Chapitre 2 : Le curé de Rocamadour ( deuxième partie )

- Et cette légende ?
- Saint Amadour, expliqua enfin son neveu, les yeux toujours perdus dans le vague, est assimilé à Zaché dans la bible. La légende raconte qu'il serait venu par la Garonne et la Dordogne jusqu'ici. Il serait resté ensuite ermite dans cette grotte. Il est vrai que nous connaissons peu de données sur sa vie. Ses os ont été retrouvés intacts en 1166 lorsqu'on voulut inhumer un habitant. Un millénaire après sa mort. Il est vrai que sa vie ne présente rien d'extraordinaire, bien qu'il fût un personnage proche de Jésus. La renommée de Rocamadour vient de la vierge Noire qui fit tant de miracles. En 1172, plus de cent cinquante miracles furent identifiées. Ce sont des guérisons en grande partie. Mais ce peut être autre chose. Un jour, une femme est venue me voir. Elle déposait une plaque à la Vierge. Je lui ai demandé : « De quoi remerciez-vous la Vierge ? » Et devinez ce qu'elle m'a répondu... : « Je suis venue par trois fois implorer la mère de notre Seigneur qu'elle me donne un enfant. J'ai eu des triplets, merci ! » Tout est surprenant, beau, stupéfiant ! J'aime Rocamadour !

- Je ne sais que dire... prononça Monsieur de Saint Udaut après un instant de silence. Je ne connaissais pas cette partie de l'histoire de ce beau sanctuaire.

- Aujourd'hui la ville connaît un déclin regrettable. Je m'efforce de redorer son blason, du mieux que je puis. Mais il n'en fut pas toujours ainsi. Le grand Saint Louis, lui-même, s'y s'est rendu pour demander le bonheur pour la France. Suite à cette royale visite, le pèlerinage est devenu national. J'espère qu'un jour Rocamadour rayonnera de nouveau sur la France comme elle le fit autrefois.

- La situation actuelle n'aide guère.

Un silence accueillit cette déclaration. Tous se remémoraient les événements troublants de ces derniers jours. Les visages se firent graves, un peu craintifs.

- Hier, savez-vous ce que le Tiers État a osé déclarer ? Poursuivit Gaston de Saint Udaut.

Frémissant de colère, il se leva et se mit à arpenter la pièce :

- Ils s'étaient déjà déclarés Assemblées Nationales ! Hier, 20 juin 1789, ils ont fait le serment de ne pas se séparer avant d'avoir établi une Constitution ! Une Constitution ? Nous y sommes ! Notre monarchie de droit divin deviendrait une monarchie constitutionnelle ? Mais ce n'est pas tant ces déclarations qui m'inquiètent le plus, c'est la manière dont elles ont été déclarés. Des protestations, quelques violences... Je crains pour nous. Protégez votre sanctuaire, mon neveu, le pire est à venir. Oh ! Je n'ai qu'un désir ! Seller mon cheval et partir d'une traite à Paris donner une bonne raclée à tous ces révoltés !

- Et le Roy, dans toute cette histoire, intervint sa femme avec véhémence. Pourquoi n'intervient-il pas ? Oh ! Je sais, c'est quelqu'un de très bon, de droit... Moi je dis qu'il est faible. Et sa femme ne le soutient pas ! Elle est frivole au possible et...

Anne de Saint Udaut se tut soudainement. Sa famille l'observait avec surprise. Sa réaction les étonnait beaucoup. La mère de Louise baissa la tête et reprit son tricot à grands gestes. Louise rit, ce qui lui valut le regard réprobateur de son père. Elle réprima vite son sourire et adressa un long regard à son cousin amusé par la scène qui venait de se passer.

- Bien, soupira Gaston de Saint Udaut. Nous vivons une époque troublée et je crains le pire pour les jours à venir. Heureusement, notre région est relativement éloignée de l'agitation de Paris. Je ne pense pas que nous serons un jour atteints par ces révoltes.

