Chapitre 38 : Je m'égosille bien, je crache tous mes songes.

(Caballero - C'est aussi simple que ça)

Ce morceau est, pour moi, un joyau caché...

Parce que, trop souvent,  j'entends : " Caballero il fait que des textes drôles".  

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T'es sérieuse Kami ? Réfléchis.

Antoine galère à reprendre son souffle. Il est rouge comme une tomate alors que je vide ma bouteille d'eau dans la précipitation. 

J'ai eu la merveilleuse idée de nous inscrire à un cours intensif de renforcement musculaire. Chaque partie de notre corps est mise à l'épreuve. Le pauvre Flav est entouré de gonzesses et, ne peut même pas se consoler en matant le mec ultra-canon qui nous  a été désigné comme professeur, pas son genre vous voyez... Mais il le fait pour moi, parce que je l'ai supplié durant une semaine entière.

Tu voulais qu'il réagisse comment en apprenant que t'avais été voir son couz ? C'est le sujet à bannir en sa présence. T'aurais pu poser des questions à Idriss. C'est le premier concerné mais il aurait accepté sans problème de t'expliquer comment Medhi a pu changer de caractère. 

Voilà pourquoi je voulais retourner à la salle de sport. Parce que j'ai besoin de me défouler, de focaliser mon énergie sur autre chose que toute cette histoire. 

Je n'ai plus entendu parlé d'Hakim depuis bientôt deux semaines et  il m'a bien fait comprendre qu'il était hors de question que je vienne beugler sous sa fenêtre. 

Comme si c'était mon genre. 

Lorsqu'il m'a rejoint sur les marches de la librairie, j'ai, d'abord, appris que sa grand-mère était venue rendre visite à Medhi dans l'après-midi et qu'il lui avait parlé de moi. Elle a donc cru qu' Hakim serait bientôt prêt à y aller lui-aussi. C'est pourquoi elle lui a demandé pourquoi je ne l'avais pas attendu pour m'y rendre. 

Apprenant mon geste, le rappeur s'est mis en route jusqu'à la boutique pour, au final, me  hurler dessus à la seconde où nos regards se sont croisés. 

Je ne l'avais jamais vu dans une telle colère. 

Je comprends qu'il soit fâché, réponds-je alors que nous nous étirons, Cependant, dire qu'il ne veut plus jamais entendre parler de moi, je trouve ça un peu exagéré.

 Antoine est au bout de sa vie. Déjà que nous maltraitons tous les deux nos poumons à force de fumer comme des pompiers... Je vous laisse imaginer la souffrance que doit endurer ce  garçon qui n'a jamais ressenti le besoin de faire beaucoup de sport parce que je cite : "J'ai toujours été mince et je le resterai à jamais."

Le blond passe sa serviette sur ses épaules et s'appuie contre le mur de la salle avant de me répondre : 

Je suis d'accord Kami, il exagère... Mais, il a le droit d'être un connard sur ce coup. Ca l'a complètement transformé cette histoire. Tu l'as pas connu avant tout ça. Il en parle jamais et si t'oses aborder le sujet, il t'en colle une sans ménagement. Ce que tu as fait, c'est pire. T'as forcé la serrure de son intimité, faut pas t'étonner s'il refuse de te parler. 

Le garçon se laisse ensuite tomber sur le sol. Je le rejoins et soupire : 

Merci pour ta franchise. Tu sais que t'es un super ami ? 

Suer me rend sentimentale on dirait...

Pour être tout à fait honnête, ce conflit avec Hakim me touche plus que je ne l'aurais cru. J'ai déjà failli l'appeler une ou deux fois... Mais heureusement, j'ai toujours su me reprendre à temps. 

Je sais. J'accepte de participer à ce sport débile pour te faire plaisir. Regarde-moi, j'ai jamais autant transpiré, même sur scène. C'est ouf. 

Je lève les yeux au ciel : 

Au moins, quand tu rencontreras l'amour de ta vie, elle kiffera tes abdos. 

Sa mine se décompose. 

Depuis quand t'es du genre à croire à ces conneries toi ? S'amuser c'est bien aussi. Tu devrais prendre exemple sur moi et pas te prendre la tête avec Haks. C'est un têtu, il est capable de tenir une éternité sans ouvrir la bouche si tu es dans la même pièce que lui.   

Prendre exemple sur lui parce qu'il  ne se prend pas la tête ? Mensonge. 

Ken m'a déjà raconté qu'il couchait avec des nanas mais qu'à chaque fois, il les renvoyait chez elles directement après avoir tiré son coup. Il refuse toujours de profiter plus longtemps de ce qu'elles ont à lui offrir. 

