Chapitre 13 : On f'ra mal comme le kho de Mekra.
( Nekfeu - Nekketsu)
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C'est la rentrée des classes aujourd'hui. Lana a donc repris son job de prof à plein temps. Toutefois, elle a promis qu'elle viendrait me chercher à la librairie juste après sa journée de travail.
Je l'attends impatiemment. Je me grille une cigarette entre deux rayons, assise par terre avec une oeuvre de Françoise Lallande entre les mains.
Je pars à la découverte de la vie mouvementée d'Arthur Rimbaud, la seule façon d'occuper mon esprit.
Quand il est question de Jassim, je suis capable de péter les plombs. Mon coeur est toujours à deux doigts de s'échapper de ma poitrine.
Je suis à la moitié du livre quand un message m'annonce de sa présence.
— Danna, j'y vais. Je prendrai le relais pour la fermeture.
Je suis prête à m'échapper du magasin quand ma soeur surgit de l'arrière-boutique, le regard sévère :
— Tu vas où comme ça ?
— Ca ne te regarde pas. dis-je en m'allumant une nouvelle cigarette.
Etant enceinte, elle n'ose pas m'approcher davantage. L'occasion idéale pour moi me faufiler jusqu'à l'extérieur.
Je claque la porte derrière moi quand j'entends Danna hurler :
— Arrête de fumer, Vishnu.
J'ai pas le temps de me battre avec elle, cette journée est beaucoup trop importante. Je cherche Lana du regard. Elle m'a dit qu'elle viendrait me chercher avec sa Ford mais je n'en vois aucune.
— Kami, par ici !
J'aperçois Lana en petite robe bohème et lunette de soleil sur la tête. Elle est adossée contre une Audi RS7 flambant neuve.
Alors que je m'approche du véhicule, je distingue Hakim sur le siège conducteur. Il a ouvert sa vitre et s'exprime avec virulence :
— Je te jure que je te pète les jambes si tu continues à t'appuyer contre ma caisse.
Charmand.
Idriss, qui est assis à à sa droite, lui balance un coup de poing dans l'épaule. Son frère le lui rend un peu plus fort.
Je ne suis pas vraiment surprise de le voir ici. Il fait toujours le mec distant mais il est évident qu'il aime avoir le contrôle sur les personnes qu'il aime.
Et bien que Lana dise le contraire, je mettrai ma main à couper sur le fait qu'il la considère aujourd'hui comme sa petite soeur.
— Où tu penses aller avec ça ? T'as cru que c'était soirée privée dans ma caisse ? s'exclame-t-il en me voyant approcher avec ma pauvre cigarette.
Il en fait des tonnes pour une putain de bagnole.
— Relax. Je vais pas faire subir ça à Lana alors qu'elle ne fume pas. je lui réponds nonchalamment avant de jeter mon mégot dans la poubelle trainant au coin de la rue.
Je m'installe, ensuite, à l'arrière du véhicule, à côté de Lana.
Sur le chemin, elle m'explique son plan d'attaque. Depuis quelques jours, elle est en contact avec les parents de Jassim et Sofyan. Elle leur a dit qu'elle avait fait ses études avec nous et qu'elle venait seulement d'apprendre la mort de leur ainé.
Je suis pas très rassurée quand elle m'explique son plan débile. Cependant, je dois dire qu'elle m'impressionne lorsque nous nous arrêtons dans la rue des Amraoui.
Lana est une putain d'actrice. A peine sortie de la voiture, elle se met à pleurnicher violemment, un mouchoir à la main. Hakim la suit de près. Il lève les yeux au ciel et je l'entends pester contre son amie jusqu'à ce qu'ils atteignent enfin l'halée du garage.
Idriss est un spectateur silencieux. Quand sa nana et son frère entrent dans la maison du couple, Idriss commence à jouer avec ses mains. Il est penché en avant et fait craquer ses doigts.
Je déteste ça.
— Respire. Ce sont pas des tueurs en série.
Le garçon porte un gros sweat dont la capuche est remontée sur sa tête. Il a l'air plus jeune comme ça, avec son visage qui dépasse à peine. Je ne sais pas comment il fait pour ne pas transpirer à grandes gouttes.
Un petit rictus s'échappe de ses lèvres :
— Je sais.
Fin de la conversation. Idriss est reparti dans la contemplation de ses doigts délicats.
