Chapitre 35
On est pris au piège. Là, maintenant, je ne vois pas comment nous pourrions sortir de cette situation. Rien que d'imaginer ce qu'ils nous feront s'ils nous amènent au Cort me donne la chair de poule. Ils sont une dizaine de soldats autour de nous, on est quatre. La probabilité qu'on s'en sorte est très faible, mon père disait toujours que même dans les situations les plus compliquées, il y avait toujours un moyen de s'en sortir, il suffit de se montrer plus malin.
Caleb tient toujours fermement ma main dans la sienne. Il faut que je nous sorte de là. Leurs armes sont pointées vers nous, même si on réussit à être plus rapide, attaquer en premier serait stupide. La seule chose que je vois maintenant, c'est la négociation. Mon cœur se contracte de plus en plus. Je lâche la main de Caleb et commence à m'avancer. Rapidement celui-ci me retiens par le bras. Je me retourne vers lui.
_ Qu'est que tu fous ? Demande t-il durement.
Il est inquiet, et commence à s'énerver à cause de la tension. Raison de plus pour agir vite, je sens qu'il va rapidement perdre le contrôle.
_ Fais moi confiance.
Il me regarde sans rien dire, la mâchoire contractée, les veines de son cou ressortent, il lutte pour garder le contrôle. Je me dégage rapidement de son emprise et avance vers Jackson. Mon jumeau fronce les sourcils, mon meilleur ami serre son arme, prêt à intervenir. Je me plante devant Jackson.
_ Si je viens avec toi, tu les laisseras partir ?
_ Tu es folle Adelia ! crie mon frère.
Je ne dois pas me laisser emporter par mes émotions. Je dois rester détachée, je dois essayer. C'est à moi d'assumer l'entière responsabilité de la situation, c'est moi qui les ai entraînés là dedans, alors oui je suis prête à me sacrifier pour eux. Jackson rit d'un air moqueur.
_ Et qu'est-ce que j'y gagne à ne ramener que toi ? Nous avons ici quand même trois traîtres et un Particulier.
_ Si tu me ramènes moi, je peux te garantir que tu rentreras au Cort en vie.
Il déglutit, un sourire s'étend sur mes lèvres.
_ En revanche, poursuis-je d'une voix assurée, si tu persistes à vouloir nous ramener tous, je ne suis pas sûre que vous tiendrez longtemps. Parce que comme tu l'as dit, nous sommes trois traîtres, et un Particulier. J'ai réussi à échapper au Cort durant des semaines, et vous n'avez aucune idée de ce que les Particuliers sont capables de faire.
Un silence s'abat. Les soldats se regardent entre eux, sans réellement savoir quoi faire. Jackson fait signe à deux soldats, qui s'avancent vers moi, des menottes en mains. Le premier se poste derrière moi pour pouvoir m'attacher les mains, le second pointe son arme contre ma tempe. Mon cœur s'accélère, et je prends une profonde inspiration.
Mais la seconde d'après, les deux soldats sont propulsés plusieurs mètres plus loin. Je fronce les sourcils, personne ne semble savoir ce qui se passe. Un bras s'enroule autour de ma taille, et me ramène fermement contre le torse de Caleb. Je lève les yeux vers lui. Le regard noir, les poings serrés, je sens sa respiration irrégulière, son cœur bat tellement vite.
_ Par contre moi, je peux vous garantir que si vous l'emmener, je vous tue, crache-t-il aux soldats.
Ces derniers reculent, les paroles et la voix de Caleb feraient peur à n'importe qui. Ils resserrent tous leur emprise sur leurs armes, prêts à tirer. La tension monte, je tourne la tête vers mon frère et mon meilleur ami qui ont aussi dégainé leurs armes.
_ Si c'est pas maintenant, ça sera plus tard. On finira par la trouver, promet Jackson.
Je déglutis, et serre la mâchoire. Puis d'un coup, je vois tous les soldats se plier en deux en lâchant des cris brefs. Presque écroulés, ils commencent à se tordre de douleur sans aucune raison apparente. Je secoue la tête, le cœur battant. Du sang s'écoule alors de leurs yeux, et de leurs nez, je regarde Jackson qui souffre du même mal. Quelques gémissements de douleur sortent de leurs bouches puis ils finissent par tout tomber au sol dans un même mouvement brusque. Ils sont morts. C'est exactement ce genre de situation que je voulais éviter. Je me sens coupable de me sentir soulagée, ils sont morts, mais je me sens mieux. Je lève les yeux vers Caleb, la gorge sèche. Visiblement, ses capacités sont bien plus redoutables que ce que je pensais. Il les a tous tué sous un coup de colère, il est évident qu'il a encore du mal à contrôler ses pouvoirs, ce que je savais déjà, mais je ne le pensais pas aussi fort. J'ai le cœur qui tambourine dans ma poitrine, ma respiration s'est coupée. Je ne voulais pas que tous ces gens meurent.
