Chapitre 32 : Une lueur démente (Partie 2)

- Charles ! Charles ! Mais que t'arrive-t-il ? Charles !

Celui-ci se tourna vers le prêtre et lui dit doucement en montrant ses mains :

- Le père Jérôme est mort.

Il y eut un moment de flottement mais cet assassin reprit ses coups avec une hargne nouvelle.

- Charles, non ! Charles !

Théophile s'époumonnait avec terreur. Il n'osait s'avancer pour défendre les deux pauvres fillettes que son ami s'était mis à battre furieusement, car il était trop faible. Louise et Marie-Lys s'étaient recroquevillées contre le sol et gémissaient. Mais l'Inconnu, aveuglé par une haine terrible, leur distribuait des coups de pieds et de poings.

Alors, le jeune prêtre se décida à réagir. Il ramassa au sol un baton et en frappa Charles. Il s'était mis à pleurer tant cette scène lui paraissait surréaliste. Il ne frappait pas fort, simplement quelques faibles coups apeurés. Mais cela suffit pour que l'Inconnu se retourne.

Effarés.

Les traits durs et ironiques de l'Inconnu inquietèrent le jeune prêtre. Dans toutes cette terreur, nul ne parlait, tous s'observait et quelques larmes. La tension accumulée ces derniers jours avait fini par détraquer les esprits de nos protagonistes. Et le crime tout récemment commis avait définitivement affolé l'Inconnu. Alors ils s'observaient. Ils s'observaient et les deux jeunes filles pleuraient et pleuraient encore. Théophile se ressaisit en partie et s'écria d'une voix grave :

- Pourquoi ? Charles, pourquoi nous ?

Sans dire un mot, l'Inconnu lui arracha son baton et lui fit un croche-patte. Théophile tomba à terre dans un gémissement mais quelques coups de pieds lui firent perdre connaissance. Charles saisit les deux jeunes filles par le bras et les traîna dans la grotte.

Quand elles se réveillèrent quelques heures plus tard, elles se trouvaient dans la première salle, non pas attachées mais l'entrée était solidement barrée par des branches épineuses entremêlées les unes sur les autres. La pièce où elles se trouvaient était si obscure qu'elles peinèrent à deviner qu'elles étaient dans la grotte. Mais lorsqu'elles s'en apperçurent... Elles prirent peur !

Leur âme, toute effrayée de cette prise d'otage, brûlait de terreur et d'angoisse. Elles comprenaient que l'affaire allait trop loin et qu'elles avaient probablement eut affaire à une sorte de fou. Cela les effrayait et les paralysait.

- Marie-Lys ? Qu'est-ce qu'il va nous arriver ? Est-ce qu'il va nous tuer ?

- Je ne sais pas, murmura son amie d'une voix blanche.

- Après tout, il a volé. Il a déjà tué. Et qui sommes-nous ? Il peut très bien s'en prendre à nous.

- Louise... Tu penses que... Tu penses qu'il est méchant ?

- Méchant ? Surprise Louise réfléchit avant de s'écrier avec humeur : Mais tout ceci ne nous avance à rien. Songeons au pratique. Il nous faut quitter cette grotte !

- Et comment ? Comment, Louise comment ?

- Eh bien...

Et soudain un souvenir, très vieux ! Très ancien ! Très confus ! Un jeu dans la dernière salle, tourner autour de la marre en riant. Et cette lumière dans un recoin éloigné... Elle était allée voir et !

- Marie-Lys ! J'ai peut-être une solution pour échapper à cette antre... Mais ce sera particulièrement difficile ! Et nous n'avons aucune lumière.

- Alors non ! Autant attendre patiemment notre sort.

- Quoi ? Mais non ? Ah non ! Moi j'y vais, quoi qu'il m'en coûte. Et d'ailleurs, au-revoir ! Ou adieu.

Et furieuse, elle se leva. Elle tatonna les parois pour chercher son chemin. Le noir complet l'entourait. Elle comprenait sa chance d'avoir visité plusieurs fois la grotte. Elle savait où passer bien qu'elle ne vît rien...

Le couloir fit un coude. Elle s'agrippa à la paroi pour s'empêcher de glisser dans une première marre et entreprit de la longer. Et soudain... Son pied dérapa ! Elle n'avait pas vu l'asperité au sol et s'y cogna. Elle atterrit dans l'eau glacé et sale en poussant un petit cri. Tous ses vêtements étaient trempés, lourd et certainement aussi crasseux que possible. Elle gémit. Mais il lui fallait tenir ! Alors elle remonta et escalada la deuxième paroi.

Elle s'était mise à pleurer tant elle était désespérée. Si elle poursuivait, c'est parce qu'elle se racrochait à cette lueur d'espoir qu'était cette sortie. Mais parvenu en haut du deuxième obstacle elle gémit : comment descendre cette pente dans le noir total ? Elle était épuisée de prendre sur elle et de continuer, encore et toujours !

Alors elle fit tobogan. Et atterrit durement sur son postérieur en pleurant. Mais elle avait fait le plus dur. Maintenant, elle voyait cette raie de lumière...

***

- Gaston ? Je m'inquiète... Cela fait plusieurs heures que Louise et Marie-Lys ont disparu !

