Chapitre 22 : Pillage ( Partie 2 )

Un éclair de surprise passa dans le regard du chez des révolutionnaires. Le père Georges s'avança lentement jusqu'à lui, songeant d'avance à ce qu'ils allaient se dire. 

- De quel droit pillez-vous le château d'Yssac ?

- De quel droit pénétrez-vous dans les propriétés privées ?

- Et je vous retourne la question?

- Je suis invité ici, ce qui n'est point votre cas, père Georges. Hôte de Monsieur Sabert à qui appartient désormais ce château.
- Mais... mais... vous ne pouvez pas ! La famille d'Yssac n'est ni morte, ni partie en exile ! Je... je ne comprends pas... plus.

- Vous n'êtes plus rien, idiot. Le monde change et je suis en avance. Je suis un homme moderne, moi ! La monarchie est terminée. Mais les campagnes sont lentes à comprendre ce fait. Car ce qui gouverne aujourd'hui, les forts ce sont les révolutionnaires. Et moi qui n'avait plus rien, je me suis fait quelques relations. Monsieur Sabert, ce brave Sabert, possède actuellement l'acte qui fait de lui le châtelain. Et, vous, père Georges, vous n'êtes plus rien. Plus rien.

- Non. Vous avez tort. La Révolution donne le pouvoir au peuple, n'est-ce pas ? Il se trouve que ce peuple est majoritairement chrétien et monarchiste.

- Comment le savez-vous ?

- Il suffit de regarder autour de nous. Je pense que la majorité l'emportera, père Jérôme. Et que cela vous plaise ou non ce château redeviendra propriété de la famille d'Yssac. Plus tard, la petite Marie-Lys sera notre châtelaine. Vous possédez aujourd'hui le pouvoir alors je m'efface mais ne souillez point trop cette demeure pour qu'au retour de la Monarchie, Marie-Lys retrouve sa maison intacte.

Le souffle court, les yeux brillants de colère et d'espoir, le père Georges tança une dernière fois son adversaire et s'en fut. Il était homme à vivre de ses rêves. Et ses valeurs pour lui incarnaient tout ce qu'il y avait de plus sacré. Comment pouvait-il remettre en cause sa vision de la France et plus particulièrement de son gouvernement ? Sûr de lui, il s'empêchait même de s'émouvoir sur les évènements qui malmenaient sa France et ses valeurs. Il croyait profondément tout au fond de lui qu'un jour l'espoir renaîtrait.

Aussi, c'est l'air confiant qu'il quitta le château. Cependant, tout à ses soucis, il en avait oublié Marie-Lys...

- Père Georges ! Père Georges ! Que... Que se passe-t-il ? Pourquoi toute cette agitation ?

La jeune fille avait les larmes aux yeux. Elle était essoufflée d'avoir autant courru et avait le souffle court et paniqué. Le vieux paysan la prit dans ses bras et la consola doucement mais elle se dégagea brusquement en s'écriant à travers ses pleurs...

- Ils ont pris ma maison, n'est-ce pas ? Ils me l'ont volé ces révolutionnaires ? Mais ils n'ont pas le droit ! Elle m'appartient toujours ! Non ?

- Ce n'est pas si simple... Votre maison vous reviendra un jour, Dieu sait quand... En ce jour, nous n'avons plus aucun pouvoirs. Et ce qui a été décidé, nul ne peut le changer sans se mettre grandement en danger.

- Père Georges... Père Georges... Pour... Pour vendre ainsi ma maison, il faut qu'on est déclaré mes parents morts, non ? Mes parents sont morts ? N'est-ce pas ? N'est-ce pas ?

Et Marie-Lys sanglota de plus belle.

- Et moi, je suis orpheline. Juste une orpheline. Une pauvre orpheline !

Le vieux paysan ne savait quoi lui répondre. Il ne voulait pas lui dire de mensonges mais en réalité il ne savait rien. Et soudain, brusquement, la jeune fille se dégagea de ses bras et courut vers le château. Elle s'écria :

- Je veux aller voir ce qu'il en est réellement !

Le père Georges lui courut après, bien qu'il n'eut plus la même vigueur. Elle s'engouffrait dans la maison en coup de vent lorsqu'il la rattrapa. Elle chercha désespérément à se dégager, en vain.

- Laissez-moi aller voir ! Laissez-moi ! Pitié...

- J'attendrai que vous vous soyez calmée. C'est dangereux, Marie-Lys. La maison est pleine de révolutionnaires.

- Et alors ?

- Et votre château ne vous appartient plus... Marie-Lys, Marie-Lys... Légalement il est la propriété de votre ancien précepteur, Monsieur Sabert.

Estomaquée, la jeune fille cessa soudainement tout mouvement. Les larmes s'arrêtèrent un temps de couler. Et elle se laissa glisser sur le sol.

- Monsieur Sabert ?

- Oui.

- Père Georges, reprit-elle d'une voix douce et triste, laissez-moi aller voir.

D'un hochement de tête, il acquiesça et l'aida à se relever. Elle essuya gauchement ses larmes dans un soupir.

- Je veux simplement aller dans ma chambre et récupérer quelques affaires. Ce n'est pas du vol, non ?

