Chapitre 46

Une explosion.
Des cris,
Du sang.
Une autre explosion.
Ses yeux vairons.
L'obscurité.

Mes yeux s'ouvrent brutalement, comme si je venais de recevoir un électrochoc, et comme avec un automatisme, mon corps se redresse. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, une pointe de douleur se fait ressentir dans ma carotide, tandis que ma tête semble subir les pires tourments. La terre tourne. J'inspecte le lieu où je me trouve, on dirait une tente aménagée, plusieurs lit sont alignés, du moins ce qui ressemble à des lits, la structure en bois sur lequel on a mit un matelas.
Ma main vient d'elle même toucher le point douloureux de mon cou.

Liam.

Caleb.

Le camp.

Les battements de mon cœur accélèrent, animés par la rage, ma respiration est plus lourde.
Il a osé, il m'a empêché de sauver Caleb. Je retire la couverture qui repose sur mon corps, mes pieds nus touchent le sol, et au même moment quelqu'un entre. Je croise les yeux verts de mon ami, qui sourit en me voyant. Je suis incapable de lui rendre.

_ Où est-ce qu'on est ? Demandé-je précipitamment.

Thomas lâche un rire nerveux avant de s'avancer vers moi.

_ Content de te revoir aussi, dit-il ironique.

_ Thomas, soufflé-je.

Je soupire encore, je ne suis pas du tout d'humeur à plaisanter.

_ On est au États-Unis.

C'est une plaisanterie ? On ne peut pas avoir quitté le Canada comme ça, surtout sachant que certains du camp ont été capturés, dont Caleb.

_ Qu'est-ce que tu racontes bordel ? M'énervé-je.

C'est à son tour de soupirer.

_ Tu es restée dans les vapes deux jours, et le camp était pas loin de la frontière. Ils ont décidé que c'était le mieux, explique Thomas.

_ Fuir c'est mieux ? Abandonner ceux qui se sont fait attraper c'est mieux ? dis-je entre mes dents.

Ils n'ont pas pu faire ça... Comment je vais retrouver Caleb ? Mon cœur s'emballe encore, je serre les poings. Je m'assieds sur le lit que j'occupais précédemment, ferme les yeux et souffle un bon coup. C'est un cauchemar.
J'ai la gorge nouée, si je me laissais aller j'éclaterais en sanglot. Ils ont pris Caleb, et rien que d'imaginer ce qu'ils lui font me donne la nausée.
Thomas ne semble pas décidé à me répondre, je m'en suis prise à lui alors qu'il n'a rien à voir avec ça.

_ Excuse moi Tommy... Je voulais pas me montrer ingrate envers toi, tu n'y es pour rien...

Il pose sa main sur mon épaule. Je relève des yeux vitreux vers lui. Thomas m'offre un léger sourire.

_ Je t'en veux pas Adelia. Et je te promets de t'aider à retrouver Caleb et les autres,
sourit-il tristement.

Je le gratifie un sourire.

_ Mais d'abord tu vas te laver et mettre des vêtements propres, je te conduis jusqu'au lac.

***

Après m'avoir conduite jusqu'au lac, j'ai pu enfin enlever la crasse de mon corps, et malgré l'eau froide, cela m'a fait le plus grand bien.

Je me redirige vers le campement, je n'ai encore vu personne mis à part Tommy, je ne suis pas sûre d'être prête à tous les affronter.
Je m'approche de plus en plus du campement, et les seuls visages que je vois ne me sont pas du tout familiers. J'aperçois Thomas trottiner vers moi.

_ J'ai eu peur que tu te sois noyée ! Plaisante mon ami.

_ Non j'ai juste traîné... j'en avais besoin.

Ces derniers temps, tout s'enchaîne si vite, et je n'ai pas pris le temps de respirer. Ça fait réellement du bien.

_ Tu n'as pas à te justifier.

Je lui certifie un sourire.

_ Dis moi où sont tous les autres ? J'ai croisé personne du camp.

_ Mark nous a répartis dans différents campements, c'était plus facile à gérer pour ceux qui nous accueillent, explique Thomas.

Avant même qu'un quelconque son sorte de ma bouche, on m'interpelle. Mon sang se glace, je serre instinctivement les poings et le sentiment de colère qui s'était atténué revient à la charge.
Liam pose sa main sur mon épaule.
Prise d'une violente pulsion, mon corps se retourne vers lui.

J'écrase mon poing contre son visage.

Il ose se ramener comme une fleur après ce qu'il a fait. Il faut que je me calme, mon cœur cogne si fort, et le rythme de ma respiration a augmenté. Il est très rare que je sois en colère au point d'en venir à l'attaque physique, mais la seule chose que je vois en apercevant Liam, c'est Caleb qui se fait embarquer par ces psychopathes.

_ Adelia !

Mon jumeau se met rapidement entre nous deux.
C'est de sa faute si Caleb s'est fait enlever, ils vont le torturer, jusqu'à ce qu'il meure.
Et savoir que la personne que j'aime souffre, parce que Liam m'a empêché de lui venir en aide m'est insupportable. Mon corps est pris de tremblement, je m'avance de nouveau vers Liam, qui a le nez en sang. Mais Lucas me retient.

