(L'Or Du Commun - Prison vide)
Absolument rien avoir avec l'histoire mais ces garçons sont fabuleux et ils méritent tellement plus de reconnaissance. Allez tous écouter L'ODC ❤️, merci.

----

— Kami, t'es avec nous ?

Ma soeur me ramène à la réalité. Tous les membres de ma petite famille me fixent avec inquiétude ou ennuie, au choix.

— Tu disais quoi ? Je souris.

— On parlait des invitations.

Evidemment, les invitations pour le mariage de Danna.

Ma mère, une Blanche-Neige des temps modernes avec des cheveux noirs de jais et une peau presque transparente, me tend un carton de couleur rouge et or sur lequel est dessiné une caricature de Danna et de son petit-ami.

Je m'empresse d'ouvrir le faire part et découvre, par la même occasion, la date choisie pour son mariage : le 27 mars 2019.

Ca ne m'étonne pas de Danna. Elle souhaite mettre au monde sa fille avant la cérémonie pour ne pas ressembler à une baleine échouée dans sa robe de mariée.

Pour une meuf enceinte de seulement cinq mois, elle semble en avance, comme si elle allait accoucher d'une minute à l'autre.

Ma soeur s'est lancée dans un discours des plus animés, les mains posées sur son ventre. Je fais tout mon possible pour me concentrer sur ses paroles mais mon esprit est ailleurs, tourné vers Jassim, ses boucles brunes et son grand sourire.

Ça fait trois semaines que j'attends des nouvelles de Lana. J'ai l'impression qu'elle s'est un peu foutu de ma gueule. Peut-être qu'Hakim a réussi son coup ? Peut-être est-il parvenu à les convaincre de ne pas s'impliquer dans mon histoire ?

Cet idiot de Hakim.

— Sauriez-vous déjà me dire si vous venez seul ou accompagné ? C'est une question d'organisation, pour le traiteur principalement.

— Tu peux déjà noté que je viendrai seule, merci. je m'exclame presque aussitôt.

Danna s'apprête à le noter sur son bloc-note lorsque mon père agrippe son bras avant qu'elle ne puisse atteindre la feuille de papier avec son stylo . Ses lunettes se rabattent sur son nez alors qu'il me fait signe de le suivre dans la cuisine:

— Viens, il faut qu'on parle. Jaldee.

Je lève les yeux au ciel et m'engage à sa suite.

— Tu te souviens de Hari ?

C'était si prévisible.

Bien que mon père ait quitté son pays natal pour épouser une française, il reste et restera toujours un citoyen indien attaché à ses coutumes et ses traditions.

Et quoi de plus cliché qu'un père qui se mêle des affaires de ses propres filles ?

Danna est enceinte, travaille à temps plein à la librairie et sera bientôt mariée à Salil, un métisse comme nous : mi français, mi indien.

Elle répond donc à toutes les attentes de nos parents. Moi, c'est plutôt le contraire.

Je n'ai plus de job et aucune intention de me marier ou de fonder une famille.

Et ils commencent, sérieusement, à vouloir me faire changer d'avis.

— Il ne m'intéressait pas quand on était adolescent. Je vois pas pourquoi ça changerait aujourd'hui.

Mon père passe une main dans ses cheveux grisonnants lorsqu'il soupire :

— Je te demande pas de l'épouser. Je pense juste qu'il pourrait être ton invité pour le mariage de ta soeur.

A croire que pour eux, la suite des événements est déjà écrite à l'encre indélébile.

Si ça continue comme ça, je vais devoir me trouver un faux mec, un genre de figurant pour le mariage de Danna. Ca les fera taire, au moins durant quelques heures.

— Tu seras heureuse de le revoir, ajoute-t-il, j'en suis certain. Le 8 septembre, il vient diner à la maison, on l'a invité ainsi que ses parents. J'en profite pour te rappeler qu'un job permanent à la librairie est toujours à pourvoir si tu le souhaites.

Je réfléchis à la meilleure façon de me sortir de ce merdier quand mon téléphone se met, soudainement, à sonner.

Merci l'univers.

— Pita, c'est peut-être important. Je reviens.

Je m'éloigne et rejoins, précipitamment, ma chambre d'adolescente.

Mon coeur manque un battement quand le numéro du correspondant apparait sur l'écran.

