Chapitre 57
_ Enfin de retour parmi nous !
Je cligne plusieurs des yeux. Où suis-je ? Tout mon corps me fait mal, atrocement mal, c'est comme se réveiller et pendant une seconde ne plus savoir où on est. Mes membres semblent endormis, lourds. Et enfin, je vois la lumière.
Blanc, je ne vois que la couleur du plafond immaculé. Instinctivement, je bouges les chevilles et les poignets mais ils sont bloqués alors je me redresse. Des sangles me tiennent fermement.
Je fronce les sourcils.
_ Vous avez foutu une belle merde, Mademoiselle Nelson.
Je relève les yeux vers mon interlocuteur. Vêtu d'un costume, les mains liées, ses yeux me quitte pas, l'air serein sur le visage. Ma tête me fait horriblement mal, m'obligeant à me rallonger.
Lucas.
Mon cœur se serre d'un seul coup, et absolument tout me revient, dans une douleur qui se propage dans tout mon corps.
Je suis bien réveillée.
J'inspire un bon coup, les poings serrés, et le vide m'envahit. Mon jumeau est mort. Une partie de moi, la moitié de mon cœur a été arrachée. J'ai l'impression de n'être plus que l'ombre de celle que j'étais avant. Qu'est-ce que je vais faire ? Ça semble si irréaliste...
_ Nous nous sommes permis de vous soigner et de vous nettoyer un peu, m'informe cet homme.
Je relève les yeux vers lui, pourquoi se donner autant de mal alors qu'ils comptent me tuer ? Je ravale difficilement ma salive, m'empêchant de craquer une deuxième fois.
_ Où suis-je ? Arrivé-je à dire d'une voix rauque.
_ Au siège du Gouvernement.
Tout est fini, ils nous ont eu.
Mon cœur rate un battement et le visage de mes camarades me reviennent en mémoire.
_ Où sont les autres ? Demandé-je précipitamment.
_ Vous n'allez pas tarder à les rejoindre, je voulais simplement vous parler, répond-il.
_ J'ai rien à dire.
Il glousse.
_ Est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous avez fait ? En plus de nous avoir trahi, vous avez commis un meurtre.
Je ne dis rien et serre les dents. Je sais tout ça, je ne regrette pas d'avoir rejoint les Particuliers. En revanche, en pensant à l'homme que j'ai tuer, mon cœur se serre un peu plus. Il a tué mon frère, et j'ai commis ce crime dans un élan de rage. Comment je pourrai vivre après ça ?
Une partie de moi me hurle que c'est entièrement justifié, que cet homme n'a eu que ce qu'il méritait, mais d'un autre côté ça me dégoûte. Je me dégoûte, et je suis envahie par la culpabilité. Je revois ses yeux, perdant petit à petit la vie qui les faisait briller, à cause de la lame que je lui ai enfoncé dans la gorge.
_ Qui êtes vous ?
_ Appelez-moi Mr. Parker.
Mr. Parker aborde un sourire presque terrifiant. Le fait qu'il semble se montrer généreux n'a rien de rassurant.
_ Nous allons vous conduire avec les autres, dit-il en se dirigeant vers la porte.
_ Comment vous nous avez trouvés ?
Il s'arrête. L'inconnu ouvre la porte et des soldats entrent. Ils enlèvent rapidement mes sangles avant de m'empoigner violemment par les bras. Ils me sortent de la pièce.
_ Vous n'avez pas répondu à ma question ! Hurlé-je.
_ Vous ne tarderez pas à le savoir, mademoiselle.
Je fronce les sourcils. Les couloirs sont vivement éclairés, ils ressemblent énormément à l'endroit où nous avons libéré Caleb. Tout est extrêmement protégé, informatisé, je ne vois pas comment nous pourrions nous échapper.
Parker ouvre une autre porte, les soldats me tirent brutalement à l'intérieur. La pièce est vide à l'exception de deux hommes, dos à moi, une chaise au milieu.
_ Je croyais que vous me conduisiez aux autres, dis-je confuse.
