Chapitre 10 : La cache des lettres ( deuxième partie )
Il parut satisfait et se détendit lentement. Troublée, la petite infirmière se redressa, glissa les lettres dans son corset, lissa du plat de la main sa longue robe et sortit inspirer l'air frais. Une pluie fine s'était mise à tomber. Cela hâterait certainement Marie-Lys.
En effet, elle la vit accourir, sous les bois, un châle naïvement posé sur ses cheveux en une vaine protection contre la pluie. D'un bond, elle poussa Louise et pénétra dans la cabane. Les fagots de bois ramassés glissèrent à terre en un grand fracas qui fit sursauter le blessé.
- J'ai froid, dit Marie-Lys.
- Viens, intima son amie. Ne le dérangeons pas. Puis j'ai quelque chose d'extrêmement important à te dire.
Elle avait pris un air solennel et tout émoustillé à la fois qui fit sourire Marie-Lys. Cette-dernière obtempéra, un sourire curieux sur les lèvres. Louise s'arrêta à quelques pas de la cabane pour déclarer d'un ton grandiloquent :
- Trente-quatre !
Déroutée, son amie la pressa de lui en dire plus.
- Trente-quatre mots que m'a dit l'Inconnu, répéta Louise.
- Mais pourquoi ? Que t'a-t-il donc dit de si important ?
Marie-Lys était vexée. Pourquoi fallait-il que ce soit son amie qui ait reçu de telles confidences ! N'était-elle pas plus intelligente qu'elle ? Oh... À peine !
- Il m'a demandé, expliqua alors Louise avec un air soucieux, de cacher des lettres dans un endroit où nul ne les trouveras jamais.
- Quelles lettres ? Dis-moi, quelles lettres ?
- Celles-ci !
Et Louise, en un geste emphatique, les ôta de son corset pour les lui montrer. Ses yeux brillèrent tandis qu'elle demandait d'une voix pressée et fière :
- Alors ?
- Petite sotte ! Rit son amie. C'est cela que tu aurais dû me dire en premier lieu, avant de m'annoncer le nombre de mots qu'il a dit en ta présence. C'est bien plus important ! Maintenant, viens !
Elle lui attrapa le bras et l'obligea à la suivre. Riant, Louise se démenait inutilement. Elles arrivèrent à la cabane, ramassèrent leurs effets et souhaitèrent bonne nuit au jeune homme avant de le quitter.
- Où veux-tu aller, questionna Louise ?
- Peut-on récupérer une corde et de quoi faire une torche chez toi ? Il faudrait aussi revêtir des habits simples...
- Oh ! Marie-Lys ! Tu veux aller cacher les lettres dans la grotte ! Dieu, que c'est excitant !
Sans plus tarder, elle se mit à courir devant, comme pour arriver la première. Son amie tenta de la rattraper mais n'y réussit pas.
***
Anne de Saint Udaut ne les avait pas surprises, vêtues dans un accoutrement des plus ridicules, sinon sans doute aurait-elle formellement interdis à sa fille de sortir. En effet, les deux amies s'étaient habillé des vêtements de paysans, déchirés, vieux, sales, mais commodes. Et elles s'étaient attaché les cheveux en chignon sévère.
Puis, toute excitées, elles avaient couru jusqu'à Thymettes. Mais ensuite, effrayées, elles s'étaient arrêtées face à l'ouverture de la grotte. En un silence religieux, elles avaient contemplé la cavité. Le sombre trou les terrifiait et les attirait à la fois. Elles ne savaient pas si elles devaient s'y précipiter innocemment ou bien y pénétrer craintivement.
- Viens, intima Marie-Lys en s'avançant lentement dans la grotte, le regard sérieux et la mine inquiète.
- J'allume la torche ! S'écria Louise.
Et elles commencèrent leur descente. Leurs mains moites s'accrochaient aux aspérités. Mais celles-ci, bien trop humides, glissaient et ne permettaient aucune prise. Plusieurs fois, les jeunes filles manquèrent de tomber. Elles se raccrochaient l'une à l'autre en prenant garde à la torche. Leurs cris stridents se répercutaient contre les parois et résonnaient longuement. Elles croyaient entendre quelque maléfique oiseau nyctalope qui hanterait le fond de la grotte.
- Déposons-les là ! Décida Marie-Lys. Les lettres seront assez cachés.
- Si tu veux, acquiesça Louise les yeux brillants. Mais poursuivons notre exploration. Nous sommes bien équipées.