- Oui, Anne. Je me faisais la même reflexion... Ce n'est pas la première fois qu'elles disparaissent ainsi mais jamais aussi longtemps. Ou bien c'est qu'il leur ait arrivé malheur !

Anne se signa rapidement avec effroi :

- Prions pour que vous disiez faux alors.

Elle se tut un instant, hésitant visiblement à confier ou non sa pensée à son époux. Mais finalement elle murmura :

- Mon ami, j'ai grande crainte ! Viendrez-vous avec moi si je parcourais le Causse à leur recherche ?

Surpris, Gaston observa attentivement sa femme. Mais il dut admettre qu'attendre en se rongeant le frein ne lui plaisait pas du tout. Il acquiesça silencieusement.

Quelques instants plus tard, accompagné d'un paysan qui venait parfois soigner leur jardin, ils quittèrent la maison et longèrent la route qui allait vers Figeac. Leurs petits yeux fatigués cherchaient partout, fouillaient chaque buisson, chaque champs dans l'espoir d'appercevoir quelque chose d'elles. Ils tendaient l'oreille mais rien !

Après avoir décidé de quitter la route et en traversant les champs, ils découvrirent pourtant Théophile, agonisant sur le sol. Son état malade d'après son emprisonnement et les quelques coups de l'Inconnu l'avaient deffinitivement affaibli. Il balançait entre inconscience et rêverie et se sentait partir. En l'appercevant, les parents de Louise poussèrent un petit cri et se précipitèrent vers lui pour constater son état.

- Il faut le ramener à Saint Udaut !

Gaston et le paysan saisirent chacun les pieds et les bras du blessé et le soulevèrent. Ils l'emmenèrent ainsi jusqu'au chateau. Mais pour ne point être vus, ils passèrent par une petite porte dérobée.

- Où le mettrons-nous ? S'inquiéta la chatelaine.

- La cachette du grenier est libre : il sera à son aise. Et jamais Thierry ne pensera à s'y rendre maintenant qu'il l'a fouillée quatre ou cinq fois.

Ils montèrent avec difficulté les trois étages et escaladèrent jusqu'à la cachette.

- Je vais chercher de quoi le soigner, murmura Anne.

Son mari lui lança un regard dur : il détestait ses manies protectrices, et soupira.

Les deux époux se relayèrent discretement pour veiller à son chevet. Ils savaient malheureusement qu'il était leur seul espoir de retrouver la trace des deux filles. Mais vers l'heure du diner, Théophile émergea de sa léthargie.

Il parcourut des yeux la pièce où il se trouvait et, la reconnaissant, il poussa un léger soupir qui réveilla Anne. Il fronça des sourcils, tic qui lui prenait lorsqu'il réfléchissait. Que s'était-il passé pour qu'il se retrouve ici ?

Et, par fragments, des souvenirs lui revinrent... "Charles, non, Charles ! Pourquoi ? Pourquoi" Et ces coups... Et cette dernière image des jeunes filles enlevées...

Il blêmit soudainement. Son ami était devenu tout à fait fou ! Le bel Inconnu avait brisé son image... Mais où allons-nous... ? Que pouvait-il arriver de pire ? L'âme de Charles était folle et méchante. Les deux jeunes filles allaient quitter la grotte plus brisées qu'elles ne l'avaient jamais été. Et que c'était-il passé sur la route ? Les villageois étaient-ils morts ?

- Et moi je suis faible et débile. Rien ne peut nous arriver de pire ! Nos cœurs sont vides et froids.

Madame de Saint Udaut sursauta en entendant ce murmure. Elle se pencha vers le blessé et lui demanda :

- Que venez-vous de dire ? Que savez-vous sur ma fille et Marie-Lys ?

- Dans...

Il fut pris d'une toux rauque et ne put continuer. Il dut se faire violence pour articuler :

- Mais de toute façon, j'ai perdu tout espoir.

- Non ! S'écria Anne les larmes aux yeux. Le cœur d'une mère n'oublie jamais. Le cœur d'une mère n'oublie jamais !

Théophile lui jeta un regard étrange.

***

Louise poussa de toutes ses forces sur ses bras. Elle se hissa tant bien que mal par la fente de verdure et parvint à l'air libre. Elle resta un long moment allongée sur le sol, absolument extenuée. Mais un regain de courage lui donna le cœur de se lever et de chercher son chemin. Vers sa droite, une paroi lui barait la route. En face, c'était aller à l'opposé de chez elle. Il ne restait que sa gauche. Elle longea naïvement la grotte, toute heureuse de s'en être sortie mais un peu inquiète pour Marie-Lys, seule dans l'obscurité.

Elle songeait aux sourires qui naîtraient sur les visages de ses parents lorsqu'ils la verraient. Elle songeait à un bonheur finalement accessible et pas si lointain.

Mais tout à sa joie, elle oublia où elle allait. Au détour d'un chemin, elle se retrouva face à l'Inconnu.

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Êtes-vous toujours aussi fan de l'Inconnu ? Les tendances s'inversent...

Son prénom est donné dans le prochain chapitre mais pas son identité encore. On arrive vers la fin de l'histoire. Quand j'aurai tout écrit, je pense que je publierai d'un coup les chapitres en réserve.

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