Chapitre 33
Chaque minute de chaque jour de ces dernières semaines m'a parue interminable. Le temps s'écoule trop lentement et la douleur se fait ressentir à chaque instant un peu plus dans toutes les cellules de mon corps. Et je n'ai aucun moyen de l'atténuer. Les seuls moments où la douleur me semblait moins pénible c'est avec Thomas et Caroline, et le seul jour où j'ai pu revoir mon frère, Liam et Maélis. Sinon, c'est horrible, j'ai l'impression qu'on m'inflige une incessante torture. Je veux que ça s'arrête. Caleb m'ignore, j'ignore Caleb. On fait tout pour s'éviter et ça fait maintenant deux semaines que ça dure. Son absence est douloureuse à supporter, j'aimerais pouvoir aller vers lui, mais je n'y arrive pas. Pourtant, la seule chose que je veux plus que tout maintenant, c'est être avec lui.
De plus, je ne cesse de m'inquiéter pour mes frères, surtout Léo, je n'ai aucune idée de ce qui passe pour lui.
Pendant ces deux semaines, Mark a tenu à ce que je suive un entraînement plus poussé donc je me confrontais à leur super force. Évidemment ce n'est pas une grande réussite. Le Cort a doublé son effectif au Canada, depuis les récents événements, je vais avoir de plus en plus de mal à voir mon frère et mes deux amis. Quand je n'étais pas aux entraînements, j'étais dans le chalet de Caroline, où elle m'a proposé de m'installer, je m'occupais avec les preuves que mes parents ont récolté.
Ces deux semaines ont été interminables. Je suis épuisée moralement et physiquement.
Je vais rejoindre Thomas dans l'espace où se déroule les entraînements à l'opposé des habitations. Mes cheveux sont attachés, et je me suis habillée de simples vêtements pour mon entraînement, ce qui est le plus apparent se sont mes cernes sous les yeux. J'ai beaucoup de mal à dormir, mes nuits sont souvent dérangées par des cauchemars. J'ai déjà eu ces problèmes après la mort de mes parents, et en laissant le temps faire, ça a fini par se calmer, mais il faut croire que maintenant c'est de retour.
J'arrive à la hauteur de mon ami, il m'offre un grand sourire.
_ Tu as une sale tête.
_ Comme tu es perspicace.
Il rit doucement et me tend un bâton en bois.
_ Il est temps que toi et Caleb vous parliez, tu es complètement épuisée et de mauvaise humeur, et lui n'en parlons même pas, c'est à peine si on peut lui parler, souffle mon ami.
Il ne comprend pas que je peux pas aller lui parler. Je lui ai dit que je le détestais. Et puis ses paroles sont toujours dures à digérer.
_ Bon, on est là pour s'entraîner non ? marmonné-je.
Thomas soupire et tend son bâton vers moi, en guise de sabre. Je fais la même chose. Nos bâton se percutent durement l'un contre l'autre et, ça continue comme ça pendant de longues minutes. Je suis douée avec un sabre, même face à un Particulier. Mais rapidement Thomas réussit à me donner un coup dans le ventre, je tombe au sol. Mon corps entier est épuisé, j'ai mal partout et ma tête ne cesse de tourner. Mon ami s'accroupit rapidement vers moi.
_ Tu vas bien ? S'inquiète t-il.
Je me redresse doucement sur mes jambes avec l'aide de mon ami.
_ Ça va t'inquiète pas, soufflé-je.
_ Tu as mangé quelque chose se matin ?
Je hoche négativement la tête. Je l'entends marmonner avant de me prendre le bras et de me tirer avec lui. Il me traîne jusqu'à ce que je suppose être son chalet. Thomas m'a vaguement expliqué que des livraisons clandestines pour les Particuliers se faisaient à la frontière, de la nourriture, des médicaments, des vêtements, des armes, absolument tout. Évidemment par moment ils n'arrivent pas à les réceptionner.
Mon ami me pousse à l'intérieur et me force à m'asseoir sur une chaise. Il sort une boîte de conserve qu'il vide dans une assiette avant de la faire chauffer. Ça me donne encore moins envie de la manger. Il revient avec l'assiette dans les mains et la pose face à moi. Des graines. Je souffle doucement, attrape ma fourchette et commence à manger sous le regard attentif de mon ami.
_ Tu ne dois pas négliger ta santé Adelia, il soupire.
_ Je te promets que ça n'était pas mon but, j'ai juste oublié...
_ Oublié de manger, sérieusement Adelia ?