Je me sépare de Caleb, le regard perdu sur les corps sans vie autour de nous.
_ Adelia..., m'appelle le Particulier.
Il sonne paniqué, désespéré, comme s'il avait peur de ma réaction. Mais je ne sais pas ce que je dois faire. Le plus raisonnable serait de fuire, c'est ce que toute personne sensée ferait, sauf que mes sentiments m'empêchent de le faire.
_ T'approche pas d'elle, grogne alors Liam.
Je me retourne, il tient l'avant bras de Caleb, qui voulait s'avancer vers moi. Je veux pas d'une deuxième crise, je sais que Caleb ne me ferait jamais de mal volontairement.
_ C'est bon Liam lâche le.
Mon meilleur ami me regarde comme si j'étais devenu folle, je le suis sûrement.
_ Mais tu as vu ce qu'il vient de faire ?!
_ J'ai confiance en lui.
Mes yeux vont chercher ceux de Caleb, il culpabilise, je le vois. Liam le lâche finalement, il s'avance vers moi prudemment.
_ Je suis désolé Adelia... Je n'ai pas réussi à me contrôler... Je voulais pas faire ça je te le jure, murmure t-il.
Sa voix est devenue soudainement si fragile, si peureuse. Je souffle doucement et passe ma main dans mes cheveux, je sais qu'il est sincère et qu'il ne voulait pas les tuer. Le problème, c'est que ça va nous attirer encore plus de problèmes, mais je ne compte pas l'abandonner.
_ Je sais Caleb...
Il me sourit tristement, soulagé de ma réponse mais visiblement toujours tracassé. Et soudain, il redresse d'un coup la tête, alarmé.
_ Il y en a d'autres qui arrivent. Il faut partir.
Nous hochons tous la tête et nous mettons à courir dans la direction opposée. S'ils nous attrapent, on est mort.
Courir dans la neige est loin de ce qu'il y a de plus pratique, ça nous ralentit considérablement, je peux maintenant entendre les soldats. C'est oppressant, je manque d'air à chaque minute qui passe. Caleb est obligé de ralentir son allure pour ne pas nous perdre. Liam et Lucas sont à l'arrière, une arme à la main, prêts à tirer à la moindre alerte.
Mes pieds se stoppent brusquement lorsque que trois soldats nous font face, on est foutus. J'ai l'horrible impression que mon cœur s'est arrêter, il ne faut pas que je panique. Mais les soldats regardent dans le vide, et continuent d'avancer sans nous regarder, comme s'ils ne nous voyaient pas. Je fronce les sourcils, c'est étrange. Je regarde mon frère et mon ami qui sont tout aussi perdus. Caleb, lui, semble moins surpris.
Quelqu'un surgit derrière moi, je pointe automatiquement mon arme vers lui. C'est Thomas.
_ Venez, il y en a d'autres qui se ramènent.
Je souffle, soulagée, c'est lui qui nous a camouflés des soldats.
_ Merci, Tommy.
Il me sourit et nous demande de le suivre. Nous reprenons une course à travers la forêt mais à peine quelques mètre plus loin, nous faisons de nouveau face à d'autres soldats. On ne pourra pas y échapper. Mon corps est immobile, je contrôle ma respiration, même si les battements de mon cœur sont irréguliers. Je jette un coup d'œil à Caleb, il les regarde avec haine. Il est hors de question qu'il fasse une autre crise, je dois agir avant. Ils pointent leurs armes sur nous.
_ Lâchez vos armes !
Je passe discrètement ma main dans le dos de mon frère, il me jette un coup d'œil mais ne laisse rien paraître. Il a compris. J'attrape une de ses armes blanche, je lui fais un signe de la tête, il ne bouge pas.
_ Toi là ! me crache un soldat. Qu'est-ce que tu caches dans ton dos ?!
Il n'aura pas le temps de le savoir. Avant même qu'il ne puisse dire autre chose, je lance la lame dans l'épaule d'un des trois soldats. Il grogne de douleur, les deux autres choqués le regardent une fraction de seconde, assez pour me laisser le temps de prendre mon arme et de tirer. Il me suffit de trois coups, j'ai à peine eu le temps de voir leurs visages paniqués j'avais déjà tiré, ils tombent au sol, paralysés.
_ Putain Adelia, jure Thomas.
_ On y va.