Le garçon semble, au premier abord, beaucoup plus réservé que les autres membres de son groupe. Malgré tout, j'ai le pressentiment qu'il est bien plus que ça. Après tout, je l'ai entendu hurler comme un putois quand j'étais au téléphone avec Lana.
— Alors, c'est la remarque de ton reuf qui te rend dingue ?
Le rappeur se mordille la lèvre. Je comprends, aussitôt, que j'ai tapé dans le mille.
Personne n'a osé contredire Hakim l'autre soir, quand il a décrété que Lana ne pouvait pas s'occuper de cette histoire avec Idriss, que ce dernier finirait par tout foutre en l'air.
— Je sais m'occuper de Lana.
Mais il n'a pas encore eu l'occasion de le prouver.
— Alors, qu'est-ce que t'attends ?
Idriss fronce les sourcils, il ne comprend pas trop où je veux en venir.
— Je connais pas beaucoup ta meuf mais j'ai déjà pu l'observer. Je sais qu'elle est indépendante et qu'elle a beaucoup de ressources. Si tu laisses les autres continuer à la traiter comme un enfant, elle va péter les plombs. Le prochain qui ose se mêler de ses affaires, tu lui dis d'aller voir ailleurs. Ensuite, tu en discutes avec Lana et tu vois si elle a besoin de toi. Si elle dit non, tu n'insistes pas.
Depuis quand suis-je une conseillère en relation amoureuse ?
Idriss ne répond pas. Toutefois, je peux lire dans ses yeux expressifs qu'il analyse mon monologue.
Une dizaine de minutes plus tard, Lana et Hakim réapparaissent dans la rue jusqu'alors déserte. La petite blonde doit courir après le garçon qui se précipite jusqu'à la voiture.
— Wesh Haks qu'est ce que t'as ? s'exclame Idriss en voyant son frère se jeter sur la clé.
Mais son reuf ne lui répond pas. Il se contente d'allumer le contact et de gueuler sur Lana :
— Attache ta ceinture. Grouille-toi.
— Faites pas attention à lui, c'est qu'un con, ajoute Lana en le dévisageant dans le rétroviseur, Je vais pas te mentir Kami, ils savent pas grand chose à part qu'il voulait démissionner. Il faut chercher ailleurs.
Le petit sourire que je m'étais forcée à afficher sur mon visage ne résiste pas plus longtemps.
Tout ça pour rien. J'ai besoin de fumer.
Idriss semble pensif. Il se retourne ensuite vers son frère :
— Attend Haks, c'est pour ça que t'es fâché ?
Hakim grogne avant de me balancer une photo à la figure :
— Nan. Je m'en bas les couilles de sa putain d'histoire. Je dis que c'est une connerie car il est évident qu'elle sortait avec ce mec là, elle peut pas être objective. Je reste d'avis qu'on fait tout ça pour que dalle.
Mon coeur cesse de battre durant un court instant. Je me sens partir.
Cette photo. Aucun son ne sort de ma bouche.
J'avais 23 ans, une frange droite indisciplinée et un meilleur ami passionné par la photographie.
On faisait régulièrement des séances. J'étais son mannequin d'un jour et on recommençait le mois suivant. Sauf que ce jour là, on avait été un peu plus loin dans le délire des portraits.
Je n'étais pas nue mais la chemise blanche que j'avais empruntée à Jass, n'était portée qu'à moitié. L'angle de la photo ne montrant qu'une partie de mon dos nue et de mes longues jambes, la pose restait élégante.
Tout a changé.
Surtout mon dos.
La vision de ce dos parfait et intact me donne envie de vomir.
— C'est sa mère qui m'a montré ses albums photos. Il y en a beaucoup de toi. murmure Lana.
Je n'arrive pas à y croire.
— Perte de temps donc.
Les larmes me montent aux yeux quand Hakim prononce ces mots.
Il croit toujours tout savoir sur moi.
J'ai juste envie qu'il la ferme. Je suis prête à le lui dire mais Framal intervient plus rapidement :
— Ta gueule Haks. La prochaine fois, ça sert à rien de venir si c'est pour dire de la merde.
Le grand frère ne s'attendait pas à cette réaction de la part de son reuf. Il vient tout juste de prendre ma défense.
Les sourcils d'Hakim se redressent si haut sur sa tête qu'ils touchent presque la racine de ses cheveux.
