brûlures omniprésentes, ces hématomes aussi bleus que la mer, j'ai mon Aqeel tout entier et rien que pour moi. J'ai pleuré pour lui, pensé à lui, me suis souvenue de sa voix rauque et maintenant je l'ai en face de moi, à mes côtés. Que puis-je demander de plus à part ses mains sur moi ?
Ses yeux noirs m'ont tant manqués. Sa bouche pulpeuse m'appelle autant qu'avant mais je me dois de respecter ses limites, de respecter son douloureux passé. Je me contente de ce que Dieu me donne après tant de prières.
La nuit devient de plus en plus noire, rien ne nous éclaire à part peut être nos yeux brillants l'un pour l'autre ou mon sourire aussi scintillant que les étoiles au dessus de nos têtes. Mon téléphone s'illumine, je n'y prête pas attention.
Aqeel le saisit et tombe né à né avec mon fond d'écran. Une photo de nous datant de quelques années en arrière. Une photo avec laquelle je dormais chaque soirs en serrant mon cellulaire contre mon cœur. Il jette un regard en ma direction puis sans lâcher la connexion, rapproche ses lèvres contre l'écran et les pressent au niveau de ma tête. Mon souffle se coupe, ses lèvres ne se sont pas posées directement sur ma peau chaude et pourtant ce geste compte énormément pour moi.
Il se détache et me le tend. Je fais attention de ne pas le toucher et saisit mon téléphone. Après les siennes, ce sont mes lèvres qui se posent sur cet écran. J'embrasse avec tant de passion ce visage au paravent intact mais pour moi celui que j'ai sous les yeux aujourd'hui est une meilleure version de l'Aqeel que j'aime.
Des moments que je n'échangerais pour rien au monde, une chance m'ai donnée. Mes prières ont fonctionné et mon cœur est reconstitué. Nous restons dans cette position longtemps jusqu'à ce que le soleil pointe le bout de ses premiers rayons. Je n'ai fais que parler et lui n'a fait que m'écouter et sûrement penser.
Dans la lumière du soleil levant, il me raccompagne jusqu'à mon bâtiment. Les fenêtres des habitants sont encore fermées, si ils voyaient à quel point le visage de Ruquaya s'illumine en ce moment même, un feu de joie ce serait allumé.
Il est temps que je lui dise au revoir. À ce soir ? Demain ? Ou à jamais ? Non je ne l'espère pas...
Nos regards s'entremêlent au pas de la porte. Un sourire apparaît sur mon visage tandis que le siens demeure fermé, mais je sais ce que son Aqeel intérieur me dit.
Sans me toucher, son doigt presse la poignée de mon modeste appartement. Il s'avance vers moi mais mon instinct me dit de reculer. Non ne pensez pas que je veux me protéger de lui, ce n'est juste qu'instinct amoureux. Existe-t-il ? Je peux en témoigner oui. Je ne veux le contrarier ou le rendre malheureux, alors si mes pieds doivent s'éloigner de lui pour son bien; je le ferais !
Je crois que cet instinct était le bon à suivre. Bien que son visage m'apparaît tel une porte blindée, je décèle comme de la satisfaction dans son regard. Serait-il heureux de me voir compréhensive à ses messages codés ? Je le crois bien.
Une brève agitation de la main et le voilà parti. La porte a peu à peu caché sa présence jusqu'à sa disparition complète.
Des rêves pleins la tête, des larmes pleins les yeux, un sourire béat aux lèvres je m'en alla me nettoyer avant que mon corps goûte aux plaisirs du sommeil. Un sommeil qui ce soir s'annoncera doux; longtemps que je ne l'avais connu.
Je repasse les parcelles de mon corps au crible. Et dire que ce soir il était avec moi... Les cellules de mon corps s'éveillent rien qu'à cette douce pensée. L'eau ruisselle mais n'effacera en aucun cas les souvenirs de cette nuit; bien trop ancrés en moi il faudrait me vider de mon sang rien que pour en extirper leurs essences.
Mon visage se pose sur le tissu fin de mon oreiller tandis que dans mes songes il se pose sur son torse. Sa main dans mes cheveux mes yeux se ferment au contact de souffle brûlant sur mon front. Certaines rêveraient qu'un homme les touchent, mes rêves à moi sont beaucoup plus basés sur sa simple présence. Passer tant d'années sans lui; un châtiment que Dieu m'a imposé. Le retrouver; une récompense pour mon obéissance.
Bonne nuit à vous peuple du monde. Bonne nuit à vous animaux de la Terre. Bonne nuit à vous Anges de chaque côtés de mes épaules. Bonne nuit à toi maman, et bonne nuit à mon amour qui depuis peu est revenu d'entre les morts.
5 semaines plus tard
Mais où est-il ?
