Chapitre 41

Cette nuit fut des plus dures. Malgré nos sacs de couchage, le froid se frayait un chemin sous la combinaison, et le sol dur, couvert d'une fine couche de neige n'a rien arrangé.
Nous avons rapidement repris la route vers la Cellule.
Je me sens tellement mal, je n'arrive pas à réfléchir correctement et mon côté rationnel m'abandonne complètement. Le pire dans tout ça, c'est que la chose qui me met le plus dans cet état, c'est ma situation avec Caleb. Ce n'est absolument pas logique, je devrais être mal pour ce que je suis sur le point de faire, et non pour lui. Mais le voir faire comme si je n'existais pas c'est pire que tout.
Malgré ça, je me demande encore ce que je vais bien pouvoir dire à la Cellule, je dois marquer le coup.
Du coin de l'œil, j'observe Caleb, encore accompagné de Diane. À cet instant je ne comprends pas pourquoi ma colère se déverse sur cette jeune femme, ce n'est pas elle qui a causé cela, et pourtant je n'arrive pas à faire disparaître ce sentiment.

_ Pas trop stressée ? Me demande Thomas.

Mon ami me sort de mes rêveries, je tourne les yeux vers lui.

_ Non, ça va.

Un sourire moqueur se place sur ses lèvres.

_ Diane et Caleb se connaissent depuis longtemps, ils étaient dans le même refuge avant de venir ici, me raconte Thomas. Ils sont bons amis, pas plus, du moins pour Caleb.

Je pense que ça se voit que cette fille est raide dingue de lui. Et ça m'énerve encore plus.

_ Pourquoi tu me dis ça ?

_ Parce que je pense que si tu avais eu des flingues à la place des yeux, Diane serait morte. Tu es jalouse, rigole t-il.

_ Pas du tout ! Il fait ce qu'il veut, après tout, bafouillé-je.

Le regard de mon ami pèse sur moi, un sourire railleur toujours aux lèvres. Il a raison. Je suis simplement jalouse. Je soupire.

_ T'inquiète pas, me rassure mon ami.

Je lui souris doucement. Je devrais me concentrer sur ma mission, c'est tout ce qui importe actuellement.

***

Le soleil est bien haut dans le ciel, la Cellule est enfin dans notre champ de vision. Mon cœur bat à tout rompre. On y est.

_ Ne t'inquiète pas Adelia, fait alors mon jumeau. J'ai lu le dossier et je serai là pour intervenir aussi.

Je hoche la tête, incapable de manifester une autre réaction. Nous sommes cachés dans la forêt face à la Cellule et nous attendons qu'on vienne nous chercher pour y aller. Physiquement je suis prête, mes vêtements de civil me feront passer inaperçu, le dossier caché dans ma veste, un couteau dissimulé dans ma botte, je n'ai aucune autre arme. Je vais devoir me débrouiller. Le stress est presque insoutenable, ma respiration lourde, j'ai l'impression d'être enfermée dans un endroit confiné, sans aucune possibilité de sortir. Heureusement que Lucas et Liam m'accompagnent.

_ Il va pas falloir que vous fassiez les cons, parce que si il y a un problème, on pourra pas venir vous chercher, nous précise Killian.

Comme si on le savait pas. Il me stresse encore plus, Killian est du genre à suivre les règles à la lettre, sans aucune exception, très strict.
Le silence retombe, personne ne parle, qu'est-ce qui va se passer après ? Mes yeux croisent les yeux vairons de Caleb, il détourne les yeux, la mâchoire serrée. Il est tendu. Et sa réaction me fait mal. Pourtant, c'est maintenant que j'aurais besoin de lui.

_ Vous savez ce que vous allez dire ? Demande Caroline.

Je tourne les yeux vers elle. Je n'en ai absolument aucune idée. Je regarde mon meilleur ami et mon frère, qui ne savent pas quoi répondre.
Personne n'a le temps de dire quoi que ce soit, un homme surgit devant nous. Avant qu'on lève nos armes vers lui, il lève les mains en l'air.

_ C'est lui, résonne la voix de Caleb.

L'homme face à nous ne semble pas bien âgé, ses longs cheveux bruns tombent sur ses épaules, tandis qu'il garde une posture imposante, son visage est doux.
Caleb passe entre moi et Liam pour pouvoir aller jusqu'à lui. Ils se serrent la main.

_ Heureux de te revoir, Caleb.

Il acquiesce avant de se tourner vers nous.

_ Harold, fait Caleb, je te présente Liam, Lucas... (son regard se pose sur moi) et Adelia. C'est eux que tu dois faire entrer.

_ Ravi de vous connaître. Mais nous avons un problème.

_ Lequel ? Interroge Caleb.