Ce que je ressens, au fond de moi, est vraiment étrange : un drôle de mélange entre la peur et l excitation.

— Allo.

Une petite voix douce et enfantine retentit avant même que je puisse la questionner.

— Kami ? C'est Lana. Tu fais quelque chose ce soir ?

J'ai envie de lui répondre que oui. Toutefois, j'ai l'impression qu'il s'agit, peut-être, d'un piège.

— Ca dépend pourquoi.

J'entends Idriss hurler comme un putois à l'autre bout du fil alors que Lana tente de me répondre :

— Chou, c'est qu'un film sérieux. Calme-toi, ça va rien changer Olala. , puis en reportant son attention sur moi, Excuse-moi mais les mecs ça peut être pénible parfois.

Viens en au fait Lana, s'il te plait.

— Enfin Bref, Sha m'apporte une partie du dossier ce soir. C'est pour ça que je te proposais de passer directement pour les récupérer.

Mon coeur s'accélère à la simple idée de découvrir des nouvelles informations.

— Ok. Je passe chez toi tout à l'heure. Donne-moi ton adresse.

— Enfaite... commence-t-elle d'une voix hésitante.

Je m'assieds en tailleur sur mon lit, la suite de sa phrase ne va pas me plaire.

— Accouche Lana, s'il te plait.

— Et bien, c'est bientôt la fin de l'été alors on a organisé une soirée piscine chez Doums. Je t'envoie l'adresse et, surtout, n'oublie pas ton maillot !

Et avant que je puisse protester, elle raccroche.

Je vais la tuer, l'étriper, peut-être même la torturer.

J'ai besoin du dossier mais il est hors de question que je participe à une soirée piscine et maillot de bain.

C'est pourquoi vers 18h ce soir-là, je me suis rendue à l'adresse indiquée... Un tailleur pantalon sur le dos et un sac beaucoup trop petit pour accueillir un quelconque bikini ou une serviette de bain.

***

Quand j'arrive sur les lieux de l'événement, il y a déjà énormément de monde. Je ne sais pas comment ils font pour être aussi nombreux. Moi qui déteste être coincée au milieu d'une foule, cet endroit n'est pas fait pour me plaire.

— Ah, Kami !

Deen et Ivan viennent m'accueillir, des verres dans chaque main pour le second. Ils ne m'ont pas oublié et je dois admettre que je suis soulagée. Au moins, je connais le nom de ces deux invités.

Car je ne connais personne d'autre ici. Lana est introuvable et je n'ai pas croisé un seul membre du S-Crew.

— Vous auriez pas vu Lana ?

Les deux rappeurs se regardent et un gigantesque sourire se dessine sur leur visage.

— Elle était avec Fram, il y a deux minutes. m'explique Ivan.

Fram... Il doit s'agir d'Idriss. J'ai un vague souvenir de Théo m'expliquant que son blase de rappeur était Framal.

— Ils sont partis s'isoler si tu vois ce que je veux dire... ajoute Deen en faisant danser ses sourcils.

C'est clair et net, je vais tuer Lana Rousseau.

Elle me fait venir à sa putain de soirée et elle préfère passer du bon temps avec son mec.

Elle avait trois semaines pour s'envoyer en l'air... Alors, maintenant, sérieusement ?

— Tu veux te baigner ?

Je relève ma tête vers les garçons. Ils ont ôté leur t-shirt et sont, désormais, vêtus d'un simple short de bain. Je fais, encore une fois, tâche au milieu de tous ces gens à moitié à poils.

— Non, allez-y. Je vais chercher les autres.

Les deux hommes ne se font pas prier et plongent dans la piscine rectangulaire située au milieu du jardin, rejoignant ainsi leurs potes et gonzesses.

Quelle idée d'avoir une piscine à Paris, c'est pas comme s'il faisait soleil tous les jours.

Je m'aventure au milieu de la foule à la recherche d'une tête connue , n'importe qui, que ce soit Ken, Moh ou même Doums.

N'importe qui qui pourrait m'aider à retrouver la petite prof.

N'importe qui, sauf lui.

Pourtant, c'est bien Hakim que j'aperçois en premier.

Il est allongé sur un transat et la simple vue de son visage toujours fermé et beaucoup trop sérieux me donne envie de me barrer.