Il est indéfendable qu'il n'a jamais quitté mon cœur, mais que fait-il loin de mes yeux ? Des semaines que je ne le vois plus, pourtant je ne manque pas de bonne foie. Dès le lendemain de notre sortie j'ai pointé mon nez dehors en espérant le revoir mais personne n'était là. Le banc aussi était vide de sa présence. Je me suis donc rendue chez lui les jours suivants. La seule chose qui a pu réchauffer mon cœur se trouve dans l'énorme étreinte que sa mère m'a confiée. Si heureuse de pouvoir enfin m'avouer la vérité elle m'a faite entrer et a partagé les recoins de son cœur autour d'un verre de thé. C'est avec surprise que j'ai découvert qu'Aqeel n'était pas rentré depuis notre escapade. Je me suis soudainement sentie si coupable...
Serait-ce de ma faute si ses pieds ne se sont pas posés chez lui ? Si l'on part sur cette logique alors je suis aussi fautive pour le cœur meurtri de sa mère. La culpabilité m'a tellement rongée que je me devais de lui rendre visite chaque jours, cela m'a aussi permise de vérifier s'il n'était pas rentré mais la réponse fut négative jusqu'ici. Mais que se passe-t-il ? Pourquoi n'est-il pas rentré ?
Je me suis remémoré les faits de notre soirée en boucle sans relâche ces cinq dernières semaines afin de comprendre si le tord m'étais destinée. J'en suis même venue à croire que mes simples baisers auraient pu le faire fuir. Est-ce le cas ?
Oh Inc ou bien Aqeel, reviens moi vite.
Je ne cesse de te pleurer, ne repars pas aussi vite que tu es revenu.
C'est sans grand enthousiasme que mes pieds chauds quittent le lit. Que me réserve la vie ? Voyons plus petit; que me réserve le jour d'aujourd'hui ? J'ai été si positive et heureuse ces dernières années, mais mes nerfs lâchent, je n'y arrive plus. J'ai besoin de lui. Dépendante ? Sûrement, mais sachez que c'est bien cruel de me donner mon bonbon préféré pour au final me le retirer.
Ablutions, prières, manger, ranger et s'assoir sans rien faire. Il s'agit d'une routine, quel cercle vicieux ! Impossible de s'en sortir, ce serait comme un chien qui se mord la queue sans cesse. En sortir pour m'en trouver une autre, non merci je ne me fatiguerais pas.
Ma chère mère ne cesse de me pousser à prendre soin de moi, "il pourrait revenir d'une minute à l'autre" dit-elle. En cinq semaines il a eu le temps de faire son apparition, pointer le bout de son petit nez rond... ce n'est pas maintenant qu'il le fera croyez-moi.
Sa mère doit passer à la maison, du moins c'est la rumeur qui tourne en ce moment chez moi. Rien que pour son doux visage; le nez rond et légèrement crochu que tient son fils et sa petite bouche pâle, je veux bien faire un effort vestimentaire. D'après la description il s'agirait d'une beauté particulière, mais qui a dit que la différence n'était beau ?
Ne nous attardons pas sur des détails superflus; le superficiel n'est pas forcément mon fort !
Mon teint, mes sourcils et un coup de mascara feront l'affaire. Peut-être devrais-je couvrir mes cheveux ?
J'enroule sans grand intérêt ce foulard kamel qu'elle a eu la gentillesse de m'offrir; autant lui faire plaisir autant qu'elle l'a fait pour moi.
La porte sonne; les rumeurs sont bonnes !
Ma mère ouvre le temps que je dose le sucre dans cette foutue théière et installe notre invitée ainsi que son fils dans le salon. Sans plus attendre, accompagnée de mon plateau je leur dit bonjour. Elle a l'air d'avoir repris des couleurs, tellement belle. Joue rosée mais si pâle à la fois... on en voit pas deux des comme elle. Je lui serre tout de même un verre de thé, elle doit avoir si froid; un temps glacial tout comme ce qui me sert de cœur. On l'a laissé froid, le rayon de soleil de mes jours à prit congés.
La conversation va bon train; les sujets fusent entre nous. Le nouveau travail de maman, les notes du petit, le thé un peu trop sucré, le foulard qui paraît-il m'irait si bien, mon père... mon père.
Ça aurait dû être son anniversaire aujourd'hui, tant de souvenirs de ce jour si spécial avec lui. Il avait l'habitude de me dire que si je poussais la chansonnette il me ferait taire par tous les moyens, je n'ai jamais osé tenter la sentence. Dieu pouvait être en colère disait-il, j'ai toujours suivi ses conseils. Enfin presque.
Aqeel et moi fêtions cela à notre manière. Nous étions les rois pour imaginer des traditions plus loufoques les unes que les autres. Pour mon père, nous nous imaginions à son âge et écrivions quelques lignes destinées à l'autre pour lui expliquer les objectifs que nous nous imposerions. Il était drôle de voir que quelques unes de nos futures résolutions étaient résolues par mon cher papa, nous visions juste !
Avec qui vais-je le faire aujourd'hui ? Je vais devoir aviser seule. Pourquoi ne pas lui rendre visite pour l'occasion ? Ce serait un bon moyen de lui souhaiter sans que Dieu nous punissent. Oui, n'est-il pas conseillé de visiter les morts pour se rendre compte de ce qui nous attends ? Telle mère tel fils; elle voudrait me suivre dans mes intentions. C'est en groupe que nous nous rendons donc devant sa tombe.
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