Chapitre 53 : Vie, mort, mensonge et vérité.
(Damso - Humains)
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— Elle ouvre les yeux, appelez le médecin.
Maman ? Pourquoi tu cries ?
Je me redresse difficilement. Mes parents, ma soeur et ma grand-mère sont positionnés en demi-cercle autour de ce qui semble être mon lit.
Pourquoi sont-ils tous ici avec moi ? Où sommes-nous ?
On m'examine, on parle vite. Je crois comprendre que je vais bien, que je risque d'avoir des vertiges durant plusieurs jours mais qu'il faut absolument que je reste calme.
Pourquoi dois-je rester tranquille ?
Je suis dans un hôpital.
Que se passe-t-il ?
Martin est venu chez moi.
Où est passé Hakim ?
— Maman, je dois le voir. Il va bien ?
Je n'ai pas besoin de préciser son nom, elle sait très bien de qui je parle, je peux le lire dans ses yeux.
Mon coeur s'accélère.
Le médecin me supplie de ne pas bouger alors que ma mère se rapproche pour prendre mes mains dans les siennes.
— Calme-toi chérie. Quand ils sont arrivés sur place, ils ont du t'endormir tellement tu étais euphorique.
Elle ne répond pas à ma putain de question.
— Est-ce que Hakim va bien ? , je hurle soudainement.
Elle sursaute. Je n'ai pas pour habitude de hausser le ton de la sorte, surtout devant mes parents... Mais la vision de son corps inconscient et de son sang sur mes mains refuse de quitter mes pensées.
— Il est en vie. Tu pourras le voir, bientôt.
Je ne cesse d'acquiescer comme si cela pouvait m'aider à emmagasiner cette information.
Il est en vie putain.
Si un Dieu existe quelque part, merci.
Merci infiniment.
— Et Martin ?
— Il a été arrêté. Sofyan a tout avoué et tu as contacté les policiers au bon moment.
Moi, j'ai fait ça ?
La dernière chose dont je me souviens, c'est d'avoir tenté de stopper l'hémorragie d'Hakim...
Je commence à réfléchir quand mon père me tend un verre d'eau.
C'est étrange de le voir ici. Ses lunettes sont remontées sur sa tête. Je le remercie alors qu'il s'élance pour me serrer contre lui.
— Je suis désolé, tellement désolé.
Je crois qu'il sanglote lorsqu'il renforce son étreinte. Sa voix est étouffée à cause de son visage enfui dans mes cheveux.
— Je ne réalisais pas à quel point tu souffrais et à quel point tu étais courageuse.
Je ne sais pas quoi répondre mais les larmes commencent à couler abondamment le long de mes propres joues. Ma soeur et ma grand-mère viennent rapidement nous rejoindre et nous restons coller les uns contre les autres jusqu'à ce que j'arrête de pleurer pour de bon.
****
Ma famille est restée avec moi presque toute la journée. Ils ont tenté de me changer les idées mais c'est peine perdue.
Car Hakim occupe toutes mes pensées.
J'ai besoin de le voir. C'est comme si, je ne pouvais pas croire ma mère sur paroles tant qu'il ne se tient pas droit devant moi.
Et puis, je lui ai dit quelque chose...Tout ça trotte dans ma tête.
C'est alors qu'on frappe à la porte. Je sursaute mais retrouve une énergie considérable quand je reconnais la personne qui se tient dans l'embrasure, un regard accusateur et de grosses poches violettes sous les yeux :
— La prochaine fois que tu te lances dans une histoire de ouf sans m'en parler, je te tue de mes propres mains.
Je souris et saute dans les bras de mon blondinet préféré.
— Tu m'as manqué, je suis désolée... Vraiment.
Je m'écarte pour retourner à ma place et lui fais signe de s'asseoir à mes côtés.
A peine a-t-il volé la moitié de mon coussin que je m'exclame :
— Flav, j'ai un problème.
— Quoi ? T'as mal quelque part ? Tu veux que j'appelle quelqu'un ?
Il me regarde, interdit. Je jette un rapide coup d'oeil vers la porte, m'assurant ainsi qu'elle est bien fermée et que personne ne peut nous écouter.
— J'ai dit à Hakim que je l'aimais.
Antoine ouvre de grands yeux et s'exclame, à son tour, un peu trop bruyamment :
— Attends, quoi ? Tu assumes enfin de l'aimer ?
