Chapitre 23 : Trop de colère et de tristesse, mauvais mélange dans le système.
(Lomepal feat JeanJass - x-men)
----
Le mois d'octobre vient tout juste de pointer le bout de son nez et, avec lui, un temps plus froid et un peu plus de nuages. Tout le monde porte, enfin, au minimum un pull ou un t-shirt à longues manches. Ce qui me permet de faire un break avec les questions habituelles du style "Meuf, pourquoi tu t'habilles si chaudement ?", et ça, on peut dire que ça fait beaucoup de bien.
Aujourd'hui, je porte un tailleur pantalon vert. Ce n'est pas très discret mais j'adore mettre ce genre d'ensemble. A mes pieds, des escarpins noirs. Je suis en route pour rejoindre Lana et je pense qu'un peu de couleur ne lui ferait pas trop de mal.
La petite prof m'a appelée en urgence ce matin. On lui a demandé de passer le plus tôt possible au cabinet. Elle m'a donc proposé de l'accompagner. Elle a besoin d'un appui et elle ne veut pas inquiéter Idriss inutilement, ce que je peux comprendre.
Je la retrouve donc ce matin, un café à la main. Autant, je ne dors pas beaucoup à cause de mes cauchemars...Autant, il est évident que Lana passe aussi de mauvaises nuits avec ses nausées et ses migraines chroniques. Toutefois, elle garde le sourire et sa bonne humeur habituelle. A aucun moment, elle ne se plaint ou me fait part de ses inquiétudes.
Le médecin, un jeune italien aux cheveux noirs coupés courts et au corps squelettique, finit par nous laisser entrer dans son bureau. Je lui serre poliment la main avant de m'installer à côté de Lana, face à cet homme.
Ce dernier ouvre le dossier la concernant et, durant une micro seconde, son sourire disparaît.
— Mademoiselle Rousseau...
Je le scrute attentivement. Il se gratte le cou et semble hésiter sur la marche à suivre. De plus, à première vue, on pourrait croire qu'il fixe Lana mais il regarde, en réalité, un point fixe juste derrière elle...
Crache le morceau mon vieux.
— Oui ?
Elle lui offre un sourire encourageant alors que le jeune médecin reste stoïque.
Quel imbécile, c'est pas à elle de le rassurer.
Je lui arrache le dossier des mains et jette un rapide coup d'oeil aux résultats.
Putain, c'est pas vrai.
****
Lana n'a eu aucune réaction quand les mots sont, enfin, sortis de la bouche de ce médecin incompétent.
Elle a simplement écouté ce qu'il avait à dire et a acquiescé à chacune de ses phrases. Elle a sorti sa trousse, des feuilles de papier et a décidé qu'il était temps pour elle de prendre des notes. Quand je lui ai demandé pourquoi elle agissait comme ça, elle m'a dit que c'était important de faire une synthèse de ce qu'il avait à lui apprendre, qu'elle voulait le faire sous la forme d'une "MindMap", une méthode de travail efficace pour les personnes à l'intelligence visuelle très développée. En bref, elle a agi comme si on venait de lui apprendre une nouvelle quelconque...Alors qu'on est bien loin du compte.
Sur le chemin du retour, Lana regard par la vitre tout en relisant ses notes.
C'est moi qui décide de crever l'abcès quand je me stationne devant chez elle.
— Ça va ?
C'est nul, vraiment nul comme approche.
Mais je préfère qu'elle fasse une crise maintenant que devant son mec.
— Oui. Je suis contente d'avoir, enfin, une réponse à toutes mes questions. On sait ce qui se passe !
Oh Lana, arrête de vouloir jouer la dure à cuire.
— Ne me regarde pas comme ça, s'il te plait. ajoute-t-elle après quelques secondes.
— De quoi tu parles ?
Elle soupire :
— Tu me fixes comme si tu avais pitié de moi.
Je tourne aussitôt la tête. Il est hors de question que je la traite comme mes proches ont pu le faire avec moi, bien que cela ne soit pas pour la même raison.
