Chapitre 33 : Parmi les miens, mille et une vies de merde.
(2zer - Routine)
----
— Tu m'expliques pourquoi c'est moi qui dois me taper cette mission de merde ?
— Parce que t'es le seul à avoir des chiens... Convenables, dis-je en luttant pour ne pas me faire entrainer par le beagle hyperactif, et Lana peut pas venir avec nous alors c'est moi qui m'occupe de son sac à puces.
Hakim a le sourire aux lèvres lorsque le chien accélère une nouvelle fois et que je trébuche.
Parmi tous les chiens du monde, elle a été adopter le plus stupide d'entre eux.
Après le désastre Martin, la blonde a décidé de nous envoyer récolter des informations auprès de Meredith. Et bien que je n'ai pas vraiment le droit de l'approcher, le rappeur, lui, le peut.
Pour être tout à fait honnête, je n'arrive toujours pas à croire qu'il ait accepté, aussi facilement, de nous venir en aide.
— C'est elle là-bas ?
Je lève la tête vers la jeune femme qu'il pointe discrètement du doigt.
— Oui... C'est Meredith.
Quand je l'ai revue cet été, je pensais qu'elle était enceinte. En vérité, elle a juste grossi. Ses cheveux bruns qui étaient toujours soyeux tombent, désormais, mollement sur ses épaules. Elle ne se maquille plus et se contente de porter des trainings (bien trop semblables à ceux d'Hakim) pour promener son chien, toujours au même endroit depuis trois ans.
— Tu veux que j'aille l'aborder comme ça ? Tu sais que c'est pas crédible. Personne n'irait aborder un laideron pareil.
Je détourne mon regard vers le rappeur dont le visage exprime presque du dégoût.
Il exagère, comme d'habitude.
— On y va mon grand, dépêche-toi.
— Je suis trop vieux pour ces conneries. dit-il en s'éloignant vers sa cible.
Je ne peux pas m'en empêcher. Mes lèvres s'étendent quand il utilise cette expression.
****
Je contourne le parc, en espérant que Popps ne me fasse pas foirer cette...mission (?). Je suis assez éloignée de Meredith pour qu'elle ne me remarque pas mais également assez proche pour que je puisse épier leur conversation.
Hakim vient d'ailleurs de s'asseoir à côté d'elle. Le labrador commence à se bagarrer amicalement avec ses deux staffs.
Meredith lève un oeil vers le rappeur et place une mèche de cheveux derrière son oreille.
Ok. Il est à son goût. Elle faisait toujours ce genre de choses quand un patient lui plaisait secrètement.
— Vos chiens sont magnifiques. s'exclame-t-elle les joues en feu.
— Merci.
S'en suis alors une conversation bien trop longue sur leurs animaux. Je lève les yeux au ciel à de multiples reprises quand, tout deux, ricanent en se remémorant des moments passés avec leur premier chien.
Ridicule.
Après une dizaine de minutes, le sujet de l'hôpital tombe enfin sur la table.
Hakim n'a même pas eu à faire quoique ce soit. Elle-même s'offre à nous lorsqu'il lui parle de Ken, Id' et Théo (Oui, il a osé comparer l'amitié qui pourrait, soit-disant, exister entre ses chiens avec celle qu'il entretient actuellement avec le S).
— Moi aussi, j'avais des amies formidables quand je travaillais à l'hôpital. Des amies "filles", j'entends bien. C'était l'amour fou.
Elle soupire et mon coeur se serre.
Malgré tout ce qui a pu se passer au tribunal, elle me manque terriblement.
Peut-être que si je n'avais pas fui à l'époque, j'aurais pu les convaincre de ne pas accuser Jassim et Sofyan à tord...et tout serait différent aujourd'hui.
Peut-être que tout est de ma faute.
— Vous ne supportez pas la compagnie des hommes que vous précisez le sexe de vos potes ?
Meredith commence alors à lui expliquer qu'elle les aimait aussi mais que ce n'était pas la même chose. Elle lui donne quelques anecdotes mais je n'intercepte que quelques mots importants.
Popps a décrété qu'il était temps de bouger et commence à courir sur place. Sa laisse est à deux doigts de céder si je ne fais pas quelque chose rapidement.
Alors je m'accroupis et je commence à lui faire des caresses derrière l'oreille. Le chien se couche, ensuite, sur le dos... Réclamant ainsi que je continue sur son ventre.
En tout cas, une chose est sûre, ce beagle ne sera jamais le prochain "Rex le chien flic", même pas fichu de rester planqué.
C'est alors que Meredith lui parle de quelque chose, une partie dont je n'avais plus le moindre souvenir.