Je hausse simplement les épaules. J'ai tellement de choses à l'esprit, je n'arrive pas à me concentrer sur une seule chose. Tout se bouscule, entre mon inquiétude pour mes frères, mon entraînement, le dossier que je dois rendre public et Caleb, j'ai l'impression d'étouffer par moment. J'ai l'impression d'être faible. Ce n'est pas ça qu'on m'appris. On m'a toujours appris à garder mon sang froid, à ne pas mélanger mes émotions et mes sentiments dans tout ça. Mais c'est exactement ce que j'ai fait avec Caleb. Comment après je suis censée gérer ça ?J'ai été trop stupide. Surtout que je ne sais pas ce que lui pense ou ressent.
_ Ça va s'arranger avec Caleb t'inquiète pas.
_ Mais il n'y pas que ça Thomas, soufflé-je. À cause de ce dossier mes frères, mes amis ne sont plus en sécurité, et je dois faire en sorte que tout s'arrête, je dois vous aider. Le problème c'est que je me sens pas à la hauteur... je ne suis rien, absolument rien, je fais pas le poids. Comment je pourrais espérer arriver à quelque chose ?
_ Adelia, tu n'es pas rien. Tu as eu le courage de faire ce que peu de personnes auraient fait.
_ Oui mais c'est pas suffisant. J'aurai jamais le cran de mes parents...
_ Je suis persuadé du contraire.
Je lève les yeux vers mon ami, il me sourit doucement et s'assied face à moi.
_ Tu n'es pas seule.
Je lui souris légèrement. C'est un très bon ami, heureusement qu'il là, j'aurais craqué depuis longtemps sinon. Je continue de manger doucement, mais la porte s'ouvre à la volée. Je me retourne avec surprise et vois Caroline entrer.
_ Adelia tu devrais venir, dit-elle avec urgence.
Je fronce les sourcils. Qu'est-ce qui se passe ? Je jette un coup d'œil à Thomas avant de me lever et de la suivre dehors. Caroline détient une marche rapide, elle m'inquiète. J'accélère le pas et nous rejoignons vite le chalet central. Elle ouvre la porte et me laisse entrer. Mes yeux rencontrent une paires d'yeux vairons, et mon cœur fait un bon dans ma poitrine. Mais Caleb détourne automatiquement le regard, son visage ne traduit rien. Rien du tout. J'ai mal, si seulement seulement il savait à quel point il me fait mal. J'aimerais pouvoir le secouer, le frapper lui demander quel est son problème, mais je suis figée. Il ne connaît pas la nature de mes sentiments, il ne peut pas savoir à quel point c'est douloureux, et si son visage traduit si peu d'émotion à mon égard, c'est que visiblement ce n'est pas réciproque. Je ne pensais pas que ça pouvais être si douloureux, et le poids de mon cœur ne cesse de s'alourdir.
_ Je veux rentrer chez moi, résonne alors une petite voix.
Je tourne la tête vers la provenance de cette voix. Elle m'est bien trop familière. Et soudain, je vois Anne sortir du bureau en poussant doucement un petit garçon. Sa touffe blonde, et ses yeux bleus gorgés de larmes, je le reconnaîtrais entre mille.
_ Léo, l'appelé-je d'une voix légèrement étranglée.
Ses yeux se posent sur moi, il semble si effrayé. Mon petit frère est là. Le soulagement pourrait me faire encore pleurer. Je m'avance rapidement vers lui et me baisse à ça hauteur pour le serrer contre moi. Ses petits bras passent autour des mes épaules où il pose sa tête, je l'entends sangloter doucement. Ça me brise le cœur. Mais mon petit frère est là, en sécurité. Je resserre mon étreinte, mes paupières se ferment, ma respiration tremblante, j'ai eu peur.
_ Je suis là, ne t'inquiète pas, lui chuchoté-je.
Je me sépare doucement de lui. Un sourire s'étire sur mes lèvres, j'essuie ses joues.
_ Où est-ce qu'on est Adelia ? me demande-t-il.
_ En sécurité.
Léo regarde autour de lui, il est perdu, il a peur je le vois. Mon rôle c'est de le rassurer, de le protéger.
_ Léo ? (il me regarde) Tu as confiance en moi ?
Il hoche positivement la tête.
_ Alors crois moi quand je te dis que tu ne risques rien.
Je lève les yeux vers Anne et la remercie d'un signe de la tête. Je prends la main de Léo et le tire doucement dehors.
***
Thomas a décidé de nous suivre jusqu'au lac. Assise sur le sol, j'observe mon petit frère juste à côté, qui a arrêté de pleurer depuis longtemps. Il n'a jamais été du genre à ses plaindre, ni à pleurer très longtemps. C'est un garçon intelligent, mes parents disaient souvent qu'ils avaient l'impression de me voir à cet âge.
_Donc ce sont tous des Particuliers ? veut-il timidement savoir.
_ C'est ça, mais tu n'as pas avoir peur, ils sont gentils, affirmé-je.
Je jette un coup d'œil à Thomas, qui est assis de l'autre côté de Léo. Je lui souris doucement.
_ Pourquoi tout le monde dit qu'ils sont dangereux alors ?