— Je dis de la merde ? Et toi, tu vas laisser ta meuf continuer ses conneries ?
Lana veut ouvrir la bouche à son tour mais Idriss est toujours plus réactif :
— Kami a raison. Lana peut faire ses propres choix. Donc mêle-toi de ton cul.
La petite blonde à côté de moi a les yeux qui pétillent. J'ai le pressentiment qu'ils ne vont pas faire que dormir ce soir.
Mais Hakim, depuis qu'on se connait, il n'a jamais eu le regard aussi noir. Il se retourne quelques secondes vers moi puis quitte sa place de parking sans se préoccuper du piéton qui souhaitait traverser devant lui à ce moment là.
Durant le trajet, personne ne parle. Je tiens toujours fermement la photo. Cette période de ma vie me semble si lointaine, comme un rêve que je ne parvenais pas à oublier mais dont les détails m'échappent toujours.
Nous nous arrêtons, quelques minutes plus tard, devant un appartement. Lana et Idriss y descendent. Me laissant seule avec le Bouledogue enragé.
Quand nous arrivons, enfin, devant la librairie, je sors de la voiture mais Hakim ne semble pas en avoir fini avec moi. La vitre ouverte, je l'entends parler entre ses dents :
— Ton petit ami était un assassin, va falloir t'y faire.
Je rêve de lui faire mal pour ça, pour ces mots que personne n'a jamais osé prononcer devant moi.
Un assassin.
Les larmes me piquent les yeux quand je croise son regard sombre.
Le geste est naturel, je ne réfléchis pas lorsque je balance un énorme coup de pied contre la carrosserie de la voiture neuve.
J'ai touché là où ça pouvait faire mal.
Hakim se précipite en dehors de la voiture et me suit jusqu'à la librairie.
— Dégage.
Mais il ne réagit pas.
Je pénètre dans le bâtiment. Je tente de refermer la porte derrière moi. Malheureusement, il est plus rapide. Une fois à l'intérieur, Hakim balance les livres de la première étagère sur le sol.
— Mais t'es malade ! Je m'exclame.
— Et toi, si t'oses encore toucher à ma caisse, c'est pas que tes livres qui vont finir par terre. me répond-il froidement en balançant une collection rare de Maupassant à travers la pièce.
C'en est trop.
J'enjambe le tas de bouquins, prête à rendre les coups une nouvelle fois.
Ma main se rapproche dangereusement de son visage mais il attrape mon poignet au vol.
Nous nous regardons sans bouger.
Quand, tout à coup, la porte d'entrée s'ouvre sur mon père.
— Kamilah ? Que se passe-t-il ?
A côté de lui, Hari. Il me sourit et porte un costard hors de prix. Ses cheveux noirs sont tirés en arrière. Ses traits sont délicats et ses yeux noirs me fixent avec attention.
— Rien du tout. Un fou est passé tout à l'heure. Hakim m'aide à tout ramasser.
Mon père dévisage le rappeur quelques secondes. Il me tient toujours le poignet mais sa main s'est abaissé. Il a pivoté et se trouve désormais à ma droite.
— On en parle tout à l'heure si tu n'as rien.. Tu te souviens de Hari ? Il vient de me dire qu'il souhaitait t'accompagner au mariage de ta soeur.
A ce moment précis, je suis, à la fois, énervée, triste et révoltée.
Et mon père remue le couteau dans la plaie alors que je lui avais dit clairement que ça n'en valait pas la peine, alors que je lui avais dit que j'étais une femme indépendante qui pouvait aller seule à un mariage si elle le souhaitait.
Je veux que Hari et sa tête de con dégagent de ma librairie. Je veux fermer leur clapet une bonne fois pour toute. Je souhaite que mon père arrête de se mêler de ce qui ne le regarde pas.
C'est pourquoi, toutes ces émotions négatives m'ont fait prendre la pire des décisions.
Car, quand Hakim décide de lâcher mon poignet, je m'empresse de le retenir en m'agrippant à son bras.
Le rappeur n'a pas le temps de réagir lorsque je déclare d'un ton faussement enjoué :
— J'ai pas besoin d'un invité. Hakim est mon petit ami, il viendra avec moi.
***
Hey,
Ce petit message juste pour prévenir qu'un deuxième bonus a été publié sur le tome 1.
Je vous remercie, également, pour votre présence sur ce chapitre.
Je vous dis à très bientôt.
Amy
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