Chapitre 48 : Le temps s'arrête, je peux pas t'expliquer comment.

(JeanJass - Mes jambes)

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J'acquiesce, toujours silencieuse et brandis ma clé. Je laisse Hakim entrer en premier. Il n'avance pas beaucoup, il se contente de m'observer, lui aussi, muet comme une tombe. 

J'ai l'impression d'étouffée dans cette tenue. Je monte à l'étage. Il me suit. 

j'ôte ma veste et mes chaussures. Je m'appuie contre le bureau alors que le rappeur reste au milieu de la pièce, les mains dans les poches. 

Qu'est-ce que tu fais ici Hakim ? 

Son regard s'arrête sur mes talons que je viens de balancer à l'autre bout de la pièce. 

Les autres rentraient et je savais que t'habitais pas loin. 

J'ai envie de lui dire qu'il ne répond pas à ma question et en même temps, je ne suis pas d'humeur à discuter sur ce genre de détails. 

Je sais très bien pourquoi il est là. Il a besoin que je lui parle, que je lui dise quelque chose. 

Il est temps d'être honnête. 

Quand l'explosion s'est déclenchée, c'est comme si j'étais dans un autre monde. 

Mes ongles s'enfoncent dans le bois du bureau. Hakim ne me regarde toujours pas, je pense qu'il a compris : il faut me laisser une certaine barrière de sécurité s'il souhaite entendre la suite. 

J'étais allongée sur le sol, j'entendais Meredith crier et Martin au-dessus de moi qui me disait de ne pas m'inquiéter, qu'il allait m'aider. Sauf que je ne comprenais pas pourquoi il disait tout ça, j'étais pas la seule blessée, les autres aussi avaient besoin d'aide. 

J'ai l'impression de retourner deux ans en arrière quand ils m'ont posé les premières questions. Mais face à eux, je n'avais pas le coeur qui bat la chamade, parce que c'était leur métier et parce qu'ils ne me connaissaient pas. 

Jassim, il était tout près. J'essayais de tendre le bras pour le secouer, pour qu'il me regarde mais j'étais incapable de bouger. J'ai voulu crier son nom de toutes mes forces mais il ne sait jamais retourné, peut-être que j'ai rêvé ce moment. Je ne sais pas... Après ça, je me suis évanouie. 

Après ça, tout a changé. 

Encore cette sensation de brûlure dans mon dos, je grimace. Hakim relève la tête vers moi. Il ne laisse rien transparaitre. Je me dis qu'il est encore temps de la fermer et de tout oublier. 

Arrivée dans un autre hôpital, on m'a dit que mes amis étaient décédés . Puis, j'ai appris ce qui m'était arrivé. Une partie de moi est également morte ce jour là. 

Mais le rappeur est déjà au courant de toute façon. Alors autant lui donner toutes les informations nécessaires pour qu'il comprenne ce que cela implique vraiment dans ma vie, qu'il sache pourquoi je lui ai semblé folle le jour de notre première rencontre. 

Faisons ça vite, comme un pansement que l'on arrache. 

Seules quelques zones de mon dos régissent encore et ont été épargnées par miracle. Enfin, tu as du le voir sur cette photo tout à l'heure. J'ai refusé de pleurer à l'époque. J'ai accepté que mes blessures soient exposées lors du procès parce que je ne savais pas qu'on accuserait mes amis, parce que je pensais qu'on trouverait le véritable coupable et parce que j'étais bêtement persuadée que cela ne me ferait plus mal avec le temps et que ça guérirait, que je serais à nouveau normale. 

Quelle imbécile j'étais. 

Puis, je suis rentrée chez moi. Le regard de tout le monde a changé alors je me suis jurée que plus personne ne regarderait ou toucherait cette monstruosité  à l'exception des médecins.  Je suis partie m'installer en Inde, là où personne ne me connaissait et je suis revenue il y a onze mois pour le procès. 

Et il est apparu avec sa bande de potes. 

Durant le mois de juillet, je me suis dit que ça pouvait me faire du bien de sortir un peu avec d'anciens amis. Sauf qu'ils m'ont également offert leur plus belle tête d'enterrement et ça m'a rendue dingue. C'est là que je t'ai rencontré au bar, je voulais être une autre personne encore une nuit, juste une seule. Mais t'as voulu que je me déshabille. Je t'ai détesté quand tu as fait ça. 

Une boule se forme au fond de ma gorge. Son regard me percute soudainement et ses yeux sombres me questionnent toujours. 

Je sais ce qu'il veut. 

Et pour la première fois, je me sens prête à le lui donner.

Parce que c'est Hakim, le garçon que j'ai détesté puis que j'ai entrainé dans un plan débile et qui, avec le temps, a pris une place importante dans ma vie. 

Je me débarrasse d'abord de mon pantalon. Mon coeur ne m'a jamais fait aussi mal. 

Je crois qu'il doit s'en rendre compte car il se rapproche, prêt à intervenir si j'ai besoin d'une bouée de sauvetage. 

Mais pas aujourd'hui. 

Je relève légèrement les bras et, par mon regard, je l'encourage à continuer pour moi. 

Cette communication silencieuse m'apaise. Je serais incapable d'ouvrir à nouveau la bouche, surtout lorsque je me retrouve uniquement vêtue de mes sous-vêtements. 

Je croise les bras, un vieux réflexe de self-défense inutile puis je me retourne afin qu'il découvre par lui-même ce que j'ai toujours refusé de partager. 

