Chapitre 25 : De curieux sentiments (Partie 2)

Toujours le même, celui que l'on recherche. Il est là partout et fait tourner la tête aux plus sensés. Il déroute et dérange. On le hait, on l'adore, on l'admire, on le craint... l'Inconnu.

Jehan sourit : il s'y attendait tant ! Sa jolie sœur sait prendre en ses filets même les cœurs les plus inaccessibles.

Élisabeth sauta au cou du nouvel arrivant et recula pour se laisser embrasser sur la main.

- Lise... Murmura-t-il.

- Oui. Je suis là.

- On ne t'a pas suivi ?

- Oh si ! Mon frère m'épie en ce moment-même. Je vais lui laisser croire un temps qu'il est malin. De toute façon, nul ne peut rien me faire. Personne n'a jamais osé me faire du mal.

- Tu es trop belle... !

- Que voulais-tu me dire ?

- Que j'avais vu une limace.

La jeune fille ouvrit des yeux ronds :

- Tu te moques ? J'attendais mieux de toi...

- Que faut-il faire pour te plaire, douce belle ?

- Je n'aime pas parler de sentiments... Parlons du pays, veux-tu ? Et assis-toi !

- Tout est calme et cela est étrange. Cela m'ennuie... Je n'ai plus personne à aller secourir.

- Pourquoi ne me dis-tu pas ton vrai nom et tes vrais objectifs ?

- Parce que j'hésite encore quant à ce que je dois faire. Et que je me plais dans cet anonymat. Eh je te vois trépigner de colère et cela m'amuse.

- Tu me demandais tout-à-l'heure ce qu'il fallait faire pour me plaire... Donne-moi ton nom !

- Ton frère espionne, m'as-tu dis ? Ce serait dangereux...

- C'est une fausse excuse, dis-le moi dans l'oreille... s'il te plaît !

- Jehan ! Appela Charles dans un sourire exquis. Tu peux sortir de ta cachette ! La plaisanterie a assez duré.

Élisabeth fronça furieusement des sourcils et cracha :

- Alors sache que si j'éprouve une grande admiration et un grand attachement pour toi, je crois que je ne t'aime pas !

L'Inconnu sursauta et lui lança un regard douloureux. Que voulait-elle dire ? Était-ce un caprice ou cette phrase reflétait une pensée plus profonde ? Car lui, il l'aimait à la folie et se sentirait torturé si cet amour n'était pas partagé.

Jehan venait vers eux, furieux qu'on se soit joué de lui... Il parvint à leur niveau et grogna :

- Vous savez que j'ai assez de crédibilité sur Thierry pour qu'il croit tout ce que je vais lui raconter ? Je sais bien qu'il ne sert à rien que je cherche à vous attraper, je n'y parviendrai pas. Mais toi, Élisabeth, tu ne t'en sortiras pas facilement. Tu n'es qu'une traître.

- Eh bien fait ! Et que vous alliez tous au diable... ! Je ne crains personne.

Dans un accès de colère, son frère l'attrapa par le bras et l'emmena à sa suite. Il la fit sauter en croupe devant lui et accrocha la longe de la jument à son hongre et galopa jusqu'à Saint Udaut. Élisabeth ne criait pas et se laissait faire. Elle gardait un visage paisible et beau qui ne s'inquiète jamais.

- Thierry saura tout de tes agissements. Il s'est montré calme ces temps-ci mais pour toi, il retrouvera son autorité d'avant.

- Jehan... Pauvre Jehan, tu ne sais rien de moi !

- J'en sais assez ! Bougonna-t-il en sonnant à la grille.

Quelques instants plus tard, Charlotte ouvrait. Son visage patiné par la vieillesse et la fatigue commençait à exprimer une immense lassitude qui prenait en pitié tous les visiteurs. Mais eux n'y prirent point garde.

Thierry vint à eux après quelques minutes, tenant dans sa main un curieux livre à la peau élimée.

- Élisabeth et Jehan ! Quelles nouvelles m'apportez-vous ?

- Je venais vous apprendre que ma sœur passe du bon temps avec votre Charles et qu'elle semble bien le connaître.

Thierry tourna un regard étrange vers lui et eut un petit rictus méprisant.

- J'apprécie votre dévouement, Jehan, et je saurais m'en rappeler. Mais il faut maintenant que vous sachiez quelque chose : je connais mieux que vous Élisabeth. Maintenant, vous pouvez partir. J'aimerai lui parler.

Jehan fut tout décontenancé par ces paroles. C'est qu'il s'attendait à plus de chaleur et quelques cris de la part de sa sœur. Au lieu de tout cela, il se faisait, lui, renvoyer.

- Veux-tu marcher un peu, Lise ?

- Il y a un chemin qui monte vers Sabrazac. Nous pouvons le suivre.

- De quoi parliez-vous avec Charles ?

- Tu ne l'aimes pas, je crois ? Je lui disais que je ne l'aimais pas.

- Et c'est vrai ?

- Mais je l'admire et je l'estime beaucoup.

