Chapitre 29 : Je me dis qu'il faut qu'on veille les uns sur les autres.
(Nekfeu - Reuf)
Version "Five" ou avec Ed Sheeran ?
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Le lendemain, je me réveille avec une migraine monstrueuse. Je m'assois en tailleur sur le lit et place mon visage entre mes mains.
Hakim, que j'avais presque oublié, commence à bouger dans tous les sens. Il ouvre les yeux à son tour et me regarde comme si j'étais un fantôme.
Et oui mon gars, on a dormi ensemble.
— Bonjour. je murmure.
Je ne sais pas pourquoi on se prend la tête, on a fait que pioncer durant quelques heures. Alors oui, j'aurais peut-être pas dû lui parler de Flav et encore moins de Jassim mais je décide de faire comme si rien de tout ça ne s'était réellement passé.
Hakim ne répond pas. Je lève les yeux au ciel avant de dire au revoir (pour la journée) à mon lit douillet. Je choisis quels vêtements porter dans mon armoire quand il se redresse subitement :
— C'est quoi dans ta nuque ?
Putain, non, je suis vraiment trop conne.
Je n'ai pas réfléchi hier soir en attachant mes cheveux alors que je ne porte qu'un petit débardeur laissant une vision claire de ma peau nue et monstrueuse.
Mon coeur s'accélère. Je continue à fixer ma penderie comme si tout allait bien.
Je détache, toutefois, mes cheveux dans la seconde :
— Rien du tout.
— Prends-moi pour un con.
J'ai envie de l'envoyer chier... Mais si je le fais, il va continuer à s'y intéresser et il est hors de question qu'on parte sur ce terrain là, surtout maintenant.
J'empoigne une petite robe noire et quitte la chambre.
Le temps que je prenne ma douche et que je me maquille, il a disparu.
Cette fois-ci, je l'ai échappé de peu mais l'univers ne me fera pas toujours cadeau.
A l'avenir, je dois me ressaisir et rester prudente.
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Quelques jours plus tard, je suis coincée à la librairie et emmitouflée sous une grosse écharpe. Le mois de novembre a ramené avec lui un temps dégueulasse et le magasin galère à se réchauffer.
J'essaie d'écrire le discours pour le mariage de Danna. Depuis plusieurs heures, je scrute mon ordinateur et la nouvelle page Word : 0 mot. Génial.
C'est alors qu'apparaît mon client préféré. Ken est rayonnant bien qu'il semble fatigué.
Il porte une grosse veste noire et sa tignasse est cachée sous une casquette de la même couleur.
— Salut Ken.
— Salut, t'as quelque chose de nouveau pour moi ?
Le garçon passe m'acheter un ou deux bouquins toutes les semaines depuis un mois. Il avale livre sur livre en seulement quelques jours.
A croire qu'il ne prépare pas vraiment son nouvel album tant attendu par ses fans...
— Oui. Je t'ai laissé un Boris Vian, "Les morts ont tous la même peau". Editions du Scorpion. C'est un second tirage publié en 1947.
Ses doigts effleurent la couverture et la magie opère, il est déjà conquis.
— Tu me diras comment je peux te remercier.
Alors que c'est lui qui remplit la caisse familiale ?
— C'est pas la peine.
— Si, j'insiste.
Je réfléchis quelques instants. Je n'ai pas envie qu'il dépense un centime juste pour moi ou qu'il m'emmène dans un endroit chelou sans intérêt.
Puis, comme par magie, la solution me saute aux yeux.
— Tu as un peu de temps devant toi ?
Je tourne vers lui l'écran de mon Macbook. Il comprend assez facilement que je suis complètement paumée.
— Tu vas écrire une histoire ?
Je ricane. Le jour où j'aurai la patience de rédiger un livre, c'est le jour où Doums arrêtera complètement la fumette.
— Absolument pas. Je dois faire un discours pour le mariage de ma sœur. Par où commencer ? comment exprimer mes émotions sans faire dans le cliché et sans être hypocrite ? Je suis perdue Ken...