Je repense à ses propos, ceux qu'il a employés chez Théo. Qui est-il pour me juger mais aussi pour décider à la place de ses amis ?

Je me racle la gorge quand je m'approche davantage.

Sa tête pivote légèrement et sa mâchoire se resserre :

— Qu'est-ce que tu fous ici ?

Hakim a, comme les autres, abandonné son t-shirt.

Il se redresse, ce qui me donne l'occasion de scruter son torse. Je dois dire qu'il est plutôt musclé.

Il doit aller à la salle ou faire appel à un coach personnel.

Alors que mes yeux remontent enfin vers son visage, le rappeur semble plus détendu :

— Arrête de me mater.

Puis, sur ces mots, il s'éloigne vers la piscine.

Il a dit quoi là ?

Je le suis et accélère le pas pour passer devant lui. Son semblant de bonne humeur n'aura duré qu'une poignée de secondes. Déjà, ses sourcils se froncent :

— Qu'est-ce que tu me veux ?

Je croise les bras et le regarde droit dans les yeux. Autant éviter de jouer avec son imagination, il n'a aucun pouvoir sur moi.

—  Je cherche Lana.

— Ah ouais, pour votre plan foireux.

Hakim s'installe par terre et dépose ses pieds dans l'eau. Il commence de légers mouvements de va-et-vient avec ses jambes.

— Tu ne réponds pas à ma question.

— T'en as pas posé.

Je vais tuer Lana. Ensuite, ce sera son tour et ce sera beaucoup plus violent.

Le dossier de la fliquette est trop important. Il faut que je passe au-dessus de sa remarque et que je reste concentrée.

J'expire une dernière fois avant de reprendre :

— Puis-je savoir où est Lana ?

Ma voix n'est pas naturelle. Beaucoup trop perchée.

— Tu sais que ton mec est peut-être coupable ?

Ne pas répondre kami. Grace Kelly est en toi. Tu es une adulte responsable.

— Tu sais que tu pourrais, peut-être, te mêler de tes affaires ?

Oups.

— kami, tu es là !

Il était temps.

Lana apparait derrière Hakim et vient ensuite m'embrasser les deux joues.

Ses cheveux blonds sont plus courts que la dernière fois. Ils lui tombent sur les épaules et ondulent légèrement. C'est très jolie. Elle porte également un maillot de bain de couleur noire (comme tout ce qu'elle semble porter au quotidien d'ailleurs).

Mes yeux sont attirés vers sa cicatrice à l'abdomen. Je suis obligée de détourner le regard pour ne pas me focaliser sur cette particularité bien que cela soit minuscule et tout sauf tape à l'oeil.

Lana, elle, n'a aucun remord et me dévisage de la tête aux pieds :

— Et ton bikini ?

— Excuse-moi mais je ne suis pas venue pour ça.

Hakim lève les yeux au ciel. Au même moment, Idriss débarque, lui aussi en short.

— Si tu veux, j'en ai un autre dans mon sac. argumente-t-elle.

C'est hors de question.

— Non. Et puis de toute façon, je n'ai pas assez de forme pour remplir le soutien gorge.

Ma remarque a le mérite de faire rire son mec . Lana fait mine d'être vexée mais je sais que ça lui fait plaisir. Une femme aime qu'on remarque ses atouts.

— Tu peux pas savoir sans avoir essayé !

Elle insiste, ça commence vraiment à m'emmerder.

Grace Kelly est en toi Kami.

— J'ai dit non Lana, c'est tout. Je n'irai pas dans ta putain de piscine.

La petite blonde s'apprête à argumenter quand des cris nous parviennent :

— Tous à l'eau !

Je ne sais pas qui a parlé. Je sais juste que trois personnes foncent tout droit vers Lana et Idriss.

Cependant, je suis bien trop près du couple et je suis entrainée avec eux au fond de  la piscine.

Toute habillée, la combinaison me collant désormais au corps, les cheveux trempés et un eyeliner dégoulinant légèrement le long de mes pommettes, je ne ressemble plus à grand chose.

Quand j'essuie mes yeux, j'aperçois Hakim. Il rit à gorge déployée pour la première fois depuis notre rencontre.

Je le déteste. C'est, désormais, officiel.