Chapitre 24 : C'est simple : sois juste heureux, si tu l'voulais, tu le s'rais.

(Angèle ft Roméo Elvis - Tout oublier)

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Lorsque nous quittons la chambre d'amis, nous prenons la direction du salon où Lana et Idriss n'ont pas bougé d'un poil. La jeune femme est toujours assise sur les genoux du rappeur, sa tête calée dans le creux de son cou. Elle s'est endormie, comme si avoir une réponse à toutes ses questions lui donnait le droit de se reposer un peu. Idriss, lui, fait des aller-retour avec ses doigts dans la chevelure blonde de sa nana. Il semble perdu dans ses pensées et relève à peine la tête lorsque j'arrive à leur hauteur.  

On va vous laisser tous les deux. Je ramène ton reuf d'ici peu, il fera un peu le ménage dans la pièce là-bas. Ca te convient ? , je murmure à son attention. 

Idriss dévisage son frère comme si c'était une habitude chez lui de devoir réparer ses bêtises. Puis, il se tourne vers moi et se contente d'acquiescer. 

Je le remercie avant de me tourner vers Hakim : 

On y va. 

 Les bras croisés, il est appuyé contre la porte de la chambre que nous venons de quitter. Il se tient si éloigné de nous, je ne l'avais pas encore réalisé. C'est comme s'il voulait éviter de regarder Lana. 

Il finit par se précipiter vers la sortie. Je suis obligée d'accélérer le pas pour le rattraper. 

Une fois à l'extérieur, je prends le temps de respirer. 

C'est moi qui conduis. m'ordonne subitement Hakim tout en se dirigeant vers sa voiture.  

Dans cet état ? Hors de question. 

Tu ne sais pas où on va donc non. 

Le rappeur peste entre ses dents. 

Je te promets, tu ne vas pas le regretter. S'il te plait, Hakim... 

Je déteste supplier mais cette journée est vraiment étrange, j'ai l'impression d'être dans un mauvais rêve. 

Sans oublier ce baiser...

— Si tu roules comme une grand-mère, je te fais avaler tes clés. 

Hakim me suit jusqu'à ma propre voiture, claque la portière derrière lui et ne m'adresse plus la parole de tout le trajet. 

Ca me va. Les choses sont déjà assez étranges comme ça.

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Il y en a encore pour longtemps ?  grogne-t-il  après avoir parcouru les chaines radio sans grand résultat (rien ne plaisait à Monsieur Mekra). 

Je pense avoir sous-estimé le temps du trajet. Pourtant, je suis loin d'être un escargot ou le genre de meuf à  freiner quand le feu passe à l'orange... 

Mais il faut s'éloigner de la ville et je sais où l'emmener. 

Peut-être qu'Hakim a l'habitude de ce genre d'activités. Je ne lui ai jamais demandé ce qu'il en pensait mais je crois avoir trouvé ce qui pouvait canaliser sa colère, du moins durant quelques heures. 

Seb sera parfait pour l'accompagner. 

En parlant de ce garçon, le voilà qui apparait à l'entrée. Sa peau est toujours aussi bronzée, ce qui contraste avec ses cheveux blonds presque blancs et ses tous petits yeux bleus. 

Je l'ai appelé il y a une demi-heure, quand Hakim m'a suppliée de faire une pause pour qu'il aille se chercher de quoi bouffer. Au moins, il ne fera pas le coup de la sous-alimentation. Je voulais m'assurer d'être la bienvenue, de ne pas me retrouver face à un circuit vide...Mais heureusement pour nous, il était libre et content de pouvoir rendre service grâce à son boulot. 

Seb est l'ex petit ami de Danna. Je l'ai toujours adoré contrairement à nos parents. Il a toujours été fan de voiture. Quand il était encore avec ma soeur, il commençait à rouler mais devait travailler à côté, dans un restau, pour payer son loyer. Sebastien a toujours été une personne très courageuse et je suis heureuse de voir qu'il fait maintenant partie de l'équipe Skoda, et ce, à plein temps. 

Comment va ma petite Kami ? Mieux j'espère ? 

Cette simple phrase me donne envie de me barrer mais j'ai promis au grand frère que je lui changerai les idées... 

Oui, ça va. Je te présente Hakim. 