Je me lance dans une démarche rapide, suivie des autres. Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Je sais qu'il y a encore d'autre patrouilles, mais on ne pourra pas en venir à bout sauf si Caleb perd encore le contrôle. Mais ce n'est pas ce que je veux, et je sais qu'il ne le veut pas non plus. Nous nous enfonçons un peu plus dans la forêt, je sens le regard brûlant de Caleb se poser sur moi de temps en temps. Soudain, Caleb et Thomas s'arrêtent nous obligeant à les imiter. Il y a quelque chose de louche. Mon ami semble paniqué, Caleb énervé.
_ Ce sont des voitures, putain, courez ! S'exclame alors Thomas.
Ils ne nous en faut pas plus pour repartir à toute vitesse. Je peux entendre maintenant le moteur des véhicules qui se rapprochent de plus en plus de nous. Chaque instant qui passe semble interminable. La respiration haletante, mon cœur menace de sortir de ma poitrine et mes douleurs musculaires rendent ma course plus difficile. Mais je ne dois rien lâcher. Caleb et Thomas courent devant nous, ensuite mon frère et Liam, moi la dernière. Évidemment. Je ne suis pas la plus douée en course. Je les vois s'éloigner de moi un peu plus à chaque mètre que je parcours.
Les voitures sont de plus en plus proches, leur bruit et de plus en plus fort et précis, il y en a plusieurs, je dirais au moins trois. C'est comme si la mort était derrière moi. Elle me nargue parce qu'elle va m'avoir, elle en est persuadée. A coté, je suis une petite chose insignifiante, qu'il lui suffit de prendre. L'angoisse est de plus en plus présente, ralentissant mon allure. Je ne dois pas me laisser avoir, mais je suis tellement épuisée...
Un coup de feu retentit, et je laisse échapper un cri de surprise quand la balle atterrit à quelques mètres de moi. Ils nous tirent dessus. Je suis vraiment morte, en plus je ne vois plus les garçons. Mais où ils sont ? Ma vue se trouble, j'ai de plus en plus de mal à respirer, mon cœur me fait mal. J'ai peur, je suis terrifiée. J'ai l'impression d'essayer désespérément d'échapper à leur fouet, tout en sachant que je finirai quand même comme la dernière fois, fouettée.
Je vous en prie, pas ça. Et s'ils finissent par attraper les autres, ça serait pire. Non, pas ça...
Un autre coup de feu résonne derrière moi et une douleur aiguë se propage rapidement dans ma cuisse. Je m'écrase au sol en étouffant un cri. La tête la première, ma vue est complètement troublée, ma respiration est courte. Je grogne de douleur en me tournant légèrement sur le dos pour mieux voir l'état de ma jambe. Le sang s'écoule abondamment de ma cuisse, la douleur est horrible. Je serre les poings et les dents. Je dois me relever. Je prends une grande bouffée d'air frais, je ne parviens pas à me calmer. Je me suis laissée emparer par la peur.
Une voiture s'arrête devant moi. Des soldats sortent, armes en mains, toute braquées sur moi. C'est fini pour moi. Je n'ai jamais réellement pensé à quand ou comment je pourrais mourir, et face à l'inévitable, je suis terrassée. La seule chose qui me rassure c'est que les autres sont en vie. Je me retourne pour pouvoir ramper sur le sol en ignorant ma douleur, aussi désespérée que ce soit. Je m'accroche à la vie, ne serait-ce que le temps d'un instant. Je ne veux pas mourir, je veux encore pouvoir profiter de mes frères et mes amis. Et vivre plus de choses avec Caleb. Car si je meurs maintenant, je n'aurais pas pu lui dire que je l'aime.
Un des soldats m'attrape et me retourne brutalement sur le dos, ma douleur se propage plus intensément, j'ai l'impression qu'on m'arrache ma jambe. La neige est maintenant maculée du rouge de mon sang.
Le cœur battant à s'en déchirer, je fais face à l'arme du soldat. Son arme n'est pas sur le mode paralysant.
_ Quel gâchis, marmonne-t-il.
Ma respiration se coupe, mes yeux se remplissent d'irrépressibles larmes. Je dois rester forte jusqu'au bout. Son doigt se pose sur la détente. Je ferme les yeux, attendant qu'il tire, les oreilles bourdonnantes.
Mais rien.
J'ouvre alors les yeux et le vois désarmé, il ne semble pas comprendre ce qui se passe. Une personne surgit de derrière moi et l'attaque par le cou. Caleb. Tous ses muscles sont tendus, les veines de ces bras ressortent, il jette le soldat comme une vulgaire poupée de chiffon. Les autres soldats paniqués n'ont pas le temps d'intervenir, ils les envoient vaciller aussi.
