Chapitre 1 : Les prémices d'une Révolution
Dans l'ardente région,
L'âme erre, vague à l'âme ;
Approchent les légions :
L'émeute souffle drame.
Imaginez... Le Causse. L'été, une région sèche, parsemée de champs où paissaient les bêtes. Des troupeaux de moutons dormaient sous le soleil, gardés par leur cerbère et les bergers chantant. Nulle barrière ne clôturait ces prairies, terres de liberté. Tout était vaste, infini... Le ciel étendait son manteau azur, pur et brûlant. La terre offrait ses terres arides où jaillissaient parfois quelques sources impétueuses. Le vent balayait les hauteurs des collines et frôlait le sol d'une douce caresse, qui se retirait. Sa course était sans cesse arrêtée par quelques reliefs. La pluie crépitait parfois, quand un orage au loin grondait, menaçant.
Les bergers, des enfants, jouaient gaiement dans les pins. Ils chantaient, riaient... Les filles se confectionnaient toutes sortes de couronnes de fleurs. Parfois, un des garçon se levait brusquement, une épée à la main, et mettait en joue son frère, son ami ou son cousin, avant d'éclater d'un rire innocent.
Le doux tintement d'une cloche transperçait par moment le lourd silence de ces étendus rocailleuses. Une voix enfantine y répondait. Et quand sonnait l'angélus, toute la campagne semblait retenir même son souffle. Une étonnante paix recouvrait le pays.
Des chemins sinueux cernés de murets en pierres, ébranlés, coupaient ces prairies jaunies. Quelques pauvres arbustes entrelaçaient leurs branches sur les côtés et cherchaient avidement dans les quelques ruisseaux de quoi s'abreuver. Ce plateau, parfois coupé par d'imposantes gorges, s'étirait jusque loin derrière Rocamadour.
C'était un pays paisible et langoureux, traversé néanmoins par de terribles orages et que l'hiver emportait en sa vague gelée dès que passait l'automne. L'hiver, tout s'endormait. Tout se taisait. Les familles, blotties dans leur chaumière, entendaient dehors crisser les pas dans la neige de quelque bête robuste. Un clair feu jaillissait de l'âtre autour duquel vivait la maison. L'hiver passait, éphémère. Et le printemps poussait de sa caresse fleurie l'épais tapis de neige.
De l'autre côté de la grand'route, séparé par cette mince frontière, le Ségala. Bien plus vert, vallonné et souriant. Les arbres foisonnaient et les jardins fleurissaient au printemps. Sous les collines, se cachaient parfois de mystérieuses grottes où résonnait l'étincelle d'une goutte s'écrasant sur la roche millénaire. C'était une région plus gaie, charmante.
Maintenant, approchez-vous ! Observez attentivement les hameaux en contrebas. Certes, votre regard est attiré par Cahors la grande, par la mystérieuse cité de Rocamadour ou par le charme discret de Figeac. Il y a tant à voir ! Détournez néanmoins vos regards de ces fastueuses villes. Vous y êtes ! Votre regard accroche un pèlerin de Saint Jacques. Il entrait à peine dans ce petit hameau enchâssé entre deux collines, entre le Causse et le Ségala : Saint Udaut. Son visage las balayait le village sans que rien ne retienne son attention. De petites maisons entremêlées les une sur les autres se faisaient face. Devant la vieille église endormie, une joyeuse épicerie avait ouvert ses portes. Serpentant entre les champs et les rues, la Luisse traçait son chemin. Un pont, derrière l'église, le traversait. Il menait en haut d'un tertre d'où l'on surplombait le hameau.
Et à la sortie du village, une grosse maison dressait ses tours. C'est la demeure du sire de Saint Udaut à qui appartenait toutes les terres du voisinage. Une grille encore blanche, lavée fréquemment à grandes eaux, interdisait l'accès aux fâcheux. De grandes fenêtres observaient une petite cour cachée par de grands pins. Cette maison respirait la joie de vivre.
La jeune Louise, seule enfant du château, emportait à sa suite, dans un tourbillon d'éclats de rire, tous les enfants du village. Elle partait tôt le matin sur l'une des trois montures de son père et galopait à vive allure des heures durant. L'après-midi, elle allait jouer dans les champs longtemps...
Ce matin, la jeune enfant guettait à la fenêtre de la tour le retour de son père. Celui-ci s'était rendu à Figeac pour affaire, mais Louise attendait impatiemment les nouvelles sur le monde qu'il rapporterait. Elle venait d'atteindre ses douze ans. Son visage rieur avait pris une grâce nouvelle qu'elle se plaisait à mettre en valeur au moyen de coiffures sophistiquées. Peut-être trop coquette pour le milieu dans lequel elle vivait, elle n'en gardait pas moins une vigueur étonnante. Elle ne supportait pas de rester longtemps à ne rien faire et ne manquait pas une journée pour galoper à bride abattus des heures durant.
Elle avait les traits fins d'une jeune fille de bonne famille et la chevelure longue, soignée, blonde et bouclée. Ses yeux constamment rieurs pétillaient de malice et de gaieté. Sa taille fine s'était élancée avec l'exercice quotidien de l'équitation. Elle aimait la vie active, la beauté, les rubans et Saint Udaut.
Un coche traversa soudainement la rue. Louise sauta vivement dans ces bottes de pêcheurs et dévala bruyamment les escaliers pour courir se jeter au cou de son père.