Qu'il l'assume ou non, il pense encore à sa Coralie. C'est dommage, il doit passer à autre chose, ça fait six ans maintenant...

Je vais l'aider moi. Au moins, ce sera l'occasion de penser à autre chose en m'occupant de son cas.  

****

Tu veux y jeter un oeil ? 

Non, pas encore, par pitié.

Jassim se tient devant moi, sa cigarette se consume au bout de ses lèvres alors qu'il me tend son appareil photo. 

Oh mon dieu ! Tu as fait ça quand ? 

Ta gueule Kami, barrez-vous. Emmène-les le plus loin possible de cet endroit. 

Martin qui se moque de Jass. Ce dernier qui l'ignore et qui me demande de venir voir sa surprise. 

Mais quelle surprise ? 

Et puis, pourquoi personne ne nous suit ? Les gars, il faut s'éloigner maintenant. Dépêchez-vous. 

Mais personne ne bouge. 

Vous croyez aller où comme ça ? Viens Mémé, on va aller voir ce qu'ils font. 

C'est ça, rapprochez-vous. Sky et John doivent venir aussi. Putain, pourquoi je n'arrive pas à crier ? Pourquoi suis-je incapable de les avertir ?  

Je ne sais plus respirer, c'est trop tard, c'est maintenant que tout change. 

Mon coeur brûle tout comme mon corps. 

....

Je me redresse en un vilain sursaut. Je tâte à l'aveugle autour de moi... Mais il n'y a personne dans ma chambre ce soir. 

Hakim n'est pas là.  Il ne le sera plus jamais. 

J'allume la lumière alors que je suis à deux doigts d'arracher mon coeur de sa cage thoracique. J'en peux plus de tous ces cauchemars.

 Pourquoi suis-je condamnée à revivre inlassablement ce moment ? J'en ai marre d'être punie...Ce n'est pas ma faute... Je donnerais n'importe quoi pour échanger ma putain de place contre celle de Sky, John et Jassim. 

J'en ai aussi ma claque de ces disputes d'enfants de dix ans. Je ne peux pas laisser les choses stagner. C'est la seule vérité qui peut encore être modifiée. Je suis une adulte, Hakim aussi et nous sommes tous les deux vivants.  Alors, je pense qu'on peut  communiquer dans le calme et le respect de l'autre. 

J'enfile un vieux legging et un sweat avant de prendre la direction de la buanderie pour y récupérer mes converses blanches. 

Il faut que j'aille le voir, maintenant. 

****

Mes jambes sont douloureuses, je suis crevée et je n'ai même pas pris la peine de me coiffer. 

Mais j'ai décidé de marcher.  Pour être exact, je n'ai jamais trottiné aussi vite . C'est une façon de me protéger. Car, si je m'arrête, je suis capable de faire demi-tour en m'imaginant seule dans la rue, à cette heure de la nuit... Tout ça pour rendre visite à un rappeur qui me déteste. 

Je n'ai même pas pris mon portefeuille.  Seuls mon portable et mes clés sont cachées dans la poche de mon sweat. 

Je déraille. Il y a pas d'autre explication. 

Je ne sais même pas s'il est chez lui, je fais, peut-être, cette route pour que dalle. 

Je sonne. Une seule fois, de façon prolongée. 

Il y  a un long moment de silence. Je m'apprête à faire demi-tour... 

Mais c'est là que sa voix résonne dans la nuit à travers l'interphone : 

Putain,  qui vient me faire chier à une heure pareille ? 

—  Hakim... 

Ma voix se perd au fond de ma gorge. Il doit être aussi étonné que moi car un signal sonore me fait comprendre que je suis autorisée  à entrer dans l'immeuble. 

Je ne sais pas exactement ce que je vais lui dire. Lorsque je monte les marches menant à son appartement, mon cerveau décide qu'il est temps, pour lui, de se mettre en veille. Je suis donc  incapable de réfléchir à quoique ce soit. 

C'est pourquoi, quand il apparait simplement vêtu d'un training avec une tête de mec qu'on vient de sortir du lit, c'est mon coeur qui décide de prendre le relais :  

—  Je suis désolée... 

—  Je m'en balec. Si c'est pour me parler de ça, dégage. 

Il s'apprête à refermer la porte mais je m'avance et bloque son geste avec mes mains. 

—  Si tu dégages pas je t'écrase les doigts. Ca me dérange pas. 

