Chapitre 36 : Quand tout est révélé
Quand tout est révélé
Et que les masques tombent
Les nœuds sont démêlés
Mais l'euphorie retombe.
L'Inconnu.
Il errait dans sa cellule, un fin sourire aux lèvres. La noirceur de ce lieu contrastait avec son teint pâle et doux. Il sourit. Il savait ce qu'il devait faire. Il était résolu à enterrer son secret avec lui. Et il était persuadé que nul n'oserait le toucher s'il ne disait mot.
- Je suis un mystère. On n'oublie pas un mystère. On le perce puis il meurt. Mais si je ne dis rien, nul ne saura et je triompherais. Ils m'ont méprisé et ce sera mon tour de les mépriser. Alors je ne dirai rien.
Un soldat vint ouvrir sa cellule et le conduisit jusqu'à la salle du tribunal. Il lui jetait régulierement des regards émerveillés et respectueux qui amusaient le prisonnier.
- Comment est la salle, murmura Octave ?
- Pleine. Il semble que ta réputation est largement dépassée les murs de Saint Udaut. Tous les bourgeois de la ville sont ici. Saint Udaut est venu tout entier voir le procès. Et moi-même suis plus que curieux de découvrir qui tu es. La salle est euphorique. On crie. Devant le tribunal, des paysans, n'ayant pu entrer, se sont posés sur les marches et font marcher les paris. La circulation est bloquée. Tiens ! N'entends-tu pas ces clameurs. Elles sont pour toi. Tu n'as jamais autant triomphé, Octave. Mais laisseras-tu tomber ton voile ?
Ils parvinrent à la salle. L'Inconnu était parfaitement serein. Et cette quiétude renforçait l'impression d'aura qui se dégageait du personnage.
Lorsqu'il entra, une agitation sans nom bouleversa la salle. On criait. On hurlait. On gesticulait. Les avis étaient partagés entre ceux qui voulaient sa mort et ceux qui le croyaient dieu immortel. Les esprits s'étaient échauffés au-delà de l'inimaginable. Tous jouaient d'hyperboles et l'Inconnu était élevé aux nues, très haut, un dieu !
Des hommes voulurent traverser les barrières. Des soldats durent s'interposer. Des voix criaient dans la salle pour pousser les juges à décider de telles sanctions.
Et parmi l'assemblée, devant, il y avait Élisabeth. Il y avait Thierry. Il y avait Louise et Marie-Lys relâchées qui n'en croyaient pas leurs yeux.
L'Inconnu s'était arrêté et observait cette foule en délire. Absolument impassible. On le conduisit sur son banc. Il sourit aux juges qu'il connaissait du temps où il vivait à Figeac. Il sourit à Christian. Il sourit à Jehan. Il étonnait.
On imposa le silence : le juge allait parler. Avides de connaître le fin de l'histoire, tous observèrent le silence.
Le magistrat se leva :
- Avant de commencer le procès, je tiens à t'avertir d'une chose. Nous savons que tu tiens à garder le secret. Mais saches que si tu refuses de tout nous révéler nous guillotinerons les cis-devants Gaston et Anne de Saint Udaut.
À ces mots, Charles crut recevoir un coup en plein ventre. Il ne s'était pas attendu à un tel chantage. Abasourdi, il pinça ses lèvres pour se retenir de crier. Mais en quelques instants il avait pris sa décision. Ces quelques mots venaient de tout chambouler au plus profond de lui-même.
Il ne le savait pas mais Thierry avait deffinitivement décidé les juges à ne point guillotiner ses parents. Aussi cette soudaine décision était-elle vaine.
- Prénom ?
- Octave, répondit-il en recouvrant sa fierté.
- Nom de famille ?
Il eut un fugace moment d'hésitation avant de répondre :
- Saint Udaut.
Et la salle explosa. Saint Udaut. De qui était-il le fils ? Qui gagnerait son pari ?
- Du silence ! On expulse ceux qui sèment le désordre.
L'on se tut de nouveau.
- Qui sont tes parents ?
- Je suis le fils de Gaston de Saint Udaut. Un batard.
Il avait craché ces derniers mots avec mépris. Cet adjectif lui avait toujours paru odieux.
- Et ta mère ?
- Laissez-moi tout vous contez. C'est ce qu'il y a de plus simple.
Comme des enfants, tous se préparèrent à écouter l'histoire de ce mystère.
- C'est ma mère adoptive, Anne de Saint Udaut, qui m'a tout raconté. Elle me jetait son mépris à moi, pauvre petit garçon d'une dizaine d'année. Et je pleurais. Non, elle ne m'aimait pas. Il n'y avait que mon père pour me soutenir. Il n'y avait que lui, que lui...
***
Une femme et un homme marchaient sous la lune dans les rues du vieux centre de Figeac tout en se murmurant quelques mots doux. La femme riait doucement et faisait frémir ses boucles brunes. L'homme souriait. Dans leurs yeux brillait l'éclat d'une passion folle et surréaliste. Ils étaient jeunes et paraissaient prêts à commettre toutes les folies. Un couple charmant.