Le garçon me regarde amusé quand je rajoute d'une voix enfantine :
— Tu peux m'aider, s'il te plait ?
Je m'apprête à sortir une cigarette de mon paquet mais il me l'arrache des mains.
— Range ça, on a dû travail.
****
Ken a passé deux longues heures de l'autre côté du comptoir. Il m'a donné quelques conseils. Je dois, notamment, me concentrer sur des souvenirs et sur ma propre expérience. Si j'ai l'inspiration, je dois prendre des notes peu importe le support et, surtout, je ne dois pas être fonsdé, ça fait dérailler le processus créatif.
— Encore des questions ?
Oui, j'en ai une mais elle n'a aucun rapport avec ce discours...
J'ai promis quelque chose à quelqu'un il y a plusieurs mois.
C'est maintenant ou jamais :
— Et la flicette, Shannon, vous en êtes où ?
J'aborde un sujet qui fâche. Son sourire disparait et sa tête vient s'appuyer contre le bureau.
— Elle est canon, sympa mais son job... Je peux pas. On s'est trop pris la tête. Elle admire tous les flics du monde, moi aucun. Et... Et je l'aime pas assez pour passer au-dessus de ça.
J'ai l'impression que Ken n'a jamais su s'accrocher suffisamment longtemps à quelqu'un pour construire quelque chose de stable. Il est peut-être fait pour vivre seul avec ses textes et ses livres.
Nous n'avons pas le temps d'en discuter davantage car mon portable vibre dans ma poche. C'est un numéro que je ne connais pas encore.
— Allo, dis-je en décrochant.
— Salut. C'est Framal. Faut que tu ramènes tes fesses à l'hôpital.
Sous le regard interrogateur de Ken, j'active le haut parleur. La voix d'Hakim résonne également , ils doivent être dans sa caisse :
— Sa débile de copine a décidé qu'il était temps de parler au père de Martin, sans prévenir personne ! Elle a laissé un mot, c'est tout. Elle va le regretter. Je vais la défoncer.
Oh Lana...
Les deux frères se chamaillent comme des gamins de six ans, Idriss n'a pas aimé sa remarque. Je ne sais pas s'ils m'entendent quand je m'exclame :
— J'arrive.
****
Ken a proposé de conduire jusque là. Il a donc été cherché sa voiture le temps que je ferme les portes du magasin en quatrième vitesse.
Nous roulons une dizaine de minutes avant d'arriver sur le parking de l'hôpital où nous attendent les Akrour.
Idriss semble mort d'inquiétude, Hakim en colère. Ils sont tous les deux habillés en jogging et dégoulinent de sueur. Lana a profité de leur petite virée "sport" pour s'enfuir comme une voleuse.
Quand Ken les checke, je demande des explications. Les embrassades, ce sera pour plus tard :
— C'est quoi cette putain histoire ?
D'autres questions me trottent dans la tête, des questions du style "Mais pourquoi vous n'êtes pas déjà en train de la chercher ?!".
Toutefois, je me tais. Pas envie de me faire avaler par le molosse, ce n'est pas le moment d'être impulsive.
— Je sais ap, soupire Idriss, elle a décidé qu'il était temps d'agir sinon pas assez de temps avant le procès. Elle se fait passer pour une étudiante en gestion et finance. Elle est partie l'interroger sur l'impact de l'explosion d'un point de vue publicité, clientèle, bénéfices...
C'est tellement précis. Il ne peut pas l'avoir deviné tout seul.
— Elle a mis tout ça à l'écrit ?
— Evidemment. C'est Lana. J'ai eu droit à un petit schéma en couleur.
Je pourrais jurer qu'il a souri en évoquant ce souvenir récent.
****
Lana ne tarde pas à sortir de l'hôpital. Sa voiture est garée juste à côté de celle d'Hakim et ses yeux s'agrandissent quand elle nous aperçoit.
Surprise ma petite.
— Mais, qu'est-ce que vous faites là ? nous questionne-t-elle innocemment.