— Avec mes deux amies de l'époque, on avait une cachette à l'hôpital. Un trou dans le mur, dans la salle de repos, derrière une vieille étagère. On y mettait des objets, des photos, mêmes des listes et des mots. Comme des adolescentes, c'était un peu notre cachette secrète. Je n'y suis jamais retournée et parfois je le regrette... Mais... Pour l'instant... Ne me demandez pas pourquoi s'il vous plait. Je ne peux pas entrer, c'est au-dessus de mes forces.
Moi, j'irai.
Je m'apprête à envoyer un message au rappeur lui expliquant qu'on en a fini pour aujourd'hui quand Meredith lui demande :
— Je dois y aller... Mais... Ca vous dirait de me donner votre numéro ?
Je n'y crois pas, elle perd pas le nord.
— Désolé, j'ai déjà une copine.
Ouais Roxanne.
J'avale ma salive difficilement. Je me sens, étrangement, énervée.
****
Sur le chemin du retour, Hakim regarde avec attention la route. Toutefois, au premier feu rouge, ses yeux changent de cible et me fixent quelques instants.
— Qu'est-ce que t'as ?
— Rien. Pourquoi ?
Le garçon fronce un sourcil :
— T'as pas ouvert la bouche depuis qu'on a quitté ta pote là. Si tu me dis que j'ai fait tout ça pour rien, ça va aller mal pour toi.
Je me force à rire et lâche simplement :
— Elle t'a parlé de notre cachette à l'hôpital. Je dois y jeter un oeil.
Hakim fronce les sourcils avant de balancer sa tête de bas en haut :
— On y va maintenant.
Mon coeur manque un battement face à son étrange initiative.
Mais je ne peux pas.
— Désolée Hakim. Je suis attendue ailleurs.
Le feu est passé au vert sans que l'on s'en rende compte. Nous nous faisons klaxonner par une Mercedes classe A. Hakim démarre après lui avoir offert son majeur.
— Tu vas où ? s'agace-t-il tout à coup.
— Je vais rejoindre Antoine. Un groupe e produit à l'Olympia ce soir. J'ai promis de venir aux répets.
Avec le blondinet, on échange régulièrement depuis la soirée Halloween.
Lui parler ouvertement de mon histoire sans qu'il y soit impliqué d'une façon ou d'une autre m'a, étrangement, soulagé d'un poids.
— Donc tu nous fais chier avec ton histoire depuis des mois et là tu préfères t'amuser ? Alors qu'on peut encore avancer ?
Il peut pas me faire ça.
Il est hors de question que je culpabilise.
— C'est bon. On ira demain. De toute façon, je te rappelle que nous avons eu, tous les deux quelques problèmes avec Martin. Donc nous ne ne rentrerons pas à l'intérieur du bâtiment aussi facilement. Il nous faut de l'aide.
Heureusement, nous voilà arrivé dans ma rue.
Je me précipite, aussitôt, en dehors de l'habitacle :
— Merci pour aujourd'hui. Mais je vais rejoindre un ami.
Puis je claque la portière.
Hakim a vraiment une drôle d'influence sur mon comportement.
Voilà que je me mets à me la jouer Drama Queen.
Quelque chose ne tourne pas rond chez moi.
****
Je rejoins Antoine vers 16h avec de petits sandwichs pour qu'il puisse se nourrir un minimum. Quand il travaille, il oublie tout ses besoins primaires. Je dois même lui demander, à plusieurs reprises, s'il est sûr de ne pas vouloir s'arrêter le temps de boire un peu d'eau.
Une heure plus tard, "Thérapie Taxi" (le groupe dont je pense connaitre une chanson) se prépare pour une dernière répétition avant le début concert.
Bien que je n'apprécie pas le bruit, c'est l'occasion pour Antoine de se reposer. Il me fait signe de le suivre et nous nous installons dans les gradins pour apprécier (ou subir, au choix) le spectacle.
Ils entament leur troisième morceau quand Flav semble, soudainement, d'humeur interrogative :
— Ca va pas ?
— Si pourquoi ?
Le mec m'a déjà vue, plusieurs fois, dans un état lamentable. Ca ne m'étonne même pas qu'il pose la question.
— Tu as l'air pensive, c'est tout. dit-il avant de ranger son portable dans la poche de son jean.
Je ne sais pas pourquoi le courant passe si bien entre nous.
Je ne sais pas non plus pourquoi j'ai autant confiance en lui.
Il y a des amitiés inexplicables. Celles qui se créent, parfois avec des personnes que l'on ne connait pas réellement... Mais le feeling est là et on est attiré par ces gens comme des aimants.
Ses yeux bleus ne me quittent plus, attendant une réponse de ma part. Alors je me lance :
— Ma famille pense que je sors avec Hakim. Et tout a failli partir en couille il y a quelques jours.
Je lui raconte toute l'histoire, même ce qui a pu se passer entre nous après l'accouchement de ma soeur. Je termine par lui expliquer les événements de l'après-midi quand Hakim a évoqué sa nana.
