Chapitre 14 : Dis-toi qu'changer ton histoire triste en une romance ça va vite.
(1995 - La suite)
----
Je ne sais pas trop ce qui m'a pris... Mais je n'ai jamais autant voulu disparaitre.
Bien sur qu'il m'arrive de mentir. Cependant, jamais à ma famille.
En disant ceci à mon père, je voulais lui faire mal, le faire taire... Mais je n'aurais jamais du mêler Hakim à tout ça.
Je n'ose plus ouvrir la bouche, toujours ce faux sourire sur mon visage. Je tiens fermement le bras du rappeur, je pense même que mes ongles lui rentrent dans la peau. Pourtant, il n'a toujours pas bougé.
Mon père a les yeux grands ouverts. Il examine avec attention le garçon dont le style ne lui plait pas. Avec sa casquette sur la tête et son jogging, il est loin d'être à l'image de ce que peut apprécier mon paternel.
En parlant du gendre idéal selon les Singh, Hari semble impressionné par la carrure du grand Mekra. Il doit penser qu'il n'aurait jamais dû proposer de m'accompagner au mariage de Danna, surtout qu'Hakim a, maintenant, les sourcils froncés et la mâchoire serrée.
Ne t'en fais pas Hari, ce n'est après toi qu'il est en colère. C'est moi qui risque de disparaitre de la surface du globe d'une minute à l'autre.
C'est mon père qui décide de mettre fin à ce silence gênant. Il s'approche et tend une main assurée vers Hakim :
— Ajamil Singh.
Le rappeur hésite. Je le sens.
Toutefois, je suis incapable de l'analyser. A quoi penses-tu Hakim ?
On s'est déjà pris la tête (plusieurs fois), je m'en suis prise à sa caisse chérie et je l'intègre dans mes mensonges (pour la seconde fois).
Il a donc toutes les raisons du monde de me balancer.
Pourtant, contre toute attente, il finit par répondre à la poignée de main de mon père :
— Hakim Akrour.
Avant de se retourner vers moi :
— Il faut qu'on parle. Tout de suite.
Papa me questionne du regard. C'est vrai que pour le "nouveau petit ami de sa fille", Hakim m'accoste un peu trop violemment.
— Je reviens, Pita. dis-je en souriant comme pour le rassurer.
J'emmène le rappeur dans l'arrière boutique et referme la porte à clé derrière moi. Il est hors de question que l'on soit interrompu à nouveau.
— C'est quoi ton problème ?
Il est presque en train d'hurler. Je lui fais signe de baisser le volume mais rien n'y fait :
— J'vais pas jouer le mytho pour que t'aies pas à sortir avec ce pédé !
Je m'avance près de lui et murmure :
— Je suis vraiment désolée ok ? C'est sorti tout seul.
— T'es désolée ? Mais je m'en bas les couilles que tu sois désolée ! T'es complètement malade ! T'as intérêt à me sortir de cette merde, je suis pas ton pote Kamilah, j'ai aucun service à te rendre.
Quand il insiste sur mon nom, je me rends compte à quel point il a raison.
Je dois me faire soigner et c'est urgent.
Je m'installe sur la chaise de bureau et prends ma tête entre les mains.
C'est alors qu'on frappe à la porte et que la voix maternelle de ma soeur retentit :
— Kamilah ? Tout va bien ? J'aimerais te parler quelques minutes.
Génial. Il ne manquait plus que ça.
Je vais devoir m'excuser devant toute ma petite famille.
— Reste ici deux minutes, s'il te plait, je souffle à l'attention du rappeur, je vais leur dire la vérité. Promis.
— T'as intérêt.
Il est toujours en colère, toujours désagréable à souhait.
Sauf qu'aujourd'hui, je ne peux pas lui en vouloir.
Je retrouve Danna près de l'étagère détruite par Hakim.
— Tu m'expliques pour ça ? Et aussi pour l'autre scoop ?! Tu as un petit ami ?
Elle est hystérique.
— Je vais m'occuper de ce bordel ! Mais pour parler d'Hakim, je... Enfaite...
Je n'ai pas le temps de chercher mes mots. Mon père nous rejoint :
— Kamilah. C'est une blague dis-moi ? Tu ne sors pas vraiment avec ce garçon ?
Danna hausse un sourcil :
— Pita, t'es sérieux ? Il est plutôt canon...Et Kamilah a un mec ! Tu devrais être content. Et si on l'invitait, lui aussi, le 08 pour diner ?
Oh mon dieu. Faites qu'elle se taise.
— Laissez-moi parler.
— "Canon"?, la questionne mon père en m'interrompant, il n'a aucune classe. Je sais pas trop ce qu'il doit faire comme métier mais ça doit pas être glorieux... En réalité, kamilah. Je suis très déçu de toi.
Et c'est reparti. Je croises les bras, m'apprêtant à recevoir ma sentence.
