Chapitre 20 : Lettres inconnues (deuxième partie)

Son esprit en pleine ébullition allait trop vite et imaginait l'impossible.


Tremblante de peur, elle entreprit de descendre la rejoindre. Son cœur battait follement et ses gestes étaient maladroits et précipités. En parvenant à son niveau, elle lâcha une main et la posa sur le ventre de son amie pour s'assurer qu'elle respirait. Une joie intense la parcourut et un soulagement profond. Ses lèvres tremblèrent imperceptiblement. Elle sentit sa gorge se nouer.

- Louise, murmura-t-elle en passant doucement sa main dans ses cheveux.

Et les yeux de la blessée s'ouvrirent difficilement tandis qu'une grimace qui se voulait sourire étirait son visage.

- Ça va aller ? Demanda timidement Marie-Lys.

- Va chercher les lettres. Moi, je préfère rester faire de la balançoire pour reprendre mes esprits.

Sans mot dire, Marie-Lys acquiesça. Elle tira simplement sur la corde pour que son amie se raccroche à la paroi. Puis, avec agilité, et s'aidant de la corde et des prises, elle franchit la passe. L'autre salle était là, avec sa petite marre et ses stalactites et stalagmites. Amusée, la jeune fille resta un instant sur son perchoir, sans rien faire, à simplement contempler. C'était en même temps mystérieux, beau et terrifiant. Ses yeux se perdaient dans les profondeurs ténébreuses et elle en oubliait la raison de sa présence.

Maintenant que je suis plus grande pour mieux saisir la beauté des choses, je suis tout bonnement époustouflée. Ce spectacle est vraiment irréaliste.

Le cri d'une chauve-souris associé au frôlement d'une de ses ailes la fit sursauter et reprendre ses esprits. Elle se laissa glisser le long de la roche humide jusqu'en bas. Et maintenant, elle devait retrouver ces lettres.

Songeuse, elle parcourut la salle des yeux. Elle ne se souvenait plus du tout où étaient ces maudites lettres ! Frustrée, elle se décida à passer sa main dans les fentes des pierres pour vérifier que rien ne s'y soit dissimulé.

Mais très vite, elle se sentit pleine de dégoût. À plusieurs moments, elle avait senti quelque chose de visqueux sous ses doigts et retenu un petit cri de stupeur. Quelque fois, une espèce d'araignée ou une quelconque autre bête lui grimpait sur la main et la faisait frémir. Elle se sentait défaillir dans cet endroit obscur. Mais que faisait-elle là ? Dans quoi était-elle tombée ?

Très vite, une sorte de répulsion l'empêcha de poursuivre plus loin ses recherches. Elle était complètement perdue et regardait à tout moment vers l'entrée de la salle en se demandant si oui ou non elle pouvait repartir.

Mais Louise s'est blessée pour arriver jusqu'ici. Est-ce que je me montrerai moins courageuse ? Et puis-je trahir sa confiance ? Ce serait bien méchant de ma part de revenir les mains vides. D'autant plus que cette tâche devait être aisée... Alors rappelle-toi ! Où as-tu déposé ces lettres ? C'était proche de l'entrée, enfin il me semble. Je les ais glissé dans la première fente qui m'est passé par l'esprit. Donc probablement à ma hauteur...

Et elle cherchait, cherchait à nouveau et sentait son inquiétude croître à mesure qu'elle avançait. Non, elle ne trouvait pas et cela la désespérait.

Mais est-ce si nécessaire de retrouver ces lettres ? Est-ce qu'elles en valent vraiment la peine ? Je ne sais plus... Nous avons d'autres pistes après tout pour retrouver l'identité de cette Inconnu. Et puis ce n'est qu'un jeu, normalement. Je pense qu'il serait préférable que je rentre. Je n'ai pas envie de me blesser et Louise doit m'attendre. Et puis de toute manière, je ne trouve rien. Je ne peux pas les inventer ces lettres !

Rassurée d'avoir enfin pris une décision, elle revint vers l'éboulis de pierres qui marquait l'entrée de la salle. Au fond d'elle-même, elle culpabilisait un peu mais se refusait de l'admettre.

Lestement, elle escalada pour se retrouver sur la plateforme en haut. Louise était en train de détacher la corde. Elle paraissait aller mieux.

- Tu as trouvé ? Lui cria-t-elle.

Marie-Lys se mordit la lèvre et ne répondit rien. Prudemment et lentement, elle descendit la rejoindre. Louise lui lança un coup d'œil interrogateur :

- Tu ne les as pas ?

Frustrée, son amie se détourna et se dirigea prestement vers la sortie de la grotte. Elle avait besoin d'air et de soleil. Cela la détendrait certainement.

- Tu ne les as pas, n'est-ce pas ? Répéta Louise avec inquiétude qui était restée en arrière.

Marie-Lys se retourna et lança d'une voix pleine de colère :

- Non ! Et alors ?

Son amie courut un peu pour la rattraper. Elles se trouvaient maintenant devant la grotte. Enfin à l'air libre et sous le regard du soleil ! Les deux filles s'observèrent un instant avant d'éclater de rire. La poussière de la grotte recouvrait entièrement leur robe et on n'en voyait même plus la couleur. Leurs visages étaient tout barbouillés de gris et seules en émergeaient leurs deux pupilles brillantes.