Je souffle doucement. Comment je vais expliquer ça à un petit garçon de sept ans ? Il est clair que je ne peux pas tout lui dire, il est bien trop jeune et je préfère le garder éloigné de tout ça pour le moment.
_ Parce que les gens ont peur, ils n'ont pas vu qu'en réalité c'étaient des gens biens, ils sont juste différents. Papa et maman l'avaient compris ça. Est-ce que c'est mal, tu penses ?
Mon petit frère semble réfléchir, ses yeux vont de Thomas à moi.
_ Non.
Je lui souris doucement et embrasse sa tête, alors qu'il reprend la parole.
_ C'est pour ça que maman et papa ne sont plus là ? Parce qu'ils savaient que les Particuliers étaient gentils ?
Je ferme un instant les yeux et souffle doucement. Si seulement tu savais Léo. Je ne veux pas lui faire de mal. Mais je ne peux pas lui mentir non plus.
_ En gros, c'est ça. C'est trop compliqué, mais je te promets de tout t'expliquer quand tu seras capable de comprendre.
_ Et quand je pourrai comprendre ?
Je souris doucement. Il est si impatient.
_ Pas maintenant.
Il râle, et un bruit attire alors notre attention. Je sursaute, et reste bouche bée. Face à nous se dresse un cerf. Les oreilles bien relevées, attentif, il nous regarde. Ils sont très rares, je n'en ai moi même jamais vu. On dit presque qu'ils ont disparu. Je tourne la tête vers Thomas, et le vois sourire doucement. C'est lui qui fait ça. Mon frère ouvre grand les yeux.
_ Je peux m'approcher ? S'excite-il.
Je hoche positivement la tête, et il se lève lentement pour caresser avec délicatesse l'animal, qui n'est qu'une illusion. Mais le sourire de mon petit frère me réchauffe bien trop le cœur.
_ Tu es rassurée ? s'enquiert Thomas.
_ Oui, le fait que Léo soit là me rassure vraiment .
Je souris à mon ami et regarde de nouveau mon frère. C'est sûr que je me sens bien mieux maintenant.
Soudain, Thomas tourne la tête vers l'arrière, et je fronce les sourcils en regardant à mon tour derrière moi. Caleb. Mon corps frisonne, mon cœur s'accélère une nouvelle fois, et les sentiments que mon frère avait réussir à me faire oublier refont surface brutalement.
_ Qui c'est ? demande mon frère.
Sauf que je n'arrive pas à rompre le contact visuel avec le concerné. Je me lève doucement sans lâcher ses yeux. Son regard est posé sur moi, ses yeux sont si clairs, et avec une telle intensité à la fois. Je pourrais m'y perdre. Deux semaines qu'il ne m'a pas regardée de cette façon, deux semaines où j'avais l'impression d'être transparente. Et maintenant, j'ai l'impression d'exister pleinement à nouveau. C'est comme si sans lui, je n'étais là qu'à moitié. Les battements de mon cœur sont douloureux, mes mains tremblantes, je n'ai plus aucun contrôle sur moi même.
_ Viens Léo, je vais te faire visiter, intervient Thomas pour nous laisser seuls.
J'entends mon frère marcher jusqu'à mon ami, il me lance un regard, puis à Caleb avant de nous quitter. J'ai la respiration coupée. Aucun de nous n'ose parler, il n'y a que le silence entre nous. Nos regards ne se décrochent pas. L'atmosphère est de plus en plus lourde. Je peux sentir la nervosité de Caleb et un sentiment que je ne connais que trop bien, la culpabilité. J'avale difficilement ma salive. Deux semaines c'est long, je pourrais encore me mettre à pleurer. Non, je dois pas craqué, c'est lui qui m'a poussé à dire que je le détestais. Pourtant, je me retiens de toutes mes force à ne pas lui dire ce que je ressens vraiment.
_ Je ne regrette pas Adelia, lâche-t-il alors, le ton tremblotant.
Sa voix, elle vibre dans l'air, mes jambes tremblent. Mon cœur menace de s'arrêter à chaque battement. Je t'en prie, ne t'arrête pas de parler. Je ne veux pas revivre ces deux semaines, je ne veux pas que se soit les derniers mots qu'il me dise.
_ Qu'est-ce que tu ne regrettes pas ?
Il brise finalement notre contact visuel pour passer sa main dans ses cheveux. Il est magnifique. Il prend une grande inspiration, et yeux brillants se plongent encore une fois dans les miens.
_ Je ne regrette pas de t'avoir rencontrée.
Depuis le temps que j'attendais qu'il me dise ces mots, mon corps, mon cœur semble reprendre de leur chaleur. Je respire le plus calmement possible. J'ai envie de pleurer, de sourire, de m'élancer vers lui, mais je ne bouge pas, paralysée par la nervosité. Je sais que quelque chose a changé entre nous.
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