_ Putain Adelia calme toi, souffle mon jumeau.

_ C'est de sa faute ! Il m'a pas laissé l'aider et maintenant je sais même pas où il est ! Craché-je.

Je me débats dans les bras de mon frère.

_ Tu pouvais rien faire, il voulait te sauver toi Ad' !

J'aurais pu faire quelque chose. J'aurais pu dès le début, en partant du camp. J'ai trahi le Cort, et j'ai divulgué des informations compromettantes sur le Gouvernement, j'ai attiré leur colère.

J'arrête mes mouvements.

C'est pas Liam le fautif.

C'est moi.

Si le camp est détruit c'est par ma faute, si des Particuliers se sont faits enlever c'est par ma faute, s'il y a des morts c'est de ma faute. Caleb a été enlevé, à cause de moi.
J'ai mal, la culpabilité me ronge les os, comme le froid glacial de l'océan.

Je me défais doucement de l'étreinte de mon frère, le regard perdu dans le vide.

_ Je-... Je suis désolée, dis-je faiblement.

Mes jambes m'éloignent rapidement des trois garçons.
Je n'aurais pas du quitter le lac.

***

Les ondulations de l'eau sont faibles, pourtant mes yeux ne cessent de fixer leur mouvement. Entourée des arbres, qui recommencent peu à peu à fleurir, l'hiver laisse place au printemps.
Le soleil se couche déjà, et je ne peux pas m'empêcher de faire le décompte.

Trois jours.

Il peut se passer beaucoup de chose en trois jours. Qu'est-ce qu'ils ont pu faire à Caleb en trois jours ? La première image que j'ai, c'est son dos meurtri. Mon cœur se serre.

Pité, faites qu'ils ne lui aient rien fait.

Un corps s'assied près du mien. Je tourne la tête, Zack. Je roule des yeux, sachant très bien que je vais avoir le droit à une remarque.

_ T'es moche quand tu pleures, lâche-t-il.

Je fronce les sourcils, j'apporte mes mains à mes joues mouillées pour effacer les traces.

_ Va te faire voir.

Il ricane. Je reporte mon regard sur l'eau.

_ Ils sont en train de débattre sur le sauvetage de ceux qui ont été enlevés par le Cort.

Un sauvetage ? Ça me permettrait de sauver Caleb.

_ Ça donne quoi ?

Il hausse les épaules.

_ C'est mal parti, je pense pas qu'ils le feront.

Il faut que je sauve Caleb, et les autres. On ne peut pas les abandonner.

_ Ça, c'est ce qu'on verra.

Je me lève rapidement et sans même me retourner, je me mets à courir vers le campement.
J'atteins rapidement les tentes, Zack à mes trousses.

_ Ils sont où ? Demandé-je.

Il me montre une tente. Je pousse la grande toile, tous les yeux se braquent sur moi. Plusieurs personnes se tiennent droit comme de piquets, dont Mark.

_ Je vais les chercher, annoncé-je.

Personne ne relève dans un premier temps ce que je dis. Pourtant je n'ai jamais été aussi sérieuse de ma vie.

_ C'est trop dangereux, déclare Mark.

_ J'ai pas demandé la permission.

_ Tu peux pas y aller seule, ça serait complètement stupide.

Je soupire.

_ Elle ne sera pas seule.

Zack s'avance un peu plus pour se retrouver à mes côtés. Je ne m'attendais pas à son intervention, je ne doutais pas de la bienveillance de ce Particulier mais je ne pensais pas qu'elle irait jusque là. Où est-ce une question de loyauté ? Peu importe, il va m'aider.
Je détache mes yeux de Zack pour regarder de nouveau Mark.

_ Je ne forcerai personne à venir, mais s'il y a des volontaires je les prends. C'est notre seule chance de les retrouver.

Mark soupire et jette des regards aux autres, espérant que quelqu'un sache comment me faire changer d'avis. Malheureusement, ça n'est pas possible, je suis déterminée à les retrouver, à le retrouver. Tout ceci est ma faute, si je n'étais pas entrée dans la vie de Caleb tout ça ne se serait pas passé.

Il m'a fait voir des choses que je ne connaissais pas, il m'a montré un monde qui m'étais inconnu, il m'a apporté la vérité.
Et sans que je puisse le décider ou même le prévenir, je suis tombée amoureuse. Dans un sens ce n'est peut-être pas le cas, parce qu'après tout, je ne sais absolument pas ce que c'est exactement, l'amour, aussi complexe que le monde dans lequel nous vivons. Notre histoire ressemble à une tragédie...

C'est peut-être perdu d'avance.
Mais je ne suis pas prête à laisser tomber.

Que ça soit pour Caleb ou les autres, je me dois de n'abandonner personne. J'ai fait ce que mes parents voulaient que je fasse, mais je ne peux me contenter de cela.
Il faut qu'on fasse plus. Si un jour on veut espérer un monde meilleur, tout le monde doit faire plus.

_ Peu importe ce que vous direz, il est temps d'aller les chercher, soufflé-je.

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