Chapitre 15 : Les gens sont tous les mêmes, bébé, ne danse plus.

( L'Entourage - Bal Masqué) - Le refrain de Flav'

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Deux jours plus tard, alors que mon père refuse toujours de m'adresser la parole et que ma soeur passe le plus clair de son temps à m'oppresser avec toutes ses questions sur Hakim (questions auxquelles je suis incapable de répondre), je parviens à me faufiler, in extremis, en dehors de la maison, un tailleur pantalon rouge sur le dos.

Il est temps pour moi de retrouver Lana et le reste de sa secte pour le concert du S-Crew qui aura lieu ce soir à l'extérieur de la ville.

Quand j'arrive devant son appartement, je lui envoie un message dont la réponse me parvient quelques secondes plus tard : Tu peux entrer, c'est ouvert. Je me dépêche.

Je monte les différents étages de l'immeuble pour être accueillie par un beagle en surpoids qui se jette sur moi.

Je le repousse gentiment et cherche du regard sa propriétaire mais la blonde reste toujours introuvable...et le chien collé contre ma jambe.

Je me déplace jusqu'au salon. La décoration y est sobre, très peu de bibelots et encore moins de photos. Seuls quelques cadres sont placés sur une étagère près de la télévision. Je m'avance, un peu plus, pour les observer en détail, lorsque je tombe nez à nez avec les frères Akrour en pleine séance de sport.

Les deux garçons font des pompes, l'un en face de l'autre. Ils transpirent comme des boeufs et se claquent dans la main à chaque fois qu'ils parviennent à remonter et à tendre leurs bras.

Idriss est à bout de souffle mais ne laisse pas tomber l'exercice.

Il hurle d'une voix étranglée :

- Lana, bouge tes fesses! Ton chien arrête pas d'emmerder TON invité.

Kamilah c'était bien aussi comme nom, connard.

- Ouais Lana, dépêche-toi parce que TON petit mec est à deux doigts de faire une crise cardiaque.

Idriss fronce les sourcils avant de murmurer :

- C'est pas vrai.

Hakim ne réagit pas à notre échange, ses mouvements sont même de plus en plus rapides.

Lana surgit, soudainement, d'une pièce que je soupçonne être la salle de bain. Elle porte une robe longue et des sandales plates, inutile de vous préciser la couleur de ses vêtements.

- C'est pas fini ce cinéma ? s'exclame la petite blonde en déposant son pied sur le dos de son keum qui est, désormais, obligé de rendre les armes.

- Mec, sérieux ?! Elle pèse que dalle.

Hakim se redresse et balance violemment une serviette dans la tête de son frère.

- Dépêchez-vous. Si on ne part pas bientôt, Ken et Théo devront faire leur concert à deux... Ou alors, ils vous feront remplacer. souffle Lana, un air blasé sur le visage alors qu'elle me tend une tasse de thé chaud.

Idriss s'arrête quelques instants derrière sa nana et lui murmure dans le creux de l'oreille :

- Tu sais que je suis irremplaçable.

Lana roule des yeux mais un sourire satisfait se dessine sur son visage.

Je regarde le couple amusée contrairement au deuxième Akrour qui s'exclame :

- Ridicule. Je préférais quand vous vous cachiez dans une piaule à Bruxelles.

S'en suis des chamailleries entre frères digne de celles perpétrées par mes petits cousins de 12 ans.

Depuis mon arrivée, Hakim m'ignore. Il fait comme si je n'étais pas là et d'une certaine manière, cela m'agace. Si on n'est pas capable de rester l'un à côté de l'autre dans la vie de tous les jours, comment voulez-vous que l'on parvienne à être crédibles devant ma petite famille ?

***

Nous roulons depuis une dizaine de minutes quand Hakim prend la direction d'une allée et se gare, sur ce qui semble être, un parking privé.

- C'est quoi ce bordel ?

Super Kami. On avait dit quoi sur cette mauvaise habitude de parler toute seule ?

Idriss prend la parole :

- Tu pensais qu'on allait se taper toute la route dans la caisse de mon reuf ?

Hakim ricane dans sa barbe. Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle.

- Alors, on fait quoi ? je demande.

Comme unique réponse, ils quittent tous les trois la voiture. Je suis obligée de faire de même. Le grand frère est capable de m'enfermer dans sa caisse si je ne réagis pas assez vite.

Et c'est là que j'ai la réponse à toutes mes interrogations.

Un gigantesque bus de couleur grise se dessine sous mes yeux, le logo de leur label inscrit d'une encre blanche sur le flan du véhicule.

Lorsque nous entrons, je suis impressionnée par la place mais également par le nombre de personnes se trouvant, déjà, à l'intérieur.

Je reconnais Deen, Ivan et Eff qui sont installés sur leur siège, des nanas à leurs côtés. Alpha et Moh jouent à la play (une console, sérieusement ?) alors que Doums, les jambes tendues sur le siège d'à côté, fume un spleef avec un faux blond que je ne connais pas encore.

Je salue rapidement tout le monde. Lana se place près d'une brune, la meuf de Théo je crois. Je décide donc de m'asseoir derrière Doums, à côté du blondinet. C'est stratégique car, comme je pouvais m'en douter, celui-ci me tend sa marchandise que j'accepte volontiers.

Au même instant, Ken et Théo débarquent avec le reste de leur troupe.