Idriss s'élance vers la jeune femme. Je pense, dans un premier temps, qu'il va péter un plomb. Pourtant, il se contente de l'enlacer et de la serrer contre lui.
— Ne fais plus jamais ça ! T'es ouf, tu me soules.
Un petit sourire naît à la commissure de ses lèvres :
— Je suis désolée mais j'avais besoin de m'aérer.
Hakim croise les bras et se mordille la lèvre. Il souhaite s'exprimer, ça crève les yeux...Mais il se contrôle.
Pourquoi ? Je ne sais pas. Ce rappeur reste un mystère.
— Kami, dit la petite blonde en me rejoignant, l'explosion a rapporté gros à l'hôpital. Ils ont touché beaucoup d'argent alors que les finances n'étaient pas bonnes initialement. De plus, ils ont eu un sacré coup de pub ! Beaucoup plus de personnes sont venues consulter après cet événement. On doit creuser un peu plus. Je suis certaine que la solution se trouve là-dedans.
C'est fou. Cette nana agit seule et elle obtient des informations pertinentes.
Je suis entourée par trois rappeurs et ça finit en course contre la montre parce que je ne suis pas capable de rester calme face à mon passé.
— Merci Lana.
Ses yeux pétilles lorsqu'elle me sert contre elle. Je ne peux pas lui refuser un câlin, pas après tout ce qu'elle a déjà fait.
Mais ce n'est pas au goût du casseur d'ambiance, j'ai dénommé Hakim Akrour...
— Quoi ? C'est tout ? Fram la câline, Nek ferme sa gueule et toi tu l'as remercie ? Vous avez perdu la boule ?
Ken pose une main sur son avant-bras comme si c'était un geste qu'il devait comprendre sauf que cela ne fonctionne pas, le rappeur n'a aucune réaction.
— J'avais besoin de m'aérer Haks. C'était l'occasion de faire quelque chose d'utile. se défend Lana.
— Tu dois pas t'aérer, tu dois te faire opérer. Mets-toi ça dans le crâne une bonne fois pour toute.
La petite blonde place ses mains dans les poches de sa veste. Elle tremble mais elle ne veut pas qu'il s'en aperçoive, elle ne veut pas lui donner raison.
J'observe une Lana médusée quand mon téléphone vibre à nouveau dans la poche arrière de mon jean.
Vais-je pouvoir rentrer chez moi ou les gens préfèrent m'emmerder jusqu'à onze heure cinquante-neuf ce soir ?
— Ouais ? je souffle.
Doucement, j'ai l'impression de flancher quand maman me répond.
Elle est complètement hystérique :
— Kamilah ! Ta soeur accouche. Tu dois venir, elle a besoin de toi.
Danna ? Ce n'est pas possible. Il lui reste encore deux semaines.
— Il y a eu des complications, c'est urgent. Ca peut être très grave Kami, mon dieu... ajoute-t-elle comme si elle avait lu dans mes pensées.
A ce moment là, mon cerveau cesse de fonctionner.
On parle de ma soeur, elle peut pas me laisser tomber comme les autres.
Elle n'a pas le droit.
— Ca va ?
Je me tourne vers Ken qui vient de poser la question et tente de paraitre sereine :
— Danna accouche. Je dois les rejoindre dans un autre hôpital. Tu sais me conduire ?
Le grec s'apprête à me répondre mais Hakim l'interrompt :
— Je vais te conduire. Je suis pas une chochotte devant les cyclistes comme Nek et surtout j'ai besoin de me casser d'ici. J'en peux plus de cette mif de gland.
Il entre dans sa voiture et claque la portière derrière lui. Me voyant hésiter, il ouvre son carreau :
— Bouge ton gros cul ou je te laisse ici.
Le temps file, j'ai plus vraiment le choix.
Je salue tout le monde d'un geste de la main et entre à l'intérieur de l'habitacle.
Je pense à ce moment là que cet événement est le plus intense que me réserve cette journée monstrueuse.
Sauf que je ne suis pas encore au bout de mes peines.
Car c'est dans le noir que l'on devient dangereux, quand notre vraie nature reprend ses droits.
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