(Caballero & JeanJass - Repeat)

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J'ai l'impression que je vais devenir folle. 

Lana nous lit les différentes informations qu'elle a obtenues grâce à Shannon et je dois dire que les premiers résultats ne sont pas très concluants. 

Comme je le savais déjà, les plans ont été trouvés chez chacun des frères, du moins dans leurs affaires ainsi qu'une partie du matériel ayant servi à fabriquer la bombe artisanale. 

Il n'y a, bien-sûr, aucun mobile. Ils évoquent la religion des deux frères sans entrer dans les détails. Je vois rouge mais ce n'est rien comparé aux autres membres présents dans la pièce. Idriss, qui est assis sur le lit, tapote violemment son  pied contre le sol. Même Hakim, qui est censé se moquer de cette histoire, a ses ongles qui lui rentrent désormais dans la chair. Le garçon ne semble, d'ailleurs, pas réalisé son geste. 

Le rapport dit ensuite qu'ils ont enquêté du côté des collègues et du patron de l'hôpital. 

— Les parents de tes amis, ils ont dit à la police que Jassim était en conflit avec votre ancien directeur.  ajoute Lana en se mordillant la lèvre. 

Théo, des lunettes de vue sur le pif, se place derrière elle pour regarder l'écran à son tour. 

— Ouais, en conflit avec Monsieur Lionel Germain. conclut le rappeur. 

Je n'arrive pas à y croire. Il ne m'en a jamais parlé. 

— Ca va Kami ? 

Ken a parlé et parvient à me sortir de mes pensées.  Sans que je me rende compte, je suis en train de me bouffer les ongles. Une habitude que j'avais perdue mais qui revient toujours au galop. 

— Ouais ça va. Je suis juste surprise. Continue. 

Je réfléchis à cette nouvelle information quand mon coeur s'accélère subitement... Car Lana est passée à la suite du dossier : 

— En plus des dommages matériels, trois personnes ont perdu la vie et trois autres ont été blessées à des degrés différents... 

Je lui arrache son portable des mains. 

Ils me scrutent tous, ne comprenant pas ma réaction soudaine. Je tente de me justifier comme je peux : 

— Excuse-moi. Je vais juste me transmettre le fichier. Je pense qu'on a  déjà toutes les informations importantes. 

Les yeux d'Hakim me transpercent toujours, il ne croit pas en mon excuse débile.  

Mais je reste de marbre. Je n'ai rien à me reprocher, cette partie de l'histoire ne les regarde pas. 

Dossier envoyé. 

Dossier supprimé du portable de Lana. 

— C'est vrai, ajoute Ken, ils ont pas vraiment d'alibi. Je pense que ça peut être bon. Tu sais,  pour ton pote qui va être jugé ? Je m'y connais pas trop en droit... 

Moi non plus. Je suis complètement paumée. 

Malgré tout, j'ai espoir, car on a enfin quelque chose à exploiter. 

Je ne remercierai jamais assez Lana. 

— Il faut que j'aille parler aux parents de Jass. 

Idriss se relève enfin et vient s'adosser contre le mur, à côté de son frère : 

— J'sais pas si tu peux y aller. Après tout, t'es un témoin dans cette merde. Enfin, moi non plus j 'sais pas trop comment ça se passe. 

Lana balance sa tête de droite à gauche avant de s'exclamer : 

— J'irai. 

Et comme on pouvait s'y attendre, les garçons refusent. Ca recommence comme la dernière fois, ils sont tous sur son dos. Le ton monte et seulement quelques brides de la conversation me paraissent clairs : elle avait promis qu'elle ne ferait rien et, pourtant, elle est déjà partie dans une optique de désobéissance... alors qu'il s'agissait de ses propres règles.  

— C'est bon, ce sont des parents ! Il suffit juste que j'aille leur parler, je trouverai une excuse et le tour sera joué. C'est tout. 

Voyant que personne n'approuve son plan, elle croise les bras : 

— Les gars, sérieusement ? Idriss ira avec moi si ce n'est que ça.  

Un petit rictus s'échappe des lèvres d'Hakim, jusqu'alors muet. 

— T'as un problème frère ?  se vexe déjà le petit frère. 