Le jeune prêtre sursauta à ses paroles et jeta un long regard incrédule à son oncle. Il observa sa tante et sa cousine pour voir si elles partageaient la réaction du père et frémit. Il bredouilla, ce qui surprit fortement la fillette peu habituée à le voir ainsi perdre contenance :

- La... Révolution arrive. J'ai... reçu de nombreuses menaces, des récriminations, des injures même. Nous... Nous sommes allés trop loin ! Je crains que cette espérance ne soit vaine. Et... J'ai... peur...

Affolée, Louise se leva d'un bond du siège où elle trépignait depuis quelques minutes. Elle voulut sortir de la pièce et ne pas en entendre plus. Elle tourna vivement son regard vers ses parents. Sa mère ouvrait de grands yeux écarquillés. Elle tenait tant à son confort que cette réaction n'étonna pas sa fille. Son père souriait, moqueur. Il ne paraissait pas croire aux dires de son neveu.

Car ce qui effrayait le plus Louise ce n'était pas ces propos terrifiant mais bien le manque de contenance de son cousin. L'affaire était grave. Louise avait peur de l'inconnu et aujourd'hui tout lui échappait. Jusqu'où les révoltés iraient ?

Louise sortit précipitamment dehors et grimpa dans l'arbre qui faisait face à la terrasse. Elle s'y pelotonna comme elle pouvait. Ses yeux écarquillés. Ses cheveux recouvrant son visage terrifié.

Le bruissement d'une robe au bas de l'arbre la tira de son effroi. Baissant le regard, elle aperçut le visage grave de sa mère.

- Louise, veuillez descendre.

- Non.

- Et répondez-moi sur un autre ton !

La fillette leva son nez en trompette et afficha une moue moqueuse. Elle se redressa jusqu'à se tenir debout sur la branche. Ainsi, elle surplombait sa mère et pouvait en rire à son aise.

- Non. Répéta-t-elle.

- Louise, obéissez-moi !

Elle rit, moqueuse.

- Non.

- J'appelle votre père alors ?

Il n'en fallut pas plus pour décider Louise à descendre. Sa mère lui asséna une large gifle. La fillette trembla sous le choc et cacha son tendre visage entre ses mains.

- Ne me manquez pas de respect, je vous prie ! A l'avenir j'aimerai que vous ne quittiez pas la pièce sans avoir saluer l'invité et surtout sans avoir demander la permission. Impolie ! Je suis vraiment déçue par votre attitude ce jour d'hui.

Louise se redressa fièrement et rit :

- Vous-même paraissiez si effrayée après les paroles de mon cousin. N'est-ce pas que, vous aussi, vous étiez près de quitter la pièce brusquement ?

- Impertinente en plus ! Et stupide ! Jamais, ô grand jamais ! Jamais je ne me serais permis telle impolitesse et vous le savez !

Louise se retenait à grand-peine de rire. Elle voyait bien que sa mère, qui tenait à bien paraître en société, cherchait à affirmer son autorité. Mais la fillette était bien trop rieuse pour cela. Néanmoins en cette circonstance, elle réagissait mal. En effet, sa mère furieuse de son sourire l'attrapa par le bras et l'emmena dans sa chambre où elle l'y laissa.

Très vite, la joie de Louise retomba. Enfermée entre ses quatre murs, elle commençait à s'ennuyer. Son visage afficha une moue perplexe et une ride songeuse lui barra le front.

- Je vais crocheter la serrure avec une pince. Ainsi je pourrais probablement m'évader.

Le risque de l'affaire l'amusa. Elle s'imagina être espionne pour le Roy. Son esprit imaginatif ne pouvait rien entreprendre sans qu'elle ne se sente obligée d'inventer une histoire.

Elle sélectionna une pince à cheveux qu'elle inséra délicatement dans la serrure. Elle s'escrima avec impatience, poussant la porte de son épaule. Mais elle n'entendit pas le clic libérateur. Alors, furieuse, elle tapa du pied contre le mur. Elle recommença son essai, persuadée d'y arriver bientôt. Rien ne venait.

Prise d'un subit éclair d'intelligence, elle tourna la poignée. La porte s'ouvrit. Sa mère ne l'avait pas fermée.