Le rappeur lui serre la main. 

Moi c'est Seb. La petite nana ici m'a demandé de t'emmener faire quelques tours de piste avec moi. 

Le garçon hausse un sourcil. Son visage passe de son interlocuteur au circuit qui se dessine  devant nous alors que nous prenons la direction des gradins. 

Tu déconnes ? 

Absolument pas. 

Plus tard, il jura que cette idée lui était complètement égal. Pourtant, je sais que j'ai fait le bon choix quand un sourire sincère se dessine sur son visage. 

****

Je profite du temps doux et de ma lecture des correspondances entre Albert Camus et André Marlaux, quand Hakim fait son grand retour sur la terre ferme. 

Il me rejoint, en t-shirt, et s'installe à ma gauche. Je lui tends une bouteille d'eau qu'il vide d'une seule gorgée. 

Où est Seb ?  je demande. 

Il met un peu d'ordre dans les équipements. 

J'essaie de me replonger dans ma lecture lorsque Hakim ouvre la bouche : 

J'voulais pas dire ce que j'ai dit sur tes potes.

Qu'ils étaient bons donc méritaient de vivre contrairement à moi ? 

Je ne lui en veux pas. Tout simplement, parce que je ne peux pas le contredire. Je suis d'accord avec lui.  

C'est rien, tu avais besoin de digérer la nouvelle. 

Hakim écrase la bouteille d'eau entre ses doigts. 

Lana... Cette emmerdeuse, ce gnome, c'est... C'est la meuf de mon reuf. 

Et bien plus que ça. 

Et ta famille, c'est toi qui l'as dit.  

Le rappeur se gratte la barbe et se penche en avant. 

Qu'est-ce qu'il va se passer maintenant ?  Pour elle ? 

Les mots se sont enfuis de sa bouche. Je pense qu'il se parlait à lui-même mais je décide quand même de lui répondre. 

Ecoute, je vais te faire part de ce que je connais sur le sujet...

Je me retourne pour lui faire face. Hakim se replace correctement sur son siège et ses pupilles rencontrent les miennes, elles qui brillaient il y a encore quelques instants sont maintenant beaucoup plus sombres. 

Elle va être écartée de son boulot et elle devra surement se faire opérer. Puis, elle fera un peu de chimio. Elle va être très fatiguée mais c'est une nana courageuse donc je ne m'en fais pas pour elle... Tout cela peut impliquer des changements importants, elle va en discuter avec son médecin.  Elle va avoir besoin des gens qu'elle aime...Son père, Idriss, Théo...Toi. 

Je me sens obligée de préciser son nom quand je me remémore sa réaction face à Lana. Il a agi comme si la maladie se lisait sur son visage. Alors que non...Du moins, pas encore. 

Hakim tourne la tête et fixe désormais la piste occupée par différentes voitures de course. 

—  Vie de merde.

Je referme le livre une bonne fois pour toute.

—  Je sais.

****

La suite de la journée s'est déroulée comme je l'espérais. Hakim a parlé "voiture" une bonne partie de l'après-midi. J'ai pas pigé grand chose mais je les ai laissé faire.

Seb a voulu nous inviter pour le diner alors on a été dans un petit restaurant de burger où Hakim s'est fait plaisir avec un chicken burger taille XL et un supplément de frites. Il s'est d'ailleurs empressé de filmer son plat pour son compte Instagram. N'importe quoi. 

Je sais que j'ai pris la bonne décision en l'emmenant ici. Il a pu penser à autre chose et parler avec Seb de sa passion (après le rap bien sûr). 

Aujourd'hui, je l'ai découvert autrement. C'est comme si nous étions hors du temps et qu'un autre Hakim avait pris place à mes côtés. 

A aucun moment, nous évoquons ce qui s'est passé dans la chambre et ça me convient parfaitement . Je n'ai  pas envie de me justifier. De toute façon, je serais incapable de donner une explication si on me posait la question. C'était une pulsion soudaine, un truc dans le genre...

Hakim a été silencieux durant tout le trajet du retour, plongé dans son téléphone ou fixant avec attention ma manière de conduire.

—  J'irai chez Lana demain., lâche-t-il avant que je ne prenne la direction de son appartement,  Je peux pas la voir maintenant.