— N'importe quoi, j'ai toujours tout assumé.
Mon ami fronce les sourcils. C'est vrai que j'ai tendance à prendre les gens pour des cons.
Moi la première...
— Bon d'accord, oui j'assume. Je... Enfin, t'as compris !
Mais depuis quand suis-je aussi niaise ? J'ai presque honte.
Un gigantesque sourire se dessine sur le visage de Flav :
— Alors ça... Et qu'est-ce qu'il a dit ?
— Rien. Martin s'est jeté sur lui.
C'est là qu'il part dans un fou-rire. Jamais, il ne s'est moqué de moi.
Pourtant, c'est bien ce qu'il est en train de faire :
— Kami, tu pouvais pas lui dire ça à un autre moment ?
Je fronce les sourcils.
— T'étais pas là, tu peux pas comprendre. Et puis, c'est pas drôle.
En fait, si. La situation l'est quand on y pense. Alors, je ris moi-aussi avant de déposer ma tête sur son épaule.
— Et si tu me racontais tout ? , soupire-t-il soudainement en piochant quelques "langues-de-chat" dans le paquet apportées par ma soeur ce matin.
— Promis.
Les différents événements de ma semaine sont passés en revue les uns après les autres.
Comme à son habitude, Antoine se contente de m'écouter avec entrain. C'est ce que j'ai toujours apprécié chez lui.
Un jour, il aura besoin de moi lui-aussi... Et je serai là.
****
Depuis mon réveil, je fais les cent pas.
Parce que je peux enfin rendre visite à Hakim, ce n'est plus seulement "reservé" à la famille.
J'ai voulu le voir cette nuit mais il était impossible pour moi de m'enfuir de cette putain de chambre, les infirmiers étant sans pitiés avec la petite Kami.
— Le repos Madame, vous avez besoin de repos.
Mais j'emmerde le sommeil, c'est ça qu'ils n'ont toujours pas compris.
Toutefois, je ne peux pas leur en vouloir. J'étais pareille, peut-être même plus autoritaire avec les fous qui déboulaient dans les couloirs au milieu de la nuit.
Alors ce matin, j'enfile rapidement une tenue un peu plus convenable (bien que ce soit un grand mot), en faisant attention à ma tête (Dieu merci, j'ai échappé de justesse aux points de suture). Je fais un effort considérable pour me maquiller un peu, juste ce qu'il faut pour être présentable.
Puis, je me faufile dans les couloirs, Flav m'a donné le numéro de sa chambre avant de partir hier soir.
Je rentre dans la pièce et mon coeur manque un battement.
Il est en vie mais dans un état déplorable.
Je me saisis de sa fiche, moi je peux la comprendre.
Les écritures de médecins et les noms de code, ça me connait.
Hakim ne s'est pas encore réveillé, traumatisme crânien sévère.
Son nez est cassé, ils l'ont remis en place presque immédiatement mais ils ont du lui mettre des mèches. Il a des bleus sur le corps, un oeil au beurre noir et les lèvres explosés.
Putain. Je m'effondre dans le fauteuil juste à côté de lui et je ne bouge plus de là.
De toute façon, je n'ai pas faim et rien d'autre n'a de l'importance.
Je le regarde dormir, durant des heures, priant pour qu'il se réveille.
Je suis tellement désolée Hakim.
Je crois que je dois m'assoupir un moment, car une voix douce vient me murmurer à l'oreille :
— Kami, bonjour.
Lana.
C'est grâce à elle si nous sommes encore en vie.
Je lui saute dans les bras. Je la sens sourire contre moi. Idriss, toujours à la porte, est éclatant.
— Merci, vous nous avez sauvé, dis-je précipitamment.
— Je sais, il l'entendra toute sa vie, se vente le rappeur les bras croisés.
Lana lève les yeux au ciel. Elle est vraiment belle avec son blazer rouge, elle devrait mettre de la couleur plus souvent.
— Kami, c'est toi qui as sauvé Hakim. Tu lui as apporté les premiers soins et tu es restée au téléphone avec les secours et la police. Heureusement pour nous, tu avais de l'expérience avec les urgences, m'explique-t-elle.
Je ne m'en souviens pas, absolument pas.
Je ne pose aucune question car, très vite, le petit frère s'exclame en s'approchant du lit de son ainé :
— Pfouah, sa tronche, pire qu'hier.