Je pense que c'est aussi pour ça que j'ai toujours accepté d'accompagner Lana à ses soirées ou encore au dernier concert du groupe, parce qu'ils me regardaient comme une personne normale, pas comme une victime. Et je me jure, à cet instant, de ne jamais traiter la petite blonde de cette manière.
— Puis c'est pas grave, s'exclame-t-elle subitement, T'as entendu ce qu'il a dit : c'est cool car j'ai eu les symptômes assez tôt... Ce qui est très rare à ce stade. Il me suffit de faire quelques séances et on en parlera plus.
Mais ce ne sera pas que du plaisir Lana... De plus, le risque zéro n'existe pas. Puis, il y a tellement d'autres choses à penser et à prendre en compte.
Je décide toutefois de me taire. Il faut déjà qu'elle digère la nouvelle. Cependant, je ne peux m'empêcher de préciser :
— Et une opération...Tu auras quelques séances ET une opération.
Sa voix devient plus sévère et ses yeux s'assombrissent.
— Une opération ? Jamais de la vie.
Elle se précipite en dehors de la voiture quand elle s'aperçoit que je suis prête à relancer le sujet.
— Viens, je t'offre un verre.
Elle veut éviter le sujet mais il faudra en parler à un moment ou un autre.
D'ailleurs, il va falloir le faire tout de suite.
Parce que lorsque nous franchissons la porte de son appartement, nous découvrons Idriss et Hakim, affalés sur le canapé, en pleine séance de baston sur "Tekken 7" .
— Vous êtes pas au studio ? les questionne Lana avec énergie.
— Nan, on passe notre tour aujourd'hui. lui répond Idriss en nous rejoignant autour de la table.
Le garçon appuie sur le bouton "pause" de la manette, pour le plus grand désarroi de son frangin qui reste assis sur le canapé.
Après avoir embrassé furtivement Lana, Idriss s'apprête à faire demi-tour mais son regard s'arrête sur le document qu'elle tient entre ses mains : La "jolie" MindMap colorée.
"Ce type de synthèse est très visuel, tu peux savoir de quoi ça parle en un seul coup d'oeil."
Effectivement Lana, tu avais raison.
— C'est quoi ça ?
La voix du rappeur est anormalement grave ce qui fait réagir Hakim, il relève la tête et nous fixe avec méfiance.
— Oh... On peut en parler plus tard ?
La petite blonde est prise au piège.
C'est maintenant que tout va changer...
Parce qu'elle va devoir le dire à la personne qu'elle aime le plus au monde.
Les secondes semblent durer une éternité avant qu'elle ne s'exprime d'une voix basse, presque enrouée.
Mais elle le fait, toujours sans pleurer.
Lana a 26 ans... Et un cancer du sein de stade 2 plutôt avancé.
Idriss s'assied sur la chaise et l'écoute attentivement. J'ai l'impression qu'il est en état de choc. Ses yeux si expressifs transpirent la détresse et ses mains se plient dans tous les sens. La blonde s'installe sur ses genoux et murmure dans le creux de son oreille :
— Tout va bien se passer, je te promets. C'est pas aussi grave que ça en a l'air.
J'ai l'impression d'être de trop. Je m'avance dans l'appartement pour leur laisser plus d'intimité. Ils ont besoin de se retrouver seuls, du moins aujourd'hui.
C'est là que je réalise quelque chose : Hakim a disparu.
Je regarde autour de moi. Les garçons avaient mis un peu de musique donc je dois tendre l'oreille mais un bruit sourd provient d'une pièce que je ne connais pas encore.
J'ouvre la porte et comme je pouvais m'en douter, il est en train tout de péter dans ce qui semble être la chambre d'amis.
Les pauvres meubles sont victimes de ses coups alors que les bibelots et les livres sont à terre.
Je me précipite à l'intérieur et tente de le résonner.
— Tu fous quoi putain ? Calme toi !
L'ordre que je n'aurais pas dû formuler...
Ses yeux lancent des éclairs.
