Chapitre 17 : J'ai du mal à l'admettre mais j'ai jamais été aussi perdu.

(Orelsan - San

Ses concerts me manquent. Vite le 11 juillet. Tous à Dour bb.

--- 

En deux ans, j'ai toujours réussi à me protéger. 

En réalité, j'ai fui mes problèmes en prenant le premier avion en direction de l'Inde, un pays où j'étais en position de force et où je me sentais utile et entourée par des personnes que j'aime. 

Mais depuis mon retour en France, malgré mes tentatives d'évasion, tout me ramène à eux, mes amis, ma bande, mon squad....Qui n'existe plus. 

Kami, calme-toi. S'il te plaît.

Antoine me parle dans le creux de l'oreille, en même temps, je ne sais pas s'il est encore en mesure de bouger. Je ne suis pas du genre câline, encore moins avec les personnes que je viens tout juste de rencontrer... Et, pourtant,  je m'accroche à son polo comme si ma vie en dépendait.

 J'ai besoin de la part de John qui est en lui.

Je me ridiculise. Le pauvre me connait depuis seulement quelques heures et je suis déjà en train de pleurer comme une madeleine. Heureusement, il n'y a personne d'autre autour de nous.

Enfin, il ne faut jamais parler trop vite....

Parce que Théo, Idriss et Hakim quittent la scène, laissant Ken seul face à son public. 

Un organisateur leur tend  une bouteille d'eau  et des serviettes. C'est alors que Framal regarde derrière son frère et nous aperçoit. 

Il tente un coup de coude discret à Théo mais c'est raté. Ils scrutent tous les trois la pauvre nana collée contre leur pote. 

Je tente de contenir mes larmes mais cela devient de plus en plus compliqué. Je suis en pleine crise de nerf et elle ne fait que s'accentuer avec la gène ressentie à cet instant.

Je suis plus forte que ça bordel. 

Wesh qu'est-ce qu'elle a ?  s'exclame Idriss en se rapprochant dangereusement de notre position. 

J'sais pas les mecs. Mekra, tu rappais ton couplet de "Serein" et elle a fondu en larmes.

Oh non Antoine. Ferme-la où je te fais avaler ta langue (après avoir abusé de ta patience bien évidemment). 

C'est rien. , dis-je en me redressant, juste un petit coup de mou.

Au même instant, le papier qui est en boule entre mes doigts, m'échappe et glisse sur le sol. 

C'est quoi ça ? me questionne Théo.

— C'est rien je vous dis. 

Je me penche pour le ramasser mais Hakim est plus rapide.

Il lit dans sa tête le titre en lettres dorées : "La liste des choses à faire by Sky the Sunshine et Kami the sexy lady."

N'importe qui aurait réagi face à ce titre ridicule, que cela soit par un fin sourire ou une mine blasée, mais Hakim reste de marbre.

Sky, c'est ta pote qui est morte ?

Aucune délicatesse comme toujours mais je commence à avoir l'habitude avec lui.

Ma petite Sky, ses titres d'accroche toujours ridicules, la façon qu'elle avait d'ébouriffer les cheveux de John quand il passait trop de temps sur son ordinateur...

Et voilà. Je suis repartie. Ma tête part instinctivement se réfugier contre l'épaule d'Antoine. J'ai pas envie que les autres me regardent. Surtout Hakim.

Je n'ai jamais été aussi vulnérable et cela m'inquiète. Si je réagis déjà comme ça juste parce que j'ai croisé  la mère de mon amie, comment vais-je supporter le procès ? Suis-je assez forte pour me confronter à toutes ces têtes curieuses ? 

Flav, bouge toi c'est pas comme ça que tu vas la calmer. ordonne Hakim de sa voix autoritaire. 

Antoine me tapote le dos avant d'obéir à son ami. Il m'offre un sourire réconfortant alors que l'autre rappeur prend sa place sur la chaise. Hakim me regarde droit dans les yeux, ses sourcils toujours froncés et sa mâchoire serrée :

Je savais que t'étais dingue. Mais là je vois que t'es aussi une fiotte.

Je me redresse légèrement quand il reprend : 

T'es ridicule. Tu joues tout le temps la meuf forte mais t'es super paumée. T'as retrouvé un bout de papier  et tu pleures comme une merde dans les bras de ce pauvre Flav qui est trop gentil pour te repousser.

Antoine s'apprête à riposter mais Hakim lui fait signe de se faire. 

Mais moi je suis pas Flav alors je vais te le dire : t'es pathétique. 

J'en ai assez, il n'a aucun droit sur moi, qu'il arrête de faire comme s'il me connaissait. 

Hakim, stoppe...

Mais il continue d'agir comme s'il ne m'avait pas entendue. 

Madame fume et boit comme un homme. Pourtant elle est incapable de se foutre en maillot et d'assumer que son pote est certainement coupable de meurtre. Ta vie c'est de la merde, alors tu cherches une raison d'exister grâce à Lana mais faut que tu te reprennes en main... Sauf si tu veux rester une sous-merde pour toujours. 