Pestant contre sa stupidité, elle se glissa subrepticement dans le couloir. Quelques instants plus tard, elle pénétrait dans les écuries. Elle se sentait fière d'avoir déjouée la punition de sa mère.

Quand une main se posa sur son épaule...

Effrayée, elle sentit son cœur s'accélérer. Elle se mit à trembler. Puis violemment, elle se retourna. Elle recula d'un pas, soudain impressionnée.

La main appartenait au jeune prêtre.

- Mon cousin ! S'écria-t-elle mi-craintive mi-surprise. Que faites-vous donc ici ? Je vous croyais déjà partis !

- Je suis simplement resté discuter avec votre père. Mais je vous retourne la question... ?

- Cela n'a pas d'importance, passa-t-elle. Mais de quoi parliez-vous donc avec père ?

Théophile de Saint Udaut l'observa, un sourire fin aux lèvres. Sémillante jeune fille, se dit-il. Elle me surprendra toujours... ! Il se demanda s'il pouvait lui révéler la raison de sa visite. Inquiet, il jeta des regards à droite et à gauche mais ne vit pas une ombre. Il hésitait vraiment à lui révéler ce secret. Certes ce n'était qu'une enfant. Mais il affectionnait particulièrement sa cousine et il se sentait si perdu aujourd'hui qu'il se disait qu'il pouvait peut-être compter sur le soutien de Louise.

- Votre monture est sellée, questionna-t-il ?

La fillette acquiesça.

- Bien, rejoignez-moi sur la route de Rocamadour dans quelques minutes. Je voudrais vous mettre en garde.

Particulièrement surprise, elle le regarda s'éloigner et disparaître au coin d'une colline. D'un bond, elle grimpa sur Ophrys et piqua des deux. Son esprit était en pleine ébullition. Elle ne comprenait pas l'étonnant comportement du jeune prêtre.

Toute à ses pensées, elle ne le remarqua pas, au détour du chemin. Son cheval se cabra et elle manqua de tomber. Leste, elle sauta à terre.

- Que se passe-t-il ? Interrogea-t-elle sans plus attendre.

- Louise, j'ai besoin que vous m'avertissiez immédiatement si vous voyez... Un cavalier seul, probablement masqué. Vous le ferez ? C'est important !

- Très ?

- Oui. Le ferez-vous ?

- Certes. Mais qui est-il ?

- Vous promettez de vous taire ?

- Oui, je me tairais. Qui est-il ?

- Un inconnu.

Détournant un regard affolé, Théophile fit volte-face et rejoignit sa monture. Louise resta un instant muette. Pourquoi tant de secrets ? Pourquoi tant de confidences ? Son cousin lui en avait soit trop dit, soit pas assez.

Tout à coup, elle se reprit. Il allait lui échapper sans lui apporter plus de réponses, et elle se le refusait. Elle courut jusqu'à lui et s'écria :

- Qui est-il ? Vous connaissez son identité ! Je le vois dans vos yeux ! Dites-moi qui il est ? Faut-il que je m'en méfie ? Faut-il que je l'évite ? Que je lui apporte mon aide, au contraire ? Mais répondez-moi !

Elle n'avait pas l'habitude qu'on lui résiste de la sorte et cette attitude lui déplaisait au plus haut point. Cependant, elle connaissait bien le jeune prêtre. Et il aimait garder le mystère.

- Méfiez-vous de lui. Je ne sais pas qui il est. Je ne sais pas ce qu'il fera. Je ne sais même pas s'il viendra ici. J'ai peur, moi-même.

- Peur, mon cousin ?

- Si vous le voyez, prévenez-moi. Et cachez-vous surtout. Vous vous cacherez ? Maintenant j'ai à faire. Excusez-moi, je dois rentrer à Rocamadour et la route est longue. N'oubliez pas votre promesse, Louise je compte sur vous !

- Mon cousin ! Répondez-moi !

Mais trop tard, il s'était déjà enfui.

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Voilà la deuxième partie. Dites moi ce que vous pensez de Louise, du cousin, de la mère de Louise... ? Selon vous qui est cet inconnu ? N'hésitez pas à voter aussi : ça prend deux secondes ;-).

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