Je suis envahie par le soulagement, et la seule chose que je veux c'est qu'il me prenne dans ses bras. Mon Particulier pose ses yeux sur moi, le visage peint d'inquiétude, de panique mais aussi de colère. Mon cœur bat déjà plus tranquillement. Il se baisse rapidement vers moi, sa main sur ma joue il m'inspecte dans les moindres détails. Il baisse les yeux vers ma blessure, sa mâchoire se contracte.
_ Je vais les tuer...
Il va perdre le contrôle, je le sens. Je pose mes mains sur ses joues et le force à me regarder. Je lui souris doucement, essayant de le rassurer.
_ Fais pas ça Caleb, s'il te plaît... on peut juste partir...
Il soupire et regarde une dernière fois les soldats avant de passer un bras dans mon dos puis l'autre sous mes genoux. La douleur frappe de nouveau, je gémis en grimaçant.
_ Je suis désolée Adelia...
Je passe mes bras autour de son cou où je laisse ma tête tomber lourdement.
_ Arrête Caleb, ça n'est pas de ta faute...
_ J'aurai dû être là plus tôt... je supporte pas qu'on te fasse du mal... souffle t-il près de mon oreille.
Mon corps frissonne. Je ne veux pas qu'il culpabilise pour ça.
_ Tu es là maintenant, c'est le plus important.
Il accélère le pas, sans que je sache où il va.
_ Ou sont mon frère, Liam et Thomas ?
_ Je leur ai dit de continuer, j'ai réussi à les convaincre que je te retrouverais. T'inquiète pas pour eux Ad'.
Je hoche tout simplement la tête. Je ne peux pas m'arrêter de m'inquiéter. Les paupières lourdes, je ferme les yeux, toujours agrippée au cou de Caleb, je me sens bien.
_ T'endors pas Adelia, dit sévèrement le Particulier.
J'ouvre difficilement les yeux, et hoche la tête pour lui confirmer que je suis bien consciente. Pourtant, j'aimerais bien me laisser aller. Caleb prend de la vitesse, il court en me tenant fermement dans ses bras.
_ Reste avec moi.
Je hoche de nouveau la tête et resserre ma prise sur lui. Caleb ralentit et entre dans une petite grotte. Le silence est apaisant, pas de soldats. Le Particulier me pose doucement sur le sol, mais je ne peux retenir une grimace de douleur. Son tee-shirt est imbibé de sang, mon sang. Je me sens si faible, ma perte de sang en est la cause. Caleb pose sa main sur ma blessure, une agréable chaleur se propage qui fait progressivement disparaître ma douleur. Puis il retire sa main. Il n'y pas plus de blessure. La balle entre les doigts, il la laisse tomber sur le sol. Son regard croise finalement le mien.
_ Pendant un moment j'ai cru qu'ils t'avaient eu, et j'ai imaginé rien qu'une seconde qu'ils t'avaient tuée... j'ai jamais eu aussi peur de ma vie, Adelia.
Mon cœur se serre, mais se met à battre plus vite. Savoir qu'il s'inquiète pour moi autant que je m'inquiète pour lui me réchauffe le cœur. Je ne peux même pas l'imaginer mort. Je me rapproche un peu plus de lui, toujours assise sur le sol, lui à genoux. Il pose son front contre le mien, mes yeux se ferment. Mon cœur bat la chamade, son souffle chaud s'écrase contre mon visage. Ses mains encadrent mes joues, mes mains viennent agripper son tee-shirt au niveau de ses côtes.
_ Tu ne peux pas mourir, Adelia... chuchote-t-il. Ne me laisse pas...
Comment je pourrais promettre une telle chose ? C'est impossible. Mais sa voix est brisée, et à cet instant, Caleb semble si fragile, si vulnérable. La seule chose que je veux c'est le protéger, le rassurer.
_ Je te le promets, je ne te laisserai pas.
Caleb écrase ses lèvres sur les miennes. Elles s'emboîtent parfaitement avec les miennes, nous plongeant dans un baiser passionné mais désespéré. Comme la première fois, je ne veux pas me séparer de ses lèvres, mon cœur bat la chamade et la seule chose que je veux c'est arrêter le temps. Je comprends maintenant la complexité de ce sentiment aussi merveilleux soit-il, qui n'est autre que l'amour.
Il se sépare doucement de mes lèvres, mes yeux s'ouvrent sur le Particulier. Il relève la tête pour pouvoir me regarder, et continue de caresser mes joues sans rien dire. Nous sommes juste là, tous les deux assis ici, et pendant quelques instants, nous oublions le monde.
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