La femme entraîna son amant sur le rebord d'une fontaine et s'y assit. Elle se pelotonna contre lui et murmura d'une voix tendre :
- Gaston, cher Gaston... Il faut que je vous dise. J'attends un enfant. Vous serez père.
L'homme, loin de réagir avec véhémence, eut un sanglot dans la gorge. Il allait être père... Ô combien il était heureux ! Et sa femme n'avait jamais pu lui procurer ce plaisir...
- Un enfant, répéta-t-il avec joie ?
- Oui.
Ils ne s'en aimèrent que davantage. L'homme et la femme se voyaient tous les soirs et leur passion prit des allures de folie. Les mois passèrent. La jeune femme sentait qu'elle était proche d'accoucher. Son amant ne la quittait plus au grand désarroi de sa femme Anne. Et un petit Octave vit le jour.
- Octave comme l'empereur Auguste. Il sera fort et grand, mon petit. Et son nom muera en un adjectif plus puissant que les étoiles du ciel.
Gaston déposa un doux baiser sur son front. Las, quelques heures plus tard, la jeune femme tombait du haut mal et donnait son obole à Charron.
Le jeune homme se retrouvait seul avec ce petit nouveau-né qu'il aimait déjà comme un fou. Courageusement, il se décida à l'adopter en dépit de ce que dirait sa femme. Et Octave grandit. Lorsqu'il atteignit ses huit ans, Anne accoucha enfin d'un premier enfant qu'elle prénomma Thierry. Cinq ans plus tard, Louise vit le jour.
La famille était revenue habiter le château de Saint Udaut. Gérard y était encore. Il se mêlait régulièrement de l'éducation des deux fils aînés et cela fâchait Gaston.
Octave était certainement le préféré du châtelain. Ces sentiments rendait jalouse Anne de Saint Udaut qui se montrait sèche et cassante avec lui.
Des tensions montaient entre les trois adultes et Octave se trouvait au milieu d'eux. Il n'avait pas quinze ans. Mais intelligent plus que de coûtume, il savait mettre tout le monde d'accord et émerveillait.
Sylvie était servante au château. C'était la femme du père Jérôme et déjà existait entre le châtelain et le paysan une certaine animosité. Elle était pauvre et manquait cruellement de tout. Alors, elle prit l'habitude de voler quelques bibelots par-ci, par-là.
On ne s'en apperçut d'abord pas. Mais un jour, elle vola une statuette toute en or qu'affectionnait particulièrement Gaston. Frustré de ne plus la voir à sa place, il mena son enquête et découvrit la coupable. Jamais il ne fut autant en colère !
Il traversa toute la maison en criant contre Sylvie et alerta Gérard et Octave.
- Mon fils, l'interrompit son père. Cesse ces jérémiades, indigne de ton rang.
- Je vais aller faire comprendre à Sylvie comment sont traités les voleurs.
- Moi présent dans cette maison, tu ne toucheras pas à la famille du père Jérôme. Tu ne m'as pas obéi pour l'éducation de tes enfants. M'écouteras-tu cette fois-ci ?
Penaud, Gaston baissa la tête. Il prit la direction de son bureau. Mais, se retournant, fit un signe discret à son fils pour qu'il le rejoigne.
- Octave, vous avez entendu votre grand-père. Mais moi j'estime qu'il est grand temps d'instaurer un peu de terreur et de respect en ce pays. Vous éloignerez votre grand-père pour moi.
Le soir, le garçon descendit silencieusement les escaliers. Il était fier de cette mission et pressé de recevoir les félicitations de son père.
Sur la terrasse, il se retrouva face à son grand-père. Il fit un pas vers lui pour l'attaquer, mais non préparé, il s'arrêta. Gérard comprit vite ce que tramait son petit fils et entra dans une terrible colère. Il défit sa ceinture et en fouetta l'enfant.
Octave, terrifié, s'échappa dans sa chambre en promettant de se venger. Il passa une nuit atroce où il sentait ses blessures le torturer. Et au matin, il était décidé.
Il avait malgré tout quelques forces et son grand-père était vieux. Il attendit que Gérard se décide à faire sa promenade cavalière matinale pour le suivre disctretement sur Ophrys.
Ils étaient parvenus au bord de la Luisse quand le jeune garçon se montra au vieil homme. Effrayé, ce-dernier s'écria :
- Mais que fais-tu ?
- Je vous arrête.
Il s'approcha, menaçant, de son grand-père, une corde à la main. En quelques mouvements, l'homme était baillonné, terrifié.
Octave sauta à cheval et s'enfuit au château. Il courut dans le bureau de son père pour lui expliquer fierement ce qu'il venait de faire. Gaston eut un sourire et s'enfuit vers le mas du père Jérôme.
Octave se retrouva seul. Il grimpa dans la chambre de son grand-père et, empli de colère contre ce-dernier, il eut l'idée de se venger.
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Croyez bien que ce chapitre fut le plus dur à écrire... Je ne voulais pas laisser tomber le mystère !!!
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