— Tu m'as toujours déçue. Tu as laisser tomber l'affaire familial pour faire un métier qui ne t'apporte aucune reconnaissance, tu as été blessée lors d'un accident et tu as baissé les bras au lieu d'être reconnaissante d'être encore en vie. Tu as toujours tout fait pour me rendre malade. Pourquoi ne prends-tu pas exemple sur Danna ? Elle est enceinte et bientôt mariée à un homme respectable. Toi, tu as été chercher la première racaille du coin. Alors que les choses soient claires, je ne veux pas de lui pour un dîner en famille.
Je ne réagis pas à ses remarques. C'est habituel. Danna est la petite fille modèle et moi je suis la rebelle.
Je suis Vishnu, le démon au visage d'ange. Il l'a toujours dit.
Par contre, il n'a pas à s'en prendre à Hakim. Il ne le connait même pas.
Il est temps pour moi de le sortir de ce merdier.
— Ecoutez, ce n'est pas nécessaire...Parce qu'en réalité, Hakim n'est pas...
— Un diner ?
Je sursaute quand sa voix retentit derrière moi. Je ne suis pas la seule à avoir été surprise par le ton cassant qui est venu interrompre notre conversation.
Hakim croise les bras à son tour lorsqu'il se rapproche :
— Je serai ravie de diner avec vous.
C'est quoi ce bordel ?
Danna saute de joie et se présente au rappeur qui lui serre la main poliment. Papa murmure des insultes en Hindi dans sa barbe avant de partir, Hari sur les talons.
Ma soeur finit, elle aussi, par quitter les lieux. Elle voulait m'aider à tout ranger mais j'ai refusé. Elle est enceinte, qu'elle se repose.
Quand elle passe la porte, je me précipite vers le rappeur, assis par terre depuis une dizaine de minutes, assommé par l'enthousiasme de ma soeur.
— Pourquoi t'as fait ça ? Je lui demande.
Ma voix se brise. Je suis perdue par cette situation qui a dégénérée sous mes yeux. J'ai lancé les hostilités et tout semble se retourner contre moi.
Je m'installe à côté de lui. Il a un geste de recul et glisse vers la gauche. Mes jambes viennent se rabattre contre ma poitrine.
— J'ai pas aimé la façon qu'il avait de te parler.
Je n'ose pas le regarder. De toute manière, il est trop occupé à détruire un livre de Dan Brown pour me scruter lui aussi.
— Tu l'as entendu ?
Un rire moqueur vient se perdre au fond de sa gorge
— Ouais. Aucun père n'a le droit de parler comme ça. Sinon, t'as pas à faire des gosses.
Le sujet de la famille semble le toucher particulièrement. Le bouquin, coincé entre ses mains, subit toute sa colère.
— Tu vas donc venir le 08 ?
Après une minute de silence qui semble durer une éternité. Il répond :
— La bouffe a intérêt à être bonne.
Sur ces mots, la couverture, qu'il a arraché, est balancée à travers la pièce.
Je n'ose pas lui faire la morale, je n'ai pas le droit, pas ce soir.
—Je te promets que ce sera la dernière fois. Après, je dirai qu'on a rompu.
Le rappeur se relève et se dirige vers la sortie :
— T'as pas le choix façon.
La porte claque bruyamment derrière lui.
Je reste assise sur le sol et m'allume, rapidement, une cigarette.
C'est alors que mon téléphone vibre dans mon sac.
Un appel de Lana.
Je décroche et tente de m'exprimer d'une voix paisible.
— Salut.
— Kami ! Tu vas bien ?
Comment fait-elle pour être aussi enjouée après notre échec de l'après-midi ?
— Je vais bien. Et toi ?
— Oui super. Dans deux jours, les garçons participent à un événement. Ils vont faire un genre de concert privé pour obtenir des fonds. C'est à l'extérieur de la ville. Je me disais que tu pouvais venir avec moi... Pour qu'on discute de la suite.
Cette fille a le coeur sur la main. Ca doit lui jouer des tours.
— Pourquoi tu fais tout ça Lana ? Réponds-moi franchement, je ne comprends pas.
Elle se tait. J'entends qu'elle se déplace, qu'elle s'isole.
— J'ai besoin de me changer les idées.... Sinon, je vais finir par péter les plombs.
C'est tellement contradictoire avec son comportement au quotidien.
— Ca va pas avec Idriss ?
Et moi, je m'intéresse à son couple. Le monde part en cacahuète.
— Oh si. Quand il est dans les parages, tout va bien. Mais quand je suis seule... Je ne sais pas, il y a quelque chose qui tourne pas rond chez moi, je le sens. On en parlera dans deux jours, si tu acceptes de venir.
Je tire une longue taffe avant de lui répondre :
— Ok. Je viens avec toi à leur concert débile.
Lana me donne les informations nécessaires, puis raccroche, me laissant seule dans le bordel qu'est maintenant la librairie... Et ma vie.
-----
J'espère que le chapitre vous aura plu.
Je vous ai mis une petite chanson de 1995 parce que j'écoute leurs morceaux EN BOUCLE.
L'adolescente de 16 ans (que j'étais) a repris possession de mon corps de jeune adulte .
Et vous ? Un artiste à répétition ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top