_ Nous avons deux trois choses à voir avant, dit-il.
Mes yeux se posent sur les hommes présents, et soudain, j'en reconnais un en particulier. Et si les soldats ne me tenaient pas, je serais tombée au sol.
_ Liam ?
Je retiens ma respiration tandis qu'il se retourne lentement. Pitié, que je me trompe.
Mon meilleur ami me regarde, l'air coupable sur le visage. C'est un cauchemar. Il ne m'en faut pas plus pour tout comprendre. Alors depuis le début c'est lui, c'est à cause de lui qu'on est ici. Des larmes roulent silencieusement le long de mes joues.
_ Qu'est-ce que tu fais ici Liam ?
Je voudrais désespérément croire qu'il n'est pas de leur côté. Je voudrais, mais...
_ Liam n'a jamais cessé d'être fidèle au Gouvernement, mademoiselle Nelson, déclare Parker en se dirigeant vers lui.
Je ferme un instant les yeux et inspire profondément.
_ Pourquoi ? Murmuré-je.
_ On ne peut pas faire confiance aux Particuliers Adelia, tente t-il de se défendre. J'ai essayé de vous le dire mais vous n'avez rien écouté. Ils ont raison Adelia, et tu peux encore changer d'avis.
Je suis envahie d'une rage intenable, je sens tout mon corps se tendre, mon cœur serré. Je me sens trahie, je le considérais comme un frère.
_ Vas te faire foutre, dis-je froidement.
_ Adelia... soupire t-il.
_ Jamais je ne ferai partie de ce génocide, c'est vous qui devriez mourir.
Liam me regarde tristement, et je déglutis en peinant à retenir les larmes qui montent dans ma gorge. Je ne veux plus jamais le voir, il est responsable de ce qui est arrivé, de la mort de Lucas et bientôt de notre mort.
_ Ça a le mérite d'être clair ! ironise Mr. Parker.
Les soldats me forcent à m'asseoir sur la chaise, ils m'attachent les mains dans le dos. Je me laisse faire.
Je me sens réellement vide, tout ce dont je suis capable c'est de laisser les larmes couler. Il faut que j'arrête de pleurer. Je souffle un bon coup.
_ Tu vas nous dire où sont tous les autres.
Je relève la tête vers eux, un sourire mauvais sur les lèvres. Ils ne me font pas peur.
_ Vous pouvez faire ce que vous voulez, je ne dirai rien.
Il soupire, Mr. Parker retire sa veste avant de la donner soigneusement à un des soldats. Il s'approche lentement, son visage se rapproche du mien jusqu'à ce que je sente son souffle sur ma peau.
_ Crois moi que dans cinq minutes tu me diras ce que je veux savoir.
Je retiens ma respiration. Il faut que je reste forte, mais mon cœur cogne tellement fort contre ma poitrine, je jette un coup d'œil à Liam qui regarde la scène silencieusement. Il ne fera rien.
Parker fait un signe de tête aux gardes qui installent un casque sur ma tête ainsi que des fils qu'ils me collent sur le corps, tout ça relié à une machine. Puis, ils m'injectent un produit dans le bras.
J'ai eu vent de cette technique de torture. Très douloureuse, elle ne laisse aucune marque sur le corps, en revanche, c'est une des tortures les plus intenables physiquement de notre époque. Elle attaque le système neveux, elle donne des hallucinations et provoque d'atroces douleurs dans le corps.
M. Parker avance vers la machine, et tourne un seul bouton.
Il n'en faut pas plus pour que je me mette à hurler.
***
Je n'ai plus aucune force dans le corps, les soldats me trainent par les bras. Ma tête est complètement lâche, je peine à garder les yeux ouverts.
Je n'ai jamais autant souffert physiquement.
J'ai encore mal, tellement mal que je pourrais m'évanouir. Mes joues sont trempées, tout mon corps transpire, je passe ma langue sur mes lèvres et le goût métallique de mon sang se propage dans ma bouche. M. Parker a perdu patience et n'a pas pu s'empêcher de frapper mon visage.