— Tu veux que je me calme ? Alors que des pourritures comme mon cousin ont la belle vie et que des personnes comme Lana finissent à même pas trente ans dans une boite ?
Evidemment, il est touché. D'un côté, le petit Akrour est paralysé et de l'autre, le grand a envie de tout défoncer sur son passage.
Parce que même s'il a toujours dit le contraire, il est évident qu'il a beaucoup d'affection pour Lana.
— Hakim, son cas est encourageant. On l'a découvert à tant, il y a de très grandes chances pour que tout rentre à nouveau dans l'ordre. Laisse-lui le temps de t'expliquer tout ça mais elle a besoin que tu sois près d'elle, pas que tu refasses la déco de son appartement !
Hakim ricane lorsqu'il balance un cadre photo, heureusement vide, à l'autre bout de la pièce.
— Parle pas, tu peux pas comprendre, c'est pas ta famille.
Lana serait tellement touchée de l'entendre dire ces derniers mots.
Je tente de m'approcher. Son poing est écorché alors qu'il frappe de toutes ses forces contre la commode.
— Je sais, je peux pas comprendre, je murmure pour ne pas éveiller les soupçons des deux amoureux, mais j'ai travaillé avec des médecins et je sais que le cas de Lana est loin d'être perdu. Tu dois être fort pour elle. Hakim, bordel, écoute-moi et arrête, s'il te plait.
Je m'interpose entre lui et sa prochaine cible.
Ses yeux expriment désormais une rage folle, sa mâchoire est serrée et ses poings tremblent légèrement.
— Dégage Kami.
— Non.
Il se saisit d'un deuxième cadre, trônant sur la table de nuit juste à sa droite.
— Ne fais pas ça Hakim.
— Faire quoi ? Est-ce que je vais être puni ? Evidemment que non, ce sont les bonnes personnes qui finissent avec des putains de problèmes. Regarde, toi t'es toujours là alors que ton petit John et ta gentille Sky ils ont disparu.
Il tient l'objet si fermement que le cadre se fissure.
— Alors, me fais pas chier.
C'est là qu'il s'en débarrasse avant de se tourner vers la petite table de nuit qui s'apprête à subir le même sort.
Il faut stopper ce massacre et vite.
Je m'élance à sa rencontre, je tente de maintenir ses bras mais il a beaucoup plus de force que moi.
— Je t'ai dit de dégager !
Ses mains tremblent de plus en plus. Tout ça va très mal finir si je n'interviens pas tout de suite.
Alors, dans un geste désespéré, sans vraiment y réfléchir, je me jette sur ses lèvres.
Il ne bouge plus, moi non plus. Je suis sur la pointe des pieds et nous sommes uniquement reliés par ce baiser.
Je m'écarte plutôt rapidement, pensant avoir multiplié sa colère par dix.
La preuve en est, il s'avance brusquement, ce qui m'oblige à reculer. Je me heurte au mur alors que ses yeux n'ont jamais été aussi menaçants.
Hakim peste entre ses dents... puis s'élance à son tour.
Nos lèvres sont à nouveau scellées et ses mains viennent s'agripper à mes hanches. Ses baisers sont à la fois violents et précipités comme si sa colère était canalisée dans notre échange.
Je suis prête à morfler si c'est pour qu'il arrête de prendre cette pauvre chambre comme un punchingball.
J'ose encercler son visage avec mes mains, l'encourageant ainsi à continuer. Sa peau est brulante et sa respiration saccadée.
Quand il s'écarte, il ne tremble plus. Sa tête vient s'appuyer contre le mur juste à côté de moi.
— Hakim, tu me fais confiance ?
— Non.
Il faut que j'agisse vite.
— Pourtant, il va falloir me suivre.
--------
C'est un sujet qui me tient à coeur, je m'inspire de ma propre expérience.
Je tenais à vous remercier pour tous vos commentaires, vos votes et lectures.
Ecrire sur Wattpad est un véritable bonheur.
Je vous embrasse.
Am'
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top