Chapitre 19 : Lettre d'Yssac

Un pli est arrivé
Ébranle Marie-Lys
Si sage, vous savez
Et sur le tapis glisse...

Ma chère femme, ma chère fille...

- Mère, mère ! Une lettre de père ! Il est en vie ! Il nous écrit mère... !

- Montrez moi ça, Marie-Lys, s'écria Madame d'Yssac en lui arrachant fébrilement la lettre des mains.

Excusez-moi pour cette longue et impardonnable absence de nouvelles. De nombreux contretemps m'ont empêché de revenir.

Madame d'Yssac s'affaissa dans un profond fauteuil et ses épaules se voûtèrent. Marie-Lys s'agenouilla à ses pieds sur le tapis et pencha sa tête sur le papier.

Je vous ais écris de nombreuses fois mais un ami travaillant au service de poste m'a prévenu qu'aucune de mes lettres ne vous étaient parvenus.

- Ainsi il avait écris ! Mais... que se passe-t-il donc à Paris pour qu'on intercepte le courrier ? Et pourquoi n'est-il pas rentré dès qu'il a vu le danger ?

J'ai donc confié cette lettre à un ami qui fuyait Paris pour retourner à Toulouse. Je prie pour qu'elle vous parvienne enfin !

Je me dois maintenant de vous expliquer quelle est l'affaire qui m'a retenu si longtemps. Voyez-vous, lors de ces États Généraux, qui me paraissent si lointains aujourd'hui, j'ai retrouvé un de mes soldats... Vous vous souvenez de cette année où mon régiment avait été nommé de garde à la frontière du Piémont ? Je m'y était lié d'amitié avec bon nombre de mes subalternes. En effet, nous passions toutes nos journées ensemble et de fort liens s'étaient tissés. Il se trouve que j'ai retrouvé quelques uns de mes soldats à ces États Généraux. Et entre autre Joseph, un de mes anciens lieutenants, autrefois brave paysan des Landes. Au travers de l'agitation qui commençait, j'ai de nouveau sympathisé avec lui. Mais comme ces révoltes prenaient quelque ampleur, notamment avec la prise de la Bastille, il est retourné chez lui.

- Mais que diable vient faire toute cette histoire ? Il n'est point question d'honneur ici !

Et puis l'Enfer est descendu sur Terre. Vous me connaissez bien : je suis un homme d'honneur, droit et intègre. S'il y a bien une chose que je ne supporte pas : c'est qu'on calomnie mon nom. Je ne vous raconterai pas tout ce qui s'est dit de moi : ce serait trop longs et douloureux. Mais face à ces mensonges éhontés j'ai préféré rester pour faire taire les mauvaises langues...

Je ne sais trop comment vous le dire. Ce que j'ai subi par la suite fut si incroyable que je n'ai pas les mots pour traduire une telle ignominie. Mais je vais vous le dire crûment car il faut que vous sachiez : à la fin de juillet 1789, c'était il y a si longtemps ! Joseph est revenu des Landes. Et le bruit a couru que sous l'effet de la Grande Peur, il était monté au château où vivaient mes parents et les avait tués.

Madame d'Yssac sursauta et se leva vivement. Elle échangea un long regard effrayé avec sa fille. Son cœur battait furieusement et une irrémédiable envie de pleurer la prenait soudainement. Ses lèvres tremblaient doucement. Mais pourquoi ? Pourquoi eux ? Elle reprit craintivement la lecture de la lettre...

J'ai alors compris que tout se liguerait contre moi et que je ne parviendrais que très tardivement à rentrer chez moi. J'énumérerai plus bas la longue liste des événements qui m'ont secoué. Mais avant cela sachez que je ne vis que pour une chose : vous prendre de nouveau dans mes bras. Je reviendrai et je vous en fait la promesse.

Si vous vous demandez quelle est actuellement ma situation, je vous répondrais ceci : je vis, je suis libre. Mais il faut que je vous avoue deux choses : je suis fatigué de me battre et tous les révolutionnaires me recherchent avec acharnement.

Et cette fois, Madame d'Yssac poussa un petit cri de surprise et laissa abondamment couler ses larmes. Elle ne parvenait plus à poursuivre sa lecture tant sa vue était brouillée. Ses épaules tressautaient nerveusement et elle perdait toute contenance. En un geste éperdu, elle porta sa main à sa bouche pour vainement dissimuler ses pleurs. La lettre glissa de ses mains jusqu'à terre et y resta.

Marie-Lys sortit de la pièce en retenant elle aussi ses larmes. Sa fatigue, créée par des nuits de cauchemars, se transformait en tristesse infinie et colère profonde. La douce Marie-Lys, la tendre Marie-Lys, la sage Marie-Lys sentait en elle un furieux désir de vengeance. Elle sella vivement sa monture : chevaucher serait pour elle un parfait exutoire ! Et galopa, galopa... sans soucis du danger qui rôdait partout. Elle ne guidait pas son cheval et se contentait de rester en selle. Le vent malmenait sa coiffure et envoyait valser ses larmes, mais qu'importe ! Elle ne se souciait que de sa douleur.