Je ferme les yeux et soupire : 

—  Ecoute, j'aurais pas dû faire ça mais je suis pas rationnelle quand il s'agit de Jassim. Je voulais juste... Je sais pas, voir ce que ça donnait de discuter avec un vrai malade. Je voulais pas qu'il sache qu'on se connaisse. Ce n'était pas pour te faire mal, je voudrais jamais te faire de mal... 

Hakim ne dit rien mais il n'a toujours pas refermé la porte. J'ouvre à nouveau les yeux et constate  qu'il me fixe avec attention quand je continue : 

—  Je sais pas comment tu fais.. Mais il y a que quand t'es là que j'arrive à oublier toute cette histoire. Il n'y a que quand t'es là que je parviens à trouver le sommeil et je vais pas te mentir ça me gave que tu aies autant de pouvoir sur moi. 

Mais ta gueule Kami, c'est quoi ça ?! 

Tu es en colère et c'est normal. J'aurais pas dû m'imposer comme ça. C'est comme si j'étais entrée dans ton jardin secret. Tu me l'as bien fait comprendre. Medhi c'est votre histoire à vous et à Lana, je n'ai pas à y entrer d'une quelconque façon... Et ma démarche doit te sembler égoïste, t'as pas du tout comprendre, moi-même je suis perdue mais j'ai... j'ai besoin de toi. Alors, pardonne-moi. 

Je veux disparaitre sous terre. 

Hakim ouvre la bouche puis la referme aussi tôt. Il ne sait pas quoi dire, c'est normal. 

C'est alors qu'une voix le questionne dans son dos : 

—  Haks, c'est qui ? 

Mais à quoi je pensais ? 

Je débarque comme une idiote  alors qu'il est avec sa meuf. Putain, je suis tombée bien bas. 

Roxanne apparait dans l'embrasure de la porte et me toise de la tête aux pieds : 

—  Salut Kami, petit jogging de nuit ? 

C'est vrai que j'ai l'air ridicule à côté de ce canon en nuisette noire. 

C'est le genre de tenue que je ne porterai plus jamais... 

—  Oui, c'est ça. Je passais par là et je me suis dit qu'Hakim avait peut-être une bouteille d'eau pour moi.  

La jeune femme rit et dépose sa tête contre l'épaule du rappeur : 

—  C'est pas sur lui qu'il faut compter pour ça. Il y a rien dans son appart'. Il achète tout au jour le jour, c'est pas très économe pour un radin hein ? 

Je me force à sourire. 

C'est drôle. Parce qu'elle semble, avec ses paroles, bienveillante et prête à m'accueillir. Mais son corps dit tout le contraire. Sa tête posée contre lui me rappelle qu'il est avec elle. Rox s'est aussi avancée pour  bouclier. Sa main vient d'ailleurs chercher celle du rappeur pour renforcer le message...Enfin, quand elle ajoute : 

—  En tout cas, nous on va aller se recoucher. Bonne nuit Kami. 

Elle veut surtout dire : Dégage. 

—  J'arrive. lui répond-il en déposant un baiser sur sa tempe. 

Mais qu'est-ce que je fous encore ici  à les regarder se peloter ? 

Je fais demi-tour, espérant ne plus jamais croiser son regard. Toutefois,  il est plus rapide que moi. Hakim me rattrape par le bras et m'empêche, ainsi, de foutre le camp.  

Tant que je ne lèverai pas les yeux, il ne me lâchera pas. Alors, je plonge mon regard dans le sien. 

J'attends qu'il dise quelque chose, n'importe quoi. Mais rien ne lui vient. 

Alors je suis obligée de prendre les devants : 

—  Va retrouver ta nana. Elle a plus besoin de toi que moi. 

Le temps que je me défasse de son emprise semble durer une éternité. 

—  T'es venue à pieds ? T'es malade. Je vais te reconduire, c'est trop dangereux pour une meuf seule. Je veux pas avoir ta mort sur la conscience. 

Sérieusement Hakim ? C'est tout ce que t'as à dire après tout ça ?

—  Non. Laisse-tomber. Je vais prendre un Uber. Va te recoucher. Je sais pas ce qui m'a pris... Oublie tout d'accord ? 

Je n'ai pas mon portefeuille. Heureusement, il n'est pas censé le savoir. 

—  D'accord. 

Mon ventre se tord, sa réponse me blesse. 

J'aurais préféré qu'il me réponde autre chose, n'importe quoi. 

Mais pas qu'il accepte d'ignorer ce que j'ai  sur le coeur. 

Putain, je crois que ce crétin me plait... pour de vrai. 

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