- Oui, mais faisons cela discrètement. Je les ais trouvé réunis dans le grand salon. Quel chemin pouvons-nous utiliser sans nous faire voir ?

- Suivez-moi, sourit-elle doucement.

Déjà, elle retrouvait quelques couleurs. Il n'y avait rien à faire d'autre que de prendre sur soi. La jeune fille ne voulait pas qu'on la voit toujours triste. La joie est un sentiment tellement plus beau. Alors elle souriait, sans réelle raison de sourire.

Rapidement, elle parvint dans sa chambre et eut un soubresaut joyeux : de cette partie rien n'avait été touché. Le cœur émeut, elle s'ennivrait de cette vision... C'était peut-être la dernière fois !

Elle fit d'abord le tour de la chambre avant de saisir un panier et d'y glisser avec un serrement au cœur toute sorte de bibelots... Des miroirs, de vieilles poupées, de petits tableaux, une belle croix, quelques statuettes...

Le père Georges ne disait rien et la regardait faire. Il la trouvait courageuse de revenir dans sa chambre ainsi. Et même ce sourire qui flottait sur ses lèvres l'impressionnait.

Elle souriait en souvenirs de son enfance. Elle souriait en songeant à toutes ces joies vécues en famille. Elle souriait de son passé. Et elle était jolie.

- Vous voyez cette médaille, ça c'est ma marraine qui me l'avait donné. Et ce mouchoir, mon père me l'avait rapporté d'un de ses voyages à la cour. Regardez ! Une statuette que ma tante m'avait ramené de Rocamadour !...

Et le vieux paysan s'amusait de cette joie enfantine. Il en aurait presque oublié le contexte troublé, les hommes en colère non loin d'ici, le père Jérôme et Sabert. Presque s'il n'y avait ce désagréable pressentiment qu'il cherchait à identifier.

Un odeur... Toujours la même odeur ! Mais en son esprit fatigué, il ne parvenait plus à mettre un nom dessus. Son cœur battait plus vite, un commencement d'affolement. Cependant, il n'osait pas déranger la jeune fille dans ses souvenirs... La dernière fois peut-être qu'elle reverrait cette pièce.

C'est alors qu'il entendit des cris à l'autre bout de la maison. Maintenant vraiment inquiet, il sortit de la pièce et retint un cri de surprise. Le couloir était tout enfumé.

- Marie-Lys ! Marie-Lys ! Il faut sortir !

Effrayée, la jeune fille se jeta sur la porte mais se mit à tousser. Dans un réflexe salvateur, elle saisit un foulard pour se le plaquer contre sa bouche. Ses yeux agrandis par l'effroi lui donnaient un air de petit enfant. Elle avait peur.

Les salles n'étaient pas encore très chaudes mais le père Georges ne pouvait ainsi deviner d'où venaient les flammes. Il décida de reprendre le chemin parcouru lequel ils étaient arrivés, certainement le plus court.

Comment n'avait-il pas pu deviner plus tôt ce départ de feu ? Il aurait pu s'en douter : après de nombreux pillages, il fut toujours fort probable qu'un gai luron s'amuse à faire quelques étincelles. Mais il était trop tard pour les regrets.

Marie-Lys passa devant, courant pour s'échapper au plus vite de cet enfer. Mais elle s'arrêta au milieu des escaliers : le rez-de-chaussé était tout enflammé. Le père Georges passa devant en s'écriant avant de tousser :

- Ce sera pire ailleurs ! Courez !

Les flammes à traverser n'étaient pas encore bien hautes. En passant vite, ils avaient une chance de s'en sortir. Alors Marie-Lys courut, enjambant les poutres enflammés et le regard rivé vers la porte de sortie. Elle sentit pourtant une flammèche tomber sur son bras et le brûler. Mais elle s'empêcha d'y penser.

- Marie-Lys ! Marie-Lys ! Vous allez bien ?

- Père Georges... souffla-t-elle entre deux toux.

Le vieil homme la prit dans ses bras et la conduisit doucement sur le chemin de Saint Udaut. À quelques pas d'ici, tous les paysans faisaient la chaîne pour éteindre ce petit incendie mais les deux rescapés n'y prenaient pas garde.

La jeune fille sentit sa vue se brouiller et ses jambes devenir coton... Tant d'émotions en quelques heures à peine... ! Elle perdait connaissance.

- Marie-Lys ! Marie-Lys !

Louise venait, tenant les rênes d'une charette. Soulagé, le père Georges lui confia son amie en recommandant prestement du calme et du repos.

- Elle a sûrement vécu le plus dur, aujourd'hui. Mais nous vivrons tous des étapes difficiles. J'espère que sa vie sera douce maintenant. Nous aussi, nous aurons nos difficultés... Mais elles viendront plus tard.

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Deux chapitres avec un peu plus d'action et moins de mystère... Qu'en pensez-vous ? Et quel personnage préférez-vous maintenant que vous commencez à bien les connaître ? Louise ? Marie-Lys ? Gaston ? Anne ? Théophile ? L'Inconnu ? Élisabeth ? Le père Jérôme ? Le père Georges ? Jehan ?... etc. Je vais très bientôt faire entrer un personnage extrêmement important... je pense que vous allez aimer !!😂😂

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