- Alors ? Quelles sont les nouvelles de Figeac ? Sont-elles...
Mais sa question resta en suspens lorsqu'elle aperçut l'humeur maussade de son père. Elle lui lança un regard interrogatif et inquiet :
- Le Roy ? Le Parlement ? Les récoltes... ? Je ne sais plus quoi penser...
Gaston de Saint Udaut la repoussa avec agacement et grimpa jusqu'au salon. Il s'assit lourdement dans un fauteuil et tourna son regard vers sa fille qui l'avait suivi :
- Le Parlement refuse toute réforme, le Roy n'ose pas s'imposer, le pays est ruiné... Mais où allons-nous ! Mais ce qui m'inquiète le plus ma chérie...
- Qu'est-ce père ?
- La récolte de l'été dernier fut extrêmement mauvaise. Celle de cet été ne s'annonce pas mieux et l'hiver a été rude... Nous voici le cinq mai 1789. Le Roy ouvre aujourd'hui les États Généraux.
- Vous m'en aviez vaguement parlé l'année dernière, lorsque le Roy les avait convoqués... Vous m'aviez dit que les derniers remontaient au siècle dernier. Les représentants des trois ordres, dont vous deviez même faire partie - vous vous étiez rendu à Figeac pour l'occasion mais c'est monsieur d'Yssac qui a pris votre place- les représentant se rendront à Versailles pour réfléchir à ces réformes fiscales.
- C'est aussi à cette époque que nous avons rédigé les cahiers de doléance.
- Oh ! C'était amusant ! En tant que notable du village n'aviez-vous pas reçu les multiples plaintes de ces paysans ? Qu'avions-nous eu.... Ah oui ! "Je voudrais que le Roy fasse passer la route derrière le champ de monsieur Ducrot." "Il faudrait baisser le prix du pain à Saint Udaut." " Je n'ai toujours pas reçu mon lopin de terre que me devait monsieur le préfet..." Qu'est-ce que nous avions rit ! Mais il y avait aussi eu de jolies suppliques : "Si notre bon Roy voyait la misère de ses sujets, peut-être réduirait-il les taxes trop lourdes pour nous." Cependant, comme vous l'aviez si bien dit père, cela pourrait se révéler problématique : si les paysans sont incapables de réfléchir à ces problèmes financiers et de poser des demandes correctes, les bourgeois et les nobles dirigeront tout. Père ? Pourquoi sommes-nous ruinés ? Ne versons-nous pas des taxes exorbitantes, s'étonna-t-elle, ses yeux grands ouverts ?
- Mon ange, vous étiez encore bien jeune lorsque la France est entrée en guerre contre l'Angleterre. Vous souvenez-vous de la discussion que nous avons eue dernièrement à table avec votre mère sur la guerre d'indépendance des États-Unis ? Certes nous avons gagné un allié mais...
- Oh ! Je comprends ! Les caisses de l'État étaient déjà bien vide. Désormais, il n'y plus un rond, rit-elle ! Et je crois que les soldats sont revenus en France la tête pleine d'idée révolutionnaire. Ce Lafayette, dont on entend de plus en plus parler, en faisait partie je crois.
- Et ce n'est pas tout... Je crains désormais que... Savez-vous ce qu'il s'est passé en Angleterre, il y a bien un siècle ? Le savez-vous ?
Louise blêmit :
- Je l'ai appris avec Marie-Lys d'Yssac.
- Le souverain eut la tête tranchée, le peuple s'est révolté et désormais on parle de monarchie constitutionnelle... Je crains que la France n'ait à subir une révolte prochainement.
- Mais la France aime son Roy. Croyez-vous vraiment que nous en arriverons là ?
- Prions pour que cela ne survienne jamais. Prions. Le problème ne vient pas du peuple mais... de la noblesse, de la bourgeoisie et d'hommes tels que...
- Mon grand-père, coupa la jeune fille. Mon grand-père. Vous le taisez, père. Mais vous savez très bien qu'il avait l'âme d'un révolutionnaire.
- Assez parlé de ça ! Louise ! Se fâcha-t-il brusquement. Ce ne sont pas vos affaires. Je ne vois même pas pourquoi je vous en parle !
Mais l'instant d'après, son regard parut effrayé. Une idée avait traversé son esprit. Il reprit craintivement :
- Dites-moi que vous aimez votre père, mon enfant ? Dites-le-moi !
Cette question déroutante revenait souvent. Louise observa silencieusement son père. Comme il devait avoir souffert ! Il était brusque, puis craintif et cela effrayait Louise. Elle se pencha par-dessus son épaule et claqua un sonore baiser sur sa joue. Puis elle s'enfuit légèrement.
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Media : un paysage typique du causse
Le Ségala et le Causse sont deux types de paysage très différents. Le premier est assez vert et vallonné, ce sont les portes du cantal ; le deuxième est un plateau très sec.
Je m'excuse pour ceux qui n'aiment pas les descriptions mais j'aime bien commencer par ça, ça nous met le paysage en tête je trouve. C'est plus un chapitre d'introduction qu'autre chose ici. C'est encore un tout petit chapitre.
Dites-moi ce que vous pensez de ce début, de Louise et de son père pour commencer... ? Vous les aimez bien pour l'instant ?
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