On roule depuis une vingtaine de minutes quand Nekfeu décide qu'il est temps d'improviser un rap.

Toujours un plavon sur le tec'
Même quand y'a pas de 'teilles
On veut que monter comme le prix après l'euro
Tu connais la tech' quand il manque une tête
On débarque dans ta fête et puis appelle le kho

Je dois dire qu'il m'impressionne par sa rapidité mais ce qui me surprend encore plus, c'est que tout le reste du groupe s'est tu à la seconde où le garçon a commencé son couplet.

Théo le rejoint sur le refrain puis tout le groupe se lance à leur tour. Ils rappent alors que Lana et les autres gonzesses les regardent émerveillées.

Je me sens si étrangère à leur grande famille. Ils sont soudés, se connaissent, s'entraident quand l'un ou l'autre s'emmêle les pinceaux. En bref, il faudrait être aveugle pour ne pas remarquer à quel point ces personnes s'aiment et s'admirent, un doux mélange des deux.

Et moi je suis la meuf qui s'incruste dans tout ça. Pour tenter de sauver ce qui reste de ma bande à moi.

Plus les minutes passent et plus ils semblent devenir dingues. Deen bouge allègrement la tête alors que Mohammed est à deux doigts d'ôter son t-shirt.

Ils sont tous les mêmes, c'est leur cocon. Je n'ai pas le droit d'être là avec eux, c'est une part de leur intimité. Moi-même, je devenais folle quand un étranger sortait dans notre cour, notre lieu de rendez-vous entre deux interventions.

J'ai soudainement l'impression d'être dévisagée par les nanas entourant Lana, mais aussi, par ceux que je ne connais pas encore. Quant aux membres du S-Crew, ils agissent tous comme si je n'étais pas là, s'étant tous installés à l'entrée du bus, près des bouteilles d'eau.

Il faut que je sorte de là.

- Excuse-moi ?, le blondinet se retourne et me sourit attendant que je continue ma phrase, Tu sais pas s'il y a un endroit dans ce bus où je peux m'isoler ?

Il tire sur son joint avant de me répondre :

- Ouais, tu peux monter à l'étage mais attends parce...

J'ai pas envie de l'écouter, je me relève sous l'oeil indifférent de Lana et du reste du groupe, prenant la direction des escaliers.

Je regarde mes pieds en montant et je sursaute quand, arrivée en haut des marches, je rendre en collision avec une autre personne :

- Putain, mais vous êtes partout ma parole. Il y a pas moyen d'être seule ? je m'exclame.

Ces yeux bleus qui me fixent, je les ai déjà vus chez Doums la dernière fois.

- Si, c'était possible... Avant que tu débarques.

De grosses poches violettes se dessinent sur son visage et lui donne presque l'air malade. Je ne suis pas la seule à avoir des nuits difficiles.

Le garçon retourne s'installer à sa place initiale. Il n'attend pas de réponse, il s'en fiche en réalité.

Contrairement à tous les garçons se trouvant en bas, il n'est pas en jogging et sweat à capuche. Non, Antoine (si je me souviens bien) a, en réalité, une certaine classe avec son polo et son jean. Son regard perçant passe de son ordinateur à des documents qu'il a empilés sur la table.

- Tu vas pas t'amuser avec ton Entourage ?

Ses sourcils se redressent , il ne devait pas s'attendre à ce que j'ouvre la bouche. A vrai dire, je me surprends moi-même.

Mais quand je le vois, taper avec énergie sur les touches de son clavier, c'est encore John qui me revient en mémoire.

- J'ai trop de boulot. L'album de Math est presque prêt mais nous on l'est pas.

Je ne sais pas qui est "Math" et de toute manière, je m'en moque.

- Si tu cherches à te rendre utile, ajoute-t-il après quelques secondes, tu peux jeter un oeil au planning de la tournée et me dire si tu trouves ça crédible ?

J'acquiesce. Le travail qui m'a été confiée me permet de penser à toute autre chose le temps du trajet, profitant, par la même occasion, de l'agréable silence, seulement troublé par le bruit des touches de son clavier.

Lorsque nous arrivons enfin à destination, Antoine me remercie silencieusement. Il range ses affaires dans son sac à bandoulière puis descend à ma suite.

Il ne reste plus que quelques personnes à l'intérieur dont Hakim qui hausse un sourcil en me voyant descendre en compagnie de son ami.

- Tu sais qu'il préfère les blondes ? murmure-t-il quand je passe devant lui.

Hein ? Qu'est-ce qu'il a dit ?

Je me retourne pour l'observer mais il est déjà retourné dans une discussion des plus mouvementée à propos du dernier mondial de football avec son pote Eff.

De toute façon, je n'ai pas le temps d'y penser car déjà Lana me tire par le bras.

- On y va kami, le travail nous attend !

Toujours beaucoup trop motivée.

J'en reviens presque à regretter le calme et la tranquillité qui avaient pris possession de mon corps à l'étage.

J'espère que la petite prof a une bonne raison de m'emmener ici, sinon, je risque de péter les plombs plus tôt que prévu.

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Petit chapitre de transition dont je ne suis pas très très fane...

Ca fait des jours que je suis dessus mais quand ça ne veut pas, ça ne veut pas :).

J'espère, malgré tout, qu'il vous aura plu.

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