Connard, tu vas le payer. 

Je me jette sur lui, prête à lui assener un coup, mais, comme à la libraire, il anticipe mon geste et attrape mon bras à la volée, à quelques millimètres de sa joue perlée par des gouttes de sueur.  

Je crois rêver quand un petit sourire satisfait se dessine sur son visage. 

Quoi ?

—  T'as arrêté de pleurer comme une fillette.

Puis il se redresse et repart en direction de la scène. Quelques minutes plus tard, ils rejoignent Ken qui se lance dans l'interprétation de son plus grand tube. 

"On sèche les cours, la flemme marque le quotidien..."

Je suis bouche bée. Le mec m'a craché toutes ces horreurs dans le seul but de faire ressortir ma rage... Et que celle ci prenne le pas sur ma tristesse.  

Antoine n'a rien compris à ses paroles. Des dizaines de questions doivent se bousculer dans sa tête mais il ne dit rien, respectant mon silence, celui que j'apprécie et qui me protège. 

***

Etant un festival très familial, ce dernier ferme ses portes sur les douze coups de minuit. Toutefois, le site est toujours mis à disposition des artistes. Ces derniers peuvent ainsi profiter du buffet et de l'alcool qui coule désormais à flot. 

Profitant de l'air frais, je suis assise à même le sol,  Antoine toujours à mes côtés. Ce dernier fume une cigarette tout en répondant à des mails sur son portable. 

Hakim passe à côté de moi, un verre de Whisky dans les mains. Il me balance la liste de Sky sur mes genoux puis trace sa route. 

Je suis tellement soulagée de voir ce bout de papier. Il a survécu, il ne l'a pas balancé après son concert. Pour la première fois depuis notre rencontre, je suis reconnaissante envers ce crétin. 

Je fais rapidement le tour de nos souhaits. Le premier est certainement le plus ridicule, je m'en souviens à peine...

Mais ça me donne une idée. 

Dis, Antoine ? 

Mmh

Ce mec vit pour son travail, je sais qu'il ne m'écoute qu'à moitié. 

Tu connais bien la région ? 

Le blondinet relève la tête quelques secondes : 

Un peu. On est passé par ici avec 1995... Mais ça fait un bail. 

Je lui tends la liste de mon amie. 

Tu sais pas s'il existe un endroit, pas loin d'ici, qui m'aiderait à réaliser cette action ? 

Un petit rire se perd dans sa gorge. 

Ouais. Mais je te préviens, tu vas devoir marcher. 

Je suis prête à le faire. 

Comme pour l'encourager à me donner les informations nécessaires, je lui tends mon portable. Flav' y enregistre les coordonnées GPS. 

Ce sera tout ? dit-il d'un air moqueur. 

Sauf qu'il n'aurait pas dû me lancer là-dessus. 

En fait, non.

Antoine ne réalise pas la chance qu'il a d'être ici, avec ses amis, avec ces personnes qui l'ont accompagné durant une grande partie de sa vie, des personnes qui partagent sa passion et son univers. 

Va retrouver tes potes. Le boulot, c'est fini pour aujourd'hui. Math a assuré, ça devrait être suffisant pour toi... Profite de leur présence, tu peux jamais savoir de quoi sera fait demain. 

Et voilà que je me transforme en philosophe...

Je lui tends ma main qu'il empoigne en se redressant. Cette dernière  vient, ensuite,  se déposer sur mon épaule lorsqu'il prend la direction du barbecue où se trouvent  Ken et Mohammed, ces derniers se battant avec des brochettes de légumes grillés. 

A mon tour de retrouver mon amie, le temps d'une soirée, à ma manière. 

Je passe devant le groupe de Lana et Idriss sans m'arrêter. La petite blonde semble toujours désolée pour tout à l'heure. J'ai envie de lui dire que ce n'est rien mais devant tout le monde, c'est hors de question, cela attendra. 

En plus, j'ai le pressentiment que quelque chose ne va pas. Elle n'est pas naturelle, elle surjoue parfois et elle s'implique beaucoup trop dans cette histoire. Il faudra mettre tout ça au clair, un de ces jours. 

Aujourd'hui, j'ai envie de penser à Sky. 

Hakim. 

Je ne comprends pas trop ce qui me prend, je regrette presque de l'avoir abordé quand le rappeur se tourne vers moi, son verre, à nouveau, rempli à ras-bord. 

Tu veux quoi ? 

Il regarde en direction de son groupe. Il attend que je le libère. 

Rien laisse tomber. 

Ma réponse lui fait lever les yeux au ciel avant même que je ne termine ma phrase : 

Putain, accouche. 

Très bien, il l'aura voulu. 

Je lui montre la liste, toujours chiffonnée entre mes doigts : 

Ca te dirait de te bourrer la gueule ? Et pas avec des bières à vingt centimes. C'est moi qui invite, évidemment. 

Le garçon se gratte la barbe. Sa réponse tarde à arriver. 

Je me retourne et prends la direction de la sortie de ce drôle de festival. 

C'est alors que sa voix résonne comme un écho : 

Ok. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top