Lana lui lance un regard faussement menaçant et lui vole son portable avant qu'il ne puisse prendre une série de clichés. Nous sommes ensuite rapidement rejoints par le reste de la bande.
La chambre est bien trop petite pour accueillir tout le monde.
Deen se moque un peu de ma tête à moi aussi mais je sais qu'il masque, avant tout, ses émotions. C'est normal qu'ils soient en état de choc, à l'exception du Crew-S et de Flav, aucun d'entre eux n'était au courant de toute cette histoire.
Je ne sais pas pourquoi mais c'est toujours étrange pour moi d'être ici, entourées par des personnes qui s'aiment et qui se connaissent depuis des années.
Pourtant, personne ne me regarde de travers, se demandant ce que je fais là avec leur pote alors que je n'étais qu'une étrangère il y a encore quelques mois.
La nana trop bien habillée pour l'occasion selon Doums, la nana qui tirait toujours la tronche selon les autres.
Elle a beaucoup changé.
Mais l'événement le plus étrange de la journée, c'est quand, un peu plus tard, alors que je sirote mon café, seule dans la chambre d'Hakim, une voix féminine m'arrache soudainement de mes pensées.
— Ne le jette pas à ma figure cette fois.
Roxanne.
Toujours aussi belle, une classe naturelle dans cette robe noire et cintrée à la taille.
Loin de mon legging, mes pantoufles et mon chemisier (celui qui me permet d'être un minimum présentable).
— Si tu es là pour le voir, je devrais pouvoir me retenir.
Un rire lui échappe. Je crois qu'il est faux mais je m'en fiche.
Elle s'approche et dépose sa main sur celle du rappeur, écorchée à cause des coups donnés.
Mais qu'est-ce qu'elle fout ici exactement ? Et pourquoi lui caresse-t-elle les phalanges ?
Roxanne jette un regard dans ma direction :
— T'aimes pas quand je le touche ?
— Je pense surtout que vous n'êtes plus ensemble.
Je crois que je lui ai fait mal. Parce que son sourire disparait. Elle recule et vient se coller contre le mur. Ainsi, elle le regarde toujours mais s'exprime plus tristement :
— Je voulais sortir avec Haks depuis des années. De temps à autre, on passait une nuit ensemble mais c'était tout. Alors, j'ai joué le jeu de l'indifférence. Je pensais que ça avait marché, qu'il m'aimait enfin.
La jeune femme fait basculer ses cheveux en arrière. Son parfum se propage presque aussitôt dans l'espace.
— Mais il était encore plus distant avec moi. Quand on allait se coucher, il devait "travailler". Il a beaucoup écrit ces derniers temps, surtout la nuit du nouvel an.
Je me sens soudainement mal à l'aise. Je recroqueville mes jambes et prends un coussin que je sers de toutes mes forces contre moi.
— J'étais en colère après toi car je suis persuadée que c'est toi qui l'as inspiré à ce moment là. On s'est disputé à ton sujet, la petite conne de Lana est intervenue et comme il l'adore, il vous a défendu toutes les deux.
C'est mal, très mal.
Mais à la simple idée qu'Hakim puisse écrire quelque chose un tant soit peu inspirée de...Moi..
Et bien, je souris.
Putain, je fais vraiment pitié.
Je baisse la tête et lui demande :
— Pourquoi tu me racontes tout ça ?
— Je sais pas, je te déteste. Je trouve toujours que tu es une meuf sans intérêt, bien trop petite qui devrait se couper les cheveux. C'est vrai, la coupe longue, c'est passé de mode.
Je pense alors qu'elle va en rester là. Pourtant, elle continue sur sa lancée :
— Mais ton trait d'eyeliner est toujours parfait. Juste pour ça, tu méritais de connaitre la vérité. Enfin, ne pense pas être une fille spéciale, il a déjà écrit sur beaucoup de filles avant toi.
Sur ces mots, elle tourne les talons et disparait de la chambre sans attendre son reste.
— J'espère qu'elle ne reviendra plus, je souffle une fois les lumières dans le couloir éteintes, m'assurant ainsi que plus personne n'est passé par là depuis une dizaine de minutes.
— De qui tu parles ?
C'est à peine un sifflement.
Je crois rêver.
Pourtant, quand mon attention se recentre uniquement vers Hakim, j'ai envie de hurler.
Car le rappeur a désormais les yeux ouverts.
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