De là où je suis, je peux observer son reflet dans le miroir placé juste à côté de mon armoire. Je suis prête à lire de la tristesse ou du dégoût sur son visage. 

Sauf qu'il ne laisse rien transparaitre, comme d'habitude. il m'observe attentivement durant ce qui me semble être une éternité. 

Puis, tout à coup, ses doigts viennent se placer sur l'une de mes omoplates. 

Tu sens quelque chose ? 

Un peu. 

Je ne sais pas s'il m'a entendue mais sa main glisse ensuite un peu plus bas. 

Et là ? 

Je balance la tête de droite à gauche alors qu'il poursuit son chemin, avec une délicatesse déconcertante, et se retrouve désormais à appuyer le long de ma colonne vertébrale.

Il s'apprête à reposer sa question mais je commence à paniquer quand je visualise mon reflet et le sien. 

Arrête ça, s'il te plait. 

Le rappeur relève la tête. J'en profite pour me retourner et lui faire face une nouvelle fois. 

Il ne bouge pas, bien au contraire. Sa main effleure ma joue et ses lèvres viennent se déposer brusquement contre les miennes. 

Ce baiser est doux et précipité, les deux en même temps. Quant à ses doigts, ils glissent le long de mes hanches alors qu'il me serre contre lui. 

Ses mains finissent par trouver place en-dessous de mes fesses lorsqu'il décide qu'il est temps de prendre la direction du lit. Je lui déboutonne sa chemise sans cesser une seule fois d'effleurer au minimum ses lèvres. Ca prend plus de temps mais je m'en moque. 

J'ai besoin de lui. Il m'a manqué. 

C'est à son tour de se débarasser du peu de vêtements qu'il me reste. Il dégrafe mon soutien-gorge et caresse ma poitrine avant que sa langue vienne prendre le relais. Il remonte ensuite vers mon cou puis sur mes lèvres et il m'embrasse à nouveau, beaucoup plus fort cette fois. 

Je ne me suis jamais sentie aussi vivante. 

Nous finissons par faire l'amour. Je me retrouve sur lui et je laisse ses mains se placer où elles l'entendent,  même sur mon dos pourri. J'ai instinctivement un geste de recul mais Hakim renforce son étreinte comme pour me faire comprendre qu'il n'y a aucune raison d'avoir peur. 

Plus tard, lorsque  je me laisse tomber à côté de lui, il souffle : 

Tu me plais Kamilah. 

Si on m'avait dit, la première fois que je l'ai rencontré, qu'on se retrouverait là aujourd'hui, je vous aurais ri au nez. 

Mais il n'y a plus aucun doute maintenant. Ca joue aux montagnes russes dans le bas de mon ventre. 

Tu dois pas regretter ni prendre ça comme une punition. Parce que c'est ce qui fait ce que tu es aujourd'hui, ça t'a endurci. 

Je souris.

Toi aussi tu me plais Hakim. 

****

Le rappeur est resté avec moi pour le reste de la soirée. On a mangé ce qui restait dans le frigo. Des plats indiens préparés par ma mère, il n'en fallait pas plus pour lui ouvrir l'appétit. Il a voulu sortir son portable mais je lui ai interdit de faire encore une story débile sur Instagram qui parle de bouffe. 

Hakim a levé les yeux au ciel avant de m'embrasser dans le cou. Il sait exactement comment obtenir ce qu'il veut. 

Ca me gonfle. 

Le soir-même, nous sommes tous les deux assis dans le canapé devant "Inception". Parce que c'est mon film préféré, le seul que je pourrais regarder tous les jours sans jamais me lasser. 

Pourtant aujourd'hui, je suis incapable de me concentrer et de réciter les dialogues en même temps que Léo. 

Je repense à tout ce qui a pu se produire ces derniers jours, à tous ces souvenirs qui sont remontés à la surface. 

Qu'est-ce que t'as ? 

Hakim appuie sur le bouton pause de la télécommande. 

Quoi ? 

Tu regardes dans le vide. On dirait Doums quand il a trop bédave.  

Je soupire et m'enfonce un peu plus au fond du canapé. 

Ca m'a rappelé tellement de souvenirs ce procès. Ils me manquent tu sais. 

J'ai soudainement envie de regarder les photos, celles que Flav a retrouvé sur la clé de John. Je commence à faire défiler les clichés sur mon portable. Hakim jette un coup d'oeil et lève les yeux au ciel : 

Putain, gosse de riche

La main du rappeur se pose sur ma cuisse. C'est sûr qu'entre nous tous, c'est Martin qui avait la plus grosse maison. C'est pour ça qu'on passait nos jours de congé chez lui. 

T'as pas idée. Il a un home cinéma et une table de billard de malade. 

Ses ongles entrent subitement dans ma peau. 

Aie, qu'est-ce que t'as tout à coup ?

Il se redresse et récupère son téléphone jusqu'alors posé sur la table. Hakim commence à pianoter rapidement sur son clavier. 

 Regarde ça.  

Il me montre une page internet, une vente pour le même billard que celui acheté par les Germain. 

Oui, c'est celui de Martin et alors ? 

Sa langue claque contre son palais : 

Regarde le nom du fabricant. 

Grafica Ma.Ro. 

John a été approché par Grafica Ma.Ro. 

Les photos n'étaient pas là par hasard. 

Il faut qu'on aille chez Martin. 

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