J'ai envie de lui dire que Lana n'est pas contagieuse et que je le croyais beaucoup plus courageux que ça. 

Mais je n'ai pas envie de gâcher sa sérénité alors je prends sur moi.

— Tu veux faire quoi dans ce cas  ?

Un rictus s'échappe de ses lèvres quand il me répond :

—  Passer chez toi.

Mon cerveau me pousse à refuser, ce serait bizarre...puis, je n'habite pas seule. 

Pourtant, c'est bien devant ma maison que je me stationne. 

Nous franchissons la porte d'entrée à pas de loup. Je n'ai pas envie d'être repérée par les parents. J'ai l'impression d'agir comme une adolescente. Alors que j'en ai 25... Et Hakim ? Il faudra que je lui demande un de ces jours. 

—  Je vais nous chercher une bouteille, je murmure, ne bouge pas.

Hakim a les mains dans les poches. Je m'éloigne et me serre dans le mini-bar de mon père quand j'entends la voix de Danna résonner dans le salon. Je me précipite, un verre dans chaque main et une bouteille de Vodka calée sous le bras, vers les escaliers. Je fais signe au rappeur de me suivre qui accélère la cadence, lui aussi, sans un mot. 

Je ferme la porte dernière nous. Quand je me tourne pour avancer dans la pièce, je me heurte à Hakim qui n'a pas bougé. 

Je suis coincée contre le bois, les mains du rappeur venant se placer de chaque côté de ma tête. 

Il me questionne du regard, comme s'il cherchait à comprendre ce qui pouvait bien se passer  dans mon cerveau. 

Notre communication est silencieuse, semblable à celle qui nous a accompagné le jour de notre rencontre. 

J'ose déposer les verres et la bouteille sur le meuble à ma droite. Mes gestes ne sont pas précis et l'un d'entre eux faillit s'exploser contre le sol. En même temps, il ne me laisse pas beaucoup d'espace pour agir, c'est comme s'il attendait que je brise le silence pour s'écarter. 

Mais il ne me connait pas, j'apprécie beaucoup trop ces moments où aucun son ne vient troubler mon existence, où la communication gestuelle et  visuelle ont beaucoup plus d'importance. 

La chambre n'est pas bien éclairée, seules les lumières extérieurs me donnent un aperçu de ses yeux sombres, de sa peau halée et de ses lèvres plissées... 

Un sourire moqueur nait sur son visage quand mes yeux s'arrêtent un peu trop longtemps sur ces dernières. 

Quel arrogeant. 

Je m'apprête à lui faire la remarque mais je n'en ai pas l'occasion. 

Parce que ses lèvres sont maintenant collées au miennes. 

Ses mains viennent se placer sous mes fesses alors qu'il me soulève pour m'emmener vers le lit, sans mettre fin à notre échange. Je suis désormais assise sur ses genoux, mes jambes placées de chaque côté de ses hanches. 

Ses doigts tentent de passer sous mon t-shirt mais je les intercepte juste à temps. Mon coeur s'emballe quand je m'écarte. Nous nous fixons, toujours en silence. 

Il ne comprend pas pourquoi j'agis comme ça, il pourrait réagir comme la dernière fois ou partir sachant qu'il n'obtiendra pas ce qu'il désire. 

Mais contre toute attente, il se rapproche à nouveau, pour m'embrasser dans le cou. Mes mains viennent se perdre dans sa nuque alors qu'il me renverse sur le lit et qu'il passe au-dessus de moi. 

Je ne sais pas combien de temps on a passé à s'embrasser, en silence. Je ne sais pas non plus pourquoi on fait ça, peut-être pour clôturer parfaitement cette journée loin des problèmes du quotidien ? 

Tout ce que je sais, c'est qu'il a fini par sortir du lit pour s'installer dans le petit canapé. Je l'ai entendu s'endormir, ses légers ronflements prenants doucement possession de la pièce. 

Je l'ai écouté durant quelques minutes pour au final, m'endormir moi-aussi, et ce, jusqu'au prochain matin...Quand je suis réveillée par un appel urgent de Ken. 

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Hey, 

Je voulais vous remercier pour tous vos commentaires sur le dernier chapitre. 

J'avais tellement peur ! 

Vous êtes les meilleurs, merci pour tout ! 

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