Son cheval ralentit sa course et finit par s'arrêter. Tremblante, elle se laissa tomber à terre et s'allongea, le regard dans les nuages. Ses pleurs s'étaient un peu calmé mais une intense mélancolie les avait remplacés.

Plus de quatre ans qu'elle n'avait pas revue son père. Quatre ans ! Lorsqu'il était parti, persuadée qu'il reviendrait bientôt, elle ne s'était pas attardée en longues embrassades. Mais aujourd'hui elle le regrettait. Si elle avait sû...! Chaque jour, elle s'était attendue à recevoir une lettre de lui qui annonçait son prochain retour mais les seules nouvelles qu'il envoyait reculaient toujours plus cette date. Elle avait continué d'espérer : il avait dit un mois ou deux tout au plus. Mais en parallèle, elle s'informait sur Paris et ce qu'elle découvrait l'affectait vivement. Avec le temps et l'absence de nouvelles, elle s'était faite une raison. Il avait dû arriver malheur.

Mais cette lettre ! Cette lettre... ! Elle avait cru profondément que c'était celle qu'elle attendait depuis si longtemps et que son père reviendrait sous peu... Son cœur avait fait un bond : il retardait encore une fois son retour !

Pauvre petit papa... Qu'est-ce donc qui te retient ? Pourquoi est-ce que je me sens si seule ? Qu'est-ce que ça fait d'avoir un père quand on a seize ans ? Je jouais avec lui quand j'étais petite. Mais aujourd'hui je voudrais pouvoir échanger sur les nouvelles du monde. Je voudrais pouvoir sauter dans ses bras et lui conter tout ce qu'il s'est passé ici. Lui parler du mystérieux Inconnu, du sanguin père Jérôme, de l'insondable Élisabeth, de la vaillance de Louise... Mais petit père ! Je ne sais pas où tu es. Je ne sais plus qui tu es... ! Je ne sais plus qui tu es !

Les pleurs, qui s'étaient tus lorsqu'elle s'était allongé dans l'herbe, reprirent plus violents qu'ils ne l'étaient auparavant. Elle tapait de ses poings contre l'herbe sèche en gémissant. Elle se sentait si désespérée ! Comme elle voudrait revoir son père !

Vivement, elle se redressa. Ses yeux rougis cherchèrent anxieusement quelque chose... elle ne savait pas quoi ! Il fallait qu'elle s'accroche, mais à quoi ? L'esprit tout chamboulé, elle vint faire quelques pas. Elle titubait et devait se raccrocher aux murets et arbustes pour ne pas tomber.

De nouveau, ses larmes séchèrent, en laissant des marques salés le long de ses joues. Elle arracha distraitement une brindille et joua avec. Elle hésitait quant à ce qu'elle devait faire. Son cœur trop lourd cherchait la solitude. Mais sa conscience lui soufflait que sa mère avait besoin de son soutien.

- Qu'est-ce que tu as ?

Un sursaut ! Marie-Lys se retourna pour faire face à Élisabeth. La jeune fille lui jeta un regard noir : comment se permettait-elle de la déranger dans l'une de ses colères ? Elle allait lui tourner le dos furieusement quand Élisabeth s'approcha doucement et posa sa main sur son épaule.

- Détends-toi, ma petite.

- Qu'est-ce que vous voulez ? Grinça Marie-Lys hors d'elle.

Surprise par ce ton véhément, la jeune femme recula de quelques pas pour considérer Marie-Lys d'un œil inquiet. En un instant, elle put noter ses poings fermés, son visage durs et sa position sur la défensive, et soupira.

- Je voudrais t'aider.

- Bien. Laissez-moi seule. Vous ne pouvez rien faire !

Élisabeth parut s'offusquer de cette dernière réplique. Elle tourna les talons, drapée dans une dignité offensée. Marie-Lys fit un violent effort sur elle-même car, oui, elle avait besoin de tendresse mais se refusait de l'admettre. D'une voix timide, elle dit :

- Oui vous pouvez m'aider. Je n'arrive pas à me calmer.

Élisabeth se retourna et sourit :

- La sage Marie-Lys ne serait-elle pas aussi sage qu'on ne le croit ?

- Mon père est bloqué à Paris alors qu'importe l'image que je renvoie.

- Viens dans mes bras et calme-toi. On ne réfléchie bien que l'esprit reposé.

D'une main tendre, la jeune femme caressait la brune chevelure de Marie-Lys. Cette dernière se détendait peu à peu et le poids sur son coeur s'envolait par parcelles. Elle ferma les yeux pour se laisser aller doucement...

- Madame ?

- Oh tu peux m'appeler Élisabeth, tu sais !

- Élisabeth... qui êtes-vous ? On dit que vous connaissez l'Inconnu, que vous connaissez aussi le frère de Louise, Thierry, que vous êtes la fille du père Jérôme.

- Tout ce qui se dit est exact.

- Alors... qui est l'Inconnu ?

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On s'occupe un peu de ce père disparu... et de cette Élisabeth décidément trop mystérieuse ! Est-ce que vous aimez Élisabeth ? Je dis ça parce qu'elle n'était pas dans mon histoire, à la base mais je l'ai rajouté pour mettre un peu d'amour et un peu plus de mystère... ( Oui avec elle vous aurez quelques surprises😉😂) !!!

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