Antoine m'écoute attentivement sans m'interrompre.
— Voilà. Je pense donc le laisser vivre en paix avec Roxanne. Il faut que je dise à mes parents qu'il n'y a plus de Hakim.
Un rictus aimable me répond :
— Kami, est-ce que tu ressens quelque chose pour lui ?
Je fronce les sourcils. C'est quoi ça pour une question stupide ?
— N'importe quoi.
Je pense, durant un court instant, qu'Antoine va en rester là, c'est ce qu'il fait habituellement. Il ne me force jamais à parler.
Pourtant, il continue, toujours sans me regarder :
— Ecoute, je vais te raconter quelque chose qui te fera, peut-être, réfléchir. Tu dois juste me promettre que ça restera entre nous.
C'est une première. Flav écoute beaucoup mais ne parle jamais.
— D'accord. Mais pourquoi moi ?
Il hausse les épaules :
— Je sais pas, je te fais confiance. Certains gars comme Nek connaissent l'histoire mais ils savent qu'il est interdit d'en parler. Et je pense que je peux compter sur ton silence.
Tant de mystère, j'ai l'impression qu'il va m'apprendre qu'ils ont enterré un corps à l'époque des 1995.
Mais quel rapport avec moi ?
— Je t'écoute et je te promets de ne rien dire à personne.
Je pose une main sur son épaule pour l'encourager à continuer.
— Bien. Il y a quelques années, quand on commençait à se faire connaitre avec les gars, j'ai rencontré une nana, Cora.
Sa tête se balance au rythme de la musique. Il fait ça pour ne pas raviver trop de souvenirs.
— C'était un vrai rayon de soleil. Mais je m'en suis rendu compte trop tard. On a passé beaucoup de temps à se tourner au tour sans réaliser que nous voulions être ensemble. Et quand, enfin, on pouvait être heureux, elle a dû partir. Et moi, je pouvais pas la suivre. On a gâché des mois de bonheur tout ça parce qu'on était trop fière. Et toi et Haks, vous êtes les spécialistes dans le domaine.
Je m'apprête à rétorquer mais l'une de ses mains vient se placer devant ma bouche.
— Je pense que tu le kiffes. Et je crois que tu lui plais aussi d'une certaine manière. Quand on y pense, chez Sneazz, c'était pas après Jazz qui a ouvertement dragué Rox qu'il était en colère... Mais après toi, parce que t'étais affalée dans le canapé avec moi.
Je n'aime pas la tournure que prend cette conversation.
Qu'il arrête de jouer le psychologue qualifié, il est juste manageur amateur.
Je détourne, à mon tour, le regard et souffle :
— De toute façon peu importe. Aujourd'hui, je peux te le garantir, il est dingue de Roxanne.
— Si tu le dis.
Je dépose ma tête sur son épaule. Nous suivons tous les deux ce concert privé en silence.
Cependant, une question me brûle les lèvres et lorsque la chanson "Crie des loups" commence à raisonner dans les enceintes, je me permets de la lui poser :
— Tu penses la revoir un jour ta Cora ?
Le garçon se mordille l'intérieur de ses joues :
— Non. Elle a du partir pour une bonne raison. Elle est plus heureuse là où elle est.
Sa respiration s'accélère. Je touche à une corde sensible on dirait.
— Tu l'aimes toujours ?
— Ouais, peut-être, d'une certaine manière. Mais ça m'empêche pas de sortir avec d'autres meufs. J'avance.
Je ferme les yeux. Ses mots résonnent encore au fond de ma poitrine.
C'est impossible. Hakim ne peut pas me plaire.
Ce que je ressens pour lui, ça n'a rien avoir avec ce que ressent ma mère pour mon père ou Danna pour Salil et encore moins Lana pour Idriss.
On se supporte à peine.
— Antoine ?
— Mmmh ?
— Tu peux me parler d'elle ?
Son corps tout entier se contracte.
— Pourquoi ?
J'en sais rien.
— Parce que j'aime bien me moquer du Flav fragile.
Il rit et, alors que la répétition touche à sa fin, il commence à me parler de cette fille aux taches de rousseur.
Il la connait par coeur et je suis persuadée qu'il l'aimera pour toujours.
C'est ce que je disais, ça n'a absolument aucun rapport avec ce que je ressens pour Hakim.
Nous passons du temps ensemble à cause d'un vilain mensonge. Il y a eu une nuit d'égarement parce que j'avais bu et que j'étais touchée par ma soeur. Et puis, je suis très contente pour lui, il a enfin trouvé une meuf à son goût.
Après la date de péremption de notre fausse relation, on partira chacun de notre côté.
Et je m'en porterai bien mieux.
C'est évident.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top