Pourtant, ce n'est rien à côté de la douleur morale.
Lucas est mort et Liam nous a trahis.
Et ça, c'est pire que tout.
Les soldats ouvrent une porte et me jettent à l'intérieur de la pièce comme une vulgaire poupée de chiffon.
Un cri de douleur s'échappe de mes lèvres quand mon corps tombent brutalement sur le sol. La porte se referme.
_ Ad' !
Deux grands bras me soulèvent délicatement du sol, de telle sorte à ce que je sois assise.
Je relève les yeux et croise une paire d'yeux vairons qui me scrutent avec douleur et inquiétude.
Caleb.
Ses bras sont enroulés autour de mon corps, je suis assise sur ses jambes, je laisse ma tête tomber contre son torse, épuisée.
Un sanglot s'échappe de mes lèvres, puis un autre, et ça ne s'arrête plus. Toute la peine jusque là refoulée se déverse sur le torse du Particulier. Je n'en peux plus, je suis dans un cauchemar éveillé et tout ce que je veux c'est que ça s'arrête.
_ Liam, réussis-je à articuler entre deus sanglots.
_ Quoi ? Demande doucement Caleb.
_ Il est avec eux (je relève les yeux vers lui), il a toujours été avec eux...
_ C'est impossible... dit tristement Maélis.
Le regard de Caleb s'assombrit, j'entends mes camarades jurer dans leurs barbes, sûrement pour ne pas me brusquer.
S'ils savaient à quel point je le hais.
Tout ce que qui se passe est de ma faute, ils sont ici à cause de Liam et c'est moi qui l'ai intégré au groupe.
_ Je suis tellement désolée, sangloté-je.
_ Pourquoi tu t'excuses Adelia ? Demande Thomas.
Caleb baisse les yeux vers moi, les sourcils froncés, il ne comprend pas.
_ C'est moi qui ai conduit Liam à vous... Si vous êtes ici c'est à cause de moi... Si mon frère est mort, c'est à cause moi.
Je pleure de plus belle, je ne peux pas m'arrêter en repensant à mon frère, et une vive douleur me traverse tout le corps.
_ Je t'interdis de penser que c'est de ta faute Adelia, dit fermement Caleb. Adelia tu m'entends ?
Il passe sa main sous mon menton pour relever mon visage, elle glisse sur ma joue et vient ainsi chasser mes larmes.
_ Tu ne pouvais pas savoir quelles étaient ses intentions, personne ne l'aurait soupçonné. Il est le seul responsable de ce qui se passe.
Il embrasse mon front et soupire un bon coup en laissant les larmes rouler silencieusement sur mes joues. Je passe les bras autour du Particulier et le serre plus contre moi. S'il n'avait pas été là, je ne sais pas comment j'aurai pu tenir. Il ne me reste plus grand chose dans ce bas monde. Caleb, mes amis, et Léo. Mais je dois me battre pour eux, parce que c'est ce que mon frère voudrait. Je devrais être forte mais à cet instant j'en suis incapable.
Mon frère est plus là.
Soudain, un rire nerveux s'empare de moi.
_ C'est ridicule, reniflé-je.
_ Quoi ? Demande Caleb.
_ De dire que mon frère n'est plus là, ça me semble totalement absurde. C'est vraiment l'idée la plus stupide, parce que je ne vois pas le monde sans mon frère. (j'inspire un bon coup) Je ne sais pas comment vivre dans un monde où il n'est plus là.
Le silence plane, Caleb passe sa main dans mes cheveux et les caresse tendrement. Je m'effondre de fatigue, mes paupières lourdes se ferment, et au bout de quelques minutes seulement, je tombe dans les bras de Morphée.
***
Les voix de mes amis me tirent de mon sommeil. Je suis allongé sur un matelas au fond de la grande pièce où nous nous trouvons. Comme les couloirs, tout est blanc, même si l'éclairage y est moins fort, une petite fenêtre à barreaux aide à éclairer la pièce avec la seule lumière artificielle que nous avons.