— Ouais. T'es un vrai casse-cou. Tu vas surtout faire des conneries et vendre la mèche si tu vas avec ta nana. 

Idriss fait la moue. Lana lui envoie un baiser au loin lorsqu'elle conclut : 

— Ok. Idriss tout seul c'est dangereux. Il m'attendra dans la voiture avec Kami. Et toi, Hakim, tu n'as qu'à venir avec moi. 

Je n'aime pas cette idée. Je veux pas que mon inconnu, qui n'en ai plus un, se mêle de mes affaires. Surtout avec tout ce qu'il a déjà dit jusqu'à présent. 

De toute façon, je ne vois pas pourquoi il accepterait, il s'est bien foutu de notre gueule la dernière fois. 

Pourtant, il conclut :

— On verra. 

Lana nous explique ensuite qu'elle reviendra vers nous quand elle aura trouvé une raison valable de débarquer chez les parents de Jassim. Toutes nos idées sont bonnes à prendre mais la vérité, c'est que je ne sais pas trop quoi dire pour l'instant. 

J'ai juste, espoir.

Comme je le disais tout à l'heure, la roue a enfin tournée en ma faveur. 

Les garçons finissent par quitter la pièce, je m'apprête à partir à mon tour mais Lana me retient : 

— Tu l'as eu où ton t-shirt ? 

C'est une excellente question. Moi qui pensais qu'il appartenait à Lana.

— C'est Hakim qui me l'a donné, ainsi que ta jupe. 

La jeune femme fait une drôle de grimace avec sa bouche : 

— Ca m'étonne. Je lui ai couru après pour qu'il m'aide à te trouver quelque chose de convenable mais je pensais pas qu'il viendrait t'apporter les fringues, surtout qu'il ne te connait pas. C'est vrai, je ne vous ai jamais vu parler ensemble, à part tout à l'heure, près de la piscine. 

Si tu savais Lana... 

Nous finissons par quitter la chambre en silence. C'est alors que des cries de hyènes nous parviennent du rez-de-chaussée. 

Lana se précipite et passe sa tête par dessus la rambarde pour observer ce qui se passe dans le salon : 

— Oh. C'est Antoine. 

Je la suis et me place à côté d'elle. Du haut des marches,  j'aperçois un blond aux yeux bleus, assez grand qui sert Ken contre lui. 

— C'est qui ? Je demande. 

Il semble un peu différent des autres, plus sage peut-être, un look plutôt ordinaire : un t-shirt noir et un jean. Des cernes se dessinent sous ses yeux, il semble dormir presque autant que moi. 

— Antoine ou Fonky Flav. Il fait partie de l'Entourage et de 1995. 

De quoi parle-t-elle ? 

L'incompréhension doit se lire sur mon visage car Lana m'explique aussitôt : 

— Ils ont plusieurs groupes de rap, des collectifs, tout ça. Je t'expliquerai. Je suis étonnée de le voir ici. 

— Pourquoi ? 

C'est pas mon genre.  Je suis pas une personne curieuse. Pourtant, tous ces rappeurs semblent avoir une histoire de dingue, un vécu peu ordinaire.

 Et puis, ce garçon en particulier, il me fait penser à John. 

— On le voit pas souvent. Il travaille beaucoup, surtout comme manager. 

Sur ces mots, Lana rejoint son mec et salue leur nouvel invité. Je m'aventure derrière elle. 

Antoine semble plutôt silencieux alors, quand il me dit bonjour, il ne me pose pas de question inutile (du genre "T'es qui toi et tu débarques d'où ?") . 

Et ça, je dois dire que c'est assez cool. 

Oui, il est un peu comme John, du moins en apparence. 

Je me dirige ensuite vers la sortie, prête à quitter la maison de Doums. J'ai pas envie de dire au revoir à tout le monde donc Je m'échappe discrètement. 

En passant la porte, j'ai l'impression que Hakim me scrute toujours mais je dois rêver. 

S'en vient ensuite une nuit comme les autres, des cauchemars à répétition et beaucoup de questions. Toutefois, je me surprends  à penser à d'autres événements... Et à  ce petit groupe de personnes qui peut, aujourd'hui, tout changer.