Son amie roula des yeux, effrayée. Jamais une telle pensée ne l'avait effleurée lorsqu'elle avait pensé cacher là les lettres. Elle en subissait maintenant les conséquences.
- Non ! S'écria-t-elle. Fais ce qu'il te semble bon, mais moi je rentre !
Louise esquissa un sourire rêveur. Elle irait tout de même. Elle avait soif d'aventure et de mystère. Cette grotte l'obsédait ! Marie-Lys attendit vainement une réponse de sa part ou un regard approbateur mais ne rencontra que les yeux brillants de folie de son amie. Un instant, elle hésita, balançant entre sa peur de l'obscurité et son désir de ne pas laisser seule Louise. Puis une pensée traversa son esprit : "Jamais elle n'osera poursuivre. Elle fera mine de continuer avant de me rejoindre craintivement." Et, rassérénée par cette opinion, elle saisit des mains de son amie le paquet de lettres, le rangea dans une boîte en bois pour le protéger et le glissa dans la fente d'un rocher avant de sortir de la grotte.
Louise ferma les yeux. Elle inspirait l'air frais et âcre à pleins poumons. Elle goûtait le silence exhaustif où perlait par moment le frottement d'une goutte contre la roche. D'une main fébrile, elle effleura les aspérités de la paroi rugueuse. Puissante. C'était le mot. Elle se sentait puissante.
La grotte lui appartenait aujourd'hui. C'était sa propriété. Elle pouvait en explorer chaque recoin, s'imprégner des parfums qui y rodaient et s'amuser dans la mare de cette salle où elle se trouvait.
- C'est dangereux.
Satanée raison qui empêchait tout amusement ! La jeune fille n'y prit pas garde. Elle vit tout de même Marie-Lys disparaitre avec un serrement au cœur. Mais qu'importe ! Elle avait la grotte !
Adroitement, elle fit maintenir sa torche dans une fente. Ainsi, elle recevait un peu d'éclairage et ses mouvements n'étaient pas gênés. Elle jeta un dernier coup d'œil dans la direction où avait disparu son amie et gémit. Immédiatement, elle se fustigea. Elle avait face à elle un immense terrain de jeu, bien plus grand que ce qu'elle ne pouvait jamais espérer. Elle n'avait pas le droit de se montrer déçue.
Son cœur fit un bond. Toute émoustillée, elle se laissa choir le long des pierres jusqu'en bas. La mare l'éclaboussa : elle rit. Ses bas étaient tout trempé mais cela ne lui importait que très peu. Elle répéta ainsi plusieurs fois sa roulade, puis s'amusa à tourner autour de l'eau, en équilibre sur les rochers. Sa tête lui tournait ; elle commençait à bien trembler de froid ; ses vêtements trempés lui collaient à la peau et la gelaient peu à peu... Mais elle ne s'était jamais autant amusée !
L'obscurité de la grotte était telle que plusieurs fois elle manquait de tomber. Elle se raccrochait maladroitement et déchirait un peu plus sa culotte et sa méchante chemise. En effet, elle ne distinguait qu'à grand-peine les contours des objets. Une sorte de brouillard vaporeux semblait embrumer sa vision et conférait à l'espace un aspect immatériel.
"Je ne comprends pas comment une chose naturelle puisse être aussi mystérieuse... belle et mystérieuse ! Je ne devine qu'avec effort les limites et les aspérités. J'aperçois, venant de l'entrée, un faible halo de lumière blême et translucide qui s'est frayé difficilement un chemin entre les coudes que fait la roche. Pour pénétrer dans cette antre, j'ai dû m'arc-bouter contre les aspérités pour traverser les différentes salles. Parfois, il me fallait même escalader d'assez hautes murailles. Mais pour quel résultat ! Ce petit étang sombre sommeille entre les bras de la grotte. Parfois, il renifle, lorsqu'une goutte s'écrase à sa surface. Mais le plus souvent : il dort. Chut... ! Ne le réveillons pas !"
Elle sourit : elle se sentait bien. Elle fit un tour rapide sur elle-même, comme une danseuse. Un bref coup d'œil lui fit remarquer une fente de lumière sur le haut de la grotte. Son cœur manqua un battement : une nouvelle issue ? Elle se décida à aller voir.
-----------------------------------------------------La grotte en média est la même que celle que j'ai mise en média un peu plus tôt, quand les filles découvraient la grotte.
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