D'une main alerte, elles époussetèrent leur robe et remirent de l'ordre dans leur tenue.

- C'est mieux comme cela ? Questionna Marie-Lys.

- Oui, répondit songeusement Louise. Marie-Lys... dis-moi. Les lettres ?

- Non, je ne les ais pas trouvé. Excuse-moi, Louise.

La jeune fille planta son regard clair dans celui de son amie pour lui faire comprendre à quel point elle était désolée. Elle se sentait assez coupable maintenant et regrettait de ne pas avoir cherché plus.

- Louise vraiment ! Je m'en veux. Je sais que cela comptait pour toi.

- Ce n'est pas grave, balaya la jeune fille. Tu as fait ce que tu as pu. Et je ne peux pas te reprocher ce que, moi, je n'ai pu faire.

Marie-Lys sourit doucement. Allons, tout se terminait bien ! Ses yeux observèrent le chemin, puis le ciel.

- Il est encore tôt, nota-t-elle. Nous devrions chercher Élisabeth. J'aimerai qu'elle nous raconte ce qu'elle sait.

L'air assuré, elle prit ensuite la route qui menait derrière la maison du père Jérôme. Elle se rapella l'endroit où Élisabeth et elle s'étaient parlés. Quelques arbustes jaunes encerclant un muret, un pin offrant généreusement son ombre, en haut d'un petit tertre du Ségala. Marie-Lys s'y assit et lança un regard fier à son amie.

- Que fais-tu ? S'étonna Louise.

- Eh bien j'attends, déclara Marie-Lys d'un ton péremptoire.

Son amie hocha doucement la tête :

- Non, c'est inutile. Reste-là si tu veux mais je n'aime pas rien faire. Je pars la chercher.

- Et où vas-tu aller, la défia Marie-Lys ?

- Je ne sais pas.

Sur ce, elle reprit le chemin en prenant garde à ce que ses semelles ne fissent point trop de bruits. Elle parvint à la Luysse et jeta un regard circulaire. Un sourire... Elle s'y attendait un peu : Élisabeth se tenait au bord de l'eau, les pieds baignant dans le courant. Sentant une présence derrière elle, la jeune femme se retourna vivement.

- Louise ! S'étonna-t-elle avec un grand sourire.

- Je voudrais vous demander quelque chose.

- Vous cherchez toujours à savoir qui est l'Inconnu ? Hélas, tout ce que je puis vous dire, c'est qu'à Figeac on le surnommait Charles.

- Mais ce n'est pas son vrai prénom. Le sien commence par un O...

Intriguée, Élisabeth se leva. Elle s'approcha de la jeune fille et questionna à brûle pourpoint :

- Comment savez-vous cela ? Vous en savez même plus que moi, on dirait. À Figeac, pour tous ses amis et connaissances, il était l'énigme indéchiffrable à déchiffrer...

Elle rit et parut encore plus belle ainsi.

- Savez-vous qu'il est revenu à Saint Udaut ? L'avez-vous vu ? Lui révéla Louise.

- Je ne savais même pas qu'il était de retour.

Son visage s'était éclairée d'une joie plus grande encore. Curieuse, Louise observait ce bonheur soudain et réprimait un sourire. Étaient-ils... amoureux ? Alors cela signifiait qu'elle en savait certainement plus qu'elle ne voulait l'admettre et cette fois-ci pas de secrets de confession. Mais, étrangement, le visage de la belle jeune femme se referma. Une immense tristesse envahissait ses traits et faisait briller ses doux yeux.

- Qu'y-a-t-il ? Interrogea la jeune fille.

- Sais-tu ce qu'est devenu ton frère Thierry ?

Surprise, Louise sursauta. Elle ne s'attendait pas à ce qu'on mentionnât son nom.

- Je ne l'ai plus vue depuis qu'il a quitté Saint Udaut. Vous le connaissez donc ?

- Oh oui... répondit rêveusement Élisabeth.

Perdue, Louise s'écria :

- Mais qui...? Je n'y comprend plus rien ! Enfin... Mais !

- Mais qui a-t-il ?

- Où vit actuellement l'Inconnu ? S'étonna la jeune fille de façon assez déroutante. Chez vous ? Dans la cabane ? À l'auberge ? Chez un quelconque paysan ? Il n'est nulle part et je veux, moi, le retrouver ! Élisabeth ! Mais qui est-ce enfin ? Nous l'avons soigné tout un hiver alors qu'il était gravement malade. Et un jour, sans dire pourquoi, sans même nous remercier, il est parti. Que connaissez-vous de lui ?

- Rien ! S'exclama la jeune femme un peu trop vite. Je ne sais rien de lui... Rien ! Si ce n'est... qu'il était bon et généreux. Que le mystère avec lequel il s'entourait en surprenait plus d'un. Que son courage et sa détermination dans chaque épreuve le rendaient redoutable aux regards des autres. Qu'il était respecté, haï, adoré ou méprisé mais qu'il n'était comparable à nulle autre personne sur Terre !

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