- Je le hais pour ce qu'il a fait à Édouard et pour le comportement prétentieux qu'il a toujours abordé avec moi. Tiens ! Je vais aujourd'hui t'apprendre la raison officielle ( et vraie cela va sans dire ) qui m'a permis de pouvoir enquêter sur lui. On a la certitude qu'il est l'auteur de plusieurs vols chez d'influentes familles de Figeac. Lui-même l'a reconnu, il n'y a pas si longtemps. Une autre raison, officieuse celle-ci, est que de nombreuses personnes cherchent à le percer à jour.

- Si cela était vrai, cela ne changerait pas mon affection pour lui. Et quand ces vols ?

- Il était encore jeune. Il n'avait que dix-sept ans pour la plupart. Mais on le soupçonne d'avoir recommencé l'année dernière dans le Cantal.

- Il fallait bien qu'il vive !

- Tu le défends... répliqua Thierry avec amertume. Lui au-moins, tu l'aimes un peu.

La jeune femme sentit son cœur se fendre en deux. Elle s'arrêta soudainement de marcher et se mit à haleter. Elle peinait à respirer et voyait tous ses sens en alerte. Ses jambes devinrent cotons et elle dut s'asseoir sur un muret à deux pas du chemin.

- Élisabeth !

- Pourquoi dis-tu cela, Thierry ? Tu es donc aveugle ?

- Que... Que veux-tu dire ?

- Est-ce que tu me connais seulement... ?

Le jeune révolutionnaire ne savait plus quoi répondre. Il était tout décontenancé par son attitude soudaine.

- Idiot ! Poursuivit-elle tristement. C'est toi que j'aime !

Et Thierry, à son tour, se sentit mal. Il crut devenir fou, fou de joie. Il hésitait encore à croire à son bonheur et se sentait près d'étouffer. Comment... Comment devait-il réagir à cet aveu ?

- Élisabeth pars !

- Quoi ? Que dis-tu ?

- Pars ! Rentre chez toi et laisse-moi seul...

Et la jeune femme, reculant un peu, se retourna brusquement et s'enfuit en courant. Elle n'était pas vexée car elle avait vu briller dans les yeux du jeune homme la flamme d'une joie intense et d'un amour partagé.

Mais Thierry s'était assis sur l'herbe d'un chemin. Il songeait... " Élisabeth... Mon grand-père aurait décrété à l'aveugle que tu n'étais qu'une pauvre roturière. Mais qui te connait un peu voit de suite que tu es plus que cela. Car tu as la dignité et la fierté d'une dame bien née.

Et c'est moi que ton cœur a choisi. Moi, plutôt que cet Inconnu ! Mais je ne crois pas que cela soit surprenant... Tu m'as fait cet aveu maintenant que je suis devenu un homme. Maintenant que je me suis forgé une personnalité avec mes valeurs, mon courage, mon honneur et cette place que j'ai durement acquise dans la société. Maintenant, je suis un homme et l'on sait qui je suis. Charles... Cet Inconnu... qui le connait ?

Lui, il hypnotise chaque personne qu'il croise. On le respecte, mais que respecte-t-on chez lui ?

Et pourquoi quelqu'un comme ma sœur se sent attirée par lui et se montre dégoutée à mon égard ? Il est vrai que je la méprise aussi. Je l'aimais bien autrefois... Quand j'étais naïf et jeune.

Je vais... Je vais lui demander ce qu'elle sait de l'Inconnu. Ce sera un test et je verrais si, adoré par mes proches, je le suis aussi par ma famille. "

Thierry se releva doucement en récupérant au passage son livre. Il y jeta un sourire attendri avant de se diriger vers le château.

***

Louise était dans la chambre de Marie-Lys et discutait. Elle ouvrit la porte à son frère avec méfiance :

- Que veux-tu ?

- Écoute Louise... Je... J'aurais aimé que nous retrouvions notre confiance réciproque d'antan.

Il attendit une réaction de sa part. Mais elle se taisait.

- Alors... Poursuivit-il gauchement. Je me suis demandé si elle n'était pas perdue. Car, vois-tu, j'ai une question importante à te poser : Louise, que sais-tu de l'Inconnu ?

- Rien, répondit-elle sincèrement et comme à regret.

Thierry hésita un instant sur ce qu'il devait faire. Il se sentit gêné soudainement d'avoir fait cette demande et revint sur ses pas en claquant la porte. Pourquoi donc était-il venu la voir ? Un souvenir heureux qu'il voulait retrouver ? Une curiosité insatisfaite ? Et qui était cet Inconnu !

- Louise, Louise, s'écriait Marie-Lys. Mais que te voulait-il ?

- Il devait être particulièrement troublé. As-tu remarqué que, depuis que les violences au pays ont cessé, il est de plus en plus dans la lune ?

- Oui, et je crois avoir deviné ce qui nous doit cette accalmie. Il lit un livre qui le passionne et je n'ai qu'une envie : aller voir ce que c'est !

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Merci pour ces 3K !!!!!!!!!!! Vous êtes adorables !!!!

Petit chapitre en avance et avec quelques révélations.

Alors... Qui aime Elisabeth ???

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