_ Les autres sont forcément à notre recherche, chuchote Thomas.
_ Ils ne vont pas risquer de se faire découvrir pour nous, rétorque Sam.
_ Et pourquoi pas ? Sort naïvement Caroline.
_ Non, il va falloir faire sans eux, soupire Caleb.
Tout le monde aimerait croire en la possibilité qu'on vienne nous sortir de là, même si au fond de nous, nous savons tous que c'est impossible. Sam et Caleb ont les pieds bien sur Terre et savent parfaitement que personne ne viendra, contrairement aux autres qui espèrent. Ils sont aussi assez intelligents pour savoir qu'on ne s'en sortira pas.
_ On s'en sortira pas, lâché-je.
Tous les yeux se posent sur moi.
_ Adelia ! S'exclame Maélis en se rendant compte que je suis éveillée.
Mon amie se lève et marche rapidement vers moi, elle s'assied à mes côtés et me prend dans ces bras. Je la serre à mon tour, avant de me séparer de son étreinte.
_ Il y a une chance pour qu'on s'en sorte, dis Thomas.
_ Tu y crois vraiment ?
_ Oui, répond-il sans hésiter, et tu devrais y croire aussi.
Je soupire, Maélis se lève et me force à faire la même chose pour rejoindre les autres qui forment un cercle au centre de la pièce. Mon amie garde ma main dans la sienne, nous nous asseyons alors à côté. Caleb, face à moi, m'offre un regard rempli de tendresse mais j'y décèle de l'inquiétude, je force un sourire pour le rassurer.
_ Qu'est-ce que tu suggères ? Demande Sam.
_ Je suis toujours pas convaincue que ça soit possible, soufflé-je. On est dans l'une des infrastructures des plus sécurisés du monde, essayer de sortir serait du suicide.
Personne ne répond, ils savent que j'ai raison. Je frotte mon visage avec ma main, encore épuisée alors que je sors à peine du sommeil.
_ Et moi je reste persuadée qu'ils vont venir, assure Caroline.
_ Caroline... tente Caleb de la résonner.
_ Mark ne nous laisserait pas.
Caleb la regarde un instant, considérant sa réponse. Il ne dit rien, son regard vairon se perd dans le vide. Sam soupire et se lève, suivie des autres, ils se dispersent dans la pièce, entament d'autres conversations. Thomas me sourit, il pose sa main sur mon épaule et y exerce une légère pression comme pour me dire qu'il est là, puis il s'éloigne. Je reporte mon attention sur Caleb. Il est confus, épuisé, la fatigue déforme son visage, cette vision me fait mal.
_ Caleb ? L'appelé-je faiblement.
Il lève les yeux vers moi.
_ Viens par ici, me fait-il avec un mouvement de la tête.
Je me déplace alors jusqu'à lui, je m'installe à côté de lui, contre le mur. Il attrape mes jambes et les passent par dessus les siennes avant d'entourer son bras autour de ma taille. Je laisse ma tête tomber contre son épaule. J'inspire lourdement en repensant à la situation, sans que je trouve le moyen logique pour que tout se termine. La situation semble arriver à un point de non retour, j'ai l'horrible impression que notre destin et scellé, que plus jamais je ne reverrai la lumière du jour, que je n'aurai plus la chance de revoir Léo ou encore d'espérer une vie de couple normale avec Caleb.
_ Est-ce que tu penses qu'un jour tout ça sera terminé ?
_ Je l'espère tellement Adelia...soupire t-il.
Il laisse sa tête tomber sur la mienne.
_ Ma mère me disait souvent que garder espoir était parfois la meilleure arme que nous puissions avoir, murmure Caleb. Et même si j'ai du mal, je veux croire que c'est possible qu'on s'en sorte. Pour toi... pour nous.
Je ferme les yeux, sentant une nouvelle fois des larmes couler sur mes joues, silencieuses.
_ Je veux y croire aussi.
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