_ La garde a été renforcée, plus que ce qui était prévu. Je ne peux faire entrer qu'une personne.

_ C'est n'importe quoi ! S'exclame Liam.

_ C'est trop risqué de faire entrer qu'une personne là dedans, argumente Zack.

Alors que mes camarades débattent sur une solution possible, malgré les protestations de Harold, ils semblent bien décidés à ne pas faire entrer qu'une seule personne. Mais il est hors de question qu'on fasse demi tour, je refuse cette possibilité.
Je pose mes yeux sur Lucas et Liam, qui écoutent attentivement le débat en intervenant de temps en temps. Zack, Killian, Elliot, ainsi que Thomas et Caroline s'emportent, absolument pas d'accord avec ce que Harold a dit.
Mais on perd du temps. Je croise les bras contre ma poitrine, je peux sentir le dossier contre mon thorax.

Je relève les yeux qui se plongent dans le regard vairon de Caleb. Celui-ci me regarde fixement, ses bras croisés sur sa poitrine, je n'avais jamais vu une expression aussi sérieuse sur son visage. Il contracte de temps en temps la mâchoire, il semble en proie à la colère.

Mon cœur bat tellement vite, je suis presque sûre que les Particuliers peuvent l'entendre. Je suis prisonnière d'une angoisse insoutenable, c'est horrible. Je ne dois pas rester bloquée sur place, il faut agir. Mes parents sont morts sans parvenir à transmettre ces informations, c'est ma responsabilité aujourd'hui.
Je lève les yeux vers Harold, brisant le lien avec Caleb, je prends une grande inspiration.

_ Je vais y aller.

Tous les regards se posent sur moi, leurs expressions mènent à croire qu'ils me prennent pour une folle. Ce que je suis probablement. Mais on n'a pas le temps de penser au danger, on ne peut pas.

_ Tu es complètement folle, assure Zack.

_ Tu n'y vas pas seule, c'est du suicide, rajoute mon frère.

_ Il a raison, appuie Liam.

_ Si tu vas dans la Cellule seule c'est pas sûr que tu reviennes, s'inquiète Caroline.

Je soupire doucement. Je sens mon angoisse se transformer peu à peu en adrénaline.

_ Peut-être bien. Mais le temps qu'on prend pour se décider, c'est le temps qu'il faut au Gouvernement pour tuer ou torturer des personnes innocentes, commencé-je. Alors je sais pas vous, mais moi j'en ai marre de rester là sans rien faire, sachant qu'on peut arrêter ça.

Il y a un léger silence, ils se regardent entre eux, se demandant encore si c'est une bonne idée.

_ Je pourrais y aller, intervient Lucas.

Je me tourne vers lui et secoue la tête.

_ Non, tu réfléchis pas assez, tu te ferais tuer en cinq minutes, plaisanté-je.

Un rictus se forme sur le coin des lèvres. Je m'approche de lui.

_ Sérieusement Lucas, c'est moi qui ai commencé tout ça, c'est à moi de le terminer. Fais moi confiance.

Il ferme les yeux en soupirant fortement. Je sais qu'il est contre, mais il sait qu'il me fera pas changer d'avis.

_ Tu es complètement cinglée, dit-il en me prenant dans ces bras.

Je le serre contre moi avant de me séparer de lui, je lui souris et me tourne vers mon meilleur ami, je le prends dans mes bras, il répond à mon étreinte.
Je me sépare de lui et me dirige vers Harold, je jette un dernier regard à mes amis et fais signe à Harold que je suis prête.

Alors, je suis brusquement arrêtée dans ma course par une main qui s'enroule autour de mon poignet, me retournant rapidement. Caleb. Ma respiration s'arrête, ses yeux inquiets me scrutent, comme s'il me suppliait de ne pas y aller. Mais il ne dit rien, je suis absorbée par son regards, si douloureux. Son regard me fait mal.

_ Je reviendrai, Caleb.

Je me défais doucement de sa prise, et sans regarder une nouvelle fois ses yeux, je me remets à marcher lui tournant le dos, le cœur brisé.

Je dois me concentrer.

Harold marche silencieusement, je le suis de près. Il s'arrête au bout de quelques mètres, toujours au milieu de la forêt, il s'agenouille au sol, et tire sur une poignée. Une trappe s'ouvre.

_ Ce tunnel mène à l'intérieur de la Cellule.

Je hoche la tête et m'approche de l'ouverture. Je descends prudemment l'échelle, jusqu'à ce que mes pieds se posent sur le sol.
La pénombre du tunnel est presque effrayante, les parois sont humides et le bruit de ma respiration résonne.
Harold me rejoint rapidement, une lampe torche à la main et me fait signe de le suivre.

_ Je peux te poser une question ? demande Harold, mal assuré.

_ Oui bien sûr.

_ Pourquoi tu fais ça ? Mark m'a dit tous ce que tu as fait pour les Particuliers.

_ Pourquoi toi tu le fais ?

_ C'est différent, je ne pense pas que j'aurais eu le courage de m'interposer, j'ai beaucoup trop à perdre.

Je hoche simplement la tête, écoutant attentivement.

_ Je comprends, moi aussi j'ai beaucoup à perdre... mais mes parents sont morts pour ça, et je peux pas fermer les yeux là dessus.

_ Tu es courageuse.

Il me regarde et sourit doucement. Il a l'air d'être quelqu'un de bien.
Dans mon champ de vision, je peux déjà voir une porte.

_ On y est, déclare t-il.

On arrive à la hauteur de la porte, mon cœur bat de plus en plus vite. Il me regarde attendant ma confirmation que je lui donne avant d'ouvrir prudemment la porte. Elle s'ouvre dans un grincement strident, la lumière du jour éclaire enfin le tunnel. Il regarde des deux côtés avant de me faire signe de le suivre.
Nous débouchons dans une petite ruelle, complètement délabrée. Nous continuons de marcher, j'enfonce mes mains dans mes poches, essayant d'être le plus décontractée possible. Je dois paraître pour l'un des leurs.

Mes yeux détectent au loin une femme assise sur le sol, un enfant dans les bras. Son visage sale et désespéré se tourne vers moi. Comment en est-ce arrivé ? Cette femme et son enfant ne sont pas les seuls. Cette image me donne la nausée.

_ Le Gouvernement a décidé d'ignorer la pauvreté qu'il y a ici, ceux qui ont essayé de protester l'on vite regretté.

Je déglutis. Comment ont-ils pu ? Il est temps que tout ça s'arrête. La colère a pris le dessus sur le stress.

Nous sortons finalement de la rue, il n'y a presque personne, ils sont probablement tous rassemblés dans le centre. Mais je peux déjà apercevoir quelques soldats dans les rues. Harold attrape ma main et me tire plus loin. Je souffle doucement, je ne dois pas paniquer.
Nous arrivons sans difficulté au centre, le rassemblement est immense, des milliers de personnes. Un représentant est sur une estrade, faisant son discours, les gens ici n'en ont clairement rien à faire.

_ C'est à toi de jouer, bonne chance.

Je souffle doucement et lui souris en guise de remerciement. C'est maintenant. Je m'avance vers la masse de gens, bousculant au passage quelques personnes, le cœur battant à vive allure. Je me place au centre, et prends une profonde inspiration.

_ Depuis la création du Gouvernement, commence la femme sur l'estrade, le monde vit dans un idéal de paix, plus de lutte avec les Particuliers, que nous surveillons de très près pour éviter une autre guerre. Dans le respect, nous veillons tous les jours à votre sécurité et le bien être des Cellules. Tout ça ne serait évidemment pas possible sans votre collaboration et le Cort, c'est pour ça que nous tenons à tous vous remercier.

Personne ne parle. Je déglutis. C'est à moi. Alors j'ouvre ma veste et en sors le dossier.

_ Et qu'est-ce que vous faites des milliers de Particuliers torturés et tués ? tonné-je.

Tous les yeux se posent sur moi. Je ne dois pas m'arrêter.

_ Qu'est-ce vous faites des hommes et femmes exécutés pour avoir osé s'interposer ? Depuis le début vous ne faites que mentir sur vos intentions, et vous tuez ceux qui s'opposent à vous.

La femme ne sait plus où se mettre, elle me regarde avec haine mais aussi avec peur, je vois les gardes s'agiter. Je reprend pas respiration le cœur battant vite.

_ Tous ça pourquoi ? Parce que vous avez peur. Pourtant les Particuliers ne sont qu'une évolution de l'espèce humaine.

Je lève le dossier en l'air en regardant la foule, la respiration haletante.

— J'ai ici toutes les preuves nécessaires, si nous ne réagissons pas, on pourra bientôt qualifier ça de génocide.

J'attrape les feuilles du dossier, et les lance en l'air sans plus d'hésitation. Les preuves s'éparpillent dans la foule, tout le monde doit savoir. Je vois les gardes pousser la foule pour venir jusqu'à moi. Je suis dans la merde. Je ne vais pas réussir à m'échapper à temps.

Soudain, la foule s'interpose formant un mur face à moi. Ils me donnent le temps de partir.

_ Cours, me dit une vielle femme.

_ Merci, dis-je, la respiration saccadée.

Les gens me laissent passer pour que je puisse partir. Une fois sortie de la foule, je cours dans les rues de la Cellule, mais je suis rapidement repérée. Je serre les dents, entendant déjà les soldats hurler derrière moi.

_ Rattrapez là !

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