Chapitre 56 : J'mets tout c'que j'ai, j'aurai pas d'regret.
(Orelsan feat. YBN Cordae - Tout ce que je sais)
----
Tout le monde me regarde, le papier froissé entre mes mains est à deux doigts de glisser sur le sol.
Je ne parviens pas encore à ouvrir la bouche, je ne sais plus ce que je dois dire. Ce discours, je l'ai rédigé un soir où j'étais en colère contre ma famille, un soir où je croyais encore que mes amis l'étaient véritablement, un soir où j'étais complètement perdue quant à ma relation avec un garçon.
Aujourd'hui, il faudrait être aveugle pour dire qu'Hakim ne fait pas tâche au milieu de tous ces invités.
Pourtant, ce serait hypocrite de ma part si je disais que je ne suis pas heureuse de le voir ce soir, en bonne santé et plus ou moins ouvert à la discussion.
Mais pour combien de temps ?
Parce qu'il y en a toujours un qui finit par faire une connerie ou par dire quelque chose qu'il ne fallait pas. A croire que nous cherchons toujours une bonne raison de rester éloigner l'un de l'autre.
Tout ça pourquoi au final ? Ce n'est pas logique.
Peut-être que je souhaite simplement me protéger.
La vie est dure, c'est Hakim, lui-même, qui le dit dans une chanson.
Sauf qu'il est temps de faire preuve d'un peu plus de courage.
Alors, je range le discours dans ma pochette que je balance sur les genoux de ma petite cousine avant de me tourner vers ma soeur.
Même si ce que j'ai à dire ne lui est pas systématiquement adressé.
****
— Vous ne le savez peut-être pas mais Danna est mon aînée.
Et en tant que grande soeur, elle a toujours pris son rôle d'"exemple" très à coeur.
Petite, déjà, elle me guidait à chaque instant.
Quand je refusais d'aller à l'école, elle m'expliquait pourquoi il était important de savoir lire et compter. Puis, quand j'ai voulu abandonner le vélo à deux roues, tout ça parce que j'étais tombée une seule fois dans l'allée du jardin, elle m'a tenue la main et a passé la journée avec moi jusqu'à ce que je parvienne à surmonter ma peur.
Pourtant, il y a deux ans, j'ai fini par m'éloigner d'elle et j'ai rejeté son aide sous toutes ses formes. Parce que j'étais du genre renfermer, à vivre pour moi-même et pour personne d'autre. Je pensais, à cause d'un seul événement, que les autres et le monde, de manière générale, n'avaient rien à m'offrir à l'exception d'une peine toujours grandissante et d'un chaos sans nom.
Je croyais à des phrases bidons telles que : "La vie est faite pour vivre des choses dures, alors à toi d'être dur pour te simplifier la vie."
Cependant, dernièrement, alors que beaucoup de questions se bousculaient dans ma tête, j'ai vu ma soeur. Elle était au milieu du salon, entourée par toute la famille. Je pouvais lire dans les yeux de chacun à quel point ils étaient fières de la connaitre.
Parce que malgré son caractère de merde, Danna est avant tout forte, lumineuse et courageuse.
Et quand je l'ai vue à ce moment là, je me suis rendue compte que si je n'avais pas été aussi têtue jusqu'à maintenant, elle aurait pu m'apprendre comment être ces trois choses là, et ce, tout à la fois.
Il suffisait pour moi de suivre à nouveau son exemple.
Car si Danna n'avait pas pris son courage à deux mains, jamais elle ne serait aussi belle ce soir mais aussi forte et lumineuse.
Elle a eu peur quand elle s'est rendue compte qu'elle tombait amoureuse de Salil.
Mais ma soeur a réussi à passer au-dessus de toutes ses craintes. Elle lui a donné sa chance et aujourd'hui, ils sont mariés et ont un enfant qui est, sans aucun doute, magnifique.
Il faut du courage pour aimer mais aussi et surtout pour laisser les autres nous aimer. J'aimerais beaucoup avoir sa persévérance un jour et rencontrer une personne capable de faire la même chose pour moi.
Car, quand je la vois endormie contre Salil, dans le canapé, après une longue journée de travail, je me dis que j'aimerais beaucoup vivre de ce genre de moments en fin de compte.
Et tant pis, s'il y a des moments de souffrance.
Parce que la vie ne serait pas aussi précieuse si nous étions toujours heureux et confiants.
Il faut juste savoir s'entourer des bonnes personnes. Celles qui nous font rire, même inconsciemment, celles avec qui on pourrait passer des soirées entières à faire tout et n'importe quoi, celles que l'on voudrait protéger contre le monde entier.
Et je suis persuadée que Danna a trouvé la personne idéale avec qui vivre tous les moments de la vie, les bons comme les mauvais.
Je vais en rester là, parce que les grands discours sont inutiles et ennuyeux. Et aussi parce que je n'aime pas vous voir tous aussi attentifs. Je ne suis que la soeur de la mariée après tout.
Alors, Danna et Salil, je voulais juste vous souhaiter, une nouvelle fois, beaucoup de bonheur.
Merci à tous.
****
Je rends le micro à ma mère et arrache ma pochette des mains de cette pauvre enfant qui n'a rien compris à mes paroles.
Danna me rattrape et me sert contre elle.
J'ai envie de partir de là. Pourtant, je la laisse m'étouffer encore un peu.
— Tu as tort Kami, souffle-t-elle, c'est toi mon modèle.
Elle m'embrasse la joue puis parle encore plus bas :
— J'ai fait preuve de courage en disant à Salil ce que je ressentais pour lui. Si tu oses parler à Hakim, je prendrais exemple sur ton courage à toi et je dirais à Pita que je ne veux plus travailler pour lui.
Alors ça, c'est bien une nouvelle que je n'avais pas vue venir.
Je passe ma main dans ses cheveux et murmure à mon tour :
— Prépare-toi à lui annoncer ta décision. Parce que je mets les choses au clair avec Hakim une bonne fois pour toute dès ce soir. Que ça finisse bien ou mal.
Danna acquiesce et me sourit. Elle est à deux doigts de pleurer quand je m'éloigne de la foule gravitant comme des mouches autour des jeunes mariés.
Je m'appuie contre la porte de sortie alors que mon regard balaie brièvement la pièce.
Je n'ai pas besoin de le chercher très longtemps.
Il n'a pas bougé depuis tout à l'heure. Seul son regard sévère me suivait d'un bout à l'autre de la salle.
Je me retourne et actionne la poignée.
La porte claque derrière moi, je me retrouve dans le jardin du domaine. C'est un endroit bien trop imposant pour l'occasion. Nous n'avons pas besoin de toutes ces fleurs, ces arbres et de cet étang.
Le vent frais du mois de mars me fouette le visage. J'ai un peu froid mais peu importe, je ne vais pas m'en plaindre.
Car la porte s'ouvre à nouveau.
Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir de ce qui il s'agit.
Pourtant, je me sens soulagée.
— De un, tu idéalises trop ta reuss.
Il passe devant moi. Je suis obligée de lever la tête pour le regarder à nouveau dans les yeux.
— De deux, t'as pas le droit d'utiliser mes chansons pour démonter mes textes. T'es infirmière pas rédactrice d'une chronique musicale à la con, ajoute-t-il en remontant la capuche de son sweat sur sa tête.
Je pourrais lui dire que j'ai pris le temps d'écouter leurs deux albums, que "Un Homme Change Le Monde" m'a énormément plue, qu'il ne doit pas le prendre comme ça.
Mais pas maintenant.
— J'étais obligée de rétablir la vérité, dis-je d'une voix calme, contrastant avec la sienne, un tant soit peu agressive, c'est tout ce que tu retiens de mon discours ?
— J'ai pas fini Kami.
Je frisonne. Il fait vraiment froid ce soir.
Le rappeur se tait quelques instants puis il grogne, pestant contre lui-même.
— Tu me gaves. J'espère que tu le sais.
Je suis prête à lui demander s'il a terminé. Quand il me voit ouvrir la bouche, il doit réaliser qu'il n'a plus vraiment le temps de réfléchir à la suite.
Hakim s'approche subitement et dépose ses lèvres contre les miennes. Ses mains froides encadrent mon visage avant de se déplacer vers mes hanches puis mon dos.
Il me serre de plus en plus fort contre lui. Je me tiens fermement à son pull comme si j'avais besoin de ce contact pour être certaine que tout ça est bien réel.
Lorsqu'il s'écarte quelque peu, je peux lire sur